• il y a 2 mois
Xavier Niel, le fondateur de Free, était l'invité de BFMTV-RMC ce vendredi. Il s'est exprimé sur la fiscalité française, l'intelligence artificielle, son parcours mais aussi sur la gestion de ses médias.

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Transcription
00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Xavier Niel.
00:04Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions, c'est rare de vous entendre.
00:09Vous êtes le milliardaire peut-être le plus cash de France, à la fois anti-système,
00:13vous avez été pirate informatique, agent de la DST, ça on le découvre à la lecture de votre livre.
00:18Ça s'appelle une sacrée envie de foutre le bordel.
00:21Vous avez évidemment commencé avec le Minitel Rose, vous êtes passé par la case prison,
00:25vous avez fondé ensuite Iliad, c'est l'aventure free, puis la presse, les start-up.
00:29En fait, j'aimerais bien savoir pourquoi vous parlez ?
00:32Pourquoi vous avez envie de raconter tout ça ? Pourquoi vous avez accepté mon invitation ?
00:36Je vous remercie de votre invitation.
00:38Non, je crois que l'histoire que j'ai envie de raconter, c'est...
00:41Déjà, il y a l'origine de ce livre.
00:43L'origine de ce livre, c'est un copain qui me dit, écoute, on se voit régulièrement,
00:45on se parle, est-ce qu'on ne peut pas enregistrer ces conversations
00:47et essayer ensuite de les transformer en livre ?
00:49Et puis une éditrice qui s'appelle Jean-Louis Missika,
00:51puis une éditrice qui dit, avec ça, en fait, votre truc il est incroyable.
00:55C'est les éditeurs, ils sont toujours un peu flatteurs, il faut se méfier d'eux.
00:58L'envie, c'était de se dire, c'était de pousser les jeunes
01:01ou les gens d'une manière générale à se prendre en charge
01:03et à se dire, on peut faire quelque chose.
01:05On est dans un monde ou dans une société où on a l'envie...
01:09Pardon, pas l'envie, on a l'habitude de dépendre des politiques.
01:11Et moi, ce que je dis, c'est qu'en fait, tout un chacun, personnellement,
01:14peut se prendre en charge et créer des choses, créer des entreprises,
01:17créer des assos, devenir entrepreneur.
01:19Et c'est ça le fort message, quel que soit son passé,
01:21quel que soit son passif, et le mien est lourd,
01:23on peut créer des choses, on peut faire des choses et faire avancer la société.
01:26D'ailleurs, vous allez en parler dans un instant, des politiques,
01:28parce qu'on se demande finalement si vous avez fait avec ou contre eux
01:31et si aujourd'hui, dans cette situation dans laquelle est la France,
01:34on peut encore s'en sortir.
01:36Et qu'est-ce que la France peut faire pour les entrepreneurs ?
01:38Vous promettez de répondre à cette question.
01:40Comment devenir milliardaire ?
01:43Quand on a envie d'être milliardaire aujourd'hui, quand on est jeune,
01:46est-ce que vous leur dites, restez en France ou barrez-vous ?
01:48Alors moi, on est entouré de gens qui ont un doctorat en pessimisme.
01:53Moi, j'ai exactement l'affaire.
01:54Je pense que ce pays, il est incroyable.
01:55C'est le pays le plus fantastique pour entreprendre,
01:57créer des choses, quoi que ce soit.
01:58Et donc, je leur dis, surtout restez, parce que ça va être plus facile ici qu'ailleurs.
02:01Donc, bien évidemment, on a toujours l'impression que l'herbe, elle est plus verte ailleurs.
02:03Je pense exactement l'inverse.
02:04Donc, je leur dis, restez.
02:06Ce pays, il est fantastique.
02:07Il est incroyable.
02:08Vive la France.
02:09C'est un pays incroyable.
02:10Moi, ça m'a permis de venir de Créteil, de partir de rien
02:13et d'avoir la chance d'être devant vous ce matin.
02:14Et vous racontez effectivement, dans ce livre,
02:17où est-ce que vous êtes né ?
02:18Où est-ce que vous avez grandi ?
02:19Vous dites d'ailleurs avoir eu une enfance très heureuse, très harmonieuse.
02:22Et vous êtes construit ensuite.
02:25Mais cette France, aujourd'hui, elle est à genoux.
02:28On nous dit justement qu'il faut trouver 20 milliards par an
02:32pour espérer sortir la tête de l'eau.
02:34Vous, vous lancez ce défi aux Français.
02:37Vous leur dites même, il faut avoir envie de gagner.
02:40Il faut avoir envie de gagner de l'argent.
02:42Il faut avoir envie de devenir milliardaire.
02:43Mais est-ce que ce n'est pas plutôt à la France
02:45que vous devriez donner des conseils pour devenir milliardaire ?
02:47Je pense que dire devenir milliardaire, c'est provocateur.
02:50Vous êtes beaucoup dans la provoque.
02:52C'est vrai, d'accord.
02:53Non, l'idée, c'est de se dire, arrêtez de regarder ces sujets politiques.
02:57Ces sujets politiques, ce n'est pas le sujet de fond.
02:59Le vrai sujet, c'est qu'est-ce que l'on fait, nous ?
03:00Moi, je pense que chaque individu dans ce pays
03:02peut plus changer ce pays
03:03que le regroupement de la totalité des hommes politiques de ce pays.
03:06Si vous prenez des gens qui n'étaient pas français,
03:08qu'on crée Uber, Airbnb,
03:09quand on se lance dans la téléphonie mobile,
03:11qu'on rend des dizaines de milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français,
03:13c'est un instant de raison des groupes d'entrepreneurs
03:15qui ont créé des choses,
03:16qui ont eu plus d'impact sur nos vies que les politiques.
03:18Donc, ce n'est pas de dire que les politiques ne servent à rien.
03:20Ils fixent une règle.
03:21Mais après, c'est à chacun d'entre nous
03:23d'utiliser ces règles
03:24et d'essayer de créer des choses avec.
03:25On va revenir sur la question de l'innovation,
03:27sur l'aventure du Minitel,
03:29qui, à vos yeux, est d'ailleurs presque à l'image,
03:31parfois, du gâchis français.
03:33Mais bien sûr, cette phrase prononcée par Michel Barnier
03:35il y a quelques jours,
03:36il faut faire un effort collectif pour maîtriser les dépenses.
03:38Ça peut se faire notamment avec des prélèvements ciblés
03:41sur les personnes fortunées.
03:42Ça tombe bien, j'en ai une en face de moi.
03:44Ou sur certaines grosses entreprises.
03:45Est-ce que vous êtes d'accord ?
03:46Est-ce qu'il faut que vous passiez à la caisse ?
03:49Alors moi, je n'appelle jamais à augmenter mes impôts.
03:51Je ne suis pas masochiste.
03:52C'est un premier élément.
03:53Le deuxième élément, c'est que
03:55on parle d'abord de taxer les plus aisés, les plus riches.
03:58À la fin, on taxe tout le monde.
03:59Je pense que ça, les Français l'ont très, très bien compris.
04:01C'est-à-dire qu'il y a un symbole.
04:03On taxe le symbole.
04:04C'est très bien, fantastique.
04:05Et puis après, on va taxer tout le monde.
04:06C'est systématiquement comme ça.
04:07Le problème, c'est que l'impôt,
04:10c'est une forme de collectivité.
04:13Vous savez, c'est comme litchi.
04:14Tout le monde met de l'argent dans un pot,
04:15comme une cagnotte.
04:16Mais on ne sait pas ce qu'on en fait après.
04:18Moi, ce que je pense, c'est qu'il y a la cagnotte.
04:20Après, elle est gérée par des gens.
04:21On ne sait pas trop comment ça marche.
04:22C'est un peu opaque.
04:24Et de l'autre côté,
04:25ce que je dis, quand on a de l'argent,
04:26on doit s'en saisir et l'utiliser
04:28pour avoir des initiatives qui, elles, ont un impact.
04:30C'est ce que j'ai souvent fait dans ma vie
04:32en créant des écoles, des incubateurs,
04:34un certain nombre de choses gratuites
04:37où j'utilise mon argent afin d'aider les autres.
04:40Je pense que ça, c'est un usage de mon argent
04:42qui me paraît plus productif
04:44qu'aller payer de l'impôt
04:46en ne sachant pas trop comment y dépenser.
04:48Ce n'est pas cet impôt qui est un problème,
04:50c'est son usage.
04:51Je ne suis pas sûr qu'il soit utilisé de manière efficace.
04:54Vous avez le sentiment d'être plus efficace, vous.
04:56On va revenir d'ailleurs sur votre école.
04:58Ça s'appelle...
05:00Il y a évidemment l'école 42,
05:02où vous avez, et d'ailleurs ce n'est pas seulement en France,
05:04vous l'avez développée d'ailleurs dans le monde entier.
05:07Il n'y a qu'aux Etats-Unis,
05:08que vous vous êtes un peu cassé les dents.
05:10Parce que le gratuit aux Etats-Unis, ça ne passe pas du tout.
05:12Quand une école est gratuite aux Etats-Unis,
05:14on estime que c'est une école pourrie.
05:15Donc à partir de ce moment-là,
05:16quand vous créez une école gratuite,
05:17les gens vous disent que c'est pourri.
05:18Donc on a fait une horreur,
05:19on aurait dû faire l'école la plus chère du monde
05:21et donner des bourses pour que ça devienne gratuit.
05:22Mais sur ces impôts que Michel Barnier veut augmenter sur les riches,
05:24il y a la question de l'impôt sur le revenu,
05:26il y a la question éventuelle d'un retour de l'impôt sur la fortune.
05:29Il y a aussi la question de l'impôt sur les sociétés,
05:31éventuellement mettre fin à la flat tax.
05:34Est-ce que sur tous ces points-là,
05:35vous vous dites, bon, pendant quelques années,
05:37s'il faut participer à l'effort national, je le ferai ?
05:39Ou est-ce que vous mettez en garde,
05:41comme le fait par exemple le patron du Medef,
05:43sur le fait que ça pourrait couper aussi l'innovation
05:45qui est quand même le moteur aussi, vous-même, de votre réussite ?
05:48Moi, je suis content d'être ici.
05:49Je ne partirai pas.
05:51Je ne suis pas un déserteur.
05:52Donc, si vous voulez, quelle que soit la fiscalité, je resterai.
05:54C'est mon pays et je l'adore.
05:56Donc, je ne peux pas vous dire pendant dix minutes que je l'adore
05:58et dire que je vais me casser dès qu'on va m'augmenter mes impôts.
06:01Le problème, c'est que l'économie,
06:04pas l'État, mais l'économie va bien.
06:07Il y a dix ans, je serais venu ici,
06:08vous m'auriez parlé du problème du chômage.
06:09Vous ne parliez plus jamais à vous inviter au problème du chômage.
06:12Qu'est-ce qui s'est passé ?
06:13Ces dernières années, on a eu un pays attractif
06:15qui a amené de l'investissement,
06:17qui a poussé des gens à investir.
06:18Et ça, c'est quelque chose qu'on ne doit pas perdre.
06:20Et donc, on doit garder cette image d'attractivité.
06:22Cette image d'attractivité, elle repose sur une stabilité
06:25d'un certain nombre de choses, notamment fiscale.
06:27Cette stabilité, elle a une valeur.
06:30Elle permet d'avoir des investissements.
06:31Elle permet à des gens de venir du monde entier d'investir dans ce pays.
06:34Elle permet à des gens qui sont riches dans d'autres pays
06:36de venir dans ce pays, de consommer, de dépenser, d'investir.
06:39Donc, il faut être capable de garder cette chose-là, cette image-là.
06:43Et quand on touche à ces paramètres-là,
06:44on prend un risque derrière sur cet investissement
06:47et donc sur le chômage, sur l'accroissement, sur des choses comme ça.
06:50Dans votre livre, vous le racontez, pour vous, la solution,
06:52c'est notamment l'emploi, bien s'entourer.
06:54Et vous dites qu'il faut s'entourer de collaborateurs débrouillards.
06:57C'est la première qualité et c'est ce qui est le moteur de tout.
07:00Débrouillard, ça veut dire quoi ?
07:02Ça veut dire street smart.
07:04Ça veut dire des gens qui savent faire des choses concrètes.
07:07Je dis toujours, quand vous construisez une maison,
07:09il vaut mieux mettre les fondations avant le toit.
07:11Donc, parfois, et ça ne vient pas des études qu'on a faites,
07:16c'est juste la manière dont on est constitué.
07:18C'est une forme de logique.
07:19Voilà, c'est ce qu'on essaye de trouver,
07:20ce qu'on essaye de chercher dans nos activités,
07:22ce qui nous a permis, ce qui permet d'innover.
07:23Être débrouillard et être un peu pirate.
07:25Vous racontez avoir été, tout le monde le savait,
07:27emprisonné à la prison de la santé,
07:30au départ pour proxénétisme aggravé, recel d'abus de biens sociaux.
07:33Vous avez finalement été blanchi là-dessus,
07:35mais quand même condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis
07:38et 250 000 euros d'amende pour recel d'abus de biens sociaux.
07:41Et le juge Van Rooimbeek vous reçoit dans son bureau
07:45et il vous donne ce conseil.
07:47Mordez la ligne jaune, mordez-la souvent,
07:50mais ne la franchissez jamais.
07:52Il faut donc être un peu pirate, mais pas trop.
07:54Il faut jouer avec les règles, oui,
07:56mais il ne faut pas les dépasser.
07:57Voilà, mais c'était une leçon incroyable pour moi.
07:59Mes proches me disent que j'ai un syndrome de Stockholm.
08:03Il m'a mis un mois en prison et après il me donne un conseil
08:05et je vous dis du bien de lui.
08:06Mais je pense que ça a été un conseil incroyable pour moi
08:07parce que je me sentais un surhomme,
08:09parce que je me sentais imbattable,
08:10parce que j'avais tout réussi dans ma vie.
08:11Et aujourd'hui ?
08:12C'est quand la dernière fois que vous avez mordu la ligne ?
08:14Il était en prison il y a longtemps.
08:15Non, en prison, j'ai bien compris que c'était il y a longtemps,
08:17mais mordu la ligne jaune.
08:18Tous les jours, on essaye de le faire.
08:20C'est le jeu, c'est d'essayer de se dire
08:22comment on peut jouer avec les règles pour créer des choses,
08:24comment on peut utiliser tel qu'est fait la société
08:28pour essayer de créer de la valeur.
08:30Et encore une fois, ce n'est pas obligatoirement commercial,
08:31ça peut être dans une association.
08:32Mais concrètement, ça veut dire quoi ?
08:33Ça veut dire que vous regardez les règles, les lois,
08:35vous regardez les failles ?
08:36Ça veut dire que quand on invente la Freebox,
08:38quand on invente la box,
08:39à partir de ce moment-là,
08:40normalement, il faut avoir légalement,
08:42ville par ville, une autorisation du maire.
08:44Sauf que dans la loi, il y a une petite virgule
08:46qui permet de l'éviter.
08:47On joue avec la législation d'une manière différente
08:49que le législateur l'avait pensé.
08:51Et ça fait la box qui est dans tous les foyers français aujourd'hui.
08:53Voilà, donc c'est comment on joue en permanence
08:56avec ces règles en respectant la loi.
08:57Alors, il y en a certains qui ont franchi la ligne jaune.
09:00Fin août, il y a Pavel Durov,
09:01qui est ce sulfureux patron de Télégram,
09:03qui a été interpellé sur le tarmac de l'aéroport du Bourget.
09:07Il arrive au commissariat,
09:09il a le droit de passer un coup de fil,
09:11et c'est vous qui l'appelle. Pourquoi ?
09:12Alors déjà, pour moi, il n'a pas encore franchi la ligne
09:14parce qu'il n'a pas été condamné.
09:15Donc excusez-moi, on va laisser.
09:16En tout cas, il a au minimum mordu sur la ligne
09:19pour être arrêté.
09:20Je ne sais pas s'il a mordu sur la ligne.
09:21Ce que je peux vous dire, c'est que
09:22ce que je sais, c'est que pour avoir été en prison,
09:24pour avoir eu des problèmes judiciaires,
09:25c'est que tout le monde disparaît.
09:27Tout le monde disparaît dans ce cas-là.
09:28Moi, quand j'ai un copain qui est dans la difficulté
09:30et qui me fait passer un coup de fil,
09:32je suis là.
09:33Sur le reste, il faut lui demander la suite de cette histoire
09:36parce que c'est sa vie et son histoire.
09:37Mais est-ce que ça veut dire que vous êtes en quelque sorte
09:39un peu, vous restez une sorte de parrain
09:41pour le hacking, pour le dark web ?
09:44Vous avez même une forme de tendresse pour ça.
09:46Vous avez un milliard d'utilisateurs
09:47pour Telegram dans le monde.
09:49Donc je ne sais pas si vous avez un produit
09:51si sulfureux que ça,
09:52qu'il y ait eu des gens qui aient abusé d'un service
09:55parce qu'il permettait une confidentialité.
09:57C'est le jeu.
09:58Et je pense que vous vous retrouvez
09:59sur l'ensemble des autres messageries existantes
10:01qu'on peut utiliser sur WhatsApp
10:02et ailleurs des problèmes équivalents.
10:04Il avait visiblement un certain nombre de requêtes
10:06sur lesquelles il n'y a pas eu de réponse.
10:08Voilà, ce que je ne sais pas juger.
10:09Encore une fois, je ne suis pas juge.
10:11Et donc ça occasionne le fait qu'il soit entendu.
10:13Xavier Niel, ces noms, ils sont assez sulfureux.
10:15Il y en a un aussi qui fait beaucoup fantasmer en France
10:17qui est le nom d'Elon Musk.
10:18Est-ce que vous considérez-vous, vu d'ici,
10:20qu'Elon Musk, c'est un génie
10:22ou est-ce que c'est un danger pour la démocratie ?
10:24En ce moment, il joue énormément
10:25autour des élections et de la campagne américaine.
10:27Je pense que vous avez deux Elon Musk.
10:28Vous avez Elon Musk entrepreneur
10:29qui est probablement un ou le plus grand entrepreneur du monde.
10:32Et puis vous avez Elon Musk
10:33qui a un sentiment de surpuissance
10:36ou de toute puissance
10:37et qui, sur la base de ça, peut parfois,
10:39comme tout être humain, dire des conneries.
10:40La politique, vous, vous n'avez pas envie
10:42de mettre le pied dedans ?
10:43Non, parce que je pense qu'on peut créer
10:44ou faire plus de choses
10:45en n'étant justement pas dans la politique.
10:47En n'ayant pas les barrières de la politique,
10:49l'obligation de faire de la démagogie,
10:50l'obligation que je mette un costume
10:51pour venir vous voir ce matin,
10:52l'obligation de dire des choses.
10:53Je précise pour ceux qui nous écoutent à la radio
10:55que vous n'avez pas de veste, en effet,
10:56et que vous n'avez pas non plus de travate.
10:58C'est très gentil, très aimable
10:59et très respectueux.
11:00Xavier Niel, vous dites dans ce livre
11:04« Tiens, récemment, il y a une ministre
11:05qui m'a insultée par SMS.
11:07Elle voulait que j'empêche la publication
11:08d'un papier à charge contre elle. »
11:10C'est qui ?
11:11Je ne vais pas vous le dire.
11:12Aurore Berger ?
11:13Je ne vais pas vous le dire, ce n'est pas le truc.
11:14Marlène Schiappa ?
11:15Pourquoi ?
11:16Parce que je cherche qu'elles ont été
11:17les papiers qui ont pu être à charge
11:18dans vos différents organes de presse.
11:20Alors, justement, vous dites
11:21« En fait, je ne pouvais de toute façon
11:22rien faire pour elle
11:24puisque je ne mets jamais les pieds
11:25dans une conférence de rédaction.
11:26Je rappelle que vous êtes actionnaire
11:29du journal Le Monde,
11:30de boîte de production MediaOne.
11:32Xavier Niel, pourquoi vous achetez de la presse ?
11:35Pourquoi ?
11:36Qu'est-ce qui vous manquait ?
11:37L'influence ?
11:38Il y a un moment, on arrête d'en acheter
11:39parce qu'il suffit d'acheter un média
11:41et on l'a, si vous le voyez comme ça.
11:42Non, si vous voulez, je sors un livre.
11:46Je peux vous promettre, je suis invité partout
11:48sauf chez un certain nombre de médias
11:50qui appartiennent à des concurrents directs.
11:51Moi, ce que j'ai envie dans ce pays,
11:52c'est d'avoir une presse libre.
11:55C'est pour ça que vous êtes ici ce matin.
11:56Je savais que ce serait un espace liberté.
11:58Je le sais.
11:59Et ça l'a été justement dans ce média.
12:01Avant, c'était contrôlé par un concurrent à moi
12:03et je n'ai jamais eu de problème chez BFM
12:05en toute franchise.
12:06Je sais qu'il y a des gens qui ont eu
12:07le sentiment que Patrick Drahi
12:09intervenait dans vos contenus.
12:10C'est faux, les gens qui vous disent ça.
12:11C'est faux.
12:12J'ai toujours continué d'être invité chez vous
12:13sans aucune forme de problème.
12:14Il y en a d'autres où ce n'est pas le cas.
12:15C'est le jeu.
12:16Chacun gère ses médias comme il l'entend.
12:18C'est leur problème.
12:19Ce n'est pas ma vision.
12:20Je me souviens d'avoir...
12:21Encore une fois, le jour où je pars en prison,
12:23il n'y a qu'un seul média qui fait l'ouverture
12:25du TF1 20h sur moi.
12:27Tous les autres n'en parlent pas.
12:29Ça leur paraît moins important.
12:30C'est le jeu.
12:31Il y a des gens qui contrôlent le média.
12:32C'est-à-dire qu'ils étaient contents
12:33de dire que vous alliez en prison peut-être ?
12:34Vous voulez dire que l'actionnaire de TF1
12:36peut-être se réjouissait de vous savoir en prison ?
12:39Peut-être.
12:40Je ne sais pas.
12:41C'est vieux, il y a 20 ans.
12:42En tout cas, ça veut dire que dans ce moment-là,
12:43l'information, au minimum à ce moment-là,
12:46elle n'était pas libre.
12:47Ou en tout cas, elle était en quelque sorte...
12:48Parce que c'était une information juste.
12:49Oui, mais il y avait quelqu'un qui tirait les ficelles
12:50pour en faire la une du journal.
12:52C'était le jeu.
12:53Xavier Niel, à propos de médias,
12:55Bernard Arnault a formellement interdit à ses salariés
12:57de parler à un certain nombre de médias
12:59qu'il considère être racoleurs.
13:01Dans la liste, il y a Mediapart, il y a La Lettre,
13:03il y a Le Canard Enchaîné,
13:04mais il y a aussi L'Informé,
13:06dont vous êtes, me semble-t-il,
13:07l'un des principaux actionnaires.
13:08Petit actionnaire, oui.
13:09Comment vous jugez ça,
13:11cette interdiction de parole aux médias ?
13:13Vous connaissez, moi, je suis pour la liberté de la presse
13:16et donc je suis pour la liberté des journalistes.
13:18Je n'interviens jamais sur la ligne éditoriale
13:20de mes journaux.
13:21Je suis actionnaire de journaux
13:22de la gauche la plus extrême,
13:24qui est, je ne sais pas quoi,
13:26par exemple Le Monde Diplomatique,
13:27et je suis actionnaire de journaux très, très à droite.
13:29C'est le jeu, ce n'est pas ma vision.
13:31Mais encore une fois,
13:32je ne peux pas être pour la liberté
13:33de chacun de dire ce qu'il veut.
13:35Voilà, ce n'est pas ma vision
13:36et ce n'est pas ce que moi, je ferai.
13:38En tout cas, les journalistes de L'Informé
13:39pourront continuer à aller au minimum
13:40tenter de titiller Bernard Arnault ?
13:42Je leur souhaite.
13:43En tout cas, ils font ce qu'ils veulent.
13:44Encore une fois, je n'ai aucun pouvoir éditorial.
13:46J'ai 5 % de L'Informé,
13:47donc je pense que je ne suis pas complètement sûr
13:49que la personne n'ait plus ma main
13:51d'être capable d'influer
13:52sur la ligne éditoriale du journal.
13:53Sur l'innovation, Xavier Niel,
13:56la France, à travers le gâchis du Minitel,
14:00vous le racontez dans votre livre,
14:01vous dites, en général, les inventions géniales,
14:03on les met au panier.
14:04Donc, il y a une idée de génie,
14:05il y a des investissements de fou
14:07et après, on a confié tout ça à l'administration
14:09et là, c'est parti en sucette.
14:11Est-ce qu'on a appris des erreurs du Minitel ?
14:14Non, mais je reviens sur mon thème,
14:18si on aurait confié ça à des privés
14:20ou à des gens qui n'avaient pas un grand plan étatique
14:25150 ans en pensant que le monde ne bougeait pas,
14:27je pense qu'on aurait été peut-être en avance sur Internet,
14:29là où on a commencé un tout petit peu en retard.
14:31L'intelligence artificielle,
14:33on a depuis peu une secrétaire d'État
14:36officiellement à l'intelligence artificielle.
14:38C'est une bonne chose.
14:39Est-ce que ça veut dire que c'est un bon signal ?
14:40Est-ce que ça veut dire qu'enfin, on s'en préoccupe ?
14:42Mais attention, est-ce que ça va être pour le développer
14:44ou est-ce que ça va être pour le contrôler ?
14:46C'est toujours la même chose.
14:47Donc, vous avez des lois qui existent en Europe.
14:49En France, ces lois peuvent plus ou moins être restrictives.
14:52Vous avez encore une fois besoin de personnes.
14:54La loi fixe un cadre
14:56et des gens doivent jouer avec ce cadre
14:58et être capables de créer des choses.
14:59Aujourd'hui, vous avez un certain nombre
15:00de modèles d'intelligence artificielle américains
15:02qui ne sont pas disponibles en France
15:04parce qu'on a des réglementations européennes
15:07qui sont complexes.
15:08Il y a à la fois un jeu de leur part,
15:09c'est-à-dire une forme de chantage
15:10« on ne vient pas parce que vous comprenez,
15:11on n'a pas les bonnes règles,
15:12on veut un assouplissement de la loi »
15:13et puis une réalité.
15:14Mais encore une fois, on a des règles.
15:16Jouons avec ces règles
15:17et créons des modèles d'intelligence artificielle.
15:19On a plus de règles chez nous qu'aux États-Unis.
15:21Les États-Unis ont créé l'intelligence artificielle.
15:23Nous, c'est vrai qu'on a tendance davantage à la réguler.
15:26Est-ce que l'équilibre est à trouver entre les deux ?
15:29Je pense que c'est différent de ça.
15:30Je crois qu'on a les plus grands talents du monde,
15:32probablement les plus grands talents du monde
15:34en intelligence artificielle,
15:35qui viennent de nos grandes écoles.
15:37Dont la vôtre, l'école 42.
15:39Oui, mais pas celle-là,
15:40notamment de Polytechnique.
15:41Excusez-moi, je vais vous dire que je viens de Polytechnique.
15:42Oui, finalement, vous finissez par dire du bien
15:44des grandes écoles,
15:45alors que pendant longtemps, vous faisiez le rebelle.
15:47Non, mais on a le droit d'avoir déjà ses propres ambiguïtés.
15:51Mais à côté de ça,
15:52il faut reconnaître à chacun de nos écoles leur talent.
15:55Et en termes de mathématiques dédiées à l'intelligence artificielle,
15:58on a deux ou trois écoles en France
15:59incroyables sur ces sujets-là.
16:01Donc, on a des talents qui sortent de ces écoles.
16:03On a besoin de garder ces talents en France,
16:05qu'ils ne partent pas bosser en Asie
16:06ou qu'ils ne partent pas bosser aux États-Unis.
16:08C'est notre sujet, on se bat là-dessus.
16:09Vous dites d'ailleurs, Xavier Niel,
16:10à l'instant, ce mot, ambiguïté.
16:12On a le droit d'avoir ses propres ambiguïtés.
16:13Est-ce que vous êtes heureux ?
16:15Incroyablement heureux.
16:16Alors, vous savez, je suis né,
16:20je vous l'ai dit, à côté de Créteil.
16:22J'ai grandi dans une famille heureuse qui m'a poussé.
16:25Mais derrière, aujourd'hui, 50 ans plus tard,
16:27je fais ce que je veux de ma vie.
16:28Je me lève comme je veux.
16:29J'ai le plaisir d'être devant vous aujourd'hui,
16:31mais je n'ai aucune forme d'obligation.
16:33J'ai un livre à vendre,
16:35mais je ne perçois même pas les recettes de ce livre.
16:36Je le fais parce que je suis content de venir parler,
16:38d'essayer d'aider des jeunes à faire des trucs.
16:40C'est ça qui me plaît.
16:41Donc, j'ai une vie incroyablement heureuse.
16:42J'aurais du mal à me plaindre, franchement.
16:44Une vie heureuse et la volonté de montrer,
16:47presque de vous prouver à vous-même
16:49que vous êtes encore un rebelle.
16:50Je dis ce mot-là, il y a deux mots.
16:52Il y a rebelle, il y a pirate.
16:54Et en même temps, vous n'arrêtez pas quand même
16:57de dire que vous êtes très proche des présidents.
16:59Je dis des présidents parce qu'Emmanuel Macron,
17:01qui se revendique être l'un de vos amis,
17:03François Hollande avant lui,
17:05ce n'est pas hyper rebelle.
17:07C'est un peu embourgeoisé quand même.
17:09Je suis malheureusement un rebelle embourgeoisé.
17:11C'est ça votre sujet.
17:12Le truc est là et j'ai le droit de tenter de lutter contre ça.
17:14C'est toujours la même chose.
17:15Non, ce qui m'intéresse,
17:17c'est des gens qui ont été capables d'hacker le système.
17:20Que vous preniez Sarkozy,
17:22que vous preniez Hollande,
17:23que vous preniez Macron,
17:24ils sont hackés le système.
17:25Ces gens-là n'auraient pas dû être,
17:27n'auraient pas dû devenir président.
17:28C'est des hackers.
17:29C'est des pirates, dans ma définition, des hackers.
17:31Chacun à l'intérieur de leur parti,
17:32en créant quelque chose, chacun à leur niveau.
17:34Et je pense que c'est des exemples dans ce qu'ils ont fait.
17:38C'est-à-dire que ce n'est pas un parcours normal.
17:40Ils n'auraient pas dû devenir président de la République.
17:42Donc, je trouve ça fun.
17:43Ce qu'ils ont pu faire, c'est des hackers.
17:45Après, ce sont des hommes politiques
17:46avec leurs obligations et leur destin.
17:48Qu'est-ce que vous ferez si Marine Le Pen est élue ?
17:52Si la France est mon pays,
17:53ça veut dire que la majorité des Français l'auront choisie.
17:56Moi, je suis respecteux de la démocratie de mon pays.
17:58Qu'est-ce que je ferais si Jean-Luc Mélenchon serait élu ?
18:00C'est la même chose.
18:01Ça reste mon pays.
18:02Vous mettez les deux, d'ailleurs.
18:03Pour vous, c'est le même danger, pour la France ?
18:05Ça reste des gens extrêmes.
18:07Voilà.
18:08Est-ce que c'est le même danger ?
18:09Je ne sais pas le juger aujourd'hui.
18:10Il faut le voir à la pratique.
18:11Vous les avez rencontrés, l'un et l'autre ?
18:12Jamais.
18:13J'ai croisé Jean-Luc Mélenchon et je n'ai jamais vu Marine Le Pen.
18:15Ils auraient aimé vous rencontrer ?
18:16Est-ce qu'ils ont tenté de vous rencontrer, Xavier Niel ?
18:18Je ne crois pas.
18:19Je ne pense pas.
18:20Mais encore une fois, vous avez toujours des gens pour vous dire
18:21qu'ils aimeraient vous rencontrer.
18:22Mais vous voyez ce que je veux dire.
18:23C'est très indirect.
18:24Et c'est des gens qui, parfois, veulent créer un direct.
18:25Vous parlez beaucoup de la question de la diversité,
18:27notamment, d'ailleurs, à travers votre école,
18:29parce que vous ne demandez aucun diplôme
18:31pour rentrer à l'école 42.
18:32Un concours très difficile,
18:34mais qui est un concours que chacun peut venir passer.
18:38Qui est un concours, d'ailleurs,
18:39qui joue plus sur des algorithmes,
18:41sur des jeux,
18:42sur le fait de jouer.
18:43Pour être ouvert à tout le monde.
18:44C'est en même temps extrêmement difficile
18:46de rentrer dans cette école.
18:47Mais c'est ouvert à tout le monde.
18:48C'est ça le truc.
18:49C'est-à-dire que je peux être décrocheur scolaire,
18:51avoir arrêté l'école à 12 ans
18:52et rentrer dans l'école.
18:53Et je peux avoir fait la plus grande des écoles
18:55et être recalé.
18:56Parce que ce qu'on va chercher,
18:57c'est autre chose.
18:58C'est est-ce que je suis logique ?
18:59Mon premier élément.
19:00Deuxième élément,
19:01est-ce que j'ai envie de réussir ?
19:03C'est les deux seules choses.
19:04Et ces deux éléments-là ne sont pas liés à une formation.
19:06Est-ce que ça veut dire aussi, Xavier Niel,
19:08que vous pensez qu'aujourd'hui,
19:10cette diversité est une chance pour la France ?
19:12Qu'il y a une harmonie possible ?
19:14Ce que j'ai envie de voir,
19:16c'est que la France de la rue
19:18corresponde à la France des gens qui font des choses.
19:21Aujourd'hui, il y a une forme de barrière intellectuelle
19:24chez les jeunes en disant
19:25« je n'ai pas fait une grande école,
19:26à partir de ce moment-là,
19:27je ne peux pas devenir entrepreneur,
19:28je ne peux pas faire ceci,
19:29je ne peux pas faire cela. »
19:30Et ça, je pense que c'est une erreur.
19:31Vous allez parler dans un certain nombre d'écoles
19:34et qu'au début, les gens ne vous écoutent pas
19:36et quand vous dites
19:38J'ai envie de croire qu'ils m'écoutent à ce moment-là,
19:40je le fais semblant.
19:41Mais j'ai envie à ce moment-là
19:43d'avoir des jeunes en face de moi
19:46que j'arrive à réveiller
19:47et pas qu'on leur dise
19:48« il y a un mec auquel on ne peut pas s'identifier,
19:49j'ai un mec qui a 57 ans devant moi,
19:51je n'arrive pas à m'identifier à lui
19:52et il vient me dire dans ma ville de banlieue
19:55que je peux réussir, je ne suis pas crédible. »
19:57Il faut que j'essaie de me dire quel est le truc
19:59où je vais essayer de les réveiller et que ça marche.
20:01Merci d'être venu à ce micro très libre.
20:03Xavier Niel, une sacrée envie de foutre le bordel.
20:06C'est bien parce que s'il est dans une librairie,
20:08on est sûr de ne pas le manquer.
20:09Il est quelle couleur ?
20:10Il est orange vif.
20:11Il est 8h52 et vous êtes bien sûr à l'AMC et BFM TV.

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