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00:00Un peu plus d'une semaine seulement après la rentrée des classes, des profs et des parents d'élèves se mobilisent aujourd'hui, Anne.
00:06Oui, un appel à la grève est lancé dans les écoles pour dénoncer notamment la généralisation des évaluations nationales.
00:12Dans les collèges, pas de grève, mais là aussi la rentrée est difficile. Là, ça concerne le choc des savoirs.
00:17Gwenaëlle Pigot, bonjour.
00:19Bonjour.
00:19Vous êtes la principale du collège Simone Veil à Poisy, près d'Annecy, et vous êtes représentante syndicale,
00:25représentante en Savoie, du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale.
00:30On va peut-être d'abord brièvement rappeler ce que c'est cette réforme dite du choc des savoirs.
00:35Alors cette réforme à l'origine, c'était un package de plusieurs mesures.
00:40Et la dernière allocution de la ministre démissionnaire, madame Belloubet, l'a réduite en fait à une de ces mesures phares, qui sont les groupes de besoins.
00:48Donc l'idée, c'est de mettre en place dans chaque établissement, en sixième, en cinquième, en français et en mathématiques,
00:54un groupe à effectifs réduits, destiné aux élèves très fragiles, dans lequel ils suivraient l'intégralité des cours de ces matières.
01:01Alors est-ce que vous, dans votre établissement, ça a été compliqué de mettre en place ces groupes de niveaux,
01:06ou groupes de besoins, comme l'appelle maintenant le ministère ?
01:11Je crois que ça a été compliqué partout, parce que cette réforme, elle souffre de soucis qu'on a de façon récurrente avec les réformes ces dernières années.
01:19Un gros problème de timing, un gros problème de moyens.
01:22Or, par exemple, au niveau du timing, il aurait vraiment fallu prendre le temps pour cette réforme-là.
01:27Et le temps pédagogique, c'est pas le temps politique, c'est-à-dire qu'on aimerait que les résultats d'une réforme se fassent sentir immédiatement,
01:34et le second degré, c'est 5 700 000 élèves, 500 000 professeurs, on ne peut rien faire de rapide, on n'a pas de baguette magique.
01:42Et cette réforme, il aurait fallu vraiment prendre le temps de l'expliquer, de former les professeurs, et ce temps n'a pas été pris, comme trop souvent malheureusement.
01:50Et donc on se retrouve face à des blocages, parce que, en fait, cette réforme, elle contredit un principe fondamental depuis des dizaines d'années dans l'éducation nationale,
02:00qui est celui de l'hétérogénéité des groupes.
02:02Les recherches en pédagogie ont prouvé majoritairement que l'hétérogénéité est bonne pour les élèves, qu'elle ne nuit pas aux bons et qu'elle profite aux plus fragiles,
02:09et cette réforme contredit complètement ça.
02:11Et c'est vrai que des professeurs ont été très heurtés d'un point de vue éthique, les syndicats aussi se sont dressés vent debout contre cette réforme,
02:18pour cette raison-là.
02:21Mais à l'inverse, les partisans de cette réforme disent, finalement, les profs pourront mieux s'adapter en fonction du niveau des élèves,
02:28et donc être plus efficaces, plutôt que de gérer une classe complètement hétérogène.
02:32C'est vrai aussi, on ne nie pas qu'il y a des difficultés, la gestion de l'hétérogénéité est un vrai challenge,
02:37surtout en France, où on a les classes les plus chargées d'Europe, quasiment, on est à 30 élèves par classe en collège,
02:43donc oui, la gestion de l'hétérogénéité est un vrai défi, mais la recherche prouve que pour l'instant, c'est ce qu'il y a de plus bénéfique,
02:48et donc certains professeurs se sont érigés contre ce qu'ils appellent un tri scolaire, qui est un terme fort,
02:55mais qui les heurte, donc il aurait fallu prendre le temps de la formation et d'explication, et ce temps n'a malheureusement pas été pris,
03:01et puis il y a un problème de moyens.
03:02– Moyens, c'est-à-dire pas suffisamment de profs devant chaque classe de niveau, devant chaque niveau, c'était quoi le problème ?
03:08– Eh bien l'idée, en fait, cette réforme, il faut savoir que pour créer un groupe supplémentaire en sixième et en cinquième,
03:14ça coûte à peu près 16 heures de professeurs en plus, pour créer ce groupe supplémentaire,
03:18donc il aurait fallu doter les établissements d'heures supplémentaires.
03:22– Et ça, c'est pas le cas ?
03:22– Et c'est pas le cas, malgré le nombre d'heures qui a été annoncé, d'un point de vue que le gouvernement nous a annoncé,
03:29quand on divise ce nombre d'heures par les 11 000 établissements, du coup ça fait assez peu,
03:34par exemple en Haute-Savoie d'où je viens, la moitié des établissements ont reçu zéro heure supplémentaire pour mettre en place la réforme,
03:39et l'autre moitié, on a eu deux, trois, peut-être six pour le maximum.
03:43Donc on a dû prendre ces heures sur d'autres dispositifs qui étaient aussi au service des élèves en difficulté,
03:48et ça, ça a posé problème dans les équipes, clairement.
03:50– Est-ce qu'il y a des établissements où on ne met pas en place,
03:53où les professeurs refusent de mettre en place ces groupes de niveau ?
03:56– Oui, j'ai connaissance de situations de blocage assez violentes,
03:59et des professeurs qui ont manifesté devant les établissements
04:03et qui refusent pour des raisons éthiques et puis syndicales de mettre en œuvre la réforme.
04:07– Et ils ont le droit de refuser ?
04:10– Ça c'est une grande question, je pense que l'émission va durer très longtemps si on l'aborde.
04:14Disons que nous, les chefs d'établissement et puis les inspecteurs qui sont à nos côtés dans toutes ces procédures,
04:20on n'a en gros que notre force de conviction, après s'il faut passer en disciplinaire ça devient très compliqué,
04:25et puis là on est dans une vacance de gouvernance, on n'a pas de ministre, donc ça complexifie les choses.
04:32– Alors vacances de gouvernance, puis aussi vous souffrez peut-être de ce qui se passe souvent,
04:35c'est que des ministres qui passent, qui se suivent, tous les ans on change de ministre,
04:39et forcément on n'a pas le temps de faire installer une réforme comme celle-ci ?
04:43– Vous avez tout à fait raison, c'est un des écueils de cette réforme comme des autres,
04:46c'est que les réformes se succèdent sans évaluation de ce qui a été fait auparavant,
04:50et quelque part ça crée une lassitude, très clairement et très compréhensible.
04:55L'année dernière on nous a demandé de mettre en place quelque chose de très intéressant,
04:58qui était un professeur des écoles qui venait dans les collèges pour aider les professeurs de français et de mathématiques,
05:03il y a des très jolies choses qui se sont faites autour de ce dispositif,
05:06et ça a été balayé d'un revers de main, sans évaluation, et les professeurs avaient travaillé.
05:10– Gwenelle Pigot, je rappelle vous êtes la principale du collège Simone Veil de Poisy, près d'Annecy,
05:15vous êtes représentante en haut de Savoie du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale,
05:20et puis dans un instant l'antenne est à vous sur France Bleu,
05:22on va parler de l'interdiction totale des téléphones portables au collège,
05:25ça va être testé, on le rappelle, à 180 établissements.
05:27– 180 voilà, à peu près, dont un à Bonn-en-Chambley, dès les vacances de la Toussaint.
05:33– Alors c'est bien d'arrêter justement le téléphone portable à l'école pour les étudiants,
05:37vous nous le dites, 0806 00 10 10, on compte sur vous.
05:41Gwenelle Pigot, vous en tant que chef d'établissement,
05:46vous en pensez quoi de cette mesure d'interdire totalement les portables ?
05:51– Alors c'est un sujet dont on discute entre collègues et qui nous fait un peu sourire,
05:54parce que les portables c'est interdit depuis 2018 quand même dans les collèges,
05:58l'utilisation du portable est interdite.
05:59– Mais malgré tout, les élèves en ont parfois accès.
06:02– Oui mais ça ne crée pas un désordre tel, à mon avis,
06:06qu'il faille mettre en place quelque chose d'énorme à ce sujet,
06:09encore une fois on en discute,
06:11dans certains établissements c'est peut-être un vrai problème,
06:13et qu'il soit autorisé à la pause numérique,
06:16qu'on ait l'arsenal juridique nécessaire pour mettre en place cette pause, c'est plutôt bien.
06:20Généraliser ça à tous les établissements, c'est peut-être pas forcément une bonne idée.
06:23– Faudrait laisser finalement le choix au chef d'établissement,
06:26en fonction de la situation dans son collège ?
06:28– Au chef d'établissement mais plus largement aux équipes,
06:30au conseil d'administration notamment,
06:31de toute manière il faut passer par une validation du conseil d'administration
06:34pour mettre en place la pause numérique,
06:36et ça se heurte quand même à des problèmes de moyens financiers importants,
06:39parce que sécuriser 800 portables toute une journée,
06:43ça ne se fait pas, il faudrait des casiers individuels,
06:47ça coûte très cher notamment aux collectivités,
06:49tous ces aspects de cette mesure doivent être abordés
06:52avant de prendre une décision je crois.
06:53– Et bien écoutez aussi Patricia qui nous appelle d'Artemar,
06:56bonjour Patricia.
06:57– Bonjour Patricia.
06:57– Bonjour.
06:58– Bonjour à vous tous, comment ça va ?
07:00– Et bien bien et vous Patricia ?
07:01– Ah ben moi ça va, moi je suis complètement pour,
07:04il y a longtemps que ça aurait dû être fait.
07:05– Vous êtes pour ?
07:06– L'interdiction, pour l'interdiction.
07:08– Oui, parce que j'estime qu'il n'y a plus d'échanges humains,
07:12et on parle d'harcèlement à tout bout de champ,
07:16il ne faut pas s'étonner parce que les enfants ils savent plus parler,
07:19donc ils parlent par écran, ils s'insultent,
07:21ils sont méchants entre eux par écran, c'est encore pire qu'avant.
07:25Je ne sais pas si vous connaissez la chanson « Derrière l'écran »
07:28où Louise, je ne sais pas si ça vous parle ou pas,
07:31on va chercher dans votre télé,
07:33parce que je n'ai jamais diffusé ces chansons,
07:35mais si seulement on faisait écouter ce genre de texte à des enfants,
07:39peut-être que ça les ferait réfléchir,
07:40et on ne va pas à l'école avec un portable,
07:42dans le cartable on va à l'école pour apprendre.
07:45– Merci beaucoup Patricia de votre intervention.
07:48Gwenaëlle Pigot, principale du Collège Chimon-de-Veil à Poisy,
07:51sur l'aspect harcèlement scolaire, c'est vrai que ça revient souvent,
07:56et puis également des professeurs qui se plaignent
07:58parce que des fois ils sont filmés à leur insu,
08:00ou des élèves filmés à leur insu,
08:01là-dessus ça pourrait améliorer éventuellement la situation ?
08:04– Du point de vue du harcèlement clairement non,
08:06parce que la majorité du harcèlement se fait en dehors du temps scolaire,
08:10en dehors du collège, ça se passe malheureusement dans le cadre familial,
08:14l'accès aux réseaux sociaux, pour harceler un élève il faut du temps,
08:17et au collège clairement l'élève n'a pas le temps de passer
08:20plusieurs minutes sur son téléphone,
08:22quand il le fait c'est en 4h30 dans les toilettes pendant la récréation,
08:24mais ce n'est pas là que le harcèlement se fait,
08:26c'est en dehors de l'école.
08:28Après pour la protection des professeurs,
08:30c'est vrai que ça peut arriver qu'un professeur soit photographié,
08:33filmé en cours, après on met en place des sanctions,
08:36et ce n'est pas notre quotidien,
08:38en tout cas dans la majorité des établissements,
08:40ça peut l'être dans certains mais ce n'est pas le quotidien,
08:43et on sanctionne fortement ce type de comportement,
08:46donc ça peut suffire à apaiser la situation.
08:49Vous diriez qu'aujourd'hui ce n'est pas une priorité
08:51cette interdiction du portable à l'école ?
08:54Disons que si c'était notre priorité,
08:55c'est qu'on aurait réglé bien d'autres problèmes,
08:57et on serait très contents, et le climat serait complètement apaisé.
09:00Donc non, ce n'est pas une priorité dans la majorité des établissements,
09:04encore une fois ça peut l'être dans certains.
09:06Merci beaucoup Gwenaëlle Pigot,
09:08principale du collège Simon Veil de Poissy,
09:11représentante en Haute-Savoie du syndicat national des personnels
09:15de direction de l'éducation nationale.
09:16Merci d'être venue dans nos studios.