• il y a 3 mois
Dans ce nouvel épisode de Science vs Fiction, Lila Krebs-Drouot, médecin légiste au CHU Grenoble Alpes, analyse le réalisme de séries cultes de NCIS à Dexter en passant par Les Experts et Grey’s Anatomy.

Comment dater la mort d’une personne ? Qu’est-ce que la rigidité cadavérique ? Comment pratiquer une autopsie ? Comment supporter la mort au quotidien ? Notre experte répond à toutes ces questions et nous révèle les dessous de ce métier fascinant, à la croisée entre la médecine et la justice.
Transcription
00:00Il y a une chose à laquelle je me ferais jamais, c'est l'odeur d'un cadavre en décomposition.
00:03Ah oui ?
00:03C'est une réalité qu'il y a une vraie importance des odeurs en médecine légale.
00:06Dans les cas d'accident, les cœurs peuvent parfois sentir l'alcool.
00:09Alors ça peut sentir le Ricard, très clairement.
00:11Je suis le docteur Lila Krebs-Drouot, je suis médecin légiste.
00:13Alors on y va ?
00:14Prêt.
00:17Vous ne pouvez pas faire d'autopsie si vous n'avez pas le droit d'exercer.
00:21La première incision est effectuée sur la ligne médiane du sternum.
00:30C'est étrange. On dirait qu'il saigne. C'est bizarre.
00:53Je crois que l'autopsie va encore attendre un peu.
00:56Alors, il n'y a pas grand-chose qui va. On n'est pas des sauvages.
01:01On n'arrive pas avec la scie à mains nues comme ça, sans aucune protection.
01:04On n'utilise absolument pas ça pour la peau.
01:07On utilise des scalpels en fait. On fait ça correctement.
01:10En France, en autopsie, on ouvre la cage thoracique en enlevant vraiment le plastron sternocostal.
01:14Et donc, on enlève en fait toute cette partie-là pour avoir accès à tout ce qui se passe au niveau du thorax.
01:19Les côtes, on peut les couper soit avec un sécateur, mais on peut aussi les couper à la scie.
01:23Ensuite, on parle de la qualité de ce qu'on peut voir.
01:25Alors là, la qualité de la peau, genre avec des espèces de petits bouts de plastique mastoc qui ressortent, ça va pas du tout.
01:32La façon dont il saigne, qu'il soit vivant ou qu'il soit mort, ce serait pas comme ça non plus.
01:36Une autopsie sur quelqu'un de vivant, ça s'appelle de la vivissection.
01:39Ça fait extrêmement longtemps que c'est interdit. Il faut savoir que ça a été réalisé.
01:42Au fur des époques, la science a complètement dépassé les limites de ce qui était éthique et humainement acceptable.
01:48Il y avait des câbles qui allaient dans les cercueils pour être sûrs que s'ils bougeaient, la petite cloche qui était au-dessus du cercueil allait sonner.
01:55Maintenant, fort heureusement, on a quand même des techniques qui permettent de s'assurer que la personne est bien décédée.
02:00Et alors clairement, dans le pays où exerce Dr House, il n'y a vraiment pas moyen qu'il fasse une autopsie sur quelqu'un qui est effectivement vivant.
02:07C'est une aberration complète.
02:090 sur 100.
02:11À la limite, je mettrais 10 parce qu'il y a écrit docteur devant House, mais sinon non.
02:18C'est un usager des transports en commun qui l'a signalé. Il s'est énervé parce qu'il n'y avait pas de place sur le banc.
02:23Il a voulu le pousser, mais ça a marché moyen vu que le type était déjà raide mort.
02:28Rigidité complète.
02:29Retournez-le.
02:34Lividité sur la face postérieure correspondant à la disposition des lames du banc.
02:39On sait depuis quand il est là ?
02:40D'après le chauffeur de bus, il y a une heure et demie à son dernier passage, il n'y avait personne.
02:44Ça vous semble problématique.
02:46La rigidité n'est complète qu'après plus de 12 heures.
02:48S'il n'était là que depuis 1h30, comment expliquer la rigidité du corps ?
02:52Il courait, apparemment.
02:54Peut-être qu'il a fait une crise cardiaque et la rigidité est survenue immédiatement.
02:58Lors d'efforts physiques intenses, les muscles consomment beaucoup d'adénosine triphosphate qui leur donne l'énergie de se quantifier.
03:04S'il ne reste pas assez d'adénosine au moment du décès, les muscles peuvent se figer complètement.
03:09C'est tout à fait exact.
03:10Elle est hyper bien, cette infirmière.
03:12100 sur 100.
03:13Les lividités cadavériques, c'est ce qu'elle montre au moment où il retourne le corps.
03:17C'est très informatif pour nous dire si le corps a été déplacé ou pas.
03:21Une fois que la circulation sanguine s'arrête, le sang stagne dans les vaisseaux.
03:25Par la gravité, il va sortir des vaisseaux pour aller se mettre dans les tissus.
03:28Donc il va se mettre là où la gravité va le plus exercer sa force.
03:32Dès le début de la scène, je me suis dit que ce n'est pas pour rien qu'ils lui ont mis des baskets et un short de sport.
03:36L'explication physiopathologique de la rigidité post-mortem, c'est qu'à l'intérieur de nos muscles,
03:41on a une molécule qui s'appelle l'actine, une qui s'appelle la myosine,
03:44et l'énergie permet non pas de les coller, mais de les décoller.
03:48Une fois qu'on n'a plus l'énergie, qui s'appelle l'ATP, c'est l'adénosine triphosphate qu'elle cite dans cet extrait,
03:53une fois qu'on n'en a plus, ça reste collé.
03:55Et donc le corps est rigide.
03:57Plus il va y avoir d'ATP disponible au moment du décès, plus la rigidité va survenir tardivement.
04:02Typiquement, ces corps qui sont rigides tout de suite,
04:04ce sont des gens qui sont à un moment de l'effort où directement ils vont être rigides.
04:08C'est tout à fait réaliste.
04:10Et c'est vrai que c'est quelque chose qui est très connu du grand public, la rigidité cadavérique.
04:14Il est reine mort.
04:15C'est quelque chose qui est carrément dans le langage courant,
04:17alors que finalement c'est une notion qui est quand même assez complexe.
04:19On va essayer de le mettre droit.
04:21Marrant ça !
04:22Et un, deux, trois !
04:26Trop mal fait par contre le cadavre.
04:27En vrai, moi je le trouve pas si mal.
04:29Il y a une espèce d'impression que donne le corps mort, avec le manque de mouvement, le manque de vie en fait.
04:34La première fois qu'on en voit un, on doit se demander si c'est une poupée ou pas.
04:41Oh non, qu'est-ce que tu fais ?
04:43T'as pas le droit de lui couper un doigt comme ça.
04:45Peu d'odeur.
04:46On va peut-être avoir une empreinte.
04:47Avec quoi ? Il est où ?
04:50Frippé ?
04:51Tu peux mettre de l'adoucissant ?
04:53Oui, si tu veux.
04:54Ma mère en mettait tout le temps de ça.
04:56Je savais pas que ça servait aux scientifiques.
04:58Tu m'arrêtes.
04:59Là.
05:00Il veut plus que ça.
05:01Ben voyons.
05:02Waouh ! C'est redevenu un doigt.
05:06Tiens, regarde.
05:10Waouh !
05:11Une empreinte, tout ce qu'il y a de parfait.
05:13Bon, c'est vrai, l'adoucissant.
05:15C'est pas mal, je regarderai.
05:17Je testerai pas en enlevant le doigt de quelqu'un.
05:19C'est promis, vraiment.
05:20Effectivement, la peau, une fois passé le décès, selon les conditions, elle va se déshydrater.
05:25Du coup, ça va modifier les empreintes digitales, parce que le bout des doigts va devenir sec.
05:29Il y a des techniques pour réhydrater le doigt, mais par contre, c'est des techniques qui sont très longues.
05:34Ça, c'est une certitude.
05:35C'est-à-dire que si c'était aussi simple que mettre le doigt dans l'adoucissant, le sortir, ça se saurait.
05:38Je dirais 30 sur 100.
05:39L'adoucissant, j'y crois pas trop.
05:41La durée, j'y crois pas trop.
05:43C'est bon, ça.
05:44Il y a autant d'histoires anthropologiques que d'histoires d'amour, pour le coup.
05:47La question des empreintes digitales, c'est un moyen d'identification qui est extrêmement précis,
05:51puisque même des jumeaux n'ont pas les mêmes empreintes digitales.
05:53Un autre moyen d'identification qu'on a sur les corps altérés, c'est les tatouages.
05:57Avec les modifications de la peau, les décollements de l'épiderme, les colorations anormales,
06:01ça peut masquer les tatouages, donc on peut réussir à les retrouver.
06:05Dans les identifications qu'on appelle de certitude, il va y avoir les dents,
06:08il va y avoir notamment le matériel médical,
06:10donc le fait d'avoir une prothèse avec un numéro de série sur la prothèse.
06:22Il est mignon, il est en train de parler en disant
06:24« je m'offrais pas à l'odeur », avec son masque qui est descendu.
06:35C'est une réalité qu'il y a une vraie importance des odeurs en médecine légale.
06:38Dans les cas d'accident, les cœurs peuvent parfois sentir l'alcool.
06:41Donc typiquement, sur un accident de la route, parfois, dès l'ouverture du corps,
06:44non seulement on peut dire que la personne a bu, mais des fois même quel type d'alcool elle a bu.
06:47Ça peut sentir le Ricard, très clairement.
06:49Plus on s'habitue, plus on va avoir le nez fin.
06:51Alors une espèce d'oenologie du cadavre, je sais pas, mais...
06:55Dans la forêt, des fois, je sens l'odeur et je peux pas m'empêcher de penser.
06:59J'espère que c'est un cadavre d'animal qui est mort,
07:01parce que sinon, peut-être que c'est quelque chose et je vais faire la levée de corps directement.
07:20Eh ben là, c'est pas si mal.
07:21Là, dire 3-4 semaines, ça me choque pas.
07:23Plus on va s'éloigner du moment du décès, moins on va être précis.
07:26C'est-à-dire que dans les 24-48 premières heures,
07:29on va pouvoir être précis et précis à quelques heures près.
07:32C'est-à-dire qu'on n'est pas sur une précision de « il est mort il y a un quart d'heure ».
07:35Et effectivement, quand on juge une date de décès,
07:37c'est hyper important de les mettre en rapport avec les derniers éléments d'enquête.
07:41Donc, est-ce que le courrier a été relevé ?
07:43Quand est-ce que, pour la dernière fois, il a envoyé un SMS ?
07:45Ou quand est-ce que, pour la dernière fois, il a été vu vivant ?
07:48Eh ben, franchement, il est vraiment pas mal.
07:50Moi, je dirais 90 sur 100, parce qu'il dit qu'il y a aucune lésion,
07:54alors qu'il a encore son t-shirt.
07:55Ça me part un peu difficile, quand même.
08:00J'ai jamais été perturbée par la vision d'un corps mort,
08:04et non plus par le fait d'avoir un contact physique avec le corps mort.
08:07C'est ce que j'explique aux étudiants en médecine.
08:08Quand on va voir un patient, d'abord, on parle avec lui.
08:10On lui dit « Est-ce que vous avez des problèmes de santé ? »
08:12« Depuis combien de temps vous avez mal ? »
08:14Ensuite, on fait notre examen.
08:15Eh ben, en fait, c'est exactement le même rapport que j'ai avec les personnes décédées.
08:19L'interrogatoire, je le fais avec les forces de l'ordre.
08:21Je lui dis « Bah, du coup, c'est quelle personne ? »
08:23« Est-ce que vous savez si elle avait des problèmes de santé ? »
08:25Ensuite, je fais mon examen.
08:26Et puis, à la fin, avec tout ça, on aboutit à un diagnostic
08:28qui, du coup, n'est pas un diagnostic médical, mais médico-légal.
08:31Mais c'est vraiment le même raisonnement, en fait, qui est appliqué.
08:33D'où l'importance d'avoir des notions et de justice et de médecine
08:36pour pouvoir faire ce métier.
08:41Salut, Dex !
08:43Salut !
08:44Alors, c'est ça que tu fais comme métier ?
08:48Je fais correspondre les tâches de sang pour une scène de crime.
08:51Il faut que je trouve l'outil qu'on a utilisé.
08:53On entend toutes sortes d'histoires atroces.
08:55Broyeur à ordures.
08:56Hélice de bateau.
08:57Ici, ça peut correspondre aux dégâts d'une tronçonneuse.
09:00C'est une bonne façon de faire des reconstitutions,
09:02de mettre du faux sang.
09:03Alors, je sais pas quel faux sang il utilise,
09:05mais c'est une vraie réflexion, savoir ce qu'on utilise.
09:08Parce que le sang a une certaine viscosité.
09:10C'est pas un verre de grenadine, justement.
09:12Donc, en fait, c'est pas aussi simple que juste je verse de l'eau
09:14et je regarde l'eau, comment elle part.
09:16C'est comme quand on fait des analyses en balistique.
09:18On utilise de la gélatine pour reconstituer la peau.
09:21Les os, c'est pareil, c'est encore une structure différente.
09:23En tout cas, c'est une méthode qui peut être pertinente.
09:25Il met le sang et puis il voit ce que ça donne.
09:27Pourquoi pas ?
09:28Et puis, en plus, j'aime bien Dexter, donc 86% !
09:31La morphoanalyse, l'analyse des traces de sang,
09:33c'est pas stricto sensu un champ complet du domaine de la médecine légale.
09:37Au niveau de la circulation du corps, la circulation sanguine,
09:40il y a les veines et les artères.
09:41Les artères, ça sort du cœur et les veines, ça revient au cœur.
09:45À chaque battement, le cœur va envoyer du sang dans toutes les artères.
09:49C'est ça, en fait, le pouls qu'on sent.
09:51Les veines, c'est le retour du sang.
09:52Et donc, ça va pas du tout être le même type de circulation sanguine.
09:56Et donc, on va pouvoir voir des traces qui vont orienter plus vers un jet artériel
10:01et les écoulements veineux qui vont être du coup beaucoup plus passifs.
10:04Ce qui nous est posé comme question parfois, c'est de dire
10:07en fonction de la quantité de sang, est-ce que la personne a pu mourir ou pas ?
10:10C'est très difficile.
10:11Mettez de la grenadine dans un verre d'eau, renversez le verre par terre
10:14ou renversez la même quantité sur de l'herbe,
10:17vous allez pas du tout voir la même chose.
10:18Et c'est des questions où, généralement, on répond un peu en disant qu'on sait pas.
10:22Donc, la justice aime pas trop quand on sait pas.
10:30On peut mettre pause.
10:31Moi, je trouve ça pire de cacher le visage de la personne.
10:35On se permettrait jamais, si elle était vivante, de faire ça, en fait.
10:38Elle a une responsabilité de soin.
10:39Je vois pas pourquoi, si la personne est morte,
10:41elle aurait pas le droit à ce respect-là aussi.
10:43Vous devez être le docteur Belay.
10:45Je suis le docteur Starlet, chef légiste.
10:48Et cette jeune femme doit être Marie Portman,
10:5030 ans, défaillance multiviscérale, de cause inconnue.
10:53Enfin, un cas un peu stimulant à se mettre sous les dents.
10:57Oui, la réservation est au nom de Stanley.
10:59Jennifer Stanley.
11:01Y a eu une petite erreur, alors.
11:02Vous trouvez pas ça bizarre, vous ?
11:048 personnes qui veulent dîner à 4h ?
11:06Une envolée pulmonaire a peut-être été à l'origine du décès.
11:09Ce ne sont que des caillots post-mortem, c'est parfaitement normal.
11:12Bon, Grey's Anatomy est très exagéré,
11:13mais merci pour la vision que ça donne de la médecine légale et de l'autopsie.
11:16Enfin, un cas un peu stimulant en mettant le chewing-gum dans sa bouche.
11:19Non.
11:20La réservation au resto, surtout en ayant les mains dedans,
11:23c'est quand même un peu trop.
11:24Et alors, la question des caillots entés et post-mortem,
11:26c'est une question qui est cruciale, pour le coup, en autopsie.
11:29Qu'ils soient entés ou post-mortem,
11:30ils ressemblent pas du tout à un petit caillou comme ça.
11:32Puis alors, elle les prend à la pince comme ça,
11:34et elle les pose.
11:35Ça, c'est pas du tout réaliste non plus.
11:36Les quelques épisodes que j'ai pu voir,
11:38c'est rigolo, parce qu'ils mettent des trucs hyper évidents.
11:40Ils font comme si c'était des trucs de fous.
11:41Alors que c'est vraiment quatrième année de médecine, quoi.
11:44Les mots, des fois, sont bien.
11:45Après, tout le reste est déconnecté.
11:47Mais ouais, les mots sont là.
11:48Franchement, la réflexion scientifique de l'embolie pulmonaire
11:51pour un décès qu'a lieu en milieu chirurgical,
11:54j'aime mieux.
11:5570 sur 100.
11:57Les 30 % pour, bien entendu, de nouveau,
11:59la façon dont on traite la médecine légiste.
12:01Quand on fait une autopsie,
12:02c'est un acte médical invasif et important.
12:05Donc, on est concentré sur ce qui se passe.
12:07Mais le fait d'avoir des discussions pendant une autopsie,
12:09si, pourquoi pas ?
12:10L'objectif d'une autopsie, c'est de le rendre le mieux possible.
12:13C'est-à-dire, dans les limites de l'état dans lequel il est arrivé,
12:16les incisions qu'on fait, on les recouvre.
12:18On rend le corps présentable.
12:19Tout ce qui appartient au corps
12:21et n'a pas d'intérêt pour le reste des examens
12:23est rendu au corps.
12:24On essaie jusqu'au bout d'être le plus naturel possible,
12:27où, en fait, on va faire des sutures extrêmement étanches.
12:29On va remettre avec de la colle.
12:31Et puis, on va mettre quand même un peu de papier
12:34pour rendre aussi bien la forme.
12:35Parce qu'à partir du moment
12:36où il y a aussi une manipulation des organes,
12:38il faut que ça garde une forme de vente.
12:39Vous avez commencé l'autopsie ?
12:40Juste superficielle. Je n'ai pas encore coupé les cordes.
12:42On peut voir ?
12:43J'ai pensé que vous voudriez voir telle culture.
12:45J'ai voulu qu'on le découvre.
12:46C'est la première fois que je vois ça.
12:47Je vous préviens, c'est un travail de dingue.
12:55Oui, il peut sortir.
12:56Vraiment, il vaut mieux ça qu'il tombe par terre.
12:58Mais par contre, plus on comprend ce qui se passe,
13:01et moins on se sent mal.
13:02On se détache un peu de cette violence visuelle,
13:05auditive, olfactive.
13:07Le décès remonte à 48 heures.
13:11Premier examen révèle de nombreuses traces de lacérations
13:14sur les épaules, les bras, les coudes, les cuisses,
13:18réalisées avec un instrument en champ plutôt type cutter.
13:20Quatre côtes sont brisées.
13:22Les bras sont cassés au niveau des épaules et des coudes.
13:26Fractures multiples du tibia, de la hanche.
13:29Enfin, la liste est trop longue.
13:30Je vous ferai le détail dans le rapport.
13:32Pause.
13:33Réussir sur un examen externe à dire
13:36quatre fractures de côtes, etc.
13:37En fait, il est vraiment fort.
13:38Il est bien plus fort que nous, à priori, ce médecin légiste.
13:41Nous, on aurait des radios pour dire ça.
13:43Ah non, c'est pas une bonne idée d'aller mettre son doigt comme ça.
13:46Si j'étais vous, je ne ferais pas ça.
13:48Le tueur a enlevé les globes oculaires de façon quasi chirurgicale.
13:51C'est pas que pour ça que je ferais pas ça,
13:53parce que ça se fait pas au moment d'une autopsie
13:55d'aller mettre des doigts non gantés
13:57pour toucher un élément du corps.
13:59En plus, s'il y a des éléments médico-légaux à cette zone-là,
14:02encore moins, effectivement.
14:03Oh, je dirais 50%.
14:05Parce qu'il dit des choses qu'il peut absolument pas déterminer
14:08sur ce simple examen de corps.
14:09C'est-à-dire que s'il regarde ça, il peut pas dire le nombre de fractures,
14:12il peut pas dire le délai depuis lequel il est mort,
14:14il peut pas dire combien de temps il a survécu.
14:16C'est des éléments qu'il pioche un peu dans son chapeau et qu'il envoie.
14:18Je pense qu'en tout cas, ce qui est sûr, c'est que sur un décès comme ça,
14:21on ferait la totale.
14:22On peut faire ou des radiographies ou un scanner
14:24qui nous permettront de pouvoir voir les fractures
14:28sans avoir justement à manipuler,
14:30se lâcher ouvrir le corps.
14:31Il y a tout un tas, en fait, à partir de là, d'examens complémentaires.
14:34Donc de la balistique, de la génétique,
14:36l'analyse des cheveux,
14:37où on peut des fois revenir sur plusieurs années, même en arrière.
14:40Il peut y avoir aussi la microscopie.
14:41Par exemple, dans les cas de noyade, on a les diatomées,
14:43qui sont des petites ales qu'on peut trouver
14:45qui vont servir à confirmer s'il y a noyade ou pas.
14:47On participe aux reconstitutions.
14:49D'ailleurs, assez souvent,
14:50quand il y a des armes à feu avec les balisticiens,
14:52ça se passe sur les lieux, au même moment, dans les mêmes conditions.
14:55Des fois, c'est vraiment...
14:56Il faut que la Lune soit avec la même clarté.
14:58Donc on est sur ce niveau de détail,
14:59avec tous ces éléments,
15:00qu'on arrive pour la déposition aux assises.
15:02On a réalisé un test qui reproduit les conditions du jour J.
15:06Au moment des faits,
15:07il y avait une couche de glace
15:09en dessous d'une épaisse couche de neige.
15:11Il faut tenir compte absolument du rebond
15:14causé par le choc sur le rebord du toit.
15:16Vous venez de décrire l'autre thèse,
15:18celle du coup violent, comme improbable.
15:20Est-ce que vous diriez qu'elle décrit quelque chose d'impossible ?
15:22Non, c'est pas absolument impossible, mais c'est fortement improbable.
15:24Donc si c'est pas impossible, c'est que c'est possible.
15:26Oui, mais il est également possible qu'un jour,
15:28je devienne présidente de la République.
15:29Eh bien, je dirais 70 %.
15:31Ce genre de discussion, c'est vraiment ce qu'on retrouve aux assises.
15:34Quand on est médecin légiste, on a deux devoirs.
15:37Un envers la justice et un envers la médecine.
15:39La justice, il faut que ce soit oui ou non.
15:41Il faut que ce soit blanc ou noir.
15:43Il n'y a pas de peut-être que, etc.
15:45Alors que, de manière générale,
15:46en médecine et dans les champs de la science,
15:48c'est toujours une question de probabilité, de compatibilité.
15:51Par exemple, les procès avec des armes tranchantes ou piquantes,
15:54typiquement un couteau.
15:55Imaginons qu'il y a un coup de couteau, justement, vers l'avant.
15:58L'avocat de la défense, il va dire,
16:00mais est-ce que vous pouvez faire la différence entre
16:02il est tombé sur le couteau ou le coup de couteau lui a été porté
16:06avec une certaine volonté ?
16:07Ça va amener à des discussions de sourds.
16:09Toutes ces données, surtout vu la masse corporelle de l'accusé,
16:13rendent cette thèse très improbable.
16:16Mais pas impossible.
16:17Et donc, c'est un des pièges des assises.
16:19On dit quelque chose, c'est reformulé,
16:21et puis on nous fait, vous êtes d'accord, docteur ?
16:24Vous ne pouvez qu'être d'accord ?
16:26Mon mari, il doit pas le savoir.
16:29Il n'a pas à le savoir.
16:32Alors, juste pause.
16:34Alors là, du coup, on est sur quelqu'un qui est victime de violences,
16:36de violences sexuelles.
16:38La question du tactile chez une personne
16:40qui vient d'être victime de violences sexuelles,
16:42on ne va pas la toucher comme ça.
16:49Vous êtes prête ?
16:55Abbe, on a fini.
16:58Je mettrais quand même une bonne note,
17:0070 sur 100, parce que je trouve que ça montre bien
17:03que c'est un examen qui est traumatique,
17:05qui n'est pas banal.
17:06On voit des prélèvements
17:07qui sont des prélèvements corrects, pour le coup.
17:09S'il y a des lésions,
17:10on va passer des écouvillons dessus,
17:12on va prélever sous les ongles,
17:14faire une prise de sang pour rechercher de la toxicologie,
17:17on va faire un examen et des prélèvements au niveau génétique.
17:20Le différentiel, je le mettrais surtout sur l'attitude des médecins.
17:23Je trouve qu'elles sont très envahissantes physiquement.
17:25Malheureusement, ça représente vraiment une partie de l'activité.
17:28Le médecin légiste, c'est le médecin généraliste de la violence.
17:30Que ce soit des vivants ou des morts,
17:32ou que ce soit notre contact avec les patients,
17:35avec les forces de l'ordre,
17:36on est en permanence confrontés à la violence,
17:38à la violence psychique,
17:39à la violence physique,
17:40à la violence sexuelle.
17:41Parfois, quand je dis que je suis médecin légiste,
17:43il y a un groupe de médecins,
17:44un groupe de médecins,
17:45un groupe de médecins,
17:46un groupe de médecins,
17:47un groupe de médecins,
17:48parfois, quand je dis que je suis médecin légiste,
17:49il y a une espèce de réaction à dire
17:51« Ah ouais, non mais d'accord,
17:52donc tu dois vraiment être insensible en fait. »
17:55Bien sûr que ça m'émeut,
17:56mais bien plus que la mort.
17:58Ma réelle angoisse,
17:59c'est l'idée de souffrance en fait.
18:01C'est l'idée de faire souffrir les gens.
18:02Je suis capable de m'évanouir,
18:03ou en tout cas, des fois,
18:04il y a des moments où je fasse des pauses et que je ressors,
18:06si je fais des gestes sur des gens qui sont vivants,
18:07et je sais que ça leur fait mal en fait.
18:09C'est très difficile pour moi la souffrance.
18:10On est probablement une des spécialités médicales
18:13dont on parle le moins
18:14au cours des études de médecine.
18:15Alors que si on regarde le temps pris à l'écran,
18:18clairement, la médecine légale est énormément représentée.
18:21Si ça peut donner envie à des gens
18:24qui vont pouvoir apporter à la discipline,
18:26tant mieux.
18:27Moi, j'ai toujours voulu faire médecine légale,
18:28aussi bizarre que ce soit,
18:30et j'ai la chance de pouvoir faire ce métier.
18:32Et c'est aussi grâce à ces séries
18:33qui m'ont influencée,
18:34et qui m'ont influencée pas si mal que ça,
18:36puisque je ne suis pas déçue de mon métier.
18:38Donc c'est une chance.
18:39On va essayer de le mettre droit.
18:41Marrant, ça.
18:42Et un, deux, trois.

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