La présidente du groupe Rassemblement national à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, s'est exprimée ce mardi dans l'hémicycle, après le discours de politique publique du nouveau Premier ministre, Michel Barnier.
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00:00Nous vivons une période que rien ne pouvait laisser prévoir,
00:02ni la logique des institutions solides de la Ve République,
00:07ni la hauteur supposée du président de la France,
00:10ni la simple intelligence politique.
00:13Comme des millions de Français constatant le bourbier politique
00:16et même institutionnel dans lequel notre pays se trouve enlisé,
00:19j'éprouve en prenant la parole devant vous aujourd'hui des sentiments mêlés.
00:24Les dernières élections législatives ont donné à voir le pire de la politique
00:29dont nous croyions avoir été débarrassés depuis 1958.
00:33Arrangements, désistements, combines,
00:36rien ne nous a été épargné au cours de ces trois derniers mois.
00:41La classe politicienne, regroupée dans une sorte de parti unique,
00:45a réussi à transformer la Vème République en IVème,
00:49une construction constitutionnelle solide en un régime chancelant et presque grotesque,
00:55affaire du président de la République,
00:58censément au-dessus des partis et des factions,
01:01d'abord le chef vibrillonnant et partisan de la majorité,
01:05puis le chef discrédité d'une minorité en déroute.
01:10Mais plus grave, le seul objectif de cette coalition du vide et du cynisme
01:17ne fut pas de donner à la France un projet commun positif,
01:20mais de briser un élan démocratique qui se faisait jour,
01:24d'interdire l'alternance,
01:26l'alternance qui est pourtant la marque et la mesure de la bonne santé d'un système démocratique.
01:32Or, mes chers collègues, pendant ces trois mois de pantalonnade,
01:37la terre ne s'est pas arrêtée de tourner,
01:40et la situation de notre pays ne s'est pas améliorée par magie.
01:44Immigration et insécurité ont atteint des niveaux records,
01:48malgré un niveau de pression fiscale sans équivalent au monde.
01:52Nos services publics sont en état d'urgence,
01:54et après sept ans de quoi qu'il en coûte,
01:56qui ressemble de plus en plus à une vaste opération de falsification des comptes de l'Etat,
02:02nos finances publiques sont en crise.
02:05C'est avec amusement, j'avoue, que nous entendons se multiplier les appels à une bonne gestion des finances publiques.
02:12Admettez que nous nous demandions où étaient tous ces responsables
02:14lorsque nous déposions au printemps dernier une motion de censure
02:18pour dénoncer les mensonges sur l'état des finances publiques,
02:21et que de LR à LFI, tous les groupes ont refusé de voter.
02:28Nous avions, sous les colibés, souligné l'urgence de faire un audit précis des comptes publics.
02:33Manifestement, au vu des derniers chiffres émanant de Bercy,
02:36cette demande n'était pas superfétatoire.
02:40De tous côtés, le château de cartes édifié par Emmanuel Macron depuis 2017 vacille pour autant.
02:46Pour autant, par patriotisme, par égard pour nos compatriotes qui souffrent,
02:50par respect de nos institutions,
02:53et compte tenu de la tâche ingrate qui vous incombe en ces circonstances
02:57de ramasser l'action publique que certains ont laissé choir,
03:00je vous le dis, monsieur le Premier ministre,
03:02le mouvement national n'entend pas entraîner le pays vers le chaos,
03:07vers cette politique du pire, qui est la pire des politiques.
03:11Voilà pourquoi le Rassemblement national a fait un choix responsable.
03:16Refuser de censurer a priori votre gouvernement
03:19pour lui donner une chance aussi infime, soit-elle,
03:22d'engager enfin les mesures de redressement nécessaires.
03:26Nous tiendrons strictement à cette feuille de route,
03:29sans excès ni manigance, sans surenchère ni arrogance,
03:34mais avec le souci pragmatique du bien commun
03:37et une volonté inflexible de préserver notre pays des terribles errements du passé
03:43dont il a aujourd'hui à subir les conséquences.
03:46J'ai entendu votre timide souhait de tourner la page de sept ans de macronisme
03:50et du tristement célèbre « en même temps »
03:53devenu au fil du temps la devise de l'impuissance régalienne,
03:56de la course à l'abîme des comptes publics et des trahisons sociales.
03:59Mais il ne faudra pas pour cela vous contenter,
04:03comme aujourd'hui, de déclarations d'intention ou de diagnostics éculés,
04:07assortis de quelques gadgets consultatifs.
04:11L'État de la France ne nous permet plus de tolérer les demi-mesures.
04:14Nous n'en avons tout simplement plus le temps.
04:17Chaque mois, chaque année d'inaction supplémentaire
04:20se payera par un effort plus dur à fournir pour vos successeurs
04:24et pour les générations futures.
04:26La première force parlementaire que nous formons
04:30sera donc à l'égard de votre gouvernement exigeante,
04:34c'est-à-dire attentive au respect des orientations politiques
04:37qui se sont dégagées du scrutin de juillet dernier,
04:41mais aussi soucieuse de la méthode.
04:43Certes, les uns et les autres, comme nous-mêmes,
04:47avons pu mesurer votre sens de la courtoisie,
04:50assez naturelle, et le respect inné
04:52que vous portez aux personnes, y compris à vos adversaires.
04:56C'est là une qualité qui vous honore
04:58et qui est d'autant plus appréciable qu'elle tente à se raréfier.
05:02Je veux dire ici, et de manière solennelle,
05:10à l'attention de chacun des ministres,
05:12comme de tous détenteurs de l'autorité publique
05:14issus de ce gouvernement,
05:16nous entendons que les 11 millions de patriotes
05:20qui ont voté pour notre coalition d'union nationale soient respectés,
05:24que cessent ces attaques inutiles et injustes
05:27qui procèdent tant du mépris de classe
05:29que de l'intolérance caractéristique des totalitarismes.
05:34Ces attitudes n'honorent pas, mais surtout ne servent pas le pays,
05:38son unité, ni son modèle démocratique.
05:42Ceci étant dit, ma première demande,
05:44Monsieur le Premier ministre, est simple.
05:46Faire preuve dans tous les domaines,
05:47et non pas seulement dans celui des finances,
05:50de volontarisme.
05:53Dans le souci non pas de concilier votre aile gauche,
05:56votre aile droite ou vos partenaires exigeants,
06:00bref, toutes ces périphrases qui vous permettraient de vous parer
06:02pour justifier l'inaction du respect de médiocres équilibres partisans,
06:07mais dans le but d'avoir un impact rapidement perceptible
06:10pour tous les Français.
06:12Or, en vous écoutant, j'entends des constats,
06:16mais tout de même bien peu de solutions.
06:18Face à la flambée de l'insécurité,
06:20avec la multiplication des faits divers
06:22et la prolifération d'enclaves mafieuses
06:24où les forces de l'ordre ne vont plus,
06:27qu'allez-vous faire vraiment ?
06:29Face à nos déficits commerciaux records,
06:32avec une part de l'industrie inférieure à 10% du PIB,
06:35un autre de nos points communs avec la Grèce,
06:38qu'allez-vous faire vraiment ?
06:41Face à l'effondrement des services publics,
06:43de santé et d'éducation en particulier,
06:45malgré une pression fiscale sans équivalent dans le monde,
06:48qu'allez-vous faire vraiment ?
06:51Face à l'explosion de l'immigration légale et illégale,
06:54qui fragilise la cohésion nationale
06:56et contribue à la dégradation de nos comptes sociaux,
06:59dont vous n'avez encore quasiment rien dit d'autre
07:04que votre volonté de confier à l'Union européenne,
07:06qui en veut plus,
07:07la maîtrise de nos frontières
07:09et le soin d'installer les migrants dans nos campagnes,
07:12qu'allez-vous faire de sérieux ?
07:14Face à l'affaissement continu du pouvoir d'achat des Français,
07:18dont vous, là encore, vous avez dit si peu,
07:21conséquence directe du déclassement de la France
07:23dans la compétition internationale,
07:25qu'allez-vous faire ?
07:27Face à la stagnation des salaires
07:28et à la smicardisation des travailleurs français,
07:31pour lesquels nous avions fait des propositions
07:34durant la campagne présidentielle,
07:35qu'allez-vous faire ?
07:37En effet, ce n'est qu'à vos actes que nous vous jugerons,
07:43et contrairement à d'autres,
07:45jamais sur la base de postures puriles.
07:48Avec 11 millions d'électeurs aux dernières élections,
07:53nous entendons plus que jamais être une force de construction
07:57et le plus tôt possible d'alternance.
08:00Ces suffrages, qui font de notre mouvement
08:03la première force politique du pays,
08:05ne sont pas notre propriété,
08:08mais ils constituent en revanche un contrat moral
08:11qui nous lie à nos électeurs
08:13et que nous respecterons à la lettre.
08:15Ces 11 millions de suffrages,
08:18ce sont 11 millions d'espoirs
08:20après 40 années de recul constant de la France
08:24dans tous les classements internationaux.
08:27Car cet effondrement,
08:28nos électeurs et une majorité de Français ne le fantasment pas,
08:32ils le vivent dans leur chair.
08:35Lorsqu'ils cherchent à obtenir un rendez-vous avec un médecin,
08:38lorsqu'ils cherchent une école pour leurs enfants,
08:41lorsqu'ils cherchent un emploi digne et bien payé,
08:43lorsqu'ils cherchent un logement adapté à leurs besoins
08:47ou lorsqu'ils changent leurs habitudes face à l'insécurité
08:50qui règne dans nos villes et nos campagnes.
08:53Vous le savez, nous avons trois priorités
08:56sur lesquelles s'exercera de manière accrue notre vigilance,
08:59le pouvoir d'achat, l'immigration et la sécurité.
09:03Ce faisant, nous vous rendons service,
09:06puisque ces thèmes correspondent aux exigences des Français
09:09et sont de nature peut-être à vous rendre populaire.
09:14La France aussi y a intérêt,
09:15puisque ces urgences ont trop longtemps été négligées
09:19et qu'elles ne peuvent plus être différées.
09:23Permettez-moi donc de vous dire ici avec clarté les lignes rouges
09:27sur lesquelles notre groupe pourrait fonder demain une censure.
09:31La première d'entre elles,
09:32ce sera l'évolution de la pression fiscale déjà insupportable
09:35qui pèse sur les Français et en particulier
09:39sur les classes populaires et les classes moyennes.
09:49Toute hausse d'impôts sur les plus fortunés,
09:52que l'on parle d'entreprises ou de ménages,
09:54devrait être compensée par du pouvoir d'achat
09:56rendu à nos concitoyens modestes qui travaillent
10:00et ont vu leur reste à vivre fondre depuis trois ans.
10:04Vous avez sur ce sujet, M. le Premier ministre,
10:06une opportunité majeure.
10:08Sans mandat électif à défendre, ni aujourd'hui ni demain,
10:12vous pouvez faire preuve de courage en réalisant les économies
10:16qui, de la Cour des comptes aux différents rapports publics
10:19sur le sujet, sont identifiées depuis des années.
10:22D'ailleurs, publiée fin 2023,
10:24une étude américaine évalue à quatre points de PIB
10:27les pertes causées par la suradministration en France.
10:31Nous le répétons depuis des années,
10:33vous avez l'occasion de le faire, en un mot, débureaucratisé.
10:38À l'hôpital, suradministré depuis des années,
10:41dans le portefeuille territorial où intercommunalité et régions
10:45entraînent gaspillage massif et perte d'efficacité,
10:48dans l'éducation nationale,
10:50alourdie par une bureaucratie surnuméraire et dépassée
10:54qui empêche les enseignants de faire leur travail,
10:57au sein de l'État lui-même,
10:59où pullulent les agences, les comités,
11:02les organismes publics sans objet réel.
11:05Et soyez-en sûrs,
11:07nos députés seront dans cette mission non pas des obstacles,
11:10mais des soutiens, si vous savez faire preuve de courage.
11:15Notre deuxième ligne rouge,
11:17ce serait l'absence du sursaut migratoire sécuritaire et pénal
11:21qu'attendent des millions de Français.
11:23Nous vous demandons,
11:24vous qui portiez un discours si ferme sur le sujet
11:27il y a quelques années,
11:28de remettre à l'agenda dès le premier trimestre 2025
11:31une loi immigration restrictive
11:33reprenant à minima
11:35les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel
11:38en janvier dernier.
11:40Et puisqu'encore une fois,
11:44encore une fois, une tragique actualité
11:47a mis en lumière la question des OQTF
11:50et des laissés-passer consulaires,
11:52je vous suggère de mettre en place une règle simple,
11:55en l'absence de laissés-passer,
11:58zéro visa.
12:04Enfin,
12:06il est urgent de dénoncer les accords préférentiels
12:09notamment, totalement pardon,
12:11injustifiés qui nous lient à certains pays,
12:13à commencer par l'Algérie.
12:14Il n'y a même pas besoin pour cela de voter une loi.
12:17Ces mesures n'auront pas qu'un impact sur les flux migratoires,
12:21elles auront également, vous le savez, des effets bénéfiques
12:23sur nos finances publiques
12:25et sur nos finances sociales en particulier.
12:28En effet,
12:30le nécessaire redressement des comptes
12:32ne devra en aucun cas être porté exclusivement
12:36par nos entreprises et nos ménages.
12:39Par ailleurs, nous vous demandons aussi,
12:41vous qui avez choisi,
12:42en monsieur Retailleau,
12:44un ministre de l'Intérieur adepte des envolées lyriques
12:47sur le rétablissement de l'ordre
12:49et dont les propositions ne sont pas, sans me rappeler,
12:52un certain programme présidentiel,
12:55d'engager un changement profond de notre doctrine pénale.
13:00Lancer la construction des places de prison qui nous manquent
13:04en mettant un terme à l'hypocrisie qui permet à l'État,
13:06depuis des années,
13:08de renvoyer la responsabilité de son inaction aux élus locaux.
13:12Le foncier public ne manque pas et vous le savez.
13:15Rétablisser les peines planchers et la double peine
13:18pour effacer d'un même geste la culture de l'excuse,
13:21le règne de la récidive et les tragédies suscitées chaque semaine
13:26par l'impunité dont bénéficient les criminels étrangers.
13:30Nous le devons aujourd'hui, plus que jamais, à Philippines,
13:33comme nous le devons aux dizaines de femmes assassinées l'an dernier
13:36par des étrangers sous le QTF.
13:40Enfin, notre troisième ligne rouge serait le refus de mettre en œuvre
13:47plutôt une réforme institutionnelle permettant de rendre justice
13:51aux nouveaux équilibres politiques du pays.
13:54Notre mouvement réclame depuis des années que soit instauré,
13:57comme chez tous nos voisins européens, un scrutin proportionnel.
14:01Par ces manœuvres peu reluisantes de juin-juillet,
14:03la classe politique a retiré au mode de scrutin majoritaire
14:06à deux tours actuel le seul argument qui justifie abusivement son maintien,
14:10celui de dégager des majorités de gouvernement.
14:14Cette démonstration par l'exemple ouvre désormais obligatoirement la voie
14:18à la réforme du mode de scrutin, et j'ai entendu votre engagement
14:22de vous atteler à cette réforme essentielle.
14:26Le nouveau mode de scrutin devra allier transparence,
14:29représentativité et capacité de dégager une majorité.
14:32Je pense évidemment au scrutin proportionnel à un tour,
14:35avec une prime majoritaire.
14:38Voilà, Monsieur le Premier ministre,
14:42la réponse que je souhaitais vous apporter aujourd'hui.
14:46Leur tourne et la patience des Français face au petit théâtre
14:50des partis ne sera pas infinie.
14:53Soyez donc l'acteur courageux, après ces trois interminables mois de gabegie,
14:57du retour de la rationalité dans la vie politique nationale.
15:02Leur tourne et des dizaines de millions de Français, fonctionnaires,
15:05artisans, chefs d'entreprise, employés, ouvriers, agriculteurs,
15:10ont les yeux tournés vers la représentation nationale.
15:14Leur tourne, Monsieur le Premier ministre,
15:16et chaque seconde d'immobilisme se traduira par une aggravation
15:20du décrochage de la France, car les compteurs de la dette publique,
15:23de l'immigration, de l'insécurité, eux,
15:26continuent de s'égrener implacablement.
15:30Si je prends l'engagement, aujourd'hui, de ne jamais,
15:34à un seul instant, céder aux médiocres sirènes
15:37de la comédie des menaces de censure,
15:40qui seraient fondées sur autre chose que l'observation impartiale de vos actes,
15:45c'est parce que c'est à vous, et à vous seuls,
15:47qu'il appartient, par la juste prise en compte des mesures que je viens d'évoquer,
15:52de faire de cette période un temps de construction et de service,
15:56autant que possible, de l'intérêt général.
16:00Cet esprit d'ouverture ne doit pas s'interpréter comme un blanc sain.
16:06Notre esprit républicain comme de la faiblesse, de l'irrésolution,
16:11et encore moins une forme d'allégeance,
16:13à un gouvernement que nous considérons plus de circonstance que de convenance.
16:19L'absence de direction gouvernementale signifierait mécaniquement,
16:23pour notre pays et pour les Français,
16:25une double servitude technocratique française et surtout bruxelloise.
16:29Or, le pays a besoin de décisions politiques,
16:33de décisions politiques parfois fortes et exigeantes,
16:36qui ne peuvent émaner que de politiques,
16:38pas d'administratifs, aussi dévoués soient-ils,
16:41et surtout pas d'instances supranationales acquises à d'autres intérêts.
16:48Les Français ont d'ailleurs clairement exprimé leur sentiment,
16:51Monsieur le Premier ministre,
16:53sur les dérives de l'Union européenne aux élections européennes de juin dernier,
16:57et manifestement, ils ont exigé une réorientation drastique de la construction européenne,
17:03ne commettez pas la même erreur qu'en 2005,
17:06quand vous avez ignoré le vote des peuples.
17:11Le retour du politique, que nous appelons de nos voeux,
17:15c'est aussi la condition nécessaire de la mise en œuvre de la volonté populaire.
17:19Il est la condition de la légitimité et donc de l'adhésion,
17:22de l'unité et donc de l'action.
17:25Il est la seule voie pour sortir de notre pays des multiples crises graves
17:29qui le rongent pour répondre aux graves défis que nous devons dès aujourd'hui collectivement relever.
17:36En attendant la grande alternance,
17:38nous resterons inlassablement les gardiens vigilants de l'intérêt de la France et des Français.
17:45Je vous remercie.