• il y a 3 mois
Le 11 septembre 1973, un coup d’État militaire dirigé par le général d’armée Augusto Pinochet, renversait le gouvernement socialiste de Salvador Allende, président de la République du Chili – démocratiquement élu fin 1970 – instaurant une dictature militaire, et Allende trouvait la mort, dans le palais de la Moneda, sous les bombes putschistes.

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Personnes
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00:00Nous sommes de l'Auvergne, de l'Auvergne, de l'Auvergne, nous sommes de l'Auvergne.
00:11Nous sommes de l'Auvergne, nous sommes de l'Auvergne, nous sommes de l'Auvergne.
00:18Je suis allé dans le véhicule et j'ai été attaqué par la police.
00:24Ils m'ont mis un poleroïd dans le cul pour qu'on ne le voit pas et que je ne voie pas l'endroit où je suis allé.
00:30Ils pouvaient me flipper librement.
00:32Ils t'ont flippé ?
00:34Oui, ils m'ont frappé et m'ont demandé qui j'étais.
00:39le lieu où je vis, avec lesquels je suis venu marcher.
00:54Il y a 40 ans, un coup d'État renversait le gouvernement de Salvador Allende.
01:00Préparé par les États-Unis, organisé par la CIA, perpétré par les militaires.
01:07La première tentative de révolution socialiste pacifique et démocratique est écrasée dans le sang.
01:14Seul le président Allende et une poignée de proches résistent à l'aviation qui bombarde, aux tanks qui pilonnent.
01:21Armés de mitraillettes, ils sont une trentaine à défendre la démocratie chilienne qui vacille.
01:28Sur les ondes de la dernière radio encore capable d'émettre, le timbre chaud de la voix de Salvador Allende.
01:37Je vais payer avec ma vie la loyauté du peuple.
01:45Et je vous dis que j'ai la certitude
01:50que la semelle que nous donnerons à la conscience digne de milliers et milliers de Chilens
01:58ne pourra pas être éliminée définitivement.
02:07Après plus de treize heures de vol, l'avion s'approche de Santiago.
02:19Je retourne au Chili, ce pays dans lequel j'ai vécu plusieurs années.
02:24Je viens chercher ce qu'il reste de Salvador Allende,
02:28de ses rêves de justice, de ses projets politiques.
02:32Difficile d'imaginer ce qu'étaient ses rêves un demi-siècle plus tard.
02:36Lui-même ne reconnaîtrait pas son pays.
02:42Après le socialisme en démocratie, le Chili a connu la dérégulation économique en dictature.
02:49Drôle de destin pour ce petit pays d'Amérique latine.
02:53Exemple hier de la gauche européenne,
02:56modèle de la droite ultralibérale aujourd'hui.
03:03Au cœur du quartier d'affaires surnommé Sanatan,
03:07contraction de Santiago et Manhattan,
03:10l'économie de marché semble avoir gagné la partie.
03:13Mais ce n'est qu'un bout de la réalité.
03:16Un autre Chili palpite.
03:19La mémoire occultée de Salvador Allende.
03:22Au centre de la ville, la Lameda, la principale artère de Santiago.
03:28Dans les kiosques, la presse chilienne est désormais libre.
03:33Le dictateur Augusto Pinochet a quitté le pouvoir il y a 23 ans.
03:37La démocratie est revenue.
03:40Mais devant le palais présidentiel,
03:43il n'y a qu'une seule chose.
03:46La démocratie.
03:48La démocratie est revenue.
03:51Mais devant le palais présidentiel, l'armée est toujours là.
03:56Aujourd'hui mercredi, la gare de parade devant la Moneda.
04:01Comme chaque semaine, c'est l'heure de la relève,
04:04le début du spectacle.
04:18Au coin de la rue Morande, qui longe le palais de la Moneda,
04:22je retrouve deux personnes qui me sont chères.
04:25Ils m'ont aidé à écrire un livre sur Salvador Allende.
04:35Patricia Espero, la secrétaire du président,
04:39et Pedro Mata, avocat de Santiago.
04:43Ils m'ont aidé à écrire un livre sur Salvador Allende.
04:47Et Pedro Mata, avocat et défenseur des droits de l'homme.
04:59Avec eux, je me rends devant les portes du palais présidentiel.
05:09Derrière ces murs, au premier étage,
05:12se trouve le Salon Toesca, où le président s'est donné la mort.
05:15Depuis trois mois, je demande l'autorisation
05:18de filmer cette pièce sans succès.
05:21Sous l'objectif discret des militaires,
05:24j'essaye une dernière fois, avec l'aide de Patricia et Pedro.
05:31L'interdiction d'entrée, c'est permanent ?
05:34Non, c'est plus compliqué que ça.
05:37Et les citoyens chiniens ?
05:40Ils peuvent faire une visite avec un guide.
05:43Et au premier étage ?
05:46Non, là, on ne peut pas y aller.
05:50Impossible d'y rentrer,
05:53d'accéder à un lieu qui, pour beaucoup,
05:56est un symbole de l'histoire de ce pays.
06:00Paradoxalement, à quelques mètres du palais,
06:04la statue de Salvador Allende domine la place.
06:0740 ans après sa mort, le travail de mémoire reste un chantier.
06:12Au Chili, deux visions de l'histoire s'affrontent,
06:16celle des ennemis d'Allende et celle de ses partisans.
06:21C'est ici que le président Allende est mort ?
06:24Si tu regardes depuis le coin de la rue,
06:27c'est la quatrième fenêtre.
06:30C'est le salon Tuesca, là où le président s'est suicidé
06:33pour ne pas se rendre aux militaires.
06:36Pourquoi ne peut-on pas accéder
06:39au lieu où est mort le président Allende ?
06:42Ce salon a été refait durant le mandat
06:45de la présidente socialiste Michelle Bachelet.
06:48Il a été ouvert au public avec certaines restrictions.
06:51On ne pouvait pas y aller tous les jours.
06:54Mais aujourd'hui, c'est incroyable.
06:57Avec ce gouvernement, on ne peut plus visiter ce lieu historique.
07:02Je viens fréquemment à La Moneda
07:05lors de visites qui sont autorisées par le palais.
07:08J'amène ici des étudiants,
07:10qui viennent des Etats-Unis.
07:13Cette année, on m'a systématiquement refusé
07:16l'accès au salon où est mort le président Allende.
07:24Au pouvoir depuis 2010,
07:27le gouvernement conservateur de Sebastian Piñera
07:30me semble occulter le souvenir encombrant du coup d'Etat.
07:34Selon toi, on donne quelle version de l'histoire
07:37à ce groupe scolaire que l'on a vu rentrer ce matin
07:40au palais ?
07:43À ces jeunes, on raconte une histoire déformée
07:46non seulement de ce lieu,
07:49mais surtout d'une partie importante de l'histoire du Chili.
07:52Je suis certain
07:55qu'on ne leur montre pas le lieu de la mort du président Allende.
07:58Et qu'on ne leur raconte pas non plus ce qui s'est passé ici
08:01le 11 septembre 1973.
08:04Ce n'est pas seulement occulter une partie de l'histoire du Chili.
08:07C'est beaucoup plus grave.
08:10Quelques mètres plus loin,
08:13le 80 rue Morande,
08:16la porte par laquelle entraient et sortaient tous les présidents chiliens
08:19jusqu'au jour du coup d'Etat.
08:22Cette porte
08:25a été fermée par la dictature après le coup d'Etat.
08:28Juste après que le corps sans vide du président a été évacué.
08:31Cette porte est donc un symbole
08:34de l'intention de la dictature d'effacer une partie de l'histoire du Chili.
08:37C'est bien par cette porte
08:40que sont sortis les derniers combattants du 11 septembre 1973 ?
08:43Effectivement.
08:46Par cette porte sont sortis les membres du groupe
08:49qui ont accompagné le président Allende.
08:52Ce groupe a été mis en joue par les militaires.
08:55Et puis on les a forcés à s'allonger sur la chaussée.
08:58Ils ont ensuite été menacés par un tank
09:01prêt à leur passer dessus.
09:04Quant à la dépouille du président martyr,
09:07il a été transporté à 120 kilomètres de là.
09:22Viña del Mar, la cité jardin
09:25au bord de l'océan Pacifique.
09:28C'est ici qu'a été enterré Salvador Allende.
09:37Au cimetière,
09:40j'ai rendez-vous avec Patricia Espero,
09:43sa plus proche collaboratrice,
09:46celle qui savait tout de sa vie.
09:49Pendant des années,
09:52elle a gardé le silence.
09:57Nous sommes dans le cimetière de Santa Ynez,
10:00le lieu où un matin triste et douloureux
10:03les militaires ont enterré Salvador Allende.
10:05Caché,
10:08dans les plus grands secrets.
10:11Seule sa veuve Tencha,
10:14sa sœur Lorraine
10:17et son neveu Eduardo Grové étaient présents.
10:21C'est celle-ci la tombe ?
10:24Oui, c'est la tombe.
10:27La tombe de la famille Grové, des proches d'Allende.
10:30Depuis, le corps de Salvador Allende
10:33a retrouvé une sépulture plus officielle.
10:37Que vive notre président Salvador Allende
10:40et qu'il repose en paix,
10:4340 ans après.
10:48C'était logique qu'Allende donne sa vie.
10:51Si on ne l'avait pas fait,
10:54le président n'aurait pas respecté ce qu'il disait être.
10:57Je crois que c'est l'acte héroïque le plus fort de Salvador Allende.
11:00Le parcours politique d'Allende
11:03n'est qu'un métier.
11:06Ironie de l'histoire,
11:09il a aussi débuté dans ce lieu
11:12lors de l'enterrement de son père.
11:15Ici, il a fait le serment
11:18qu'il accomplirait ce en quoi son père avait toujours cru.
11:21Il allait travailler pour les plus démunis,
11:24faire une révolution démocratique
11:27dans un pays qui était difficile
11:30où les inégalités sociales étaient immenses.
11:33C'est ce qu'il a fait.
11:40Tout a donc commencé à Viña del Mar.
11:43Défendre les plus pauvres,
11:46combattre les injustices,
11:49tel sera désormais son combat.
11:52Salvador n'est pas encore Allende,
11:55il n'a que 23 ans.
11:58Allende fera partie des fondateurs
12:01de Valparaiso, sa ville natale.
12:04Il y deviendra député à 27 ans
12:07avant de devenir l'année suivante
12:10ministre de la Santé du Front populaire chilien.
12:13Dans un continent en ébullition,
12:16Allende a choisi sa voie,
12:19celle de la démocratie,
12:22des bulletins de vote et pas des fusils.
12:25Dans ce pays où 40% des gens vivent dans l'extrême pauvreté,
12:28où aucun enfant de paysans ou d'ouvriers
12:31n'a accès à l'université,
12:34les projets d'Allende sont radicaux.
12:37Hausse des salaires, école et logement pour tous,
12:40accès aux soins pour les plus démunis.
12:43Sa stratégie, l'unité populaire
12:46permise par l'union de la gauche.
12:49Après trois échecs à la présidentielle,
12:52elle lui permet enfin d'accéder
12:55à la fonction suprême en 1970.
13:01Pour que son programme devienne réalité,
13:04Allende s'entoure de très jeunes collaborateurs.
13:07Parmi eux, Patricia Espero,
13:10Hannibal Palma, ministre de l'éducation,
13:13Georges Arrathé, conseiller économique.
13:16Ils ont passé mille jours auprès du président Allende.
13:19Je les retrouve dans le restaurant
13:22où ils déjeunaient à l'époque.
13:24...
13:27...
13:30...
13:33...
13:36...
13:39...
13:42...
13:45Nous sommes dans un lieu historique.
13:48Les présidents de la république venaient ici.
13:51Vous avez les photos de tous les présidents de la république.
13:54Excepté naturellement celle du dictateur.
13:57Le soir de la victoire,
14:00Georges et Hannibal ne sont encore que des militants socialistes.
14:03Patricia, elle,
14:06travaille dans un hôpital.
14:09Vous vous souvenez de la lune de la victoire,
14:12le 4 septembre 1970 ?
14:15Je me souviens.
14:18Nous étions à l'hôpital.
14:21Nous nous montions à la gare parce qu'on pensait
14:24qu'il y avait des médecins en train d'écouter la radio,
14:27de passer des coups de fil pour savoir ce qu'il se passait.
14:30Et là, l'annonce de la victoire nous a fait pleurer.
14:33Même les médecins les plus solides ont essuyé des larmes.
14:36Nous sommes descendus dans la rue par Providencia
14:39jusqu'à la FETCH,
14:42la Fédération des étudiants du Chili.
14:45La chose la plus troublante, c'était le silence.
14:48Parce que Providencia était un quartier de gens aisés.
14:51Un silence.
14:54Toutes les fenêtres étaient fermées.
14:57Il n'y avait pas une seule lumière.
15:00Comme dans un pays vide.
15:03Et on est arrivés à la FETCH,
15:06et on a vu Allende qui était réellement heureux.
15:09Il rayonnait de bonheur.
15:12Je crois que j'ai vu là se concrétiser
15:15son idée de tant d'années.
15:18D'avoir lutté pour un pays meilleur.
15:21Je me rappelle qu'à ce moment-là,
15:24autour de lui, tout le monde était vraiment très heureux.
15:31Quand nous parlons de ce lien d'Allende avec les jeunes,
15:34ce n'est pas seulement les discours au balcon
15:37de la Fédération des étudiants chiliens.
15:40C'est aussi dans la composition de son gouvernement.
15:43Jamais dans l'histoire du Chili, il n'y a eu un cabinet
15:46avec autant de jeunes que durant le gouvernement du président Allende.
15:49Tu m'as raconté une anecdote incroyable.
15:51C'était un samedi matin.
15:54Vers 9h, le téléphone de ma table de chevet sonne.
15:57Je décroche.
16:00Allo ?
16:03Georges ?
16:06C'était la voix du président.
16:09Je lui dis, oui, monsieur ?
16:12Il me dit, Georges, je dois vous parler immédiatement.
16:15Venez sans tarder à la résidence présidentielle.
16:17Très bien, monsieur le président, j'arrive.
16:20Mais je vais mettre un peu de temps parce que je dois me doucher.
16:24Il me dit, vous, un homme jeune,
16:27à 9h30 du matin,
16:30un samedi, vous êtes encore au lit ?
16:33Oui, monsieur le président.
16:36Et il me demande, vous êtes seul au lit ?
16:39Oui, monsieur le président.
16:42Alors il me dit,
16:44écoutez, en plus d'être flemmard,
16:47vous êtes un con.
16:50Le président use de son humour pour évacuer la tension.
16:53Dans le palais de la moneda, les journées sont lourdes.
16:56La tâche colossale.
16:59Le peuple attend, les réformes promises.
17:02Ce qu'il avait annoncé dans son programme,
17:05il le réalisait.
17:08C'est ce qu'il a fait.
17:10Ce qu'il avait annoncé dans son programme,
17:13il le réalisait.
17:16Et ça, ça provoquait une grande résistance des milieux conservateurs.
17:19Avant, comme aujourd'hui, d'ailleurs, en Amérique latine,
17:22on a l'habitude que les promesses
17:25ne soient que de la propagande de campagne.
17:28Le président avait-il conscience
17:31des risques qu'il prenait
17:34en réalisant ce programme politique ?
17:36Il avait l'absolue volonté
17:39de poursuivre son programme.
17:42Donc il prévoyait
17:45qu'il y aurait un conflit très fort.
17:48Il a eu lieu, d'ailleurs,
17:51une confrontation violente
17:54avec les formations de droite,
17:57les agences de renseignement des pays capitalistes,
18:00et il savait qu'il mettait sa vie en danger.
18:03Ça, il l'a tout fait.
18:06C'est ce qu'il avait toujours su.
18:09On l'a tous entendu dire,
18:12il le disait souvent, d'ailleurs,
18:15qu'ils allaient le sortir de la moneda
18:18les pieds devant.
18:23Pensée prémonitoire,
18:26Allende dérangeait.
18:29Une mesure va sceller le sort
18:32de l'expérience chilienne et le destin d'Allende.
18:34Une promesse de campagne
18:37devenue le projet emblématique de l'unité populaire.
18:40Celui qu'il a pensé
18:43et mené à bien.
18:46C'est Georges Arrathé.
18:49À l'époque, il rentre de l'université américaine d'Harvard
18:52pour participer au gouvernement.
18:55Il est l'un des principaux acteurs
18:58de ce socialisme en démocratie.
19:01Vous aviez conscience, à l'époque,
19:04de l'expérience chilienne ?
19:07Nous savions que l'expérience chilienne
19:10attirait beaucoup l'attention des pays étrangers.
19:13Nous avons eu des visites importantes de personnalités.
19:16Moi, j'étais là quand est venue Fidel Castro
19:19et quand est venue au Chili
19:22une délégation menée par François Mitterrand.
19:25Ils venaient voir ce qu'était cette voie chilienne au socialisme
19:28qui se faisait sans armes, par la voie électorale.
19:31Mais pas seulement par la voie électorale,
19:34mais par une voie pacifique.
19:37Des projets du président Allende,
19:40quels furent ceux qui ont posé le plus de problèmes
19:43aux Etats-Unis et aux grandes entreprises multinationales ?
19:46Sans aucun doute,
19:49la nationalisation du cuivre.
19:52La nationalisation du cuivre,
19:55la première ressource du pays.
19:58Le projet doit permettre de financer les réformes sociales,
20:01mais il touche directement les intérêts
20:04de la population américaine
20:07qui exploite le métal rouge au Chili.
20:10J'ai participé à l'étude que le gouvernement avait faite.
20:13Dans cette étude,
20:16nous avons mesuré le taux de bénéfice
20:19qu'ils obtenaient au Chili
20:22et partout dans le monde.
20:25Mais aussi dans leurs pays d'origine,
20:28aux Etats-Unis.
20:31La différence était sidérale.
20:34En investissant au Chili,
20:37ils avaient des taux de bénéfice
20:40de 40 ou 50 % par an,
20:43alors que dans les mines qu'ils exploitaient aux Etats-Unis,
20:46le taux de bénéfice était à un seul chiffre.
20:53Pour déterminer le niveau d'indemnisation des multinationales,
20:56les Chiliens doivent fixer un taux de bénéfice acceptable.
20:59S'ils choisissent un niveau trop élevé,
21:01cela consacrera le droit des entreprises
21:04d'exploiter les ressources des pays sous-développés.
21:07S'il est trop bas,
21:10la mesure sera économiquement contestable.
21:13Comment s'est fixée la limite ?
21:16En établissant ce taux,
21:19Allende savait qu'il créait un précédent
21:22pour d'autres pays du Tiers-Monde.
21:25Et que s'il fixait un taux de 25 ou de 30 %,
21:27il planterait un couteau
21:30dans le dos de ces pays
21:33qui espéraient récupérer la propriété
21:36de leurs ressources naturelles.
21:39C'était un élément très important.
21:42L'autre élément significatif
21:45était qu'il fallait que le taux reconnaisse
21:48que le capital pouvait générer des bénéfices.
21:51Le président a donc cherché un taux intermédiaire,
21:54raisonnable,
21:57et il lui est apparu que c'était 10 %.
22:0410 %,
22:07un taux très éloigné des niveaux énormes
22:10de bénéfices réalisés par les multinationales au Chili
22:13pendant des années.
22:16Le calcul est implacable.
22:19Pour nationaliser, l'Etat chilien n'a pas besoin
22:22d'indemniser les entreprises nord-américaines.
22:24Mais le taux est juste.
22:27Considérer qu'il existe des bénéfices excessifs,
22:30l'idée à 40 ans,
22:33elle me semble pourtant, aujourd'hui encore,
22:36tellement actuelle.
22:39Et le discours de Salvador Allende à l'ONU,
22:42en octobre 1972, en est une preuve de plus.
22:45Quand il vient à New York défendre sa doctrine politique
22:48et mettre en garde le monde devant un nouveau danger.
22:54C'est un règlement frontal sur les grandes
22:57multinationales et les États-Unis.
23:00Ils apparaissent interférés
23:03dans leurs décisions fondamentales,
23:06politiques, économiques
23:09et militaires par des organisations globales
23:12qui ne dépendent pas d'un État
23:15et qui, dans l'ensemble de leurs activités,
23:18ne répondent pas, ni sont fiscalisés
23:21par aucun Parlement,
23:24ni sont représentés par l'intérêt collectif.
23:27En une seule parole,
23:30c'est toute la structure politique du monde
23:33qui est en train de s'occuper.
23:37Les grandes entreprises transnationales
23:40n'attentent pas seulement
23:43contre les intérêts génuines des pays en développement,
23:46mais leur action abasayadore et incontrôlée
23:49sera aussi dans les pays industrialisés
23:51où ils se situent.
23:57Notre confiance en nous,
24:00ce qui augmente notre fierté
24:03dans les grands valeurs de l'humanité
24:06et dans la certaineté que ces valeurs
24:09devront prévaloir,
24:12ne pourront pas être détruites.
24:22Le message est universel,
24:25le moment historique.
24:28Les représentants des nations de la planète
24:31se lèvent et applaudissent longuement.
24:34Tous sauf un,
24:37l'ambassadeur des États-Unis.
24:40Par cette attitude, il marque son hostilité
24:43au président Allende.
24:46Un signe de plus que le sort de l'expérience chilienne
24:48déjà scellée.
24:57Les idées d'Allende étaient devenues trop dangereuses.
25:00Elles remettaient en cause trop fortement
25:03les intérêts du géant nord-américain.
25:06Pour les assassiner, il faut en finir avec l'homme.
25:09Cette mécanique de la chute, une femme l'a disséquée.
25:12Monica Gonzalez,
25:15prise de la liberté de la presse de l'UNESCO en 2010,
25:18s'est retrouvée en Chile.
25:21Les États-Unis ont joué un rôle clé.
25:24Je pense que c'est dû à deux facteurs.
25:27Le premier, c'est la nationalisation du cuivre
25:30qu'a fait Allende.
25:33Ce n'était pas supportable
25:36pour les grosses entreprises de l'époque.
25:39Le deuxième facteur, c'est politique.
25:42À cette époque-là, en pleine guerre froide,
25:45pour les États-Unis, l'exemple chilien
25:48était plus dangereux que Cuba.
25:51Pourquoi ?
25:54Parce que le Chili n'avait pas suivi
25:57les chemins de la révolution,
26:00de l'avoir armé pour arriver au pouvoir.
26:03Et pour les gens de l'époque,
26:06et pour la masse de l'époque,
26:09Allende a réussi à simplifier,
26:12à faire une équation
26:15qui jusqu'à ce moment n'était pas possible.
26:18C'était une équation sociale, économique
26:21importante, radicale,
26:24pour modifier la misère du Chili,
26:27de ce pays,
26:30sans avoir besoin de tuer
26:33et sans avoir l'occasion
26:36d'être tué.
26:39C'est une équation magnifique.
26:42Cette équation, pour les Français,
26:45pour les Espagnols, pour les Italiens,
26:48c'était un exemple, un chemin
26:51vraiment incroyable.
26:54C'était un pays qui avait une très forte puissance sociale,
26:57un mouvement ouvrier, intellectuel,
27:00de gauche très organisé,
27:03et qui était au point d'obtenir la majorité
27:06des pouvoirs politiques pour avoir des votes populaires.
27:09C'est comme au Chili.
27:12Alors, en pleine guerre froide,
27:15Nixon et Kissinger se sont dit
27:18qu'il fallait l'éliminer.
27:21Comme le dit Nixon dans son dialogue,
27:24il faut les faire crier.
27:27Il faut faire hurler l'économie chilienne.
27:30Et pour faire hurler l'économie chilienne,
27:33il faut à tout prix déstabiliser le pays.
27:36Le président Nixon donne carte blanche à la CIA.
27:39Ce n'est pas moi qui l'ai dit,
27:42c'est tous les archives déclassifiées des Etats-Unis.
27:45L'intervention des Etats-Unis l'a permis, par exemple,
27:48à une quantité énorme de camionnets,
27:51de propriétaires de camions,
27:54de stopper tout son travail pendant des mois,
27:57et il recevait sa paye.
28:00Vous voulez dire qu'en fait,
28:03les Etats-Unis ont aussi financé les grèves ?
28:06Bien sûr. Il faut dire que,
28:09comme le Chili est un pays long, étroit,
28:12la route des camions est indispensable.
28:15Si tu stoppes le mouvement des camions,
28:18tu n'as pas de camion.
28:21Et c'est ça qu'ils essayaient de faire
28:24pour montrer aux citoyens
28:27que c'était Salvador Allende
28:30qui avait produit toute cette crise de l'économie
28:33parce qu'en fait, la gauche,
28:36elle ne savait pas gouverner.
28:39L'entreprise de déstabilisation américaine
28:42porte ses fruits.
28:45Dans les villas des beaux quartiers
28:48il n'y a qu'impatience, le coup d'Etat
28:51qui doit renverser le gouvernement de Salvador Allende.
28:54Parmi eux, le juge Juan Guzman Tapia.
29:05Celui qui a plus tard poursuivi Pinochet
29:08n'était alors qu'un magistrat en début de carrière.
29:14Comment est-ce que vous avez vécu
29:16le 11 septembre 1973, vous personnellement ?
29:19À l'époque, nous étions une famille
29:22plutôt de droite.
29:25On a vécu le coup en ayant l'espoir
29:28que le coup allait être un bien
29:31pour le pays et pour les gens, naturellement.
29:34Déjà, on était en tort
29:37parce qu'il n'y a pas de coup
29:40qui peut être bon pour un pays
29:43et bon pour les gens d'un pays.
29:46On a eu la nouvelle de la mort du président Allende
29:49quelques minutes après
29:52et on a eu honte d'avoir eu cette espèce de satisfaction
29:55du coup.
29:58Malgré la honte,
30:01celui qui est au cœur du système judiciaire
30:04refuse de voir la nouvelle réalité du Chili.
30:07Après le coup d'Etat, les stades se transforment en prison.
30:10Les maisons deviennent des centres de torture.
30:13Des milliers de Chiliens disparaissent.
30:16On n'imaginait pas
30:19qu'il y avait la disparition
30:22systématique des gens.
30:25On pensait que c'était des personnes qui étaient en prison
30:28et qu'après, tard ou tôt, ils allaient
30:31retourner à la société.
30:34Mais à l'époque, je ne connaissais
30:37qu'une seule personne qui avait passé
30:40par une prison et par la torture
30:43et on se demandait si c'était vrai
30:46ou non.
30:52Une majorité de Chiliens
30:55n'aurait pas voulu voir les morts, les disparus,
30:58les suppliciés.
31:01Une majorité silencieuse
31:04qui serait restée sourde au cri des militants de gauche
31:07torturés en plein cœur des villes.
31:10Pourtant, des témoins, il y en avait
31:13comme Pedro Mata, mon ami,
31:16que je retrouve à l'endroit même où il a été arrêté
31:19il y a 38 ans.
31:46Pieds et poings liés, les yeux recouverts de rubans adhésifs.
31:49Il est emmené vers l'une des prisons secrètes
31:52de la police politique de Pinochet.
31:55Il est arrêté.
31:58Il est arrêté.
32:01Il est arrêté.
32:04Il est arrêté.
32:07Il est arrêté.
32:10Il est arrêté.
32:13Il est arrêté.
32:16Il est arrêté.
32:31Dans un quartier résidentiel de la capitale.
32:34Aujourd'hui, cette maison n'est pas devenue un lieu de mémoire
32:37mais une demeure où vit une famille.
32:40A peine arrivé devant,
32:43le portail s'ouvre.
32:46S'il vous plaît, prenez des vues de l'intérieur.
32:49Oui.
32:50J'étais précisément en train de jouer le timbre.
32:53Pouvez-vous me donner quelques minutes ?
32:56Pourquoi êtes-vous en train de filmer ?
32:57Pardon ?
32:58Pourquoi êtes-vous en train de filmer ?
32:59Vous êtes à l'intérieur de ma maison ?
33:01Nous filmons de l'extérieur.
33:03Vous filmez de l'intérieur ?
33:05Je filme d'un endroit public vers l'intérieur.
33:14Bien.
33:15Qu'en pensez-vous ?
33:45J'étais à l'intérieur de ma chambre.
33:48Ils m'ont sauvé les vêtements.
33:51Brutalement.
33:53Ils m'ont frappé.
33:55Et quand j'étais complètement nade,
33:57j'ai l'impression qu'ils m'ont poussé
33:59et m'ont amassé
34:01avec les jambes ouvertes
34:03et les bras ouverts dans cette position
34:06dans un cadre métallique.
34:15C'est indescriptible.
34:18Parce qu'une session de torture
34:20n'est pas possible d'écrire.
34:46Je suis venu ici
34:48à plusieurs reprises.
34:50Dans le cas de moi
34:52et de d'autres prisonniers,
34:54j'ai un morceau de drapeau
34:56dans la bouche.
34:58Parallèlement à ça,
35:00pendant la session de torture,
35:02dans le cas de moi et de d'autres prisonniers,
35:04il y avait un clavier
35:06avec de la musique très haute,
35:08généralement de la musique populaire,
35:11du rock, etc.
35:13Et ça, ça m'a aussi aidé
35:15à calmer les cris.
35:17Je ne sais pas combien de sessions de torture
35:19j'ai eu là-bas.
35:44100 000 torturés,
35:463 000 morts,
35:48un millier de disparus.
35:50Devant le monument qui leur rend hommage
35:52au cimetière de Santiago,
35:54je m'interroge sur cette violence d'État,
35:56sur son sens.
35:59Par son caractère systématique,
36:01elle veut faire disparaître
36:03les rêves d'Allende et de ses partisans.
36:07Je suis venu ici
36:09à plusieurs reprises.
36:11Je suis venu ici
36:13à plusieurs reprises.
36:19Mais elle a aussi un autre but.
36:21Installer un nouveau projet.
36:23C'est ce que va m'expliquer
36:25le directeur du monde diplomatique chilien,
36:27Victor Hugo de la Fuente.
36:33Les coups d'État étaient préparés
36:35contre un projet
36:37et pour instaurer un autre.
36:39Et c'était peut-être
36:41le premier laboratoire
36:43pour instaurer
36:45le néolibéralisme.
36:47Et c'est ce qu'a fait Pinochet.
36:51Ce que les militaires imposent,
36:53c'est un autre pays,
36:55un autre modèle de société,
36:57libéral, néolibéral.
37:01L'homme que je vais rencontrer
37:03n'a presque jamais donné d'interview.
37:05Il est pourtant l'architecte
37:07de ces bouleversements.
37:09Un Chicago boy,
37:11un disciple de l'économiste Milton Friedman.
37:13Dans les années 50,
37:15Sergio de Castro a suivi
37:17l'enseignement du prix Nobel
37:19à l'université de Chicago.
37:21En 1973,
37:23les militaires vont lui donner
37:25une occasion historique.
37:27Mettre en application
37:29la doctrine du maître américain.
37:37J'avais un véhicule à la maison,
37:39un tank.
37:41Un militaire est arrivé
37:43et m'a dit qu'il était invité
37:45par le ministère de la Défense
37:47à parler avec l'admirant Merino.
37:51Et ainsi,
37:53je suis devenu conseiller
37:55du ministre de l'Économie
37:57qui était un...
37:59Je ne me souviens plus
38:01si c'était un général.
38:03À cette époque, il n'y avait pas
38:05beaucoup de politiciens.
38:21Tout a commencé
38:23parce que
38:25les gens de l'entreprise
38:27étaient inquiets
38:29de ce qui venait.
38:31Ils sont allés
38:33avec des amis
38:35de l'armée
38:37dire que la situation
38:39ne pouvait pas continuer comme ça
38:41parce qu'on allait finir par ça.
38:43Et...
38:45Certaines d'entre eux
38:47ont parlé avec l'admirant Merino.
38:49Alors Merino lui a dit
38:51qu'il ne pouvait pas intervenir
38:53parce qu'il ne savait pas
38:55ce qu'il devait faire.
38:57Sans un programme économique,
38:59ce serait absolument
39:01incroyable
39:03que l'armée intervienne.
39:05Alors j'ai appelé
39:07quelques professeurs
39:09et nous avons commencé
39:11à discuter.
39:13Et ainsi,
39:15le groupe a commencé
39:17à croître.
39:19Mais j'ai pensé
39:21que c'était un exercice
39:23intellectuel.
39:25Ils m'ont envoyé
39:27la rédaction du document
39:29et je l'ai écrite.
39:31Devenu conseiller de la jeunte
39:33puis ministre de l'économie,
39:35il va défaire pièce par pièce
39:37les réalisations économiques
39:39et les conquêtes sociales d'Allende.
39:41Alors que l'unité populaire
39:43a nationalisé le cuivre,
39:45les banques et une partie
39:47des entreprises,
39:49Sergio de Castro va privatiser
39:51tous les secteurs,
39:53les ressources naturelles
39:55mais aussi la santé,
39:57l'éducation
39:59pour déterminer
40:01les règles du jeu
40:03et faire qu'elles se comprennent.
40:05Mais pas nécessairement
40:07intervenir comme un organisme
40:09producteur,
40:11parce qu'ils n'ont pas
40:13la même capacité
40:15que les privés.
40:17La doctrine de son projet
40:19tient en trois points.
40:21Liberté de prix,
40:23d'évaluation
40:25et le troisième pas
40:27rébaillement des arancelles
40:29pour permettre
40:31la libre importation.
40:57Cette idée-là a été appliquée
40:59d'abord avec la force
41:01mais après,
41:03ils l'ont convoquée les gens.
41:05Surtout quand
41:07dans les pays
41:09qui sont socialistes
41:11ont tombé,
41:13on nous a mis dans la tête
41:15qu'il n'y avait aucun problème
41:17avec l'éducation,
41:19qu'il n'y avait aucun problème
41:21avec l'éducation,
41:23qu'il n'y avait aucun problème
41:25on nous a mis dans la tête
41:27qu'il n'y avait aucune autre possibilité que celle-là.
41:29La réalité du Chili,
41:31c'est quoi aujourd'hui ?
41:33Le Chili, comme tous les pays
41:35de l'Amérique latine, il y a eu un développement.
41:37Une croissance économique importante.
41:39Ils ne sont pas en crise.
41:41Et dans la plupart,
41:43il y a une
41:45diminution de la pauvreté.
41:47Par contre,
41:49dans presque tous les pays,
41:51il y a une augmentation de s'inégalité.
41:53Et ça, le Chili,
41:55c'est un des grands exemples.
41:59Vous avez peut-être un ou deux exemples
42:01de secteurs d'activité qui ont été
42:03particulièrement touchés par cette privatisation
42:05durant la dictature ?
42:07Tous les secteurs.
42:09La santé, les retraites,
42:11l'éducation,
42:13mais le cuivre.
42:15Aujourd'hui, 70% du cuivre
42:17est dans des mains étrangères.
42:19Mais il y a plein d'exemples.
42:21On peut dire aussi l'eau.
42:23Par exemple, l'eau,
42:25aujourd'hui, elle est complètement
42:27privilégiée.
42:31Dans ce pays où l'écart entre les riches
42:33et les pauvres a doublé en 20 ans,
42:35que restent-ils des rêves d'Allende,
42:37de ses réalisations sociales ?
42:41Je quitte Sanatan
42:43et ses tours qui toisent la cordillère des Andes
42:45pour m'enfoncer dans une autre réalité.
42:51À l'allégoie,
42:53je découvre un autre pays,
42:55loin du rêve capitaliste.
42:57Sur ces murs, une autre histoire
42:59s'exprime à coup de pinceau.
43:03Ce quartier pauvre, bastion
43:05de la résistance à la dictature,
43:07n'a pas déposé les armes.
43:09Car à la violence des militaires,
43:11s'est ajoutée la violence économique.
43:15Dans ces rues, Allende reste
43:17le président et ses discours
43:19continuent de résonner.
43:27Quand Allende est mort,
43:29Gustavo Lulo Arias n'était pas encore né.
43:31Pourtant,
43:33les mots du président sont au cœur de ses chansons.
43:37Salut Lulo, comment ça va ?
43:39Bien.
43:43Mais dis-moi,
43:45tu es célèbre ici. Il y a ton nom sur les murs.
43:47Non, arrête, c'est pas vrai.
43:49Mais on est dans ton quartier.
43:51La Légoie ? Oui, c'est mon quartier.
43:53On y va ?
44:03Lulo est le fondateur de Légoie York,
44:05la principale formation de hip-hop au Chili.
44:09Son rap veut réveiller les consciences.
44:13Comment as-tu connu l'histoire d'Allende
44:15dans un pays où on ne parle jamais de lui ?
44:19C'est grâce à mon père.
44:21Quand j'étais tout petit,
44:23il m'emmenait sur ses épaules dans les manifestations.
44:25Moi, je suis né en dictature.
44:27Il m'a parlé d'Allende sans aucun tabou,
44:29sans mensonges.
44:31Et c'est ce que je dois faire aujourd'hui avec mon fils.
44:33Et ce personnage, il représente quoi pour toi ?
44:35C'est notre président.
44:37Et aujourd'hui encore, il le reste.
44:41Au-delà des murs et de leur mémoire,
44:43il y a tout de même un héritage palpable
44:45de Salvador Allende.
44:49Un héritage connu de tous les enfants chiliens.
44:55Il reste quelque chose d'Allende au Chili aujourd'hui ?
44:59Effectivement, ici, dans les dispensaires du Chili,
45:01on distribue encore du lait pour les enfants.
45:05Car c'est une chose qui est assurée par la loi
45:07depuis qu'Allende l'a mise en place.
45:09Et toi, tu as récupéré du lait pour tes enfants ?
45:11Oui.
45:13Ma femme vient ici récupérer du lait pour mon fils.
45:15Cet endroit compte tous les Chiliens.
45:23Quand on s'est connus, tu étais déjà un chanteur.
45:25Mais aujourd'hui, tu fais aussi de la politique, non ?
45:29Oui, je suis conseiller municipal.
45:33Mais la politique, pour nous, c'est un outil.
45:35Ce n'est pas une fin en soi.
45:37C'est pareil quand on prend un micro pour chanter
45:39ou écrire des chansons, non ?
45:41Pour toi, c'est pareil. Chanter ou faire de la politique, c'est pareil.
45:43Oui, ce sont des scènes.
45:45Pour moi, tout est une scène.
45:55De son vivant,
45:57Allende était l'homme de la rue.
45:5940 ans après sa mort,
46:01les classes populaires ne l'ont pas oublié.
46:03A l'allégoire,
46:05Lulo lui a fait ériger une statue.
46:09Aujourd'hui,
46:11ses projets sont portés par une nouvelle génération.
46:13Une génération qui combat dans la rue
46:15pour remettre en cause
46:17le système hérité de la dictature.
46:39Un terrain vague,
46:41occupé par des centaires.
46:43Ce soir-là,
46:45de grands artistes chiliens
46:47sont venus les soutenir.
46:49Ana Tijoux, Manuel Garcia
46:51ou Roberto Marquez.
47:03Mais aussi,
47:05une femme politique,
47:07Camila Valero, 25 ans.
47:09Elle est l'icône de ces hommes et de ces femmes,
47:11celles qui incarnent les rêves de changement.
47:25Tu peux m'expliquer où on est
47:27et ce qui se passe ici ?
47:29Attends, on prend une photo.
47:33Nous soutenons une initiative
47:35qui existe depuis de nombreux mois
47:37et qui reflète la réalité
47:39de beaucoup de gens pauvres au Chili.
47:43De nombreux Chiliens et Chiliennes
47:45n'ont toujours pas droit à un logement,
47:47à une habitation digne.
47:51Camila m'explique
47:53que nous sommes dans une Toma.
47:55Un quartier né de l'occupation illégale d'un terrain.
47:57Un lieu où s'installent
47:59ceux qui n'ont pas de toit.
48:01En son temps,
48:03il n'y avait pas de première Toma.
48:0540 ans après,
48:07les mêmes problèmes trouvent les mêmes solutions.
48:11Ici, ils préparent leur repas,
48:13ils prennent leur petit déjeuner
48:15et ils partagent le feu.
48:17Et ils habitent là.
48:21Ils dorment dans ces tentes,
48:23mais en réalité, ils vivent dehors.
48:25Ils vivent dehors ?
48:27Oui, dehors.
48:29Camila est une figure de proue
48:31de la gauche chilienne.
48:33Cette militante communiste
48:35a accédé à la notoriété
48:37en se battant pour un droit fondamental.
48:39L'éducation gratuite pour tous.
48:43Ici, au contraire
48:45des autres pays du monde,
48:47l'éducation publique ne représente
48:49que 30% des enfants scolarisés.
48:51Dans les autres pays,
48:5380% de l'éducation est publique
48:55et le reste est privé.
48:57L'éducation publique,
48:59c'est pour les plus pauvres
49:01et le privé,
49:03pour les autres classes sociales.
49:05Dans l'éducation supérieure,
49:07tout se paye.
49:09Moi, j'ai étudié
49:11à l'université publique
49:13et mon cursus,
49:15qui est l'un des moins chers,
49:17m'a coûté 4000 dollars par an.
49:21Droits au logement,
49:23à l'éducation,
49:25ces revendications portées
49:27par cette jeune femme,
49:29m'en rappellent d'autres.
49:31Ce que la dictature nous a coûté,
49:33ce n'est pas que du sang
49:35des morts et des torturés,
49:37mais aussi des droits
49:39qui avaient été conquis,
49:41des droits que nous voulons
49:43récupérer aujourd'hui.
49:55J'ai l'impression de voir
49:57sous mes yeux se réécrire
49:59l'histoire du Chili,
50:01de voir se concrétiser
50:03l'espoir d'Allende,
50:05celui d'un pays plus juste.
50:0940 ans après,
50:11le président Allende
50:13a trouvé des héritiers.
50:15Camila Valero est l'un d'entre eux.
50:17Elle est en campagne
50:19pour devenir députée de la Florida,
50:21la plus grande circonscription électorale du Chili.
50:23C'est ce que j'ai appris.
50:53Il y a encore des utopies à conquérir.
50:55Je pense qu'il sera possible
50:57d'avancer vers un pays meilleur,
50:59vers une société plus juste,
51:01plus égalitaire, plus inclusive,
51:03et où nous pourrons enfin
51:05s'en sortir de la travestie
51:07que nous a laissée la dictature
51:09et de démanteler
51:11ce modèle néolibéral
51:13qui nous a mis au point
51:15la plus profonde inégalité,
51:17l'abuse et l'injustice.
51:23...
51:33L'émergence d'un mouvement social
51:35a redonné de l'espoir au Chili.
51:39Dans les cortèges,
51:41on retrouve l'énergie des manifestations
51:43de l'unité populaire.
51:45...
51:49Le seul portrait,
51:51celui d'Allende.
51:53Le mot d'ordre,
51:55l'éducation gratuite pour tous
51:57et la renationalisation du cuivre,
51:59la ressource du pays,
52:01pour financer cette grande réforme.
52:03Sur ces questions,
52:05les centaines de milliers de jeunes
52:07qui manifestent sans relâche
52:09depuis deux ans
52:11ont réussi à fédérer
52:13une grande majorité de la population.
52:15...
52:17Le retour des idées d'Allende
52:19est un retour de vieux réflexes.
52:23La droite au pouvoir,
52:25nostalgique de la dictature,
52:27répond avec des armes
52:29qu'elle ne connaît que trop bien.
52:31A chaque fin de manifestation,
52:33les mêmes images de répression,
52:35de guérilla urbaine
52:37qui seront reprises en boucle
52:39par les médias chiliens.
52:41...
52:59Le 8 mai,
53:01il est 14h30.
53:03J'ai quitté la manifestation depuis une heure
53:05quand je vois une voiture s'arrêter
53:07à la hauteur d'un groupe de jeunes.
53:09Ils tentent d'embarquer de force,
53:11deux lycéens.
53:13...
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54:01...
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54:49de l'homme libre pour construire une société meilleure.
54:56Vive la Chine !
54:57Vive le peuple !
54:58Vive la France !
54:59Vive la France !
55:00Vive la France !
55:01Vive la France !
55:02Vive la France !
55:03Vive la France !
55:04Vive la France !
55:05Vive la France !
55:06Vive la France !
55:07Vive la France !
55:08Vive la France !
55:09Vive la France !
55:10Vive la France !
55:11Vive la France !
55:12Vive la France !
55:13Vive la France !
55:14Vive la France !
55:15Vive la France !
55:16Vive la France !
55:17Vive la France !
55:18Vive les travailleurs !
55:20Ce sont mes dernières mots.
55:22Et je suis certain que mon sacrifice ne sera pas en vain.
56:18Abonnez-vous !

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