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Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00Dans Quand vient l'automne de François Ozon, Hélène Vincent joue une grand-mère qui vit en Bourgogne
00:05près de sa meilleure amie, Josiane Balasco, pour les vacances de la Toussaint.
00:08Sa fille, Ludivine Sagné, la rejoint avec son petit-fils.
00:11Mais patatras, rien ne se passe comme prévu, Philippe.
00:15Oui, c'est ça qui est intéressant, c'est-à-dire qu'on avait laissé Ozon avec les deux jeunes femmes de Moncrime
00:21et on le retrouve avec deux femmes plus mûres qui sont là.
00:25Le film est automnal dans tous les sens du terme, c'est aussi l'automne de la vie et on est dans une ambiance,
00:31cette fois-ci, parce qu'on sait que pour chaque film de François Ozon, on est dans des ambiances différentes.
00:35Là, on est plutôt ambiance Chabrol-Simenon.
00:39On démarre sur les petits plaisirs de la vie.
00:43Ça mûle un peu avec nous, avec des fausses pistes.
00:45Tout le temps et on part à la cueillette des champignons et je ne vous ai pas apporté cette scène-là,
00:50je vous ai apporté une scène après où on va manger les champignons.
00:53Mais on sent bien que l'ambiance à table n'est pas juste à savourer les champignons.
00:58On regarde.
01:04On a Hélène Vincent avec sa fille et son petit-fils.
01:08Et donc, regardez comment la caméra tourne autour.
01:11Le plat des champignons, il est dans le saladier au milieu.
01:14Et justement, au début de la scène, c'est passe-moi les champignons.
01:17Avant que ça commence, il y a déjà eu une altercation entre la mère et la fille,
01:22puisque tu m'as coupé la pétite.
01:24Excuse-moi, j'ai arrêté de fumer la semaine dernière, je suis un peu sur les nerfs.
01:28T'as pas un peu grossi, toi ?
01:30Je ne crois pas.
01:32Faut faire attention. À ton âge, faut faire de l'exercice, faut pas se laisser aller.
01:37En fait, comment va Marie-Claude ?
01:40Ça dépend des gens, mais plutôt mieux.
01:42Et son abruti de fils ? Toujours en prison ?
01:46Arrête, Valérie. Tout le monde a le droit à une seconde chance.
01:50Parce qu'on a.
01:52Écoute, ça n'a jamais été facile pour lui.
01:55Parce que c'était facile pour moi.
01:59Je comprends pas. Comment tu peux le défendre, voir ce qu'il a fait ?
02:02Il a fait quoi ?
02:04Rien. Finis ton assiette.
02:06Quelqu'un reveut de la quiche ? Des champignons ?
02:09Oui, parce que c'est pas de mamie gâteau, la campagne.
02:13Elles ont un passé, hein, Marie ?
02:15Elles ont un passé.
02:17Evidemment, Ozon s'amuse à le révéler petit à petit
02:20avec des indices qu'on peut recoller après comme les pièces d'un puzzle.
02:25Le film s'ouvre pendant une messe
02:27où il va être question d'une grande pécheresse devant l'éternelle,
02:31Marie-Madeleine, mais qui a été sauvée parce qu'elle a donné beaucoup d'amour.
02:34Et donc, il sème ça et là des petits indices
02:38dans ce film qui est effectivement...
02:41Je vais être claire.
02:43...me passionnent pas outre mesure.
02:46Et donc, je me demande, in fine, qu'est-ce qu'il peut raconter ?
02:49C'est quoi l'intérêt de tout ça ?
02:51Sauf, en fait, avec ces deux femmes,
02:54et notamment avec Hélène Vincent.
02:57J'irais presque dans la dimension...
02:59Ce qui m'a le plus intéressée, finalement,
03:01c'est dans sa dimension Jeanne Dillman.
03:03Je m'explique.
03:04C'est-à-dire la femme seule chez elle,
03:06avec son potager qui épluche ses légumes
03:08en écoutant la radio, qui fait sa petite soupe,
03:10qui s'endort sur son bouquin, etc.
03:12Et bien, presque, ça m'aurait suffi comme film,
03:15avec tous les mystères qu'elle recède.
03:18Mais par exemple, ce chignon flou.
03:20Il y a un truc très intéressant à écrire
03:22sur le chignon flou d'Hélène Vincent,
03:24dans une femme comme ça,
03:25qui est une petite femme fragile, petite bourgeoise,
03:27dans sa petite maison de campagne,
03:29avec ses petits légumes.
03:30Et tout à coup, elle a cette espèce de chignon à la bardo,
03:35un peu flou, un peu sensuel.
03:37Alors vous, Marussia, est-ce qu'il y a autre chose
03:39que le chignon flou ?
03:40Non, je suis assez d'accord avec Marie.
03:42C'est vraiment ce qui m'a le plus touchée dans le film.
03:44Ce que j'aime beaucoup, c'est qu'il utilise vraiment
03:46le thriller, cette atmosphère de suspense,
03:48pour dire des choses très justes,
03:51et je crois très inédites, sur le grand âge.
03:53C'est-à-dire quand on est une dame âgée,
03:55que finalement, on n'a plus tellement grand-chose à faire,
03:58qu'on va entre l'hôpital et le cimetière,
04:01parce que ses amis sont malades ou morts.
04:03Et en même temps, il y a quand même quelque chose comme ça.
04:07Ce qui est vraiment très prenant,
04:09et c'est ce que j'ai adoré,
04:10c'est qu'il dit à quel point c'est dur
04:12et que c'est une bataille de rendre sa vie palpitante
04:14à cet âge-là, et que tout est permis,
04:16même l'immoralité.
04:17Et je voudrais juste dire un truc qui est hyper important.
04:19La scène que tu as montrée, c'est vraiment
04:21un peu le début du roman d'un tricheur.
04:23C'est-à-dire où celui qui ne mange pas les champignons
04:26va survivre, et grâce à son immoralité,
04:28parce qu'il est privé de champignons,
04:30parce qu'il a commis un larcin.
04:31Et il y a vraiment ça dans ce film.
04:33Comment être âgé
04:35et avoir une vie palpitante,
04:37et à cet âge-là, on peut faire un peu de choses.
04:39C'est aussi, merci pour le chocolat
04:41de Chabrol auquel on pense.
04:43Vous faites preuve de trésor d'excavation
04:45pour trouver du sens,
04:47de la palpitation, de l'intensité.
04:49C'est même très sensuel, l'automne.
04:51Mais attends, c'est très sensuel.
04:53Dieu sait que j'aime la Bourgogne et que j'aime Cônes-sur-Loire,
04:55que je reconnais souvent dans le film.
04:56Il n'empêche, je trouve qu'il y a un vrai problème
04:58de mise en scène.
04:59Moi, j'ai beaucoup de mal à comprendre
05:00quel est son regard, pourquoi il filme
05:02comme il filme.
05:03Il y a quand même une quantité de plans larges,
05:05de plans moyens, on dirait plutôt,
05:06avec des personnages en pied qui avancent,
05:08qui cherchent et qui remuent un peu les feuilles.
05:10Il se met à leur rythme, peut-être.
05:12Pas complètement.
05:13Le truc, c'est qu'il y a un rythme.
05:14Il y a un décalage.
05:15Il bouillonne dans ses personnages.
05:16Il y a toujours un décalage de regard,
05:18dans le cinéma d'Ozon.
05:20On ne sait jamais s'il surplombe un peu ses personnages,
05:22s'il est un peu narquois aussi
05:24dans la façon de les représenter.
05:26Moi, le film me plaît quand il est chabrolien,
05:28évidemment, et il me plaît beaucoup moins
05:30quand il est dans la lourdeur symbolique,
05:32effectivement.
05:34Ça s'ouvre par cette messe.
05:36On a compris...
05:37Oui, à l'époque, elle n'était pas si symbolique.
05:39Ça l'est quand même.
05:41En fait, c'est un film qui repose
05:43sur une forme d'atmosphère ou d'ambiance,
05:45mais qui, en réalité, je suis d'accord,
05:47ne remplit pas complètement son contrat de thriller
05:49ou son contrat de conte assez moral
05:51et assez...
05:53C'est-à-dire que le personnage de Louis-David Sagné
05:55est quand même hyper chargé, un peu tout moche.
05:57La mauvaise fille, la mauvaise mère.
05:59Et le reste n'est pas assez méchant.
06:01Après, il y aura un petit classement des films de champignons
06:03à faire un de ces quatre.
06:05Évidemment, en numéro un, on mettra
06:07Phantom Thread.
06:09Et, bien sûr, on va voir bientôt Miséricorde d'Alain Guiraudy.
06:11C'est une autre paire de mots.
06:13Et la relation avec le petit-fils,
06:15la grand-mère et le petit-fils,
06:17ça ne vous a pas intéressé ?
06:19C'est quand même bien, parce que, justement,
06:21ça nous emmène sur cette piste de la mamie gâteau
06:23qu'elle n'est pas.
06:25Et ça, c'est très intéressant.
06:27Le côté pépère, c'est quand même ça
06:29qui est très bien.
06:31C'est comment ça couvre
06:33constamment sous une apparence
06:35de normalité.
06:37Comment on sort de ce côté pépère.
06:39Mais ça, ça fonctionne quand tu as Pierre Lettin
06:41et Alain Vincent dans le même plan qui se mettent à danser
06:43et que là, tout d'un coup, tu te dis,
06:45où est-ce qu'on va ? Est-ce que ça va dévisser ?
06:47Sous les yeux du petit-fils et de Marie-Claude,
06:49la bonne amie.
06:51Et là, tout d'un coup, il y a quelque chose.
06:53Là, il y a une promesse, mais elle arrive très tard.
06:55Ça dévisse hors champ.
06:57Je voudrais voir plus de films au sein de la filmographie de Ozon.
06:59Rien que le personnage de Ludivine Sagné.
07:01Je ne voudrais pas dévoiler le poteau rose au spectateur.
07:03Mais il y a quand même
07:05une relation très forte
07:07avec ce Ming Pool.
07:09Et d'autres.
07:11Et sous le sable.
07:13Je veux dire, il y a une continuité.
07:15Sous le sable, et le film
07:17majeur a rapproché.
07:19Je ne parle pas de qualité,
07:21mais dans les thématiques, dans l'approche du récit,
07:23il y a quelque chose.
07:25Il y a eu le film avec Josiane Balasco.
07:27Oui, mais n'oublions pas que c'est aussi Ozon
07:29qui l'a remise dans
07:31Grâce à Dieu.
07:33Il la filme particulièrement bien.
07:35Elle était géniale. Elle a d'ailleurs eu un César
07:37qui était très mérité.
07:39Elle avait très peu de scènes, et elle était renversante.
07:41Allez, un film un peu moins mémère.
07:43Allez, je vais aller recuisiner les champignons.
07:45Je ne vous empoisonne pas tout de suite.

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