Avec :
- Jean-Baptiste Comby, sociologue,
- Léna Lazare, activiste écologiste,
- Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue,
- Fabienne Rouchy, responsable de la CGT.
- Emilio Meslet, grand reporter à l'Humanité,
- Jessica Stéphan, journaliste à l'Humanité.
- Jean-Baptiste Comby, sociologue,
- Léna Lazare, activiste écologiste,
- Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue,
- Fabienne Rouchy, responsable de la CGT.
- Emilio Meslet, grand reporter à l'Humanité,
- Jessica Stéphan, journaliste à l'Humanité.
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00:00:00de perdre du terrain alors que cette préoccupation montait ces dernières années
00:00:04dans les actions militantes, dans les consciences.
00:00:07La préoccupation écologique, perd-elle du terrain ?
00:00:09C'est un débat que nous allons mener avec Jean-Baptiste Combi qui est sociologue,
00:00:14Léna Lazar, activiste écologiste, Valérie Masson-Delmotte qui est paléoclimatologue
00:00:20et Fabienne Rouchy, responsable de la CGT.
00:00:23Un débat animé par Emilio Mellet, grand reporter à l'Humanité
00:00:28et Jessica Stéphan.
00:00:38Alors bonjour à toutes et à tous, bienvenue pour ce dernier débat de l'Agora de la Fête de l'Humanité
00:00:44et en direct sur le site de l'Humanité.
00:00:48Vous le savez, notre journal, l'Humanité, fête ses 120 ans
00:00:51et pour conclure nos riches échanges du week-end, nous avons décidé de regarder vers les 120
00:00:57prochaines années et donc vers le défi du siècle, le défi climatique
00:01:01avec une table ronde intitulée « La préoccupation écologique perd-elle du terrain ? »
00:01:05Lors des élections européennes puis législatives, l'écologie a quasiment disparu du débat public.
00:01:12Entre 3 et 5% du temps médiatique a été consacré à ces sujets lors de ces campagnes
00:01:18et lorsqu'il en a été question, ce fut parfois avec un cadrage scandaleux du type
00:01:23« écologie, stop ou encore ? »
00:01:26Alors, comment remettre l'écologie au centre ?
00:01:28Quels sont les obstacles à une vraie prise en compte des enjeux environnementaux ?
00:01:33Est-ce une question de bataille idéologique et culturelle ou de rapports de force à accentuer ?
00:01:38C'est tout l'objet de cette discussion.
00:01:41Et avec nous pour en discuter sur cette scène de l'Agora, Fabienne Rouchy,
00:01:45responsable des questions écologiques à la CGT et membre du Conseil économique, social et environnemental.
00:01:55Le sociologue Jean-Baptiste Combi, auteur de l'essai « Écolo mais pas trop, les classes sociales face à l'enjeu environnemental »
00:02:04livre qu'il dédicacera à l'issue de ce débat.
00:02:07Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherche au commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
00:02:20Et vous êtes aussi ancienne coprésidente du groupe numéro 1 du GIEC.
00:02:24Et enfin, Léna Lazar, porte-parole des soulèvements de la Terre.
00:02:32Merci à tous les quatre de vous être joints à la fête de l'humanité et d'être avec nous aujourd'hui.
00:02:42Alors Valérie Masson-Delmotte, notre première question s'adresse à vous.
00:02:47Où en est-on aujourd'hui ? Comment va le monde ?
00:02:50Donc j'ai trois minutes. Et ce que je veux commencer par dire, c'est à quel point c'est plaisant d'être ici, dans un contexte festif, populaire et engagé.
00:03:02Pourquoi est-ce que c'est important ?
00:03:06Pourquoi est-ce que c'est important ? Donc d'abord, le climat à l'échelle planétaire, où est-ce qu'on en est ? C'est mon angle en fait, sur l'état du monde.
00:03:13Donc le réchauffement planétaire, il se poursuit. Il se poursuit du fait des émissions de gaz à effet de serre à un rythme élevé.
00:03:20Et comme en plus, on a eu un événement El Niño 2023-2024, on a encore battu des records de température.
00:03:27On vit partout avec les conséquences de ce climat qui change, avec le fait qu'il dope les événements extrêmes, les extrêmes chauds, 30 degrés en Méditerranée cet été.
00:03:37La vie marine, elle est aux premières loges. On vit aussi avec le fait qu'il dope les sécheresses les plus intenses, donc un cycle de l'eau plus intense, plus variable.
00:03:47Vous vous souvenez, 2022, les sécheresses très difficiles à gérer en France. Et cet été, cette année, des difficultés graves liées aux précipitations, liées aux inondations.
00:04:00Le monde agricole en première ligne. Et en France, des rendements d'une production de céréales touchée de plein fouet, des hivers plus doux qui favorisent des vecteurs de maladies qui se déplacent.
00:04:12Ça concerne la santé humaine avec la dingle West Nile en France, mais aussi dans d'autres régions du monde.
00:04:18Ça concerne aussi les vecteurs de maladies qui touchent l'élevage. Donc on est dans le dur, en fait. On est dans le dur sur des questions d'habitabilité.
00:04:26On est dans le dur sur des questions de gestion de risques, de solidarité. Souvent, l'impression d'être pas prêt parce qu'il y a un décalage entre ce qu'on pourrait faire pour mieux se préparer,
00:04:37les actions d'adaptation pour les infrastructures, pour anticiper ces risques et ce qui est réellement mis en œuvre. Et c'est d'autant plus le cas dans les régions, bien sûr, les plus vulnérables, les plus pauvres.
00:04:50Et pour les communautés les plus vulnérables, les plus pauvres partout. Si on regarde les émissions de gaz à effet de serre dans le monde, ce que l'on voit, c'est que pour beaucoup de gaz à effet de serre,
00:05:00elle continue à augmenter. Celui qui pèse le plus, c'est le dioxyde de carbone lié aux énergies fossiles. Et là, il y a des choses encourageantes, c'est-à-dire la hausse se ralentit,
00:05:11mais on n'est pas encore à un pic avec une baisse nette au niveau mondial. Pour la France, en 2023, on a atteint un rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre, même en tenant compte des effets de l'inflation,
00:05:27qui permettraient de tenir les engagements à horizon 2030 et pour la suite. Mais à condition de maintenir l'effort dans la durée, de mettre en priorité les investissements pour construire une économie décarbonée,
00:05:40et là, qu'est-ce qui se passe depuis le début de l'année 2024 ? Tous les documents stratégiques de la France sont à l'arrêt. On devrait avoir une planification énergie et climat à l'arrêt.
00:05:54On devrait avoir la réactualisation du plan national d'adaptation au changement climatique à l'arrêt. Donc c'est au moment où on voit qu'on commence à atteindre le rythme de croisière qu'on devrait maintenir, que les efforts se ralentissent.
00:06:08Et donc, moi, ce que j'ai envie de dire par rapport à l'état du monde, c'est qu'il y a des choses qui ont avancé. Elles ont avancé parce qu'il y a eu une pression collective, citoyenne, une pression dans l'ensemble de la société.
00:06:20Si on regarde la partie énergétique, il y a eu des avancées à la COP 28 à Dubaï. Et vous avez peut-être noté que les négociations internationales pour le climat, en ce moment, c'est la succession d'états pétrolières qui les hébergent.
00:06:36Les Émirats arabes unis, l'Azerbaïdjan cette année et le Brésil, un rendez-vous très important l'année prochaine. Le Brésil fait partie de l'OPEP+, maintenant, producteur de pétrole.
00:06:45Mais au moins, dans le cadre des négociations internationales, les points-clés de ce qu'est une transition énergétique ont été inscrits.
00:06:53Efficacité, montée en puissance des renouvelables, toutes les énergies bas carbone dont on a besoin pour permettre de vivre décemment. La feuille de route est là, mais elle n'est pas traduite de manière concrète avec les investissements à hauteur des enjeux.
00:07:06Et il y a un gros absent, et vous l'avez certainement observé. Le système alimentaire dans le monde, il est fragile. Il est vulnérable aux conséquences d'un changement climatique. Il est injuste pour les exploitants agricoles qui sont en première ligne.
00:07:21On a une partie de la population mondiale croissante qui n'arrive pas à manger à sa faim. Et on a également beaucoup de personnes qui souffrent de surpoids, d'obésité par une alimentation déséquilibrée.
00:07:32Ils contribuent à un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Et les transformations pour un système agricole résilient, plus juste, décarbonés, elles ne sont pas là.
00:07:43Et elles ne sont même pas reflétées au niveau des COP du 1er bilan mondial de l'accord de Paris sur le climat. Et la crise agricole a aussi fait faire en Europe un retour grave.
00:07:55Voilà. Donc l'état du monde, des choses qui ont avancé, des choses qu'on pourrait faire mieux plus vite. Mais il faut une pression citoyenne pour que le cap soit tenu et qu'il soit fait de manière juste.
00:08:06Alors merci Valérie Masson-Delmotte d'avoir décrit cette montagne qui se trouve face à nous. Maintenant, on a décidé aussi de mettre directement les pieds dans le plat.
00:08:18L'écologie, en tout cas au sein de la gauche, au sein du mouvement écologiste, des questions se posent sur comment parler d'écologie, comment faire en sorte que l'écologie progresse, continue d'avancer, voire et surtout ne régresse pas.
00:08:33Alors, on a une question assez binaire, mais qui vaut le coup d'être posée. L'écologie peut-elle être consensuelle ou faut-il assumer qu'il s'agit d'un sujet de clivage, un sujet de lutte des classes ?
00:08:46Je précise que cette question s'adresse à vous tous et que nous allons commencer par vous, Fabienne Rocher.
00:08:54Merci. De toute façon, nous, ce qu'on observe, c'est que les problèmes sociaux et les problèmes environnementaux, ils sont intimement liés à la CGT et les travailleuses et les travailleurs sont d'accord pour le dire.
00:09:08Ils sont quand même les premières victimes lorsque des processus de production dégradent l'environnement, provoquent des pollutions. Ils en sont les premières victimes.
00:09:19Évidemment qu'on essaye de travailler avec eux et on a des camarades qui ont porté des projets alternatifs pour modifier, pour transformer l'appareil productif, qui ont parfois réussi,
00:09:32souvent après de longues luttes, après des interventions multiples qu'on a soutenues largement collectivement auprès des ministères, pour essayer d'être entendus sur des projets crédibles qui ont fini, pour certains, par aboutir.
00:09:47Mais vraiment, c'était une lutte extrêmement dure. Donc les pouvoirs publics, ils ont un rôle extrêmement important à jouer là-dedans et on est tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Valéry.
00:10:00On n'est quand même pas dans une phase où ils ont décidé de le faire. Quand on voit les budgets d'austérité qu'on nous propose, on voit bien le Premier ministre qui a été nommé.
00:10:13C'est un ancien commissaire européen qui va s'appuyer sur les décisions de la Commission européenne avec une procédure pour déficit excessif vis-à-vis de la France.
00:10:24On se dit qu'effectivement, il y a quand même un tas de ministères qui ont des budgets qui vont être complètement sabrés, diminués, dont celui de la transition écologique.
00:10:35D'ailleurs, Christophe Béchut s'en est lui-même ému en disant « Vous m'avez déjà sabré 2 milliards en février 2024. Là, je vais encore avoir une réduction de mon budget d'un milliard supplémentaire.
00:10:46Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec ça ? » Jamais la France ne pourra tenir avec des budgets de ce type ses engagements climatiques.
00:10:54Nous, on travaille aussi sur les aides aux entreprises. Là, on a 200 milliards annuels à peu près d'aides publiques aux entreprises qui sont quand même attribuées sans conditionnalité.
00:11:09Ce qu'on se dit, c'est que le minimum, ce serait de les conditionner à des critères sociaux et environnementaux. Et même la Cour des comptes, ils ne sont pas tous à la CGT pourtant.
00:11:20Les membres de la Cour des comptes se sont émus du fait que ces aides-là n'ont jamais évalué la pertinence ni l'efficacité et qu'elles étaient très peu contrôlées.
00:11:31Il n'y a pas de dispositifs aujourd'hui en France qui le permettent. Donc, on essaie aussi d'agir pour que tout cela soit pris en compte.
00:11:39Mais bien sûr, c'est un sujet de lutte des classes. Et d'ailleurs, quand on arrive à transformer l'appareil productif, à remettre dans le débat public toutes ces problématiques-là,
00:11:51qui sont très concrètes pour les travailleuses et les travailleurs, au quotidien, on le fait par la lutte. Et on est entendus quand on lutte.
00:11:59— Applaudissements du public. — Les Nalazars, alors l'écologie, peut-elle être consensuelle ou c'est un sujet de lutte des classes pour vous ?
00:12:09— Je pense que c'est un sujet de lutte des classes. Ce que j'ai toujours trouvé inquiétant en tant qu'activiste écologiste, c'est de voir aussi à quel point,
00:12:20notamment des partis politiques de droite, d'extrême-droite, s'accaparait de plus en plus cette notion d'écologie, qu'on voyait qu'on pouvait mettre
00:12:29en fait toutes sortes de choses derrière ce mot-là et que le greenwashing, en fait, il avançait de plus en plus. Si c'est pas clair pour tout le monde
00:12:37quand on parle d'écologie, justement, qu'on veut une écologie conséquente qui suit les consensus scientifiques et donc qui rime avec justice sociale,
00:12:44ça va être très compliqué d'avancer dans le bon sens. Et justement, de faire croire aux gens que les choses sont sous contrôle et qu'on va pouvoir avancer
00:12:53tranquillement alors qu'on voit qu'on a vraiment besoin d'une révolution et de changer tout un tas de choses, c'est sûr que ça va pas permettre de nourrir
00:13:05des mobilisations qui sont hyper importantes, qui sont vitales actuellement. Je sais que par exemple, on nous reprochait beaucoup au début du sport climat
00:13:15qu'on affiche qu'on était anticapitaliste alors qu'on sait très bien que dans une planète aux ressources finies, on peut pas avoir une croissance infinie.
00:13:26Et que du coup, voilà, toutes ces choses-là qui devraient être assez basiques, que ce soit pas encore évident pour tout le monde...
00:13:32Oui, ben voilà, je trouve que c'est inquiétant et qu'il faut qu'on continue à se mobiliser pour que les choses changent réellement et qu'on reste sur une planète habitable.
00:13:42Jean-Baptiste Combi, même question. Normalement, vous êtes...
00:13:55C'est la même question.
00:13:57Oui, pour répondre à cette question, j'avais envie de revenir sur la question du débat, en fait. Est-ce que la préoccupation environnementale perd du terrain ?
00:14:07Parce que moi, ce que j'ai observé dans les enquêtes que j'ai menées, c'est que la préoccupation environnementale, quel que soit l'endroit où on se situe dans le monde social, elle ne perd pas du terrain.
00:14:15Par contre, l'adhésion aux politiques écologiques, qui sont des politiques écologiques sur lesquelles les bourgeoisies ont mis la main, ça, oui, ça perd du terrain.
00:14:26Donc l'écologie bourgeoise perd du terrain, et quelque part, tant mieux, parce que c'est une écologie qui se présente comme consensuelle, j'en arrive à la question, alors qu'elle ne l'est pas.
00:14:34Mais par contre, la préoccupation environnementale, y compris chez des gens qui peuvent avoir des orientations politiques opposées à celles des nôtres...
00:14:42Je peux vous promettre que quand on prend le temps de parler avec ces gens-là, quand on prend le temps de les écouter, ils manifestent une réelle inquiétude pour la dégradation des milieux naturels et des milieux de vie dans lesquels ils évoluent.
00:14:53Donc l'écologie est nécessairement un street, et elle doit être pensée au prisme de la lutte des classes, parce que l'écologie vient accentuer des inégalités sociales qui sont déjà là.
00:15:06Et les inégalités sociales, elles ne tombent pas du ciel. Les inégalités sociales, c'est le produit de rapports de domination.
00:15:12Et si on veut combattre les inégalités sociales face à l'enjeu environnemental, alors il faut combattre ces rapports de domination.
00:15:18Il faut transformer en profondeur les cadres sociaux de la vie commune qui sont inlassablement et malheureusement profondément mis en place par une classe possédante, une classe dominante, qui n'a que le pouvoir sur tout et surtout le pouvoir de détruire la vie sur Terre.
00:15:34Et on termine avec vous Valérie Massandelmotte. L'écologie peut-elle être consensuelle ou alors est-ce qu'il faut assumer que c'est un sujet de clivage ?
00:15:46Alors la première chose, moi je suis scientifique, je suis attachée à des délibérations qui sont éclairées par des éléments objectifs, des faits.
00:15:56Et ce que j'espère vraiment, c'est qu'on sera capable d'avoir une base commune, objective, de faits, sur lesquels on puisse délibérer.
00:16:04Donc c'est vraiment ce qu'on fait notamment à travers les rapports du GIEC ou ce que fait le Haut conseil pour le climat, c'est fournir en fait cette base factuelle.
00:16:12On a encore du déni, c'est-à-dire pour certains, dans certains groupes politiques, dans certains groupes, dans toutes les sociétés, il y a encore ce déni, il se réduit.
00:16:21Et ensuite, je pense qu'on est sur un enjeu aussi de délibération démocratique. Quelles sont les visions qui sont proposées ? Quelles sont les trajectoires qui sont construites, qui sont proposées, qui sont débattues ?
00:16:33Et l'impression que j'ai eue, à travers les différentes élections récentes, notamment en France, mais aussi dans d'autres pays, c'est aussi le cas aux Etats-Unis en ce moment,
00:16:43on n'arrive pas à avoir de délibération sur la base de faits objectifs pour confronter les programmes, les visions à l'angle des transitions, des transformations qui sont nécessaires.
00:16:54Donc il y a quelque part une captation du débat démocratique avec l'idée de passer sous silence ces enjeux-là.
00:17:02Et pour rebondir sur ce qui était dit tout à l'heure, pour moi c'est des enjeux profondément de justice. Pas seulement de lutte des classes, de justice.
00:17:10De justice entre les régions du monde, celles qui sont les plus vulnérables, celles qui sont les plus responsables.
00:17:16Et la tragédie, à l'angle de la justice, elle est particulièrement visible quand on regarde les montants alloués aux nouveaux fonds pertes et dommages dans le cadre des négociations internationales sur le climat,
00:17:27où en fait on fait semblant de mettre sur la table quelques centaines de millions de dollars, l'équivalent des salaires des trois footballeurs les mieux payés au monde,
00:17:36pour aider les communautés les plus fragiles juste à reconstruire post-catastrophe. Et c'est largement insuffisant et même difficile d'accès dans les contextes les plus vulnérables.
00:17:45C'est un enjeu de justice par rapport aux pertes et dommages, aux impacts, entre territoires, à l'intérieur de chaque communauté, de chaque lieu de vie.
00:17:54C'est un enjeu aussi, bien sûr, entre générations. C'est un enjeu de justice par rapport aux espèces vivantes qui n'ont rien demandé, on n'en a pas parlé jusqu'à présent,
00:18:02et qui prennent de plein fouet les conséquences de ce climat qui change. Et juste une manière de le voir, à quel point on est mauvais sur la préservation du vivant,
00:18:12c'est l'état des forêts en Europe, la dégradation de l'état des forêts françaises. On a perdu la moitié de leur capacité à stocker du carbone, sans parler du reste.
00:18:22Il n'y a plus de puits de carbone des forêts en Finlande, en République tchèque, et c'est juste une manière un peu comptable, juste à l'angle climat,
00:18:29de voir à quel point cette question de justice aussi, par rapport aux écosystèmes, aux autres formes de vie, est importante.
00:18:37L'eau, c'est le vecteur de l'injustice climatique, c'est comme ça que ça touche de plein fouet. Et je vais juste témoigner des auditions, moi,
00:18:45qui m'ont frappée dans le cadre du Comité national consultatif d'éthique. On travaille sur les enjeux croisés santé-climat.
00:18:52Les deux auditions qui m'ont le plus marquée, c'est la présidente de la Croix-Rouge du Pas-de-Calais, qui a géré les dizaines de milliers de déplacés
00:19:00qui ont été dans des habitats précaires, des difficultés de relogement, et le témoignage qu'elle a fait, notamment par rapport aux enfants.
00:19:09Et le deuxième témoignage qui m'a marquée, c'est celui du directeur de l'agence régionale de santé à Mayotte,
00:19:15où il y a eu une crise de l'eau extrêmement profonde, avec de multiples vecteurs de tensions, de fragilité sociale dans le territoire,
00:19:23mais l'absence d'eau potable, à quel point ça détruit, en fait, toute possibilité de vie digne, de vie décente. On voit à quel point c'est frappant.
00:19:33Je prends ces deux exemples-là pour illustrer que ce n'est pas simplement une lutte des classes, mais c'est aussi des enjeux sur certains secteurs particulièrement vulnérables,
00:19:42particulièrement exposés, où on voit bien qu'on gère crise après crise, et qu'on a du bal à aborder, ne serait-ce qu'un minimum d'anticipation des défis qui vont continuer à se poser.
00:19:53Et puis la chose qui me frappe, c'est que, pour moi, on n'est plus dans le déni, mais on est dans le dur du rapport de force.
00:20:00Le dur du rapport de force, au sens où changer d'échelle, notamment pour décarboner, pour anticiper, c'est des choix sur les financements, les priorités de financement,
00:20:11dans un contexte d'inflation, dans un contexte d'érosion du pouvoir d'achat. Comment créer l'adhésion des classes moyennes ? Comment créer l'adhésion des classes populaires ?
00:20:21Comment faire en sorte que les entreprises n'alimentent pas le backlash environnemental ? C'est vraiment une question de fond, et c'est une question de transition juste, pensée comme juste,
00:20:31avec un juste partage de l'effort, notamment sur la fiscalité et les financements, et on voit que c'est ça un des points clés qui bloquent en ce moment.
00:20:39Fabienne Rouchy, vous évoquiez tout à l'heure la lutte. On le sait, la crise écologique a tout à voir avec un système économique de prédation des ressources.
00:20:54L'entreprise est donc centrale pour régler le problème. Comment mobiliser les salariés et comment est-ce qu'ils peuvent accentuer le rapport de force ?
00:21:04Les salariés se mobilisent. Je le disais tout à l'heure, ce sont les premières victimes des processus de production qui sont polluants et qui détruisent l'environnement.
00:21:18Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est de mettre des outils à leur disposition. On a ce qu'on appelle le radar travail-environnement qui permet à la fois d'aller dans l'entreprise au débat avec les salariés,
00:21:32qui permet de mettre en place un certain nombre de choses, des enquêtes, etc., et de sortir avec des projets alternatifs, de pouvoir les travailler et essayer d'arriver à les mettre en œuvre.
00:21:43Mais on a du mal quand même si on ne se mobilise pas. Et très souvent, il faut faire grève. Je pense aux camarades des centrales à charbon, par exemple de Gardanne, de Cordemey,
00:21:56qui ont porté des projets qui étaient extrêmement concrets et tout à fait pertinents de transformation de leur appareil productif en travaillant pour transformer leur centrale
00:22:12en centrale appelée, qui, du coup, utilise du bois de vieux meubles. Ça a été extrêmement difficile pour eux de se faire entendre par les pouvoirs publics, tous confondus,
00:22:28de la région jusqu'au ministère. Ils ont quand même réussi. Mais il y a eu des jours de grève, beaucoup de jours de grève. Cordemey, ça doit être 70 jours de grève.
00:22:40Et ça, plusieurs reprises. Donc on voit bien que si on n'insiste pas collectivement et si on n'arrive pas à imposer des choses, puisqu'aujourd'hui, on en est là avec nos élus politiques,
00:22:52il n'y a pas grand-chose qui se passera. Je voulais rebondir sur ce qu'a dit Valérie par rapport à la transition juste. Nous, on travaille aussi à mener des débats avec d'autres syndicats,
00:23:05d'autres pays pour essayer de confronter nos points de vue, confronter nos pratiques. Qu'est-ce qu'on réussit ? Qu'est-ce qui a réussi dans un pays ? Qu'est-ce qui a réussi ailleurs ?
00:23:15Comment, collectivement, on peut faire monter un petit peu la pression pour aboutir ? Et ça, c'est aussi quelque chose de très important qu'on essaye vraiment de continuer.
00:23:27Puis sur les politiques, il faut vraiment voir la crise démocratique dans laquelle nous a plongé Emmanuel Macron aujourd'hui. Il faut voir le niveau du Rassemblement National en France.
00:23:41À la CGT, on est fiers de s'être positionnés, d'avoir vraiment milité pendant les élections législatives pour que les salariés, les citoyens votent pour le programme du Nouveau Front Populaire.
00:23:54On est très fiers. Je pense qu'on y a contribué, quand même, à ce qu'il y ait davantage d'élus du Nouveau Front Populaire.
00:24:02N'empêche que tous ces réacts du Rassemblement National, ils nous amènent quand même dans le mur. Et il faut vraiment qu'on continue à mener le débat dans les entreprises
00:24:12pour faire comprendre que si on a un sentiment de déclassement, s'il y a toutes ces inégalités dont on souffre au quotidien, les solutions mensongères proposées par le Rassemblement National ne sont pas les bonnes.
00:24:28Donc ça, c'est vraiment des débats qu'il faut mener. Et en intersyndical, on va très prochainement développer dans toutes les entreprises une campagne contre le racisme, contre l'antisémitisme.
00:24:39Ce sera aussi l'occasion de débattre de tout ce que le Rassemblement National nous promet et de façon tout à fait manipulatrice.
00:24:49Et juste deux mots sur ce qu'on a besoin de mettre en place dans ce pays pour arriver à ce qu'effectivement, il y ait un accompagnement des citoyens, des salariés pour réussir la transition.
00:25:03Quand on voit par exemple l'achat d'une voiture électrique, d'une pompe à chaleur aujourd'hui, même avec les aides de l'État qui de surcroît vont diminuer, c'est parfois un an, deux ans de salaire.
00:25:13Comment on fait pour se payer ça ? Il faut vraiment des accompagnements ciblés. Ça, c'est quelque chose qu'on a aussi beaucoup revendiqué.
00:25:20Comme je suis conseillère au Conseil économique, social et environnemental, je promeux aussi un petit peu les avis du CESE. Vous savez qu'au CESE, la troisième chambre de la République, c'est celle de la société civile organisée.
00:25:35Donc on travaille avec des organisations de salariés, avec des organisations patronales, avec des associations, des ONG.
00:25:44Quand on publie un avis et qu'en plus il est voté à l'unanimité, ça veut quand même dire des choses. Et on a voté à l'unanimité un avis sur le financement de la transition avec, ce que je disais tout à l'heure, la conditionnalité des aides publiques aux entreprises,
00:25:58qui aujourd'hui sont captées pour leur majeure partie par les grands groupes. Ce n'est pas eux qui en ont le plus besoin, bien évidemment.
00:26:04Puis aussi, on insiste beaucoup sur un accompagnement ciblé avec des aides qui doivent être, et c'est tout à fait possible, à destination des salariés et des citoyens en fonction de leurs revenus.
00:26:19Donc on a un certain nombre de propositions comme ça qui sont unanimes. Et puis juste un petit mot sur les services publics. La transition écologique, elle ne se fera pas sans des services publics forts.
00:26:30Ça n'est pas possible. Parce que ce sentiment de déclassement, ce sentiment d'abandon qui fait que beaucoup de citoyens en France ont voté pour le Rassemblement National, il est dû pour une grande partie par la dégradation constante des services publics depuis des années.
00:26:46Et ça, c'est pas possible. Il faut vraiment qu'on milite tous et c'est ce qu'on essaie de faire pour obtenir des services publics forts et efficaces.
00:26:54Et puisqu'on parle de transition, Jean-Baptiste Combi, quand on s'est eu au téléphone pour préparer cet échange, vous m'avez dit que vous n'aimiez pas trop la façon dont on parlait de la transition écologique aujourd'hui, qu'il fallait que cette transition fasse sa transition. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
00:27:10Au cours des années 2010, l'idée selon laquelle l'écologie est une question sociale est une idée qui a progressé et qui est aujourd'hui indiscutée. Il faut avoir en tête que moi, ça fait 20 ans que j'étudie ces questions-là.
00:27:25A la fin des années 2000, l'écologie, c'était d'abord une question morale. A la fin des années 2010, ça devient une question sociale. Très bien. Je pense que maintenant, il faut passer à l'étape d'après.
00:27:34Et c'est aussi un des résultats des enquêtes que j'expose dans mon livre. C'est que l'écologie doit devenir une question de pouvoir. C'est-à-dire que la transition juste, aussi juste soit-elle, à mon avis, ne suffira pas à faire advenir la société écologique dont nous avons besoin.
00:27:51Parce que ce qu'il faut transformer, c'est bien plus que la répartition de l'effort environnemental. C'est le système de relations dans lequel on vit. Parce qu'aujourd'hui, les modalités d'intégration, les modalités de reconnaissance dans la société et dans le monde social nous éloignent de l'écologie.
00:28:10Ou en tout cas rendre très difficile, très complexe l'adoption de modes de vie et de visions radicalement écologiques. Ce n'est pas impossible. Il y a des personnes qui y arrivent. Il y a des groupes, des collectifs qui se montent et qui font l'expérience de cet éloignement des modalités conventionnelles d'intégration sociale. Mais le prix à payer, c'est une certaine marginalisation sociale.
00:28:32Ces groupes sont très intéressants à observer parce qu'ils nous montrent que c'est possible et que c'est coûteux et que ce n'est pas donné à tout le monde. Mais ils nous donnent des pistes pour savoir comment faire. Comment faire pour transformer en profondeur ce système de relations dans lequel on est empêtré et qui nous empêche d'adopter, même si on en a envie, les modes de vie profondément écologiques.
00:28:55Il faut poser la question du pouvoir. Faire de l'écologie une question de pouvoir. Qui a le pouvoir de définir les modalités d'intégration dans la vie sociale ? C'est les dominants, aujourd'hui.
00:29:06C'est en ce sens qu'il faut, à mon avis, passer d'un raisonnement en termes de transition à un raisonnement en termes de transformation des logiques sociales dominantes qui ne nous permettent pas, collectivement, d'élaborer une société écologique.
00:29:23Donc, transition, oui. Mais la transition sans transformer les hiérarchies sociales et les rapports de pouvoir, à mon avis, c'est vain. Parce qu'une transition juste, c'est d'abord une transition qui se soucie justement de transformer les rapports de pouvoir, de transformer les modes d'intégration sociale.
00:29:38Avec deux exemples concrets, tout ce qui est épreuve d'évaluation, ou tout ce qui est logique de sélection, qui gangrène le monde social, à l'école, sur le marché immobilier, sur le marché du travail, partout, les logiques dominantes sont des logiques qui évaluent et qui sélectionnent pour mettre en concurrence.
00:30:00Le premier combat de l'écologie, c'est le combat contre ces logiques-là. Et après, on pourra faire une transition. Et cette transition pourra être juste, peut-être. Mais tant qu'on n'aura pas fait cette transformation-là, la transition continuera à être perçue comme punitive par une grande partie de la population.
00:30:14Applaudissements
00:30:20Valérie Masson-Delmotte, entre la COP21 et les grandes marches pour le climat, l'écologie était partout, presque, enfin, surtout dans les discours. Depuis, elle perd un peu de terrain. Jean-Baptiste, tout à l'heure, nuancia un peu le propos.
00:30:36Comment faut-il parler d'écologie ? Comment faut-il s'adresser aux gens lorsqu'on parle d'écologie pour la remettre au centre des questions, du débat ?
00:30:47Oui. J'ai pas la réponse, en fait, à la question. Et vraiment, c'est ce que j'attends aussi des échanges qu'on va avoir du débat. Moi, mon regard, c'est celui de scientifiques qui cherchent à faire monter en compétence, faire en sorte que les connaissances qu'on a, elles soient émancipatrices, que l'ensemble de la société puisse se les approprier.
00:31:07Il y a des choses qu'on arrive à faire avancer et d'autres pas. Et donc, moi, j'ai l'impression qu'il y a, en fait, sur un certain nombre de questions, et je connais plus le volet climat que le volet biodiversité ou écosystème, donc je vais me focaliser là-dessus, mais j'ai l'impression qu'il y a des choses qui percolent, qui montent en puissance dans la société, qui sont invisibles.
00:31:25Il y a des gens qui, eux-mêmes, voilà, gagnent en compétences, qui agissent dans leurs entreprises, qui agissent dans les services publics. Il y a eu des actions de formation structurantes. Le retour d'expérience récent, il a montré, par exemple, que dans les interactions entre l'État, enfin, comment dire, le gouvernement des missionnaires et les régions, sur la déclinaison régionale de la planification écologique, mais il y a une pression à l'échelle des régions, à l'échelle des territoires, où on voit bien, en fait, qu'on peut pas se satisfaire du statut quo.
00:31:54Pourquoi ? Parce que c'est là, en fait, souvent que les questions d'adaptation, de gestion de risque sont présentes. J'étais à Cherbourg pour le forum Grand Océan vendredi. Les élus, en fait, du Cotentin, ils vont pas attendre que la mer monte, en fait. Ils ont besoin d'un cadre, ils ont besoin d'anticiper pour pas être passifs par rapport à cet enjeu-là.
00:32:14Et puis, l'autre chose, ce qui ressort aussi à l'échelle des régions, c'est la vision d'une politique économique, d'emploi, d'une politique industrielle, où ils font un cap clair. Sinon, les entreprises, elles vont s'implanter ailleurs. Et puis, c'est aussi le risque de déclin économique, de perte d'attractivité qui est présent et qui est un point de préoccupation. Et donc, on le voit pas forcément. Et comment rendre visible ce mouvement de fonds qui est là, qui est présent ?
00:32:39Et comment faire en sorte d'avoir une réflexion sur les transformations de fonds pour faire face aux enjeux écologiques, sociaux ? Comment faire en sorte pour que ce soit quelque chose qui relie et pas quelque chose qui soit un objet permanent de clivage, d'approche binaire, pour ou contre ? Comment faire en sorte d'utiliser au mieux les réseaux sociaux, notamment, qui favorisent, en fait, tout ce qui est clivant, pour arriver à retisser du lien ?
00:33:05Et j'ai pas la réponse à ces questions-là, mais je pense qu'il y a beaucoup de champs à explorer pour faire en sorte que ce soit quelque chose qui relie, qui relie entre les générations, entre les différents territoires, entre les différentes personnes, davantage que quelque chose où on va avoir une approche binaire, caricaturale, et qui va conduire aussi à du rejet.
00:33:27On voit qu'il y a beaucoup de forces en ce moment qui mettent du carburant sur tout ce qui est clivant. C'est très frappant que, par exemple, le climatoscepticisme en Europe, le fait de nier la réalité du changement climatique, c'est quelque chose qui s'est estompé devant la réalité des faits.
00:33:45Et aujourd'hui, en fait, on a une désinformation croissante sur chaque levier d'action pour créer un rejet de chaque possibilité, justement, de transformer nos activités, nos styles de vie, de sorte à les décarboner. J'ai pas la réponse à ça, mais comment arriver à retisser du lien et faire en sorte que, même si on est tous différents, on intègre, en fait, cela dans les visions qu'on va construire ensemble ?
00:34:13Léna Lazar, je vais vous poser presque la même question. On l'a vu, les soulèvements de la Terre ont fait le choix du terrain, d'aller au plus près des gens, de se saisir des luttes locales. Qu'est-ce que ça change de parler d'écologie au plus près du terrain avec les gens, en fait, qui sont directement concernés par les grands projets que vous contestez ? Et comment est-ce que vous abordez ces questions-là avec eux ?
00:34:31Ce que je trouve intéressant avec les luttes locales... Enfin, je pense que c'est pour ça aussi que je me suis investie dans les soulèvements de la Terre dès le début. C'est que lors des grandes marches pour le climat... Bon, certes, avec Just for Climate, on avait quand même 300 comités locaux au kick de la mobilisation. Donc on n'était pas présents que dans les grandes villes.
00:34:48Mais là, en tout cas, j'ai commencé à militer avec un public que j'avais plus l'habitude de voir dans les marches pour le climat, parce que forcément, il y a plus de 600 collectifs en lutte contre des projets polluants et imposés qui sont répertoriés sur le territoire français.
00:35:04Et souvent, les personnes qui sont derrière ces collectifs, c'est tout simplement des personnes qui sont directement impactées par les projets, qui ne sont pas posées la question d'aller s'engager dans une association écologiste. C'est juste que forcément, quand il y a de la pollution près de chez soi, une usine à bitume qui se construit et qui met en danger la santé de vos enfants à cause de tout ce que ça rejette,
00:35:26ou que le paysage auquel vous êtes attachés, il va changer parce qu'il y a des grands entrepôts Amazon qui s'implantent en face de chez vous, forcément, ça crée quelque chose où on comprend que le ravage écologique, on le constate au quotidien, partout, et que c'est pas quelque chose d'abstrait.
00:35:47Alors que bon, voilà, malheureusement, c'est vrai que lorsqu'on entend parfois certains discours globaux, qu'on lit les résumés du rapport du GIEC, des fois, c'est tellement écrasant aussi que je pense que certaines personnes, elles sont soit dans le déni, soit tellement apeurées et en colère en lisant, sans qu'il y ait forcément peut-être d'autres pistes d'action que des pistes individuelles qui ont été beaucoup plébiscitées,
00:36:14et qui, malheureusement, je pense aussi, même si elles sont importantes, ont fait du mal au mouvement écologiste parce que sans actions collectives, c'est sûr qu'on n'arrivera pas à changer les choses.
00:36:25Et du coup, voilà, qu'il y ait cette écologie, justement, concrète sur le terrain qui, souvent, rime aussi avec justice sociale, ça donne un sens tout nouveau à cette lutte-là et ça permet d'embarquer beaucoup plus largement des gens.
00:36:40Donc voilà, nous, en fait, en tant que soulèvement de la terre, on a ces luttes locales avec nous. Forcément, des fois, ça peut créer des rencontres entre des jeunes pour le climat, des jeunes d'XR qui, justement,
00:36:51n'étaient pas forcément dans ces luttes locales, qui viennent de la grande ville la plus proche. Je sais pas, par exemple, je pense à la 69, entre Castre et Toulouse.
00:36:58Il y a pas mal de Toulousains qui y vont. Et du coup, ça fait se rencontrer aussi peut-être des mondes qui seraient jamais rencontrés. Mais du coup, j'ai l'impression qu'on apprend plus des habitants
00:37:07lorsque nous, on est directement impliqués. Enfin voilà, on n'est pas forcément dans une logique où, justement, en tant que militants climat pas ancrés dans une lutte,
00:37:16on vient essayer d'attirer les gens dans nos organisations pour avoir plus, peut-être, de diversité de profils et, du coup, de partir directement de la base des problématiques concrètes que rencontrent les gens.
00:37:32Et je pense que c'est ça aussi qui explique le renouveau des luttes écologiques qu'on a constaté dans les soulèvements.
00:37:38Pour poursuivre sur cette question, sur la manière de parler de l'écologie, Jean-Baptiste Combi, est-ce que, selon vous, les sciences sociales sont suffisamment mobilisées par les personnalités
00:37:53qui portent ces enjeux-là dans le débat public ? Et à votre avis, en quoi elles peuvent aider, peut-être, à faire avancer ces luttes ?
00:38:01Merci pour cette question. Pour répondre à cette question, si vous voulez bien, je vais avoir besoin de votre aide. Est-ce que vous pourriez me faire une montagne avec vos bras au-dessus de la tête ? Merci.
00:38:12Le monde social et l'écologie, c'est comme la montagne que vous faites magnifiquement bien au-dessus de votre tête. Il y a deux versants. Il y a le versant gauche. Votre bras gauche, c'est le versant culturel.
00:38:20C'est les personnes qui, pour rien au monde, rateraient la fête de l'humain et qui s'intègrent en valorisant des ressources culturelles. Ce sont les personnes qui sont les plus disposées à s'empairer de l'environnement, des questions environnementales.
00:38:31Et puis, il y a l'autre versant, le versant économique, de toutes ces personnes, de tous ces groupes sociaux qui, pour réussir dans le monde social, vont plutôt miser sur la réussite matérielle, le fait d'avoir une belle voiture, d'avoir une piscine dans son jardin, bref, le consumérisme, etc.
00:38:44Ce que j'ai observé dans mes enquêtes, c'est que les positionnements sur le terrain environnemental font apparaître très fortement ce double versant qui structure la société française.
00:38:55Avec ce côté montagne, c'est-à-dire que plus on monte dans l'échelle sociale, plus l'écologie telle qu'elle se donne à voir aujourd'hui crée de la convergence entre les différentes fractions de la bourgeoisie.
00:39:04Et à l'inverse, plus on descend de l'échelle sociale, plus l'écologie va créer de la divergence, de la division au sein notamment des classes populaires.
00:39:12Donc, pour répondre à la question, oui, je pense que les sciences sociales sont fondamentales parce que ce qui est en jeu et ce qui est dit par les rapports du GIEC, ce qui est dit par les rapports de l'IPBS, c'est qu'on doit transformer en profondeur notre organisation sociale.
00:39:23Et les sciences sociales, c'est quoi ? Ce sont juste les connaissances scientifiques du monde social.
00:39:26C'est des chercheurs, des milliers de chercheurs qui travaillent, qui étudient, qui observent, patiemment, méthodiquement, qui s'évaluent, qui se relient, qui publient dans des revues scientifiques pour essayer de comprendre comment tout ça fonctionne.
00:39:39Et dans le bouquin que j'ai fait, dans les enquêtes que j'ai faites, je me suis appuyé sur les collègues sociologues qui travaillaient sur les dynamiques contemporaines de la socialisation,
00:39:47sur, par exemple, la domination accrue des ressources économiques sur le versant culturel.
00:39:52Et oui, parce qu'on a quand même une quarantaine d'années de politique néolibérale qui renforce le versant économique des classes sociales
00:39:58et qui donc nous rend encore plus compliqués l'adhésion aux offres écologistes, qu'elles soient radicales ou modérées d'ailleurs.
00:40:06Donc, je pense qu'effectivement, un levier, c'est aussi la valorisation, la défense et la diffusion des connaissances scientifiques du monde social,
00:40:15diffuser une culture de la critique sociale pour comprendre quels sont les rouages qui font qu'on se positionne de telle et telle façon sur l'écologie.
00:40:23Des rouages sociaux, des rouages collectifs. Et c'est à cet endroit-là qu'il faut agir.
00:40:26La question écologique, c'est la question de la transformation sociale.
00:40:29Faire l'éducation à l'écologie, c'est pas seulement les fraises de climat et la connaissance des mécanismes climatiques.
00:40:36Ça, c'est très important. Tout ce que disait Valéry tout à l'heure sur les connaissances scientifiques, c'est fondamental.
00:40:40Mais ce n'est plus que ça. L'éducation à l'écologie, c'est aussi l'éducation à testifier société, testifier que nous vivons de cette façon-là
00:40:47et que nous avons tant de mal à nous projeter dans d'autres manières de vivre, dans des manières écologiques de vivre.
00:40:51Donc, c'est l'éducation à l'écologie, c'est l'éducation à la transformation sociale, à la transformation collective du monde social.
00:40:58Et ça, quand on apprend ça, on apprend qu'actuellement le monde social, il est traversé par un rapport de pouvoir inéluctablement.
00:41:05Et que c'est donc là-dessus qu'il va falloir agir. Et pour ça, j'y reviendrai peut-être tout à l'heure, il faut aussi se donner des outils stratégiques
00:41:12de réfléchir. OK, la question du pouvoir, mais comment on reprend le pouvoir dans la rue, dans les urnes, dans différents combats,
00:41:17dans différentes initiatives, à différentes échelons ? Et donc, se poser aussi la question des alliances de classe.
00:41:23Quelle alliance de classe pour l'écologie aujourd'hui ? C'est une des questions que j'ai posées en conclusion de mon livre.
00:41:33Léna Lazare, je reviens vers vous. On l'a vu ces dernières années, les soulèvements de la terre ont permis des actions,
00:41:39via leur désaction de terrain, des actions dites radicales, vous parlez de désarmement par exemple,
00:41:44de faire parler d'enjeux a priori locaux dans le débat public national, d'imposer à l'agenda médiatique certains sujets.
00:41:50Cela vous vaut d'être criminalisé, d'être taxé d'éco-terroriste par le ministre de l'Intérieur. Comment déjouer ce piège ?
00:41:57La manière dont on l'a déjoué, parce qu'on a gagné contre la dissolution. Comme l'année dernière, je vous remercie d'avoir...
00:42:07Je vous remercie pour le soutien et d'avoir été si nombreux, dès le début, à dire que vous faisiez partie des soulèvements de la terre.
00:42:16Il fallait vous dissoudre aussi, si le gouvernement voulait nous dissoudre. Ce qu'on a fait, c'était de montrer qu'on était trop nombreux.
00:42:25Les soulèvements de la terre, c'était un tel panel d'organisations, de collectifs qui allaient des parties du Nouveau Front Populaire
00:42:35à des luttes locales, en passant par tout un tas d'organisations sociales, écologistes, que ça revenait à dissoudre une grande partie du mouvement
00:42:47pour une justice sociale et écologiste, ce qui était totalement inimaginable. Il y a une stratégie qui a été utilisée depuis longtemps
00:42:55contre les mouvements sociaux et contre les mouvements écologistes. C'est justement d'essayer d'isoler ceux qui seraient les plus radicaux,
00:43:03en faisant en sorte que les autres s'éloignent en disant que si on les soutient, on va être trop criminalisés, on va avoir trop de problèmes.
00:43:12Donc le mieux, c'est de laisser tomber et de laisser ces groupes-là se prendre la répression en premier.
00:43:20Heureusement, on n'est pas tombés dans ce piège-là, malgré les désaccords qu'on peut avoir sur les modes d'action, sur certaines manières de faire
00:43:29avec d'autres organisations du mouvement social et écologiste. On a bien compris, en fait, que la répression commence toujours quelque part
00:43:38et qu'elle finit par nous concerner tous et toutes. La dissolution des soulèvements de la terre, c'était notamment aussi parce qu'auparavant,
00:43:45pendant des années, il y a notamment des organisations dans les quartiers populaires qui se sont fait dissoudre.
00:43:51Et ça pose aussi la question, justement, de comment on relie nos luttes. Parce que moi, j'étais un peu jeune à l'époque.
00:43:59Et puis le mouvement écologiste était moins puissant. Mais peut-être que si le mouvement écolo, c'était plus soucié de ces thématiques-là,
00:44:07on n'aurait pas eu à se mobiliser contre notre dissolution. Donc voilà. Ne pas les laisser créer des divisions entre nous.
00:44:17Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus important. Et de voir que sur plein d'enjeux, même si on n'a pas les mêmes modes d'action...
00:44:25Dans les personnes qui nous ont soutenues, en effet, il y a des partis politiques qui, forcément, ne peuvent pas être toujours aux côtés des mouvements de terrain.
00:44:33Et puis nous, on a décidé de faire pression de l'extérieur, ce qui fait qu'il y a plein de choses qu'on ne peut pas faire à côté.
00:44:40Si on continue, voilà, d'être dans cette solidarité-là, moi, je pense que ça va être compliqué d'amplifier la répression jusqu'à un certain niveau.
00:44:47— Applaudissements —
00:44:51— Une petite question qui s'adresse à vous tous sur la bataille médiatique. Récemment, le réalisateur Cyril Dion se posait la question de continuer d'intervenir
00:45:02dans les médias pour parler des problématiques environnementales. Il déclarait « J'ai l'impression d'être le guignol d'un système qui continue de faire
00:45:09comme si de rien n'était ». Est-ce que c'est une préoccupation que vous avez aussi ? Valérie Masson-Delmotte, je vous laisse commencer.
00:45:21— Alors moi, je pourrais dire, en fait, peut-être le sentiment parfois de faire face à la tragédie du comptable. Vous voyez ce que c'est, la tragédie du comptable ?
00:45:30Vous savez mesurer de mieux en mieux, comprendre de mieux en mieux. Mais en fait, vos résultats ne sont pas du tout utilisés.
00:45:36Et donc c'est vrai que souvent, par exemple, le point de vue des climatologues, il est mobilisé pour aller commenter notamment des événements extrêmes à fort impact.
00:45:45Maintenant, on est capable de dire « Oui, ça a été rendu X fois plus probable, Y fois plus intense. Et donc les dommages sont beaucoup plus importants
00:45:52parce qu'on a affecté le changement climatique ». Mais est-ce que cette information-là, même en temps réel quasiment, elle est utile ? Qu'est-ce qu'elle permet de faire évoluer ?
00:46:01Pareil, on va commenter le suivi des émissions de gaz à effet de serre de tel ou tel pays au niveau mondial, l'état du climat. Mais qu'est-ce que ça permet de faire comme prise de conscience ?
00:46:10Et c'est une vraie question. J'ai l'impression que parfois, on peut être utile quand derrière une actualité qui suscite de la curiosité, de l'intérêt, on arrive à prendre un pas de côté,
00:46:20donner du recul, montrer comment on en est arrivé là, qu'est-ce qu'on pourrait faire autrement. Et ça, ça demande du temps.
00:46:26C'est pas le traitement médiatique de l'immédiateté, voire les choses qui peuvent être clivantes. Il y a aussi, je pense, un rôle qu'on peut avoir à jouer, mais qui est sous-exploité,
00:46:36c'est montrer où sont les impostures. Et j'avais pris la parole lors de la dernière campagne pour les élections législatives, pour dénoncer par exemple l'imposture
00:46:47de la prise de parole de l'extrême droite sur les aspects liés à l'environnement, en montrant que derrière un discours qui se veut de protéger les gens,
00:46:55le fait de ne pas avoir la moindre proposition par rapport à l'adaptation au changement climatique, c'est très visible.
00:47:03Ou bien derrière un discours qui revendique la souveraineté, le fait de ne rien préparer pour sortir des énergies fossiles,
00:47:10c'est acter la dépendance à des États pétroliers et gaziers qui ne partagent pas la même vision démocratique, la même valeur.
00:47:17Et je pense qu'on peut être utile aussi sur ces aspects-là pour arriver à montrer où est-ce qu'il y a des impostures.
00:47:24Donc ce sont quelques exemples. Et la question que je m'étais posée il y a quelques mois, je vais essayer de vous la décrire.
00:47:30Je m'étais projetée dans le Front national, le Rassemblement national au pouvoir. Bardella, Premier ministre.
00:47:37Je m'étais dit, tiens, Marion Maréchal, ministre de la Recherche. Qu'est-ce que ça veut dire pour moi comme scientifique ?
00:47:43Qu'est-ce que ça veut dire pour moi comme citoyenne ? Qu'est-ce que ça veut dire pour moi comme engagée dans mon rôle
00:47:50pour faire en sorte que les éléments des connaissances scientifiques soient utilisés émancipateurs pour faire avancer nos sociétés ?
00:47:57Et est-ce que nous, comme scientifiques, on doit juste être là comme témoins ? Quel est notre rôle ?
00:48:04Est-ce qu'on peut être des chiens de garde aussi quelque part ? Pas simplement des faits scientifiques, mais de la manière dont ils sont utilisés par la société.
00:48:12Je n'ai pas une réponse simple, mais ça fait partie du questionnement qui m'a traversée parce que j'ai vu ce que ça a donné
00:48:18quand on a eu l'extrême droite au pouvoir, que ce soit aux Etats-Unis avec Trump, que ce soit en Suède ou bien en Italie.
00:48:25Ce que ça donne par rapport à la vision de la recherche, ce que ça donne par rapport aussi à la capacité à faire avancer la transition écologique.
00:48:34Et je pense que ça, c'est un moteur pour moi qui est devenu très fort, d'arriver à voir mon rôle autrement par rapport à la menace qui est présente et qui est de plus en plus forte.
00:48:47Et donc ça demande aussi, je pense, d'autres formes d'engagement, d'autres formes de prise de parole, quand les médias le permettent. Merci de l'invitation ici.
00:48:57Et c'est quelque chose qui traverse en fait la communauté scientifique. Comment est-ce qu'on peut être utile ? Quel est notre rôle ? Est-ce que nos collectifs, nous, pour décarboner la recherche, ça suffit ?
00:49:09Quelle forme d'engagement dans la société ? Quelle reconnaissance pour ça ? Voilà. Et je pense qu'on a besoin de valoriser cet engagement dans la société.
00:49:18Applaudissements
00:49:26Alors peut-être Jean-Baptiste Combi et Fabienne Rouchy ensuite.
00:49:32Moi, pour rebondir sur ce que nous disent les médias aussi. Parce que c'est vrai que quand on nous présente un petit bout des travaux du GIEC entre deux publicités sur des SUV, c'est un peu perturbant quand même.
00:49:48Et on assiste beaucoup à ça parce qu'on a des médias dominants qui, aujourd'hui, appartiennent à quelques milliardaires. Bien le savoir pour beaucoup d'entre eux.
00:49:59Donc comment on essaye de contrer ça ? Nous, à notre modeste niveau à la CGT, déjà, on s'est quand même beaucoup appuyé sur les travaux du GIEC pour essayer de donner du matériau aux syndicalistes, aux militants, aux travailleuses et aux travailleurs.
00:50:15Et puis, on a notre propre entreprise de presse. Alors là, c'est l'instant publicité CGT. Voilà. Ça s'appelle la vie ouvrière. Vous avez ça au forum social où on explique beaucoup de choses.
00:50:26Notamment sur comment on arrive dans les entreprises. Et ça donne aussi de l'espoir à lutter et à concrétiser des projets alternatifs.
00:50:36Et je reviens sur le poids du Rassemblement national et des idées d'extrême droite. Le danger que ça peut représenter dans la société aujourd'hui.
00:50:47Alors, il y a longtemps, le Conseil national de la résistance avait pris soin d'expliquer qu'il fallait absolument que les médias n'appartiennent pas à quelques personnes qui avaient les moyens de se les payer.
00:51:02Donc, il y avait un contrôle de l'État et des règles claires en la matière. Aujourd'hui, on a quand même Bolloré et ses amis qui détiennent une grande partie des médias qui sont accessibles à tout le monde.
00:51:18C'est absolument hallucinant les idées qu'ils peuvent faire passer. Et si on revient sur le thème du débat qu'on a là, la préoccupation écologique pertaine du terrain, ça aide à ce qu'elle en perde un peu quand même.
00:51:32On n'en parle pas beaucoup. Et ce qu'on en dit, ça se passe aussi à l'échelle de l'Europe et à l'échelle du monde. Quand on a vu Bolsonaro, quand on a vu Trump, ce sont des gens qui sont climato-sceptiques et qui arrivent effectivement à faire que dans la population, on écarte un peu ces sujets-là.
00:51:52On dit non, ce n'est pas grave, ce sont des mensonges. Ce qui, évidemment, n'est absolument pas vrai. Donc, on a un rôle aussi à jouer, il me semble. Il y a beaucoup de militants, je pense, dans l'assistance.
00:52:03Puis on en est tous là à notre niveau, à notre manière et avec les fonctions qu'on a les uns et les autres. Il faut vraiment remettre dans le débat public le plus possible pour qu'on s'approprie ces fondamentaux-là qui sont absolument cruciaux pour l'avenir de la planète.
00:52:27Et c'est ce que tu disais, d'ailleurs, quand tu parlais du versant culturel, du versant économique. Le versant culturel, il y a des méthodes, notamment d'éducation populaire, qu'il faut se réapproprier, réutiliser pour, justement, que ce débat ait lieu en profondeur.
00:52:44Et nous, c'est ce qu'on essaye de faire le plus possible dans les entreprises. Il n'y a pas très longtemps, on a organisé un événement qu'on a appelé les États généraux de l'industrie et de l'environnement. À partir de là, on a fait pas mal de com' pour essayer de publier notre plan syndical pour l'environnement.
00:53:01L'objectif, c'est de décliner tout ça en région, au plus près des boîtes, en interpellant aussi les élus, de façon à ce qu'on fasse progresser notre vision des choses au bénéfice à la fois des travailleurs et de la population.
00:53:20Applaudissements.
00:53:26Oui, pour prolonger ce qui a été dit, je voudrais dire deux choses. La première, c'est qu'effectivement, il faut s'interroger à la manière dont on parle de l'écologie. Et notamment, là, on peut pointer du doigt que la question des inégalités environnementales, même si elles progressent dans les discours, elles restent encore très marginales quand on regarde de près.
00:53:44Or, qu'est-ce qui peut parler en matière d'environnement aux classes populaires, aux classes dominées, aux classes les plus vulnérables ? C'est d'abord cette question d'inégalité, d'exposition aux souffrances environnementales.
00:53:55Mais deuxième point, c'est peut-être là-dessus que je voudrais insister, c'est que dans la galette si écologiste, il y a une préoccupation très très forte de la prise de conscience, du discours, de créer des imaginaires désirables, etc.
00:54:08C'est important, mais à mon avis, c'est poser la question à l'envers. Et donc, du coup, ça me permet de faire un petit cas pratique de ce qu'on a dit tout à l'heure, en quoi les sciences sociales peuvent être utiles au combat écologiste.
00:54:18Les sciences sociales, elles nous apprennent que nos visions du monde, la manière dont on se fabrique nos opinions, nos goûts, nos dégoûts, nos ambitions, nos aspirations, nos hontes, nos fiertés, nos critères de ce qui compte dans la vie,
00:54:33nos critères de ce qui est une vie réussie, bref, tout ce qui compose nos subjectivités n'est pas le fruit de discours, de médiatisation, d'information, de communication, de culture, etc.
00:54:45Tout ce qui compose nos subjectivités est le fruit de ce que l'on appelle en sciences sociales des instances de socialisation.
00:54:51Les instances de socialisation, ce sont les collectifs familiaux, amicaux, résidentiels, professionnels, politiques, culturels, au sein desquels on évolue,
00:55:01et qui insensiblement, mais profondément et durablement, impriment leurs marques sur nos manières d'agir et de réagir, de sentir et de ressentir, et non nos manières de penser et d'être.
00:55:11Et donc, c'est en ça que l'écologie est aussi une lutte des classes, d'une certaine façon, c'est qu'on est obligé de reprendre le pouvoir sur les instances de socialisation,
00:55:18qui, en fait, nous amènent à ne plus adhérer aux discours environnementaux, parce que nos subjectivités, à un moment, sont heurtées par ces discours environnementaux,
00:55:28sauf pour ceux qui ont des socialisations, sur la version culturelle des classes sociales.
00:55:32Donc, ce qu'on va qualifier de pôle culturel des catégories intermédiaires, moi j'appelle ça la petite bourgeoisie culturelle, la bourgeoisie culturelle,
00:55:39qui, elles, vont adhérer, puisque ce sont d'ailleurs elles qui produisent les discours dominants sur l'écologie.
00:55:45Donc, ce que montrent les sciences sociales aussi, c'est que qui se ressemblent, s'assemblent, bien souvent.
00:55:49Ceux qui produisent le discours sur l'écologie sont tout à fait bien reçus par ceux qui sont proches d'eux, socialement, et qui sont la plupart d'entre nous, en fait.
00:55:57Donc, on a l'impression que ça crée des effets. Mais là où on voit des effets, il faut surtout y voir une proximité sociale entre ceux qui font les discours,
00:56:04Cyril Dion, les médias indépendants, les médias écolos, les documentaires, etc. Tous ces gens-là se ressemblent, socialement.
00:56:12Et ils appartiennent à des fractions de classes qui sont assez importantes, et donc qui adhèrent à ces discours-là.
00:56:18Mais tous ceux qui sont éloignés d'eux, socialement, ils ne se reconnaissent pas, ni dans le langage, ni dans les formes, ni dans l'esthétique de ces discours-là.
00:56:24Donc, ils se sentent complètement étrangers à ça. Et donc, on voit que derrière les effets des médias ou des discours, etc., il y a des logiques sociales.
00:56:33Et donc, attention à ne pas trop mettre l'accent sur ce que j'appelle, moi, l'idéologie de la prise de conscience,
00:56:38ce que j'avais appelé, dans le bouquin de 2015, la doxa sensibilisatrice, les effets et les bienfaits de la sensibilisation,
00:56:43mais qui sont des effets et des bienfaits qui sont indiscutables. Et quand on regarde de plus près, ce n'est pas si nette que ça, du tout.
00:56:48Et au contraire, les gens en ont ras-le-bol. Donc, il faut créer les conditions d'une adhésion plus forte à des messages écolos,
00:56:54qui, comme le disait Valérie, doivent effectivement être diversifiés dans leur forme et dans le fond, aussi.
00:57:00Applaudissements
00:57:05Léna Lazard, si vous voulez, sur la bataille médiatique et culturelle, du coup, si vous voulez réagir.
00:57:11Est-ce que vous vous posez aussi la question de continuer d'intervenir dans les médias ?
00:57:15Oui. C'est vrai qu'en plus, comme j'ai commencé à militer en 2017, et qu'au sein du Sport Climate, on a été très invités,
00:57:26j'ai vu le traitement médiatique changer petit à petit. Et là, le niveau de conflictualité qu'il y a sur les plateaux lorsqu'on nous invite,
00:57:36c'est plus du tout comme en 2019, où on avait quand même des espaces de parole pour parler de la gravité du problème
00:57:43et proposer des pistes de mobilisation. Là, on va directement, oui, sur des débats sur l'écoterrorisme.
00:57:50On est censés être criminalisés, où il y a toujours des éditorialistes, des personnes en face de nous pour nous confronter avec de l'agressivité dans les médias.
00:58:03Et du coup, toujours, dans une bonne partie des médias, on est invités. C'est vrai qu'on est souvent invités dans les chaînes d'infos.
00:58:09Heureusement, il reste encore quelques émissions, notamment dans les médias indépendants, où on peut s'exprimer.
00:58:15Et du coup, oui, c'est vrai que nous, ça nous pose la question parfois d'y aller. Pendant la dissolution, on avait l'impression d'être un petit peu obligés,
00:58:22parce qu'en plus, il y avait eu des blessés graves à Sainte-Sauline. Il fallait contrecarrer les mensonges du gouvernement.
00:58:30Et c'était vraiment important pour nous de s'adresser aussi aux personnes qui, potentiellement, je sais pas, regardaient BFM, etc.
00:58:38Nous, on va pas dans les médias d'extrême-droite. Ça, c'est quelque chose qui a été défini dès le début, même si on peut se questionner,
00:58:48vu que les idées d'extrême-droite sont de plus en plus présentes dans tout un tas de médias et que les lignes éditoriales se fascisent aussi.
00:58:56Le fait de ne plus aller à CNews ou à Sud Radio, c'est suffisant maintenant. En tout cas, la question de la communication chez les soulèvements de la Terre,
00:59:06c'est quelque chose qui nous prend pas mal de temps et d'énergie. Parce qu'en effet, maintenant, comme on est dans un contexte médiatique totalement différent,
00:59:15on a l'impression que certains médias vont toujours chercher la petite bête, chercher l'élément clivant, en effet, pour essayer justement de créer des polarisations.
00:59:28Notamment agriculteurs VS écolos. Cette question-là, qu'on parle sans cesse de l'agribachine, qu'on invite tout le temps à la FNSEA pour dérouler ce récit qui est totalement imaginaire.
00:59:40Je pense que déjà, les paysans, d'une part, ont envie d'avoir un meilleur cadre de travail, d'éviter d'avoir un cancer à cause des pesticides qui épandent.
00:59:48Et puis en fait, nous, en tant que militants écologistes, et notamment au sein des soulèvements de la Terre, on n'a jamais visé des agriculteurs, quelles que soient leurs pratiques.
00:59:56Nous, on a des actions ciblées contre des outils de l'agro-industrie. Mais c'est vrai qu'on voit bien que, du coup, ce récit sur l'agribachine ou d'autres récits,
01:00:07notamment avec « Dernières Rénovations » qui bloquent des routes, où on était en mode « Regardez, en fait, ils sont contre les gens qui vont au travail », etc.,
01:00:13d'essayer de criminaliser petit à petit les écolos et justement de nous montrer comme étant contre les agriculteurs, contre les travailleurs qui se lèvent tôt le matin
01:00:27parce qu'il y a eu des blocages de périphériques. Mine de rien, c'est aussi tout un récit qui nous demande de plus en plus d'énergie à contrer, vu les moyens qui sont mis en face de nous.
01:00:40Nous, on sait que, notamment dans le monde agricole, c'est pour ça qu'il y a eu le village de Lowe cette année et qu'on a fait une manifestation à La Rochelle.
01:00:49D'ailleurs, si vous avez envie d'en discuter, le stand des soulèvements de la Terre est là. Je sais que c'était pas forcément simple pour tout le monde de faire une manifestation en ville,
01:00:56vu que les forces de police ont beaucoup plus l'habitude de contrôler nos manifestations dans ces cadres-là. Mais on a décidé d'aller au port agro-industriel de La Rochelle,
01:01:07parce qu'on savait que ça allait permettre de déjouer ce récit de nous contre les agriculteurs et de montrer que c'était le système agro-industriel qu'on ciblait.
01:01:18Donc voilà, mine de rien, ça a quand même un impact assez important sur nos mouvements. Et ça devient de plus en plus le nerf de la guerre, la communication dans les mouvements écolos.
01:01:34Alors on s'approche de la conclusion de ce débat, mais on va faire un dernier tour de table. Je vous demanderai à chacun et à chacune d'être concis dans vos réponses.
01:01:44Mais on a dressé depuis environ une heure un tableau relativement noir, avec un intitulé de débat. Valérie Masson-Delmotte nous le faisait remarquer avant d'arriver, un peu pessimiste.
01:01:54Donc on a quand même envie de conclure cette fête de l'humanité sur une note potentiellement un peu positive, en vous demandant à chacun et à chacune, est-ce qu'il y a quand même des raisons d'espérer ?
01:02:05Fabienne Rouchy ?
01:02:07Oui, bien sûr. Ceci dit, le syndicalisme doit être porteur d'espoir. À la CGT, on essaie de porter l'espoir, collectivement et avec les salariés.
01:02:20Là, on parlait de l'importance des budgets qui pouvaient être consacrés à la transition écologique ou au financement de projets, etc.
01:02:30On en parlait tout à l'heure. Là, on va avoir la présentation bientôt et le débat sur le budget à l'Assemblée nationale.
01:02:38À partir de début octobre, nous, par exemple, avec la FSU et avec Solidaire, on propose de se mobiliser le 1er octobre, de manière interprofessionnelle, pour essayer de peser sur des décisions qui vont être prises.
01:02:54Les revendications sont connues. Elles sont simples. La brogation de la réforme des retraites, le financement des services publics, mais aussi la réindustrialisation du pays, parce que l'un ne va passer en l'autre.
01:03:06Et puis, bien sûr, il y a tous les enjeux de transition écologique qu'il faut pouvoir être en mesure de financer. C'est quelque chose de fondamental.
01:03:15Je ne peux que vous dire que, bien sûr, il y a de l'espoir, mais que rien ne nous sera donné. Ça, c'est la leçon numéro un du mouvement social.
01:03:25Le 1er octobre, c'est une étape, bien sûr, et il y en aura d'autres. Mais il faut qu'on commence par être tous ensemble en grève et dans la rue pour rappeler que les créateurs des richesses,
01:03:38c'est le monde du travail, mais qu'à un moment donné, il faut aussi que toute la population puisse en bénéficier. Et évidemment, l'environnement aussi.
01:03:48— Jean-Baptiste Combi, en quelques mots pour conclure.
01:03:54— Le bouquin que j'ai publié, il est associé à une conférence gesticulée. Vous connaissez peut-être. C'est un outil d'éducation populaire politique.
01:04:00J'ai eu le plaisir de monter une conférence gesticulée avec mon camarade Anthony Pouliquin. Et on commence la conférence gesticulée avec un jeu.
01:04:07Et dans le jeu, il y a la question suivante. Perdre les élections, c'est plutôt de gauche ou plutôt de droite ? Perdre les élections, c'est plutôt de gauche.
01:04:14Mais la bonne nouvelle, vous l'avez vue, c'est que depuis quelque temps, en politique, les perdants sont les gagnants. Donc c'est génial.
01:04:23La gauche va bientôt se retrouver au pouvoir à force de perdre les élections. Continuons comme ça. Les derniers mots.
01:04:29L'emprise du capitalisme sur nos vies n'est pas une fatalité. Mais pour ça, il faut se battre collectivement, politiquement, auprès de toutes les organisations politiques de transformation sociale.
01:04:38— Léna Lazar.
01:04:45— Je suis assez ravie de voir que les luttes écologistes, j'ai l'impression qu'elles sont quand même de plus en plus puissantes.
01:04:55Et OK, le mouvement pour le climat 2019, qui était peut-être très visible à l'échelle nationale, a changé, en fait.
01:05:03Mais je pense que les personnes qu'on voyait dans les manifestations massives, elles sont toujours en train de militer et qu'elles sont de plus en plus à être rejointes.
01:05:12Et notamment ça, je le constate en habitant... Enfin moi, déjà, j'habite dans une zone très peu peuplée, à la campagne.
01:05:20Et de voir via les luttes locales, mais aussi via plein d'initiatives d'habitants à quel point ça bouge partout en France et que des gens font des choses, voilà, justement pertinentes,
01:05:30qu'on a tous et toutes compris, justement, quelle forme d'écologie était à la hauteur, qu'on essaie de faire en sorte d'embarquer le plus de personnes possible.
01:05:40On a beaucoup appris aussi, je pense, de nos erreurs du mouvement climat 2019, qui parfois, justement, étaient peut-être un peu hors sol.
01:05:48Du coup, voilà, de voir tout ça et de voir la solidarité, justement, qu'il y a aussi entre toutes les composantes du mouvement social et écologiste.
01:05:55Bon, voilà, on l'a vu, justement, pendant la dissolution. Mais là, ça continue. Enfin, on essaie de se coordonner d'autant plus et d'essayer de faire en sorte que nos luttes, elles s'articulent.
01:06:04Du coup, pour moi, voilà, on va dans la bonne direction. Certes, en face, il y a une répression qui s'accentue. Les idées d'extrême-droite se répandent.
01:06:12Mais voilà, on a quand même des mouvements qui sont de plus en plus structurés et de plus en plus forts et qui se posent des bonnes questions,
01:06:20qui évitent de rester bornés dans les mêmes stratégies, à toujours reproduire les mêmes modes d'action, d'être toujours dans les mêmes mécanismes.
01:06:29Bon, voilà. Cependant, on a toujours vraiment besoin que plus de personnes nous rejoignent. Donc ce n'est pas encore fait. C'est la rentrée.
01:06:36Rejoignez un collectif pour la justice sociale et écologiste près de chez vous. Si vous êtes à la campagne, checkez la carte des luttes locales de Reporters.
01:06:43Et voilà. On se verra à la prochaine mobilisation.
01:06:47— Et enfin, pour conclure, Valérie Masson-Delmotte, un peu d'espoir.
01:06:54— Est-ce que vous êtes courageux ? — Oui !
01:06:58— Est-ce que vous êtes déterminés ? — Oui !
01:07:01— Au moins, en ce moment, on fait plus semblant sur l'action au niveau du gouvernement sur les questions écologiques. C'est en stand-by. C'est en stand-by.
01:07:08Donc on a besoin de courage. On a besoin de détermination. L'expérience dans d'autres pays montre que les moments comme ça d'alternance,
01:07:15où ces sujets sont mis de côté, c'est des moments où on a besoin de construire ce qui sera mis en œuvre à l'avenir pour une action qui soit efficace et immédiate.
01:07:272054, on est dans 30 ans. 2054, ce que j'espère, c'est qu'on pourra discerner la stabilisation du réchauffement,
01:07:38c'est qu'on aura construit des économies décarbonées, justes, avec des emplois décents. On aura préservé les écosystèmes.
01:07:46Ça va être compliqué, mais on aura préservé les habitats, les corridors, les espèces, avec davantage d'attachement à la nature.
01:07:542054, on gérera les conséquences inévitables, là où on en sera au niveau du climat, du rythme de montée du niveau de la mer.
01:08:03On aura anticipé, on aura transformé les infrastructures, on aura créé de nouvelles solidarités.
01:08:09Avoir cette vision-là de là où on veut être, c'est quelque chose qui donne du courage et de la détermination, et je sens qu'on le partage. Merci.
01:08:18Applaudissements
01:08:24Merci beaucoup à tous les quatre d'avoir accepté notre invitation. Merci à vous d'avoir assisté à ce dernier débat de l'Agora.
01:08:32Bonne fin de Fête de l'Humanité et à l'année prochaine.
01:08:36Merci, Jessica. Merci à Jean-Baptiste Combi, Lena Lazar, Valérie Masson-Delmotte et Fabienne Rouchy.
01:08:44Vous pouvez aller vous procurer l'ouvrage de Jean-Baptiste Combi, qui, je crois, va même le dédicacer à l'ivraie de la Renaissance, sur le côté.
01:08:51Ainsi se finit notre week-end d'Agora, un cru absolument exceptionnel, puisqu'on a débattu pendant tout le week-end avec les responsables de la gauche,
01:08:59creusé des pistes pour les services publics de la santé et de l'éducation, parlé de mort au travail quand tout le monde fait silence.
01:09:06On a aussi parlé de l'énémération d'un front féministe.