Dans Tout Public du mercredi 18 septembre 2024, le film "Les Graines du figuier sauvage" du réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, Olivier Guez sur son livre "Mesopotamia", et la sortie du documentaire de Valérie Donzelli.
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00:00Tout public avec Frédéric Carbone et le service culture de France Info, au cœur aujourd'hui
00:10des conflits qui traversent le Moyen-Orient.
00:12Bah oui, l'Iran, on vient d'en parler, dont vous avez beaucoup évoqué la montée
00:16des tensions avec Israël après cette attaque aussi spectaculaire que technologique visant
00:20les bipers du Hezbollah, mais là il va être question de ce qui secoue en interne le régime
00:24des Mollahs depuis deux ans avec le film de Mohamed Rasouloff qui sort aujourd'hui.
00:29Et puis ensuite le regard historique et romanesque de l'écrivain Olivier Guez dans le livre
00:34Mésopotamien a une résonance assez claire avec la situation actuelle, notamment en Irak.
00:39Mais commençons donc par ses graines du figuier sauvage Mohamed Rasouloff, habitué des prisons
00:45iraniennes, en exil en Europe, pris spécial à Cannes.
00:49Bonjour Thierry Fiori.
00:50Bonjour.
00:51Pour vous, comme pour d'autres, il aurait pu mériter La Palme d'Or, c'est en tout
00:54cas le grand film sur ce mouvement Femme, Vie, Liberté.
00:57Oui, quand après la mort de Massa Amini, tuée par la police iranienne car elle portait
01:02mal son voile, des milliers de femmes descendent dans la rue en enlevant leur hijab.
01:07Mohamed Rasouloff est en prison, une fois de plus, pour insoumission.
01:11Ours d'or à Berlin pour le diable n'existe pas en 2020.
01:14Il suit ces événements à distance et pense déjà à son prochain film.
01:18Ça a vraiment été une chance pour moi de découvrir ce mouvement à travers son impact
01:24sur la prison.
01:25Ça a été une expérience unique de voir les gens qui se faisaient arrêter, d'entendre
01:31ce qu'en disait le personnel de la prison, l'administration, les dirigeants de la prison.
01:38Il y a même une nuit où il y a eu cet incendie dans la prison des villes qui était aussi
01:42directement lié à la situation.
01:45Donc ça, ça a vraiment été un poste d'observation privilégié de ne pas être directement sur
01:49le terrain, mais de voir ce que ça a créé dans la prison.
01:55Depuis sa cellule, Mohamed Rasouloff comprend que cette révolte partie des femmes très
02:05durement réprimées est unique.
02:07Il passe au-delà de sa frustration de ne pas pouvoir la filmer, mais décide qu'elle
02:11sera dans les graines du figuier sauvage tel que le monde entier l'a découverte à travers
02:17les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.
02:19Ce sont ces images qui bouleversent ces personnages, deux adolescentes en révolte contre leur père,
02:25un juge zélé qui rentre le soir après avoir pratiqué toute la journée une justice expéditive
02:30et leur mère obsédée par le statut social de sa famille.
02:34Mais Thierry, à ce moment-là, Mohamed Rasouloff est surveillé par la police politique, interdit
02:38de quitter l'Iran.
02:39Comment tourne-t-il ?
02:40Comme son ami Jafar Panahi l'a appris à déjouer la censure, le flicage, il tourne
02:45dans la clandestinité, souvent à distance pour les scènes en extérieur et le plus
02:49souvent dans ce huis clos familial oppressant dans un appartement de Téhéran.
02:54Le film finit, il est à nouveau condamné à de la prison et décide cette fois de fuir.
02:58Il arrivera juste à temps à Cannes pour le présenter au festival.
03:01Ce qui est très impressionnant avec lui, c'est son obstination, son courage mais aussi
03:05son humour quand on lui parle de contraintes créatrices.
03:24Il faut 20 ans de formation pour apprendre ça, sinon n'importe qui pourrait faire un
03:27bon film clandestin.
03:29Vous voulez jouer une masterclass de cinéma clandestin ?
03:41Plus sérieusement, plus vous fréquentez les interrogatoires, les services secrets
03:44et plus vous apprenez comment les déjouer, parce qu'ils vous montrent vos e-mails, vous
03:50comprenez comment il faut faire des e-mails pour qu'ils ne vous les montrent pas.
03:52Ils vous montrent vos relevés bancaires, vous comprenez que vous n'auriez pas dû utiliser
03:55votre carte bleue en les fréquentant, en passant du temps avec eux, vous comprenez
03:59comment ils vous ont trouvés et comment il faut faire pour qu'ils ne vous trouvent
04:01pas la prochaine fois.
04:04Je reconnais que c'est un côté gangster, un peu mon affaire, mais la prison est un
04:08bon endroit pour apprendre ces choses-là.
04:10Et le résultat est sidérant, c'est un thriller politique et familial aux astuces de mise
04:15en scène dingue, la fiction intime et les images réelles du mouvement « Femmes, Vies,
04:20Libertés » tracent une voie, celle de l'espoir, portée par trois formidables actrices et
04:24qui, elles aussi, ont fui l'Iran.
04:26Oui absolument, et Le Monde racontait très récemment ce qui s'est passé pour ces trois
04:30actrices, c'était un article passionnant, elle disait qu'elles avaient été contactées
04:33en secret pour tourner avec Rassouloff quand elles avaient appris le thème, elles avaient
04:37été enthousiastes à l'idée de tourner, mais elles avaient compris immédiatement
04:40qu'elles devaient partir, l'une d'entre elles avait même été interpellée à l'aéroport
04:43au moment de monter dans l'avion, elle a pu partir, fuir par la montagne, ces trois actrices
04:49qui sont aussi en Allemagne, donc de la même manière que Mohamed Rassouloff se fiment les
04:54graines du figlier sauvage désormais dans les salles.
04:58Et après l'Iran d'aujourd'hui, je vous propose une plongée dans l'Irak d'hier, l'Iran mais
05:02pas seulement l'Irak, ce qui est aujourd'hui la Syrie, le Liban, le siècle dernier, les
05:06années 20 et l'Empire britannique confrontés aux mêmes casse-têtes qui conduira à tant
05:11de guerres ensuite et jusqu'à maintenant, comment faire une seule nation en faisant
05:15cohabiter des communautés qui se déchirent ?
05:17Bonjour Olivier Guez.
05:18Vous publiez donc Mésopotamia chez Grasset, notre guide, et le vôtre est une aristocrate
05:24anglaise qui a réellement existé que l'histoire a oublié Gertrude Bell et qui était chargée
05:29de cette mission impossible de dessiner les frontières dans ce désert où une grande
05:34civilisation a trouvé sa source.
05:36Puisqu'on parlait d'ailleurs de l'Iran, Olivier Guez, à l'époque, l'Empire britannique
05:39qui est aussi présent et sur les deux territoires, l'ancienne Perse et l'ancienne Mésopotamie,
05:44le nerf de la guerre, c'est déjà le pétrole, on le comprend dans votre livre.
05:48Oui absolument, au début du XXème siècle, on est au début de la deuxième révolution
05:52industrielle dont le moteur justement est le pétrole et ce gigantesque Empire britannique,
05:58le quart, le tiers des surfaces immergées de la planète est bizarrement dépourvu en
06:03pétrole.
06:04Donc les Anglais commencent à chercher au Moyen-Orient et la Perse à l'époque est
06:09un empire finissant, corrompu, endetté et les Anglais seront les premiers à extraire
06:16du pétrole de la Perse en 1908 et pour le sortir justement d'Iran, ils vont aller vers
06:24le Golfe Persique, vers Bassora, là où il y a la première raffinerie, les premiers
06:31terminaux et c'est comme ça que sort le pétrole de la Névis et dès que l'Empire Ottoman,
06:37puisque la Mésopotamie à l'époque appartient à l'Empire Ottoman, dès que la guerre commence,
06:43les forces britanniques qui viennent de l'Empire des Indes débarquent immédiatement à Bassora
06:49pour protéger justement les ressources pétrolières.
06:51Et c'est une bataille d'influence entre les grandes puissances européennes dans ce
06:54territoire !
06:55Absolument !
06:56Comme plus tard encore !
06:57On a un nouvel entrant qui est la nouvelle Allemagne de Guillaume II qui va absolument
07:02mettre la main en général sur l'Empire Ottoman et en particulier sur la Mésopotamie et construire
07:09cette ligne mythique qui s'appelait le Bagdad-Ban qui devait relier Berlin à Bagdad évidemment
07:16au Golfe Persique.
07:17C'est vraiment traverser toute la zone d'influence britannique, contourner le canal de Suez
07:21qui à l'époque est aux mains des britanniques pour ensuite se diriger vers le marché des
07:26Indes.
07:27Vous avez la Russie qui s'intéresse de plus en plus aux zones du Sud, au Moyen-Orient
07:31et vous avez les français aussi qui eux lornent plutôt sur le Levant, sur la Syrie
07:36et ce qui va devenir le Liban.
07:38Vous parliez d'empire britannique avec tout l'hubris que cela représente dans cette
07:44nouvelle version de l'impérialisme et Gertrude Bell veut servir cet empire.
07:48Elle est brillante, elle a fait Oxford, elle est anthropologue et elle commence par l'Iran,
07:52c'est ça son premier contact avec le Proche-Orient, son voyage en Iran et elle va dans les déserts
07:56quasiment seule, enfin pas tout à fait, mais elle a ce besoin-là d'aller se frotter aux
08:01civilisations les plus anciennes et elle va servir l'armée en fait.
08:05Bien sûr.
08:06Alors Gertrude Bell elle débarque en Perse, elle a 24 ans en 1892 parce que son oncle
08:11est ambassadeur de Grande-Bretagne à Téhéran, là elle va tomber amoureuse du persan, elle
08:16va tomber amoureuse tout simplement pour la première fois de sa vie par ailleurs et c'est
08:19une espèce de... c'est un véritable émerveillement mais sa vraie zone d'intérêt c'est plutôt
08:27le monde arabe, la civilisation arabe, pas particulièrement l'islam mais vraiment le
08:32monde arabe.
08:33Elle apprend l'arabe à Jérusalem à la fin du 19e siècle et elle va commencer à explorer
08:38au fur et à mesure les déserts, c'est-à-dire qu'elle quitte les grandes villes et elle
08:42va se passionner pour les Bédouins et en fait parce qu'elle connaît tellement bien les
08:46déserts, déserts de Syrie, déserts d'Arabie, déserts de Mésopotamie, c'est peut-être
08:50même la meilleure connaisseuse de ces déserts, elle va être dispatchée par l'état-major
08:55britannique pour, au début de la première guerre mondiale, pour aider justement les
09:01troupes britanniques qui commencent à patauger en Mésopotamie.
09:04Est-ce que c'est une Laurence d'Arabie au féminin ? On le voit Laurence d'Arabie dans
09:08votre livre qui aurait été complètement oublié par l'histoire.
09:10Oui, Laurence d'Arabie est le meilleur ami de Gertrude, ils sont extrêmement proches,
09:15c'est une forme de Laurence d'Arabie au féminin, où Laurence d'Arabie est une Gertrude
09:19Belle au masculin.
09:20Elle n'a pas eu la chance d'avoir le roman Les 7 Piliers de la Sagesse et puis un grand
09:25film.
09:26C'est une femme, effectivement, et pendant longtemps, on le sait tous, on a un peu mis
09:31de côté le rôle des femmes dans la grande histoire, mais elle n'a pas écrit de chef-d'oeuvre
09:35comme Laurence, parce que Les 7 Piliers de la Sagesse, c'est vraiment un des chef-d'oeuvre
09:39du XXe siècle, elle n'a pas eu de grand film, elle a eu un film de Werner Herzog il y a presque
09:44dix ans.
09:45J'adore Werner Herzog, je n'ai rien contre Nicole Kidman, mais ce film est extraordinairement,
09:50j'allais dire étrange, en fait, mauvais.
09:51Il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné, alors que Laurence a eu ce chef-d'oeuvre absolu
09:57du cinéma au début des années 60, qui inscrit Laurence dans la légende du monde, ou en
10:03tout cas la légende de l'Occident, et par ailleurs, Laurence est associée à une révolte
10:08finalement assez, je n'allais pas dire humaniste, mais en tout cas une espèce de geste assez
10:14généreuse qui est la révolte arabe, même si dans le livre je raconte que ça n'a absolument
10:18rien à voir, c'est plutôt une espèce de contre-mesure bricolée à la hâte, justement
10:22pour contrer la menace allemande au Moyen-Orient pendant la Première Guerre Mondiale, alors
10:28que Gertrude, elle, est associée à la création d'un monstre géopolitique qui s'appelle
10:32l'Irak aujourd'hui.
10:33Et ce monstre géopolitique, on va prendre le temps d'en parler, parce qu'il y a tellement
10:37de résonances, le mécano irakien, faire tous ces peuples ensemble, on retrouve ce
10:42qui s'est passé ensuite en 2003, on verra aussi que c'était une femme, peut-être
10:46emblème pour des femmes, mais pas féministe, elle n'était pas pour le droit de défendre.
10:49Pas du tout, justement c'est ce qui en fait un grand personnage romanesque, parce qu'elle
10:54est tout à fait paradoxale, c'est-à-dire qu'à la fois elle est rebelle et conservatrice,
10:58elle est émancipée et totalement prude, elle est arabiste et impérialiste, et donc
11:05même la fortune de sa famille, puisqu'elle vient d'une des familles les plus riches
11:08de Grande-Bretagne, elle-même, cette fortune, à un moment, va disparaître, donc c'est
11:12un personnage extraordinairement complexe et intéressant à subir.
11:15Allez, l'Irak d'aujourd'hui et d'hier, on y retourne dans une minute.
11:18Ah oui, juste après le Fil-Info, puisqu'il est 13h45, Armand Perrouloga.
11:21Michel Barnier dans l'impasse, il ne parvient pas à composer son gouvernement après 13
11:27jours de travail.
11:28Ce matin, le Premier ministre dit découvrir la situation très grave des comptes publics.
11:33L'ex-majorité refuse toute hausse d'impôts, ce matin, Gabriel Attal et des élus macronistes
11:38devaient se rendre à Matignon, la réunion a été annulée.
11:41A Avignon, la suite du procès des viols de Mazan, la cour criminelle de Vaucluse interroge
11:45depuis ce matin le premier des 50 co-accusés.
11:48Particularité, il ne répond pas du viol de Gisèle Pellicot, mais du viol de sa propre
11:52épouse avec la complicité de Dominique Pellicot.
11:55Le chef de la diplomatie européenne se dit extrêmement préoccupé par la situation au
11:59Proche-Orient.
12:00Après l'attaque d'ampleur qui a visé les bipers de milliers de membres du Hezbollah
12:04au Liban.
12:05Le dernier bilan fait état de 12 morts et 2800 blessés.
12:07Israël est accusé d'avoir mis la main sur ses appareils de communication et de les
12:11avoir piégés avant leur livraison au Hezbollah.
12:14Le mouvement chiite libanais promet de punir l'Etat hébreu.
12:17Pas d'accalmie sur le front des incendies au Portugal.
12:20Les pompiers luttent encore contre une quarantaine de feux de forêt dans le nord et le centre
12:24du pays.
12:25Ces incendies ont fait au moins 7 morts et ravagé plus de 10 000 hectares de végétation.
12:29Et puis le football, suite de la première journée de la Ligue des champions.
12:32Ce soir, le PSG reçoit les Espagnols de Géronne à 21h.
12:44Et nous sommes donc toujours avec Olivier Guez qui publie Mésopotamia chez Grasset,
12:48le grand jeu diplomatique dans le désert du Moyen-Orient dans les années 20.
12:52Ces territoires qui sont aujourd'hui la Syrie, le Liban, l'Irak notamment.
12:56Vous venez de dire, Olivier Guez, la fabrique d'une certaine manière du monstre irakien.
13:01Oui, parce que c'est frappant, Gertrude Bell, ce qu'elle fait à l'époque, c'est
13:04essayer de mettre ensemble les Kurdes, les sunnites, les chiites.
13:07Ça ne marchait pas en 1920, ça ne marchait pas en 2003 encore et ça n'a jamais marché.
13:11Non, ça n'a jamais marché.
13:13En fait, les Kurdes se sont toujours méfiés des sunnites et des arabes en général.
13:16Et les sunnites et les chiites s'opposent même ou se font la guerre depuis la séparation
13:23en deux branches de l'islam.
13:25Mais elles tenaient absolument, alors aussi pour des raisons stratégiques.
13:29Donc les britanniques voulaient absolument protéger le sud puisque c'était par là
13:33que s'écoulait le pétrole, mais ils avaient aussi compris que dans le nord, donc aujourd'hui
13:37une région plutôt kurde, arabe, à la frontière des deux régions, il y avait d'énormes gisements
13:42de pétrole.
13:43Ouais, Mossoul, une ville dont on parle beaucoup.
13:44Absolument, qui était la capitale pseudo-califat de l'État islamique.
13:50Donc, il fallait assembler les trois pièces.
13:54Et puis déjà, à l'époque, les chiites étaient majoritaires, donc elle, elle n'a
13:57jamais aimé les chiites, peut-être à cause des réminiscences de son voyage justement
14:01en Perse très jeune, où ça s'était mal passé.
14:04Et elle pensait que les deux populations, sunnites et kurdes, permettraient d'équilibrer
14:10le nombre de chiites pour des raisons démographiques.
14:12Après, elle a fait des choses assez délirantes, c'est-à-dire qu'elle a mis sur le trône
14:19de ce royaume d'Irak, puisqu'à l'époque c'était un royaume, un roi, le roi Faisal
14:22qui appartient à la famille Yachimite, la famille Yachimite qui dirige toujours la
14:26Jordanie aujourd'hui, alors qu'il n'avait jamais mis les pieds en Mésopotamie.
14:29Mais ça pareil, on retrouve ce qu'ont fait les Américains d'une certaine manière,
14:32je ne sais pas si c'était un empire, en 2003, on met un sunnite, on s'appuie sur
14:36des sunnites et pas sur des chiites, sur ceux qui sont minoritaires et pas minoritaires.
14:39Et on est intéressé par le pétrole.
14:40Bien sûr, le pétrole, mais en fait, l'histoire de la Mésopotamie, je m'en suis aperçu
14:44en étudiant l'histoire vraiment antique de ce pays, c'est-à-dire que tous les conquérants
14:48ont voulu mettre la main sur la Mésopotamie, parce que la Mésopotamie, ça veut dire
14:52le pays entre les deux fleuves, donc c'étaient des terres extraordinairement fertiles, c'était
14:56le grenier à blé de l'antiquité orientale, et donc la succession de conquérants, tout
15:01le monde est passé par la Mésopotamie, c'est vraiment le cœur des grands empires au Moyen-Orient,
15:05justement pour mettre la main sur les ressources, donc avant c'étaient les terres fertiles,
15:09alimentées par les deux grands fleuves, le Tigre et l'Euphrate, et évidemment depuis
15:13une centaine d'années, on s'intéresse davantage à l'Irak, la Mésopotamie pour
15:17le pétrole.
15:18On ne va pas faire croire à nos auditeurs qu'on est dans un livre d'histoire qui pourrait
15:24être pesant, on est dans quelque chose de très romanesque, vous l'aimez beaucoup cette
15:29Gertrude Bell Olivier Guest, je le découvre même chez vous, un côté fleur bleue, vous
15:34aimeriez tant qu'elle trouve le soupirant, l'amoureux qu'elle se désespère à trouver
15:39pendant ces décennies ?
15:40Oui, est-ce que je l'aime beaucoup ? Je ne sais pas, elle a des côtés extrêmement
15:44attachants, elle a des côtés extrêmement énervants aussi, mais en tout cas c'est
15:47un grand personnage, c'est une grande dame, et non seulement je raconte donc la formation
15:53du Moyen-Orient moderne à travers les aventures et les péripéties de Gertrude Bell au Moyen-Orient,
15:57mais je raconte simplement sa vie, c'est-à-dire qu'on ne peut pas comprendre ce que fait
16:01Gertrude Bell et pourquoi Gertrude Bell passe autant de temps au Moyen-Orient sans revenir
16:06en arrière sur ses histoires d'amour, et là c'est un personnage absolument bouleversant.
16:12Plus Laurence d'Arabie, c'est encore le cas.
16:14Cela dit, Laurence d'Arabie était tout aussi malheureuse qu'elle en amour, et ils se rejoignent
16:19beaucoup là-dessus.
16:20Elle est un pur produit de l'Angleterre victorienne, et comme vous le disiez, elle n'est pas dans
16:25son corps presque son ennemi, c'est une petite fille qui ne sait pas se faire aimer, qui
16:31ne sait pas aimer.
16:32Alors je pense qu'elle a toujours été amoureuse de son père quelque part, et par ailleurs
16:37elle est en effet le pur produit de cette éducation victorienne qui interdisait aux
16:42femmes toute forme de pensée érotique, c'est-à-dire que la chair est sale, le corps est sale,
16:47tout ce qui peut être animal, tout ce qui peut paraître animal est totalement prohibé.
16:51Il faut vous imaginer quand même que lorsqu'elle va à Oxford, on est dans les années 1880-90,
16:58les professeurs en fait demandent aux étudiants de femmes, elles sont très rares, de tourner
17:02le dos à l'estrade de manière à ce qu'ils ne soient pas déconcentrés.
17:06Il y a des conférences à Oxford, pas ailleurs, où il y a des pontes de la médecine qui
17:12expliquent que le désir chez la femme est sale, est quasiment, est rarissime, et que
17:18vraiment les 10% des femmes éprouvant du désir sont des sorcières ou des putains.
17:22Donc c'est comme ça, et elle est éduquée dans cette idée-là, elle est éduquée par
17:26exemple à cette époque-là, on interdit aux jeunes femmes de lire des romans avant
17:31midi parce que ça pourrait leur donner des idées un peu salaces.
17:36Elle est le pur produit, elle n'a jamais réussi à s'émanciper de cette éducation-là.
17:40Frédéric le disait, c'est un livre très historique, très documenté, je crois que
17:44vous n'avez jamais bossé autant à la préparation d'un roman.
17:47Et vous me connaissez bien Thierry, oui c'est vrai.
17:49Et donc ça veut dire que la partie fictionnée, c'est quoi ? C'est remplir les manques
17:53dans l'histoire alors que vous avez lu toute la correspondance privée ?
17:56C'est un petit peu comme pour un metteur en scène faire un biopic, c'est-à-dire
18:00qu'il y a une mise en scène, certaines scènes ou certains détails que je n'ai pas,
18:05ou alors des détails biographiques de certains de ses amants qui sont introuvables et qui
18:10me paraissaient logiques.
18:12Mais moi ce qui est toujours très important dans mes bouquins, c'est de respecter la
18:16grande histoire.
18:17Donc à partir du moment où je raconte l'histoire de Gertrude Bell, compte tenu de son rôle
18:20éminent dans la formation du Moyen-Orient moderne, je ne pouvais pas me permettre de
18:23plaisanter avec ça.
18:24Et ce qui n'est pas une fiction, c'est qu'un de ses héritages en Irak, dans l'Irak
18:28aujourd'hui, à Bagdad, c'est le musée national irakien, elle est archéologue,
18:31qui a été un des premiers pillés en 2003 après l'invasion des Américains.
18:35Qui est même immédiatement pillé, moi je me souviens de ces images quand les GIs arrivent
18:39à Bagdad, mais ce musée n'est pas protégé.
18:42Et donc on se souvient de cette cohorte de gens qui pillent.
18:45D'ailleurs ce sera l'un des, parmi les butins qui permettront à l'État islamique
18:49de se financer, ces antiquités archéologiques.
18:52Et parmi le butin pillé, il y avait un buste de Gertrude Bell, puisqu'elle est donc
19:01la fondatrice de ce musée, et ce buste n'a jamais été retrouvé.
19:06Je trouve que l'histoire de ce buste est assez métaphorique de la destinée très
19:12étrange et au fond très triste de cette femme au Moyen-Orient.
19:15Et l'histoire de ce pays également dans ce siècle.
19:18Mésopotamien, merci beaucoup Olivier Guez, merci Thierry, publié chez Grasset.
19:22Retournons au cinéma à présent, parce que vous l'avez compris, les graines du figuier
19:27sauvage de l'Iranien Rasoul Hoff et le film marquant de la semaine, n'oubliez pas non
19:30plus, on vous en disait le plus grand bien hier, Ma vie, ma gueule de Sophie Filière.
19:34Et puis, Matteo Moestratchi, grande richesse, décidément, grande diversité, cette semaine
19:38ce documentaire de Valérie Donzelli, rue du Conservatoire, une institution artistique
19:43parisienne, un regard aussi aigu sur la jeunesse.
20:01Et Clémence le tue, le fait renaître et jouée par une femme.
20:03Alors pour la petite histoire, Frédéric s'est dit en introduction du film qui s'appelle
20:07donc Rue du Conservatoire, Valérie Donzelli a raté le conservatoire en 1996, ça ne nous
20:12rajeunit pas, le conservatoire national supérieur d'art dramatique, on le précise, situé
20:16dans le 9ème arrondissement de Paris, parce qu'il y a aussi des conservatoires d'arrondissement
20:20dans la capitale.
20:21Plus tard, Valérie Donzelli, devenue la réalisatrice confirmée que l'on sait y retourner pour
20:26animer une session, elle a rencontré des élèves, dont une certaine Clémence Coulon,
20:30qui va lui demander de filmer le spectacle qu'elle met en scène, on l'a un peu compris
20:33dans l'extrait de cette bande-annonce, un Hamlet de Shakespeare revisité, où elle
20:37tue Hamlet et le fait revenir en femme, Clémence Coulon.
20:40Par rapport à Valérie Donzelli, j'aimais énormément son travail, j'avais une envie
20:45folle de faire un documentaire sur toute cette expérience d'une première mise en scène,
20:51que c'est Hamlet, qu'il allait se passer beaucoup de choses, et du coup je suis venue
20:55voir Valérie avec rien finalement, j'ai dit juste qu'on va monter une pièce et j'aimerais
21:01que tu fasses un documentaire, et en fait elle nous a suivi aveuglément, elle a dit
21:06allez j'y vais, sans savoir où ça allait aller.
21:08Il y a beaucoup de choses fortes qui ressortent du projet, à la fois du spectacle et du documentaire
21:12lui-même, d'abord une formidable énergie, ce que ne conteste évidemment pas Valérie Donzelli.
21:17C'est difficile de ne pas la capter quand on passe du temps avec eux, parce qu'on est
21:21complètement dépassés par cette énergie, et c'est quelque chose pour le coup qu'ils
21:26ne contrôlent pas du tout, ils ne sont pas du tout à jouer ça, c'est quelque chose
21:30qui les dépasse, donc moi c'est tout de suite ce qui m'a marquée, et d'ailleurs
21:34au début quand on a commencé à organiser le travail et tout ça, on s'est vite rendu
21:37compte qu'en fait on était complètement pris de vitesse tout le temps, donc il ne
21:41fallait surtout pas l'organiser ce travail, et il fallait se laisser porter par eux.
21:46Une euphorie fédératrice, donc communicative, propre au théâtre, à la jeunesse, et même
21:51quelque chose de presque enfantin.
21:53Je ne sais pas ce qui m'a pris de monter Hamlet, c'est un cauchemar.
21:58Il y a donc ce projet, mais surtout cette jeunesse, un moment précis Mathéo, un moment
22:03charnière de la vie de ces apprentis comédiens.
22:05Oui, et c'est là que le film prend une autre ampleur, Valérie Donzelli filme cette jeunesse
22:09avec ses doutes et ses questionnements en prise, avec une sorte de vertige, celui du
22:14basculement vers l'inconnu, vers le monde des adultes, et la réalité, souvent rude,
22:19du métier de comédien, beaucoup d'appelés et peu d'inscrits à l'arrivée.
22:23L'école c'est un endroit qui protège aussi, et puis quand on sort de cette école, on
22:26a la chance, on a l'impression quand on y entre, d'avoir obtenu le Graal, mais quand
22:31on en sort, est-ce qu'on va être encore acteur ? Parce qu'en fait c'est difficile
22:35de se dire acteur quand on ne joue pas, et l'école c'est un endroit où on peut jouer
22:39de 8h du matin à 24h le soir, elle est tout le temps ouverte, ils ne font que ça, et
22:44étudier des textes, réfléchir, avoir des idées, s'amuser, créer, et puis quand ils
22:48sortent de cette école, il faut avoir beaucoup de courage, je leur pose la question parce
22:52qu'ils doivent se la poser aussi, et la vraie angoisse elle est là, elle n'est pas de
22:55quitter l'école, elle est de plus travailler.
22:56Ce métier est tellement difficile, le théâtre, on a beaucoup moins d'argent, les petites
23:01compagnies partent, et c'est très compliqué de pouvoir exister dans ce métier.
23:05On a nos rêves, mais on est 30, et souvent sur les 30, il y a, je ne sais pas, entre
23:105 à 10 personnes qui réussissent, qui gagnent leur vie avec ce métier.
23:16Autre qualité, Frédéric, d'un documentaire qui ne manque pas, vous l'aurez compris,
23:19il filme un échantillon d'une jeunesse qui n'est pas forcément que blanche, que bourgeoise,
23:24que parisienne, l'un des clichés qui peut subsister encore aujourd'hui sur le théâtre,
23:27et c'est grâce à une personne en particulier, la directrice du conservatoire qu'on voit
23:32dans le film que nous présente Clémence Coulon.
23:34C'est grâce à Claire-Laine Barcueil, la directrice, qui a fait un énorme travail
23:38pour diversifier et pour dire, en effet, c'est un art bourgeois, de toute façon, et qu'il
23:43faut se battre pour que ça ne soit plus, que tout le monde se sente légitime.
23:47C'est un travail qu'il faut encore continuer.
23:49Dans toute cette belle troupe, il y a encore quand même beaucoup de monde qui viennent
23:52de la bourgeoisie, mais beaucoup plus de monde et d'acteurs et d'actrices qui viennent
23:57de milieux très très différents.
23:58Et Valérie Danzelli nous a confié que ça ne l'intéressait pas quand elle a commencé
24:02ce tournage, de savoir comment allait se passer le spectacle dont elle filmait les
24:06coulisses, comment ça allait se terminer.
24:07Ce qui l'intéresse, c'est justement tout le reste, tout ce qui précède, mais aussi
24:12l'après, et c'est encore mieux comme ça.
24:13Et c'est à voir, donc, rue du Conservatoire au cinéma à partir d'aujourd'hui.
24:16Merci Mathéo Mestracci.
24:18Et merci Frédéric Carbone pour ce tout public avec des idées de films, des idées de lecture,
24:22et demain ce sera des idées de sortie, d'exposition.
24:26Vous serez en direct du musée d'Orsay.
24:29On aura le temps d'en reparler.
24:31A demain Frédéric Carbone.