Interroger nos sociétés, ses fractures, ses espoirs... C'est l'objectif des documentaires que propose Public Sénat toutes les semaines. Pour débattre et mettre en perspective l'oeuvre diffusée en première partie de soirée les samedis, Rebecca Fitoussi anime une discussion avec des spécialistes pendant une demi-heure. Avant la diffusion du deuxième documentaire de la soirée.
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00:00En pleine mer un film de Muriel Kravat, documentaire qui réhumanise un sujet souvent traité à coups de statistiques et puis qui nous ramène
00:07à une réalité complexe à laquelle il est difficile de répondre de façon tranchée et définitive. On va donc essayer
00:14d'être dans la nuance avec nos invités que je vous présente tout de suite. Falmarès, bonsoir, bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:20Vous êtes poète, vous venez de Guinée, vous êtes installé à Nantes depuis 2017, vous avez quitté Conakry à l'âge de 15 ans.
00:27D'abord pris en charge par un entrepreneur qui vous fait travailler en Algérie,
00:30puis vous passez en Libye où vous vivez l'enfer, un enfer d'ailleurs décrit dans le film qu'on vient de voir. Vous rejoignez la Sicile à
00:36bord d'un zodiac avec 180 personnes. Vous êtes secouru par la croix rouge et la croix blanche.
00:43Aujourd'hui vous êtes l'auteur de cinq livres dont celui que l'on va voir à l'image
00:47catalogue d'un exilé paru chez Flammarion et vous avez été nommé ambassadeur de la paix et l'UNICEF vous a décerné le prestigieux prix de poésie.
00:56Merci à vous d'être ici.
00:58Fabrice Leggeri, bienvenue à vous également, vous êtes député européen RN, vous êtes l'ancien directeur de Frontex, c'est l'agence européenne de protection des frontières.
01:06Vous l'avez dirigée entre 2015 et 2022, vous l'avez quittée suite aux conclusions d'un rapport de l'Office européen de lutte antifraude.
01:14L'agence a été accusée d'avoir dissimulé l'organisation de refoulements illégaux de migrants en
01:19Méditerranée et de votre côté vous dénoncez, je vous cite, la tyrannie à la fois des ONG et du droit européen.
01:25Évidemment, on va y revenir. Mélanie Vaugelle, bienvenue à vous également, vous êtes sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France,
01:33vous êtes membre de la commission des lois, co-présidente du Parti vert européen et vous avez aussi un passé d'humanitaire
01:39engagé puisque vous avez travaillé pour Amnesty International.
01:42Nicolas Pouvromonti, bienvenue, vous êtes directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, c'est un laboratoire d'idées
01:48indépendants dont la promesse est d'apporter, je cite, une vision rationnelle et dépassionnée sur les questions
01:54migratoires, ça tombe bien, c'est ce qu'on veut faire aussi.
01:57Avant d'en venir au rôle des ONG, à celui des États, de l'Union Européenne, avant de parler des tensions politiques et ou
02:05diplomatiques que cela provoque, je voudrais vos réactions et votre éclairage à la réalité qui a été présentée dans ce documentaire.
02:12Falmarès, est-ce que ce que vous avez vu dans ce film
02:15ressemble de près à ce que vous avez vécu du côté des rescapés, puisque là le film parle plutôt
02:21du rôle des ONG, est-ce que vous, de ce que vous avez vu, ça ressemble à ce que
02:24vous avez vécu et la façon dont vous avez été sauvé, Omer ?
02:28Absolument.
02:29Quand j'ai vu le film, je me suis senti
02:32à l'instant même où j'étais dans le bateau, où j'étais dans le zodiac après le bateau qui nous a sécouri la Croix-Rouge
02:39et la Croix-Blanche.
02:41J'ai mis un peu plus de temps à m'en remettre, à me rendre compte que je ne suis plus à ce moment-là, donc c'était une émotion
02:49une émotion particulière.
02:52Même si j'étais devant l'écran, bien sûr, mais c'est exactement comme ça que ça se passe et c'est quelque chose qu'il
03:00faut la vivre en fait, pour comprendre.
03:03Qu'est-ce qu'on ressent quand on est à bord d'une embarcation à la dérive comme celle-là et qu'on voit des ONG arriver, qui sont là
03:09pour vous sauver, qu'est-ce que vous avez ressenti ?
03:11On est entre la vie et la mort parce que
03:14la plupart des gens, y compris moi à ce moment-là,
03:18nous ne savons pas nager. La plupart des gens qui quittent, notamment en Afrique de l'Ouest,
03:25ne savent pas nager parce que les parents ont peur que les enfants aillent dans l'eau, donc
03:31on grandit dans cette peur-là.
03:33Et quand ces ONG arrivent et qu'elles viennent à vous sur ce bateau, qu'est-ce que vous ressentez ?
03:38Vous comprenez que ça y est, vous allez vivre grâce à eux ?
03:41L'espoir.
03:42L'espoir, parce que quand on regarde le documentaire, on voit qu'ils n'ont pas de gilets de sauvetage au départ.
03:47Et c'est les ONG, en fait, qui donnent,
03:50l'SOC Méditerranée, qui donne les gilets de sauvetage plus tard.
03:53Et même dans cette embarcation vers le grand bateau,
03:57il peut y avoir des coups, il peut y avoir des précipitations,
04:00il peut y avoir des malaises, il peut y avoir aussi des enfants qui n'ont pas en fait la capacité d'aller en fait,
04:08de pouvoir aller dans d'autres bateaux tout simplement, mais c'est un espoir aussi.
04:14La réalisatrice prend le parti de nous montrer surtout des femmes et des enfants dans ce documentaire.
04:20Et c'est vrai qu'on ne les voit jamais, après tout, on voit plutôt des hommes.
04:23Est-ce qu'on la connaît d'ailleurs, la typologie générale, et je m'adresse à vous Nicolas Pouvrementy,
04:28la typologie générale de ces hommes et de ces femmes et de ces enfants
04:32qui tentent de rejoindre les côtes européennes et qui sont à bord de ces embarcations ?
04:36Majoritairement plutôt des hommes, avec néanmoins des femmes, et notamment des femmes enceintes,
04:40on le voit dans le documentaire en question,
04:42jeunes, parce qu'évidemment une traversée de ce type se fait lorsqu'on a à la fois des perspectives
04:47pour le reste de son existence, et des capacités physiques qui permettent d'entreprendre un voyage qui est très périlleux.
04:53En la matière, il y a une forte poussée des arrivées de mineurs ou de gens qui se présentent comme mineurs,
04:59une partie d'entre eux le sont vraiment, c'est toute la question de l'évaluation ensuite.
05:03Ça pose aussi la question des risques que courent ces personnes, et du signal que l'Europe leur envoie
05:09qui peut les inciter potentiellement à prendre ce genre de risques, mais on aura l'occasion de le prendre normalement.
05:12Et on va y venir absolument, vous avez raison, Fabrice Leggeri, vous a touché ce film, de voir ces personnes
05:17d'abord dans les embarcations en détresse, et puis sauvées par ces ONG ?
05:20Je crois que d'abord ce documentaire nous renvoie à une réalité tragique,
05:24qui est l'exploitation de la misère humaine par des groupes criminels.
05:29Alors le documentaire s'intitule « En pleine mer », donc c'est la partie maritime de ce périple,
05:35mais je pense que ce qu'il faut c'est penser qu'il y a aussi probablement des épisodes qu'on aurait pu appeler « En plein désert ».
05:44Une personne dans le documentaire, je crois, y fait vaguement référence.
05:49Et puis il y a aussi les raisons du départ, le transit, et donc toute la problématique de ces organisations criminelles
05:56dans les pays de départ, dans les pays de transit. Donc ça c'est peut-être un petit peu, je dirais, sur le cadrage général.
06:02Ensuite, peut-être deux réactions. La première sur la typologie des personnes.
06:07Effectivement, le documentaire donne le sentiment, l'impression en tout cas,
06:12que ce sont majoritairement, pour ne pas dire presque exclusivement, des femmes et des enfants.
06:19Or, les statistiques que moi je pouvais avoir entre 2015 et 2022
06:25faisaient plutôt état d'une très très large prédominance d'hommes, d'hommes jeunes,
06:31avec de temps en temps, effectivement, des femmes, y compris des femmes enceintes et quelques enfants en bas âge.
06:39Mais disons que là, il y a une espèce de disproportion.
06:42Pourquoi, d'après vous, ça change quelque chose de savoir qu'il y a...
06:44Vous l'avez expliqué vous-même, vous avez dit que la réalisatrice a pris le parti pris
06:48de montrer des femmes et des enfants. Donc voilà, c'est le parti pris, je dirais, de la réalisatrice.
06:57Maintenant, il y a une chose que l'on entend dire par, je crois que c'est un représentant d'une ONG,
07:04et qui est faux, qui dit que les États, les États côtiers, y compris les États côtiers européens,
07:11ne font rien pour organiser le sauvetage.
07:15L'une des représentantes de l'SOS Méditerranée qu'on entend au moment du brief, d'ailleurs.
07:18Ce qui est totalement faux comme information factuelle.
07:23Mélanie Vaugel, c'est une question basique mais fondamentale, c'est pourquoi partent-ils, ces migrants ?
07:28Et je voudrais vous répéter les mots de l'une des jeunes femmes qui est interrogée dans ce documentaire.
07:32Elle dit « Nous n'avons pas fui pour l'appât du gain, ni pour construire de grandes villas.
07:36Nous avons émigré pour pouvoir aider nos proches et nos enfants à sortir de la misère.
07:40À cause de la guerre au pays, nous ne pouvons rien faire ».
07:43En gros, elle nous dit, on ne vient pas pour vous piquer vos boulots et votre vie,
07:48on est là pour se sauver.
07:50Qu'est-ce que ça vous inspire que ce sujet soit traité de façon souvent polémique,
07:55et là je disais, plus humaine avec ce documentaire ?
07:58Mais je pense que c'est un des avantages de ce film que de ramener l'histoire,
08:06le récit sur l'immigration à ce que c'est au fond des histoires d'humains
08:12qui vivent à différents endroits de la planète,
08:16qui sont toutes et tous humains comme tous les autres humains,
08:20et qui ont dans leur vie différentes raisons qui les poussent ou pas à quitter leur pays.
08:27Là, dans tous les cas qu'on voit dans ce film,
08:30et en général dans les personnes qui se trouvent dans la situation de traverser,
08:36et c'est vrai, parfois la Méditerranée est un endroit très mortel pour le parcours migratoire,
08:44mais il n'y a pas que la traversée de l'eau qui est dangereuse, mais forcée.
08:48Quand vous dites forcée, c'est forcée par quoi ?
08:50Si ce n'est pas la guerre, c'est la misère économique ?
08:52Si ce n'est pas la guerre, c'est une situation politique qui les met en danger,
08:57c'est la misère, c'est la famine, c'est l'impact du changement climatique
09:02qui rend les récoltes impossibles et donc qui crée une crise.
09:07Et c'est l'impression que l'Europe est un eldorado aussi,
09:11c'est l'idée peut-être fausse, à tort ou à raison, que l'Europe est le paradis ?
09:16Dans ce documentaire, on choisit de retracer les parcours des personnes
09:21qui traversent de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique subsaharienne,
09:25un continent puis la Méditerranée pour aller en Europe,
09:27mais l'écrasante majorité des migrations, en particulier quand il y a des pays en conflit,
09:32se font vers les pays voisins.
09:34C'est une minorité en réalité de personnes qui part en Europe.
09:37Et je voudrais juste dire une chose, parce que M. Legere a fait référence
09:43aux organisations criminelles qui auraient un rôle dans l'existence…
09:47On va y venir, il y a du trafic.
09:49Oui, il y a du trafic.
09:51Vous me posez la question de pourquoi ils s'en vont.
09:53Ils ne s'en vont pas parce qu'il y a des organisations criminelles.
09:55Ce n'est pas l'existence des passeurs qui crée l'immigration,
09:59c'est l'absence de voie légale de migration qui crée une opportunité pour les passeurs.
10:03Falmarès, pourquoi êtes-vous parti ? Pourquoi à 15 ans vous décidez de partir ?
10:07Moi, personnellement, c'est des raisons familiales qui m'ont poussé à l'exil.
10:11Je ne vais pas rentrer trop dans le détail, mais c'est…
10:15Est-ce qu'il y avait une question de survie ?
10:17Évidemment, les pays d'accueil ont besoin de comprendre
10:19pourquoi ces milliers de personnes tentent une aventure en Europe.
10:23Qu'est-ce qui les pousse profondément ?
10:25Dans mon cas, il y avait un besoin de survie.
10:28Vraiment, Vital qui était là, qui m'a poussé à quitter ma famille,
10:33Mélanie Vogel, vous l'avez dit tout à l'heure,
10:37ce n'est pas un parcours de vacances,
10:39ce n'est pas un plaisir de quitter son pays, sa famille,
10:43les endroits qu'on a connus, les amis.
10:45On ne le fait pas par plaisir.
10:47Tout le monde aime son pays, même si on est né dans le carcan,
10:51dans le fond d'un endroit au bout de la terre.
10:54On aime bien.
10:55Alors, on va parler du rôle de ces ONG.
10:57Depuis des années, existe le débat autour d'un possible,
11:01les gens ploient des guillemets, impossible appel d'air
11:03qu'elle provoquerait en allant secourir les bateaux à la dérive
11:06et d'un droit européen qu'elle respecterait plus ou moins
11:08en franchissant même parfois quelques lignes rouges.
11:10Avant de vous demander, évidemment, votre avis,
11:12je voudrais que l'on écoute le pilote
11:14qui repère les embarcations à la dérive dans le documentaire.
11:17Il s'exprime après cette course contre la montre
11:19avec des garde-côtes libyens
11:21et c'est un moment intéressant du film.
11:23Je voudrais qu'on l'écoute.
11:25Pourquoi les Libyens émettent un tel acharnement ?
11:28On doit justifier à minima les dizaines de millions d'euros
11:31qu'ils reçoivent de l'Europe.
11:33Ce qu'il faut surtout, je pense, ne pas oublier,
11:35c'est que les Libyens, sans le soutien des Européens,
11:37sont dans l'incapacité de repérer tous ces bateaux
11:39et donc de procéder à toutes ces interceptions.
11:43Et évidemment, de voir qu'un tel dispositif a été mis en place,
11:47à savoir des dizaines de millions d'euros,
11:50des avions, des drones,
11:53avec un seul objectif, repérer ces gens,
11:55puis, pas pour les secourir,
11:58mais pour permettre qu'ils soient interceptés
12:00dans les plus brefs délais
12:02et donc ramenés en Libye,
12:05c'est abject.
12:09Alors là, on entre dans le vif du sujet
12:11et dans la partie, j'allais dire, la plus polémique.
12:12Fabrice Légeri, est-ce que ce qu'il dit est vrai ?
12:14Alors, ce qu'il dit est faux,
12:15dans le sens où c'est un procès d'intention
12:17à l'Union européenne
12:18et aux institutions de l'Union européenne
12:20et aux États qui la composent.
12:22Ce qui est vrai, c'est que des dizaines de millions d'euros
12:24ont été versés par la Commission européenne de mémoire.
12:2846 millions aux alentours de 2017-2018.
12:34Versés à qui ?
12:35Versés à la Libye, au gouvernement.
12:37Donc des dizaines de millions d'euros ont été versés à la Libye
12:39pour que la Libye empêche ?
12:41Non, 46 millions pour créer à Tripoli
12:45un centre de secours,
12:47de coordination du secours maritime
12:50et pour équiper la Libye
12:52avec des vedettes,
12:54des bateaux capables
12:56de développer une fonction de garde-côte.
12:59Donc l'Europe ne paye pas la Libye pour les empêcher,
13:01pour empêcher les migrants de rejoindre les côtes européennes.
13:04C'est là que le membre de l'ONG qui s'exprime
13:09exprime un point de vue
13:11qui est un procès d'intention
13:13fait à la Commission européenne à l'époque
13:15et à l'Union européenne de manière générale,
13:17parce que la réalité, c'est de pouvoir sauver des personnes.
13:20La fonction qui a été financée,
13:25c'était de créer une capacité de garde-côte
13:27pour la restauration d'un état,
13:30d'une entité étatique en Libye.
13:32Il faut voir qu'on part d'un état,
13:34d'une situation où il y a un état failli,
13:36on va dire un état qui ne fonctionne pas.
13:38Et donc c'est dans le rôle d'une reconstruction
13:41difficile certes, complexe,
13:43avec des rivalités politiques
13:45entre différentes factions en Libye.
13:47Mais l'objectif, c'est de donner une capacité
13:49de reconstruction d'un état
13:51qui pourra en premier lieu
13:54assurer la sécurité maritime.
13:56Et je voudrais terminer sur le fait que
13:58la Libye a déclaré à l'Organisation maritime internationale
14:01basée à Londres, le fait qu'elle revendiquait,
14:04qu'elle entendait exercer
14:06ses responsabilités d'état côtier,
14:08c'est-à-dire qu'elle déclarait
14:10une zone de secours maritime en Méditerranée
14:12conformément aux droits de la mer.
14:14Aucun état, personne n'a objecté à cela
14:17et à partir d'un certain délai,
14:19lorsqu'à l'Organisation maritime internationale,
14:21aucune entité étatique, personne n'a objecté,
14:24ça devient du droit opposable à tous les acteurs
14:27et ça devient donc du droit opposable
14:29à n'importe quel acteur privé ou public
14:32qui doit donc en premier lieu considérer
14:35que dans la zone de secours maritime
14:37déclarée par la Libye, c'est la Libye,
14:39donc ce centre de coordination antripoli,
14:41qui est juridiquement et opérationnellement
14:44le seul compétent en premier lieu.
14:46– Quand on entend tous les rescapés
14:48raconter ce qu'ils vivent en Libye
14:50et la façon dont les gardes-côtes libyens
14:52et les Libyens les traitent, on peut se demander
14:54légitimement si la Libye est le bon interlocuteur,
14:56le bon intermédiaire Mélanie Vaugel,
14:58est-ce que c'était le bon pays ?
15:00– Oui, mais surtout que, moi je suis jamais allée en Libye,
15:04mais il se trouve que j'ai accueilli chez moi
15:07pendant un certain temps, parce que j'en avais la possibilité,
15:10à Bruxelles des personnes qui avaient un parcours de migration
15:15et qui étaient en Belgique mais qui n'avaient pas vocation à y rester,
15:19et j'ai beaucoup discuté avec elles de leur parcours,
15:22et toutes me disaient, le pire endroit,
15:25le pire moment, c'était la Libye.
15:28Le risque d'être réduit en esclavage,
15:30les tirs à balles réelles,
15:32enfin on m'a raconté des histoires atroces,
15:34et il faut bien se rendre compte que ces personnes
15:36n'ont pour la plupart aucun rapport avec la Libye,
15:38c'est comme s'il y avait un coup d'État en France
15:41et vous êtes en danger, et vous allez vous exiler au Canada
15:44et on vous renvoie à Vladivostok,
15:46ces gens ne sont pas libyens, n'ont pas de lien avec la Libye,
15:49n'ont rien à faire en Libye en réalité,
15:51et donc on ne les met pas du tout en sécurité en les renvoyant en Libye,
15:56et puis la plupart du temps, ils essayent de repartir à un moment ou à un autre,
16:00prenant une nouvelle fois des risques pour leur vie.
16:03– On parle de trafic, d'esclavage sexuel, d'un enfer en Libye,
16:06c'est décrit comme ça dans le film, c'est ce que vous avez vécu Falmarès ?
16:09– Oui, quand on parlait au début de l'émission des femmes
16:12qui arrivent en état de famille, comme on dit,
16:15qui attendent des enfants, ce n'est pas par hasard
16:19que ces femmes-là sont dans ces états-là,
16:22parfois elles sont obligées à faire des choses,
16:25abjectes, des choses qu'elles n'ont pas envie de faire,
16:28parfois on les oblige à faire des choses pour payer leur passage,
16:33pour survivre, pour satisfaire le désir de certaines personnes,
16:38tout simplement.
16:39– Et vous, en Libye, votre expérience en Libye ?
16:42– C'était la pure expérience de ma vie, tout simplement.
16:45– C'est-à-dire ?
16:46– Physiquement et moralement, parce que dans le camp où j'étais,
16:51c'est une prison, il y avait énormément de personnes,
16:55et moi j'ai vu des gens qui ont essayé de fuir le camp,
16:59parce qu'ils ont fait des mois, d'autres même plus d'une année,
17:03dans ce camp-là, et ils ont faim, ils sont maltraités, mal nourris,
17:09et ils ont essayé de fuir ce camp-là, on a rattrapé d'autres personnes,
17:14d'autres ont fui, on a tiré sur d'autres,
17:17et les gens qu'on a rattrapés, on les a tabassés,
17:20une personne est morte devant moi, sous mes yeux,
17:24et tout le temps, quasiment tous les jours, le soir,
17:29on tire à l'air, on tire sur des gens,
17:33et on tabasse des gens qui n'obéissent pas,
17:36donc c'est l'un des endroits aujourd'hui les moins sûrs sur notre planète,
17:43quand je vous entends dire que, est-ce que c'est le partenaire,
17:47est-ce que l'Union Européenne doit collaborer dans ce sens-là avec la Libye,
17:51mais c'est la pire chose qu'on peut faire dans cette situation-là,
17:55ce n'est pas un partenaire sûr.
17:57– Quand on entend ces témoignages, pardonnez-moi Nicolas Pouvremontier,
18:00c'est vrai qu'on se demande pourquoi et comment l'Europe peut collaborer
18:04avec la Libye, alors que les témoignages sont unanimes,
18:07le traitement en Libye est catastrophique, que fait l'Europe ?
18:10– Il se trouve hélas que l'Europe ne choisit pas sa géographie,
18:13les pays de départ, notamment pour les traverser de la Méditerranée
18:16depuis le continent africain vers l'Europe,
18:18sont des pays qui ont un rapport au droit de l'homme
18:20qui n'est pas le même que celui de l'Union Européenne, pour dire le moins,
18:22on parle de la Libye dont le cas est extrême,
18:24parce qu'effectivement l'État libyen s'est effondré sur lui-même
18:26avec un système…
18:27– Mais c'est à eux qu'on confie la gestion de cette crise migratoire,
18:29donc il y a un paradoxe qui m'échappe un peu.
18:31– Parce que les migrants se rendent en Libye,
18:33et parce que l'étape suivante est de la traverser vers l'Europe,
18:36si on veut éviter que les migrants se rendent en Libye,
18:38ce qui est l'une des questions qu'on pose ici,
18:40la question n'est pas de ne pas coopérer avec la Libye
18:42pour que les migrants ne risquent pas leur vie en traversant la Méditerranée,
18:45la question est plutôt d'envoyer des signaux qui rendent moins probable
18:50la perspective d'être prise en charge et accueillie sur le sol européen.
18:53De ce point de vue-là, même dans des situations humaines
18:55extrêmement complexes et dramatiques,
18:57les migrants sont des individus rationnels,
18:59les organisations criminelles qui souvent les accompagnent
19:01sont hélas encore plus rationnelles et savent calculer.
19:03– Le rôle des ONG, vous parlez de signaux,
19:05est-ce qu'en secourant des êtres humains en détresse,
19:08elles envoient le signal qui est,
19:10tentez le coup, on peut venir vous sauver ?
19:13– C'est toute l'ambiguïté du positionnement de ces ONG
19:15qui font effectivement de vraies opérations de sauvetage
19:17d'une manière incontestable, ce que fait aussi Frontex par ailleurs,
19:19ce que font un certain nombre d'entités publiques, nationales et européennes.
19:24Mais SOS Méditerranée ne se contente pas de secourir des gens en mer.
19:27SOS Méditerranée secourt des gens en mer avec la perspective
19:29de les amener sur les côtes européennes
19:31pour que par exemple leur demande d'asile puisse être prise en charge.
19:33Ce qui est effectivement ce à quoi les amène l'état actuel de l'ONG.
19:36– Quand vous dites ça, c'est prouvé ?
19:38– C'est ce que fait SOS Méditerranée concrètement.
19:40– Vous dites presque qu'il y a de l'idéologie derrière en fait,
19:42qu'il y a une politique immigrationniste, pour être clair.
19:45– L'idéologie, s'il y en a-t-il une derrière,
19:48derrière le travail de SOS Méditerranée,
19:50c'est ce qu'on entend souvent sous le slogan
19:52d'accueil inconditionnel fondamentalement.
19:54L'accueil inconditionnel, c'est un slogan,
19:56mais c'est un slogan qui pose un certain nombre de questions.
19:58C'est-à-dire que la population du continent africain a doublé depuis 1990,
20:02elle va gagner un milliard d'habitants d'ici à 2050.
20:04La moitié de la population africaine aura de moins de 25 ans.
20:07Se pose la question de la capacité d'accueil des sociétés européennes
20:10au regard des impératifs de cohésion sociale et politique.
20:13Et se pose aussi d'ailleurs la question de l'impact de tel flux
20:16sur les sociétés d'origine.
20:17Un nombre de demandes d'asile qui a été multiplié par 3 en 10 ans,
20:20cette dynamique, entre autres résultats pour les pays d'origine,
20:23elle revient à les saigner d'un certain nombre de forces vives
20:26qui sont nécessaires à leur développement.
20:27– Je vais tout vous faire réagir sur cette question,
20:29mais Fabrice Leggeri, les ONG sont sur un fil,
20:32et parlons d'SOS Méditerranée puisqu'il s'agit d'SOS Méditerranée dans ce film,
20:36est-ce qu'il y a une idéologie derrière, une politique immigrationniste
20:40telle que certains l'en accusent ?
20:42– Je crois qu'il y a de nombreuses ONG qui viennent de différents pays européens,
20:46donc il y a des rôles qui sont peut-être différents les uns des autres.
20:51Il y a une ambiguïté fondamentalement dans leurs objectifs.
20:57Je crois qu'il est incontestable que des secours maritimes ont lieu,
21:03des secours à naufragés.
21:05– Nécessaires ?
21:06– Qui auraient parfois pu être faits autrement par les autorités étatiques,
21:10c'est là que je dénonce le mensonge de ce pilote d'avion
21:13qui nous explique que les états côtiers européens ne font rien, ce qui est faux,
21:19et l'agence Contex que j'ai dirigée a sauvé 300 000 personnes
21:23pendant que j'étais directeur de l'agence, entre 2015 et 2022,
21:27et l'agence ne travaille pas de manière autonome,
21:29ce n'est pas une espèce d'entreprise privée comme certains le présentent,
21:35c'est une agence publique de l'Union Européenne
21:37qui travaille sous l'autorité des états membres.
21:41Donc moi, ce que je trouve ambigu de la part de certaines ONG,
21:45c'est qu'elles refusent le droit international tel qu'il existe.
21:50En mer, il y a des règles, donc une ONG qui dit,
21:54qui signale aux autorités étatiques qu'elle est présente sur zone,
21:58qu'elle peut apporter une capacité supplémentaire de sauvetage, pourquoi pas ?
22:04Ça m'est arrivé parfois d'avoir très très loin des polémiques
22:08et très très loin des plateaux télé,
22:12des échanges avec certaines ONG qui étaient sur certaines zones,
22:17et d'ailleurs parfois proches du continent européen
22:20et pas juste devant la Libye,
22:23et qui mettaient leur capacité à disposition des états.
22:29C'est l'obligation de toute personne privée qui est en mer
22:32de se mettre à disposition de la coordination.
22:35Donc ça c'est le côté ambigu, c'est-à-dire on dénonce les états
22:38et clairement le pilote qu'on entend ici dénonce les états.
22:40Maintenant il y a autre chose, dans les années,
22:43et ce n'est pas SOS Méditerranée à qui je fais référence,
22:46il y a des ONG dont le rôle est trouble par rapport au trafic d'êtres humains,
22:51par rapport au passeur.
22:53Nous avons collecté des preuves en 2017
22:58de certaines connivences sous la forme par exemple d'ONG
23:04qui masquent leur présence géographique,
23:07c'est-à-dire que normalement des bateaux doivent signaler leur présence.
23:10Je dirais que c'est un peu comme si vous étiez au volant d'une voiture en pleine nuit,
23:13vous éteignez les lumières, vous enlevez votre plaque d'immatriculation.
23:16Donc des bateaux qui tout à coup disparaissent des écrans radars
23:19contrairement à leurs obligations internationales
23:21et qui ensuite réapparaissent plusieurs heures plus tard en disant
23:25« Heureusement que les ONG sont là parce que les États n'ont rien fait
23:28et nous, nous avons 300 personnes à bord ».
23:30Comment s'est fait le contact avec les migrants qui arrivent de Libye ?
23:34L'agence Contexte avait collecté en coopération avec l'Italie
23:38des informations montrant qu'il y avait,
23:40par des annonces sur des sites Internet,
23:43par l'usage de signaux lumineux,
23:45qu'il y avait des rendez-vous qui étaient planifiés en mer.
23:49Mélanie Bogel, que répondre à cette idée que les ONG joueraient un jeu à ces troubles ?
23:53On voit qu'elles se professionnalisent,
23:55d'ailleurs ce documentaire est là aussi pour nous le montrer,
23:57on voit qu'elles ont les moyens et qu'elles s'affairent,
23:59elles sont aussi dans la communication.
24:01Est-ce qu'elles jouent à un jeu trouble qui finalement devient même contre-productif
24:04vis-à-vis des migrants et des Européens ?
24:07Non mais moi j'ai toujours trouvé que ce récit qui consistait à dire,
24:11et c'est ce que je disais un peu au début,
24:13il y a une responsabilité des flux migratoires, des ONG,
24:18parce qu'elles vont sauver des gens en mer,
24:21les gens ne traversent pas la Méditerranée parce qu'il y a des ONG qui existent,
24:25les gens traversent la Méditerranée parce qu'ils en ont besoin.
24:28Donc après, quand il n'y a pas de voie légale de migration,
24:31ce qui est la meilleure solution si vous voulez arrêter les morts en Méditerranée,
24:34les passeurs, SOS Méditerranée, etc., c'est qu'il y ait des voies légales de migration.
24:38Mais quand il n'y en a pas, les gens prennent des risques,
24:41et donc moi je ne sais pas exactement à quoi il est fait référence sur les preuves,
24:46je n'en sais rien.
24:47Mais en tout cas, les ONG que je connais, SOS Méditerranée,
24:52par exemple moi je suis marseillaise, je passe beaucoup de temps de ma vie en mer,
24:57c'est juste quelque chose, quand vous êtes en mer et qu'il y a des gens qui ont besoin d'aide,
25:01vous avez l'obligation de les aider.
25:03Vous ne pouvez pas dire à des gens qui sont en mer de faire autre chose que ça.
25:07Par contre, les politiques qu'on mène décident de comment ils migreront,
25:13est-ce que ce sera dangereux ou pas, qui ils paieront, comment.
25:18Donc on décide, les politiques européennes de migration ont un impact
25:22sur les conditions dans lesquelles les gens migrent.
25:24L'objectif qu'il y ait moins de migration, pour moi, n'est pas un objectif.
25:27L'objectif, c'est qu'il y ait moins de migration forcée.
25:30Après, le fait que les gens se déplacent dans le monde, pour moi, ce n'est pas un problème.
25:33Je ne cherche pas à ce que les gens se déplacent moins dans le monde.
25:35D'ailleurs, c'est toute la divergence de point de vue politique, là on est sur un débat politique.
25:39Par contre, l'objectif, c'est que les gens ne se déplacent plus
25:42parce qu'ils sont forcés de le faire.
25:43Comment vous les vivez, ces critiques vis-à-vis des ONG qui vous ont sauvé, Falmarès,
25:47où on dit qu'elles font exprès de déposer sur les côtes européennes
25:49pour un peu piéger l'Europe et piéger les Européens
25:52et amener des réfugiés qui n'auraient peut-être pas dû avoir leur place sur le sol européen ?
25:56Moi, je dirais, c'est plus que des critiques, c'est presque des accusations, comme vous le faites.
26:03Je suis d'accord avec vous sur un point, quand vous dites que ces pays-là
26:07ont des responsabilités sur ce qui se passe, bien sûr.
26:10Et je le partage entièrement.
26:12Les pays africains, ces pays-là, ont aussi de la responsabilité.
26:16Mais la question, en fait, de quoi on parle quand on parle de migrants ?
26:22De qui on parle ? Parce qu'on parle des Africains.
26:25Mais la question que je veux vous poser, s'ils étaient Européens,
26:31est-ce que vous allez dire qu'on va les laisser à SOS Méditerranée ou d'autres ONG ?
26:38On va les laisser à mer ? C'est parce qu'ils ne sont pas Européens,
26:41c'est parce qu'ils ne sont pas d'ici, tout simplement.
26:45Vous pensez qu'on fait une différence parce qu'ils viennent du continent africain ?
26:52Les Européens ont réagi bien différemment aux réfugiés.
26:57Il y a des situations de guerre en Ukraine que personne ne peut nier.
27:00Il y a des situations de guerre à plusieurs endroits dans le monde, pas qu'en Ukraine.
27:05Je suis désolé pour ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui.
27:09C'est vraiment désolant. Mais il n'y a pas que l'Ukraine aujourd'hui dans le monde, monsieur.
27:13– Oui, mais quand Ukraine…
27:15– Il y en a au Congo, il y en a à plein d'endroits dans le Sahel,
27:18il y a à Gaza aussi aujourd'hui, dans d'autres endroits dans le monde, bien sûr.
27:24Mais quand on fait cette humanité sélective, parce que c'est ça,
27:30on choisit d'autres personnes, on laisse d'autres personnes.
27:33Et si c'était des Européens, je pense que peu de gens allaient mourir en Méditerranée.
27:39Voilà, ce drame serait peu.
27:43– C'est votre sentiment à vous ?
27:45Vous avez le sentiment que c'est parce que vous êtes africain qu'on rechigne à l'accueil ?
27:48– Je pense qu'on doit être réaliste sur ces questions-là.
27:52C'est ça qui se passe aujourd'hui. J'espère que ça va changer.
27:55Et le rôle de ces ONG-là, s'il n'y avait pas ces ONG-là, monsieur,
28:00je pense que ça serait encore beaucoup plus dramatique.
28:03Heureusement qu'on a ces ONG-là.
28:05Et on a besoin que les États font peu leur rôle sur ces questions-là.
28:10Ils en font très peu, ils devraient en faire beaucoup plus.
28:12Mais s'il n'y avait pas ces ONG-là, les États ne seraient pas obligés…
28:15– Je vais vous laisser répondre, Nicolas, pour vous mentir.
28:17Je précise, plusieurs milliers de morts par an en mer, en Méditerranée.
28:21– En la matière, vous avez parfaitement raison,
28:23c'est que les ONG sont un point d'un sujet beaucoup plus large.
28:25Si les ONG font ça, c'est aussi parce que, sur le plan du droit,
28:28l'Union Européenne est la zone la plus ouverte du monde en matière d'immigration.
28:31En matière de traitement individuel des procédures d'asile,
28:34en matière de prise en charge sur la santé, le soin, l'hébergement des demandeurs,
28:38ce qui est évidemment normal, en matière aussi de garantie à portée
28:41quand on veut renvoyer des gens déboutés de l'asile vers leur pays d'origine,
28:44la directive retour de 2008 de l'Union Européenne
28:46est l'un des dispositifs les plus protecteurs au monde.
28:48Ce qui pose d'ailleurs un certain nombre de difficultés
28:50pour les États qui veulent procéder à des mesures d'éloignement.
28:53On parle beaucoup du taux d'exécution des OQTF en France,
28:55c'est un sujet aussi ailleurs en Europe.
28:56De ce point de vue-là, le droit européen est extrêmement protecteur.
28:59Et pour ce qui est de la comparaison avec le cas ukrainien,
29:02je pense que M. El Djeri a eu l'occasion d'évoquer…
29:04– Je ne pense pas qu'il faut faire…
29:06– Je me permets juste…
29:07– Il ne faut pas comparer les deux situations, parce que sinon…
29:10– En l'occurrence, vous compariez le traitement des migrants africains
29:13avec ce qui a pu être le traitement des Ukrainiens.
29:15Le concept central, c'est bien celui de premier pays tiers sûr,
29:19c'est-à-dire que les Ukrainiens ont été largement accueillis en Pologne,
29:22par exemple, aussi en Hongrie,
29:23il y a eu un dispositif de répartition des Ukrainiens actés au niveau de l'Union européenne
29:27avec la création d'un statut de protection temporaire
29:29qui les dispensait de demander des demandeurs d'asile.
29:31De ce point de vue-là, au-delà du fait que beaucoup des gens
29:34qui traversent aujourd'hui la Méditerranée ne viennent pas de pays en guerre,
29:37je me permets de réévoquer les nationalités méditerranéennes centrales.
29:40Bangladesh en premier, Syrie qui est effectivement un pays en guerre
29:43même si la situation se stabilise, Tunisie, Guinée, Egypte
29:46qui sont des pays qui ont énormément de problématiques internes,
29:48notamment de problématiques économiques
29:50et qui ont sans doute des régimes détestables par beaucoup d'aspects,
29:52mais enfin qui ne sont pas comparables avec la situation de guerre conventionnelle
29:55de haute intensité qui a eu lieu juste aux frontières de l'Union européenne.
29:58Le débat va toucher à son terme.
29:59Si on doit aborder la question peut-être alors du coup des solutions,
30:02est-ce que vous envisagez ce que vous proposez ?
30:05C'est quoi ? C'est que les situations se règlent localement,
30:07qu'on aide les pays à faire en sorte que les personnes ne partent plus ?
30:10Je pense qu'il faut distinguer la situation des personnes
30:14qui sont en besoin de protection internationale,
30:16donc on va dire des personnes qui a priori correspondent à une situation de réfugiés,
30:21donc des personnes qui fuient des persécutions gouvernementales ou une guerre.
30:26Et puis de l'autre côté, on a des personnes qui cherchent un avenir économique meilleur,
30:32c'est légitime, pourquoi pas, mais simplement ne sont pas éligibles.
30:38En tout cas pas dans l'urgence.
30:39C'est pas de l'asile.
30:40Et donc je crois que ça c'est très important.
30:42En tout cas, je suis député au Parlement européen.
30:46Le parti que je représente, le Rassemblement national,
30:49estime que les personnes en besoin de protection internationale
30:52devraient pouvoir faire leur demande d'asile ou de protection en amont
30:56sans être obligées de poser le pied physiquement sur le territoire européen.
31:01Mélanie Vogel, peut-être pour conclure ce débat, quelle solution vous, vous y voyez ?
31:06On a quand même aujourd'hui environ…
31:08Je sais qu'on est parti dans ce débat en disant
31:11qu'il faut traiter de manière humaine et pas statistique,
31:13mais malgré tout, il faut aussi se rendre compte que l'immigration illégale
31:17est très minoritaire parmi les flux migratoires en général.
31:21Environ 90% des gens qui viennent en Europe viennent légalement en Europe.
31:26Parmi les gens qui viennent illégalement,
31:28une bonne partie ne peuvent de toute manière pas faire autrement
31:31parce qu'ils n'ont pas la capacité de demander l'asile autrement
31:34qu'en arrivant, puis en demandant l'asile, puis au bout d'un an on leur donne ça.
31:37Tout ça, il faut accélérer ça.
31:39Et à la fin, on se retrouve finalement avec pas beaucoup de personnes.
31:43Et nous, on est en train de concentrer une énorme partie du débat public
31:46et une énorme partie du débat politique sur peu de cas
31:50de personnes qui, en réalité, cherchent juste à avoir une vie.
31:55Nicolas Pouvrementier ?
31:57Là où je suis d'accord avec madame la sénatrice, c'est qu'effectivement,
31:59l'immigration illégale n'est qu'une partie minoritaire de la question.
32:02En 2022, c'est les dernières données dont on dispose,
32:05les pays de l'Union européenne ont accordé 3,5 millions
32:07de premiers titres de séjour sur leur territoire.
32:10C'est la voix de l'immigration légale classique,
32:12ce qui était une hausse de 135% par rapport à ce qu'on faisait il y a 10 ans.
32:15À côté de ça, le nombre de traversées irrégulières, 380 000,
32:18donc vous voyez, c'est à peine 10% par rapport au total
32:20des premiers titres de séjour accordés,
32:22ce qui renvoie à la question plus globale de l'accélération migratoire en Europe,
32:25dont les traversées irrégulières sont un symbole,
32:28et là, c'est un symbole dramatique du fait des très nombreux,
32:30trop nombreux morts en Méditerranée, mais ça renvoie plus globalement
32:33à la question de la stratégie européenne en la matière.
32:35Est-ce qu'on souhaite recourir à plus d'immigration,
32:38potentiellement toujours plus d'immigration, ce qui est la logique,
32:41notamment des documents de travail de la Commission européenne en la matière,
32:43ou est-ce qu'on cherche des alternatives,
32:45par exemple dans une relance démographique européenne,
32:48par exemple dans une capacité de coopération avec les pays d'origine ?
32:51Ce sont des choix à faire, mais il est certain que les traversées irrégulières
32:53sont finalement l'épaisseur du trait, et là, c'est une question dramatique.
32:56Falmarès, je voudrais vous entendre pour conclure ce débat.
32:58À la toute fin du film, on voit les rescapés se réjouir,
33:01applaudir, danser, parce que ça y est, le bateau arrive en Europe.
33:05Est-ce qu'il y a vraiment matière à se réjouir ?
33:07Est-ce que l'Europe est l'eldorado ?
33:09Quel est votre message à vous, qui avez donc fait cette traversée ?
33:12Vous êtes aujourd'hui en France.
33:13Quel message vous adressez à ceux qui seraient tentés de le faire,
33:16quitte à prendre des risques énormes pour leur vie ?
33:18C'est un risque énorme.
33:20La vie, c'est ce qu'on a sur cette terre la plus précieuse.
33:25C'est notre vie.
33:27Et mettre sa vie en danger, c'est quelque chose que personne ne devrait faire.
33:32Beaucoup de gens le font parce qu'ils n'ont pas le choix.
33:36C'est ce qui peut se comprendre, d'une part.
33:40Mais en fait, il y a une personne qui veut faire ce périple,
33:45parce que c'est ce mot-là qu'il faut employer.
33:48Et moi, je n'encouragerais personne, même mon pire ennemi, de faire ce périple.
33:54Je n'encouragerais personne à le faire.
33:57Mais malheureusement, il y en a qui le font, pas par choix.
34:01Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui arrivent ici,
34:04ils comme moi, et y compris comme moi, excusez-moi,
34:07on ne connaît même pas comment le système français européen fonctionne,
34:10comment les choses fonctionnent ici.
34:12On parle par exemple des aides, des choses comme ça,
34:16que les étrangers viennent pour…
34:19– Pour avoir ces aides-là, alors qu'en fait, vous ne le savez pas.
34:22– Voilà, on n'a aucune idée de tout ça, vraiment.
34:25Donc il faut comprendre ça, on ne fait pas tout ça pour ça.
34:29Et aussi, les États doivent comprendre aussi ces ONG-là,
34:35ces gens-là, que nous sommes des humains, nous sommes des êtres humains.
34:38On mérite tous le même traitement aussi,
34:41d'inclure l'humain dans leur fonctionnement étatique.
34:45Et ça, c'est très important.
34:47– Et l'appel est lancé, merci.
34:48Merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé à cet échange
34:51sur un sujet sensible, mais que nous avons réussi à aborder
34:53de façon constructive et posée.
34:55Merci beaucoup à tous les quatre d'y avoir participé.
34:57Merci à vous de nous avoir suivis.
34:59Émissions et documentaires à retrouver en replay
35:01sur notre plateforme publicsena.fr.
35:03À très bientôt, merci.
35:05– Sous-titrage ST' 501