Adèle Exarchopoulos et François CIvil, réunis à l'écran dans le film de Gilles Lellouche "L’Amour Ouf", au cinéma mercredi 16 octobre, sont les invités de Sonia Devillers. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mardi-08-octobre-2024-6877638
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00:007h48, Sonia Devillers, vos invités ce matin tiennent les rôles-titres du film de Gilles Lelouch,
00:05« L'amour ouf » en salle la semaine prochaine.
00:08Adèle Exarchopoulos, bonjour, et François Syvilles, bonjour.
00:13« L'amour ouf » a l'origine d'un roman de Neville Thompson, auteur irlandais,
00:17l'histoire d'une petite bourgeoise et d'un petit prolo qui tomberont dingues amoureux au premier regard,
00:22le gamin Davis, délinquance, tôle, crime de sang,
00:25pendant qu'elle continue de s'élever socialement, pourtant il reste obsédé l'un par l'autre.
00:29Alors, Gilles Lelouch transpose cette histoire dans les années 80 et dans le nord de la France,
00:35il veut ce film depuis très longtemps, et quand vous avez lu le scénario,
00:39François Syvilles, dans un train, vous avez sangloté tout ce que vous pouviez, pourquoi ?
00:44Pourquoi ? Parce que je venais d'apprendre une grave nouvelle.
00:47Non, pas du tout, parce que le scénario, ça aurait été terrible, ça aurait fait mal.
00:51Non, non, parce que ce scénario m'a bouleversé en fait, tout simplement.
00:56Du début à la fin, j'ai été transporté par Jackie et Clotaire, qui sont les noms de ces personnages,
01:02et ça a résonné en moi sur les choix qu'on fait dans la vie,
01:06quand on se sent sur le fil de notre destin et qu'on sent que ça peut partir dans un sens ou dans un autre,
01:11et comment aussi l'amour nous élève et comment dans le regard de l'autre, on peut se sentir plus beau, plus fort.
01:18Alors, Gilles Lelouch a eu l'idée de vous prendre tous les deux pour jouer Clotaire et Jackie
01:21en tournant avec vous dans « Back Nord » de Cédric Jiménez, une scène de barbecue entre flics.
01:26J'ai cru comprendre.
01:27Alors, les bières, le barbecue, apparemment c'était une évidence que vous alliez être des amoureux ardents à l'écran.
01:34Et pourquoi, dès la Exarchopoulos ? Qu'est-ce qui se passait dans cette scène de barbecue ?
01:39Pas grand-chose, à part qu'on mangeait du taboulet, des merguez et de l'eau minérale, mais je pense que c'était une complicité d'acteur.
01:44Il n'y avait pas de bière, donc ?
01:45Il n'y avait pas de bière.
01:46Il n'y avait pas de bière, non, c'était un barbecue très sage.
01:48Même pas, c'était agent.
01:51Je pense qu'il a vu peut-être une rhétorique d'acteur ou une complicité d'acteur qui lui a plu.
01:56Et il nous a parlé ensuite, à la sortie de « Back Nord », de ce film qu'il avait dans le cœur depuis 17 ans.
02:01Tous les deux, on s'est un peu regardé.
02:0317 ans ? Il a porté pendant 17 ans ?
02:05Je crois, oui.
02:06On s'est regardé un peu plein d'espoir et en même temps, en se demandant si ce n'était pas une promesse faite au lever du soleil.
02:12On ne savait pas si ça allait se concrétiser.
02:14Et ensuite, il nous a réunis autour d'une table.
02:16Il y avait aussi Jean-Pascal Zaddy, Vincent Lacoste.
02:20Il nous a chacun donné le scénario et c'est comme ça que l'aventure a vraiment commencé.
02:24« La prison », c'est le black-out de votre personnage de Clotaire, François Civil.
02:28Vous êtes filmé avant, vous êtes filmé après, vous n'êtes pas filmé pendant.
02:32Non.
02:33Alors, comment on fait pour se mettre dans la peau d'un jeune gars qui a pris 12 ans en serrant les dents ?
02:38Comme Daniel Day-Lewis, on se fait incarcérer, je crois, en 12 ans.
02:41Non, justement, ça, on a beau être l'acteur studio qu'on pense être, c'est impossible.
02:46J'explique, pour ceux qui ne connaissent pas Daniel Day-Lewis, c'est un immense acteur
02:51qui a l'habitude de vivre les expériences de ses personnages pour pouvoir les restituer au plus près.
02:55Il s'est vraiment fait incarcérer ?
02:57Non, mais je veux dire, justement, même lui n'aurait pas pu, c'est-à-dire qu'il aurait repoussé le tournage de 12 ans.
03:01Donc, non, il faut théoriser un peu et se poser la question de qu'est-ce qui se passe en prison.
03:06Après, on comprend dans la deuxième partie du film qu'il a continué à être obsédé par cet amour.
03:12Je pense qu'il est rongé par le regret de, justement, des mauvais choix qu'il a pu faire.
03:18Et justement, quand vous dites la deuxième partie du film, parce que ce film, il est coupé en deux.
03:22Avant la prison, après la prison, l'adolescence et l'âge de jeunes adultes.
03:27Donc, vous êtes la seconde moitié du film, Clotaire et Jackie, jeunes.
03:31Ils sont d'abord interprétés par deux comédiens ultra doués qui s'appellent Malory Vanek et Malik Frika.
03:37Et comment, Adèle Exarchopoulos, comment on se passe le relais ?
03:41Parce que, pour qu'à la fin, ça fasse un seul et même personnage de Jackie, un seul et même personnage de Clotaire, pour qu'il y ait une cohérence ?
03:48Déjà, moi, pour l'anecdote, et ça nous a beaucoup facilité aussi, c'est que tout le monde me parlait de Malory avant même que je sois sur le film de Gilles.
03:54En me disant, il y a une petite qui joue dans les pires, qui te ressemble, etc.
03:59Ensuite, j'ai vu les pires, j'ai été extrêmement flatté parce qu'elle a une sorte de grâce absolue, etc.
04:04Donc, j'étais trop heureux de ce qu'on nous compare.
04:07Et ensuite, on s'est retrouvés là-dessus.
04:08Alors, moi, la particularité, c'est que quand on retrouve Jackie à 30 ans, il y a 10 ans, je pense, de fêtes, de dénis, de comas, de diversions pour oublier Clotaire qui sont passées.
04:19Donc, il y a quelque chose de brisé.
04:21On n'a pas cherché à avoir une forme d'effet miroir dans certains gestes, etc.
04:25Par contre, ce qu'on a fait, c'est qu'eux, ils ont travaillé avec un coach, Daniel Marchaudon, qui est super.
04:31Un coach, c'est comme un psy de personnage, c'est-à-dire qu'il te fait toute la chronologie du script, il te pose des questions, etc.
04:38Et je suis venu à leur séance et on a beaucoup parlé, Mallory et moi, de réflexions communes autour de Jackie, c'est-à-dire est-ce qu'elle lui a écrit quand elle était en prison ?
04:45Est-ce qu'elle le pense innocent ?
04:47Est-ce qu'elle lui a écrit des lettres et elle les a jetées ?
04:49Ensuite, est-ce qu'elle aime Jeffrey, le personnage de Vincent Lacoste, par pur déni ou est-ce que c'est pour faire plaisir à son père ?
04:55Donc, on a essayé de créer des secrets un peu communs de personnages, justement, pour se passer la main.
05:00Et ce lien avec l'adolescence, l'amour ouf, c'est vraiment l'histoire de deux êtres qui ne peuvent pas renoncer au shoot absolu qu'a été leur amour d'ado, de pré-ado,
05:11et qui cherchent désespérément à le revivre.
05:12Et je me disais, en lisant vos biographies à tous les deux, que vous avez ça en commun d'avoir commencé à jouer, d'avoir commencé à tourner très, très jeune.
05:20Vous avez un peu zappé le lycée, un peu zappé les études, et l'un l'autre...
05:24Comme la prison, pour on le fait ellipse, c'est ça.
05:26Voilà. Et je me suis demandé si vous cherchiez, vous aussi constamment, à revivre ces premiers shoots de votre métier, de sensations d'acteur.
05:36François-Cyvile ?
05:37Je sais pas, vas-y.
05:38Moi je pense, tu me dis si toi c'est pareil, mais c'est...
05:43D'ailleurs je l'ai vécu justement en voyant Malik et Malorie vivre cette expérience, et du tournage jusqu'à Cannes.
05:49Moi c'est plus l'émerveillement, la reconnaissance de faire un métier que t'aimes, de te lever le matin,
05:54de faire chaque rôle comme si c'était un peu le dernier, comme si t'avais pas de projet après, que je cherche un peu...
05:59A retrouver tout le temps.
06:00A retrouver tout le temps, et surtout le pur plaisir du jeu, sans calculer les sorties, les chiffres, tout le calcul qui va derrière de l'industrie.
06:07Le pur plaisir de jeu, comme quand on était enfant en fait.
06:10Et moi c'est ça que je cherche, je pense.
06:13Ouais. Clotaire, il parle très peu, il a plaqué le collège. C'est votre personnage, François-Cyvile.
06:19Et ça aussi, je me suis posé la question, est-ce que c'est un défi pour un acteur, un personnage qui grogne, un personnage qui crie, qui frappe,
06:27mais qui en fait, en termes de texte, s'exprime peu ? Il a peu de mots ?
06:32Ouais, c'est ça en fait. Bon, il y a un fond quand même social au film, et d'ailleurs il y a des surgissements du social un peu tout le temps dans le film,
06:40que je trouve super intéressant, et le personnage de Clotaire...
06:42C'est-à-dire que vous, vous êtes, voilà, le fils d'ouvrier.
06:43Voilà, exactement. Il est fils d'ouvrier, il vient d'un milieu social défavorisé,
06:47et il se sent empêché, je pense, dans cette condition, et son père très tôt lui dit des phrases où, quand même, il ne faut pas s'attacher aux choses belles,
06:53parce qu'on va être déçu dans la vie sinon. Donc il y a une forme de... Il se sent vraiment très oppressé, je pense, par là d'où il vient.
07:00Il a beaucoup de poésie en lui, et beaucoup de flamboyance qu'il ne peut pas trop exprimer.
07:04Donc avec Malik, justement, on s'est aussi beaucoup parlé de ça, de comment, en fait, il finit par utiliser ses points parfois pour s'exprimer, malheureusement.
07:12Et cette violence silencieuse qu'il a en lui, c'est un chemin d'acteur, mais que j'ai fait avec Gilles, qui m'a accompagné sur tout le truc,
07:19parce que, moi, ma nature première, ça va être d'improviser avec Raphaël, Kenard, Jean-Pascal Zaddy, qui ont le verbe « facile ».
07:25Donc moi, j'étais un peu attiré par ça, et c'est vrai qu'il a fallu, entre les prises, écouter Gilles qui venait me dire « Non, non, garde le cap »,
07:31et je pense que ça a servi le personnage.
07:32« Garde le cap », parce que Clotaire, en prison, il a cherché tous les mots du dictionnaire qui lui rappelaient « Jackie ».
07:39Il y en a 457 écrits à la main, sur une petite feuille jaune, toute rabougrie, qui est pliée en quatre dans la poche de votre blouson pendant tout le film.
07:47C'est pas magnifique, ça ?
07:48Si, c'est magnifique, justement. Il y a des mots écrits pour de vrai sur cette feuille ?
07:52Ouais.
07:53Lesquels ?
07:54Non, c'est vrai, je ne peux pas le dire, parce qu'il y en a certains qui sont de moi,
07:57parce que moi, dans ma préparation du personnage de cette scène, à l'hôpital, où je sors cette liste en face de Jackie,
08:04je spoil un peu des trucs du film, mais bref, du coup, je m'étais un peu préparé, j'avais préparé des mots,
08:09mais on a Manu Mougin, qui est l'accessoiriste du film, qui lui s'occupe d'arriver avec tout ce qui va se jouer dans le film,
08:16c'est un très grand accessoiriste, c'est pour ça que je le cite, et du coup, il avait, lui, marqué 457 mots sur un papier.
08:21Vraiment ? Il y en a vraiment 457 ?
08:23Il y en a certains avec lesquels j'étais d'accord, d'autres moins, que je n'ai pas dit, mais du coup, cette liste, je l'ai gardée, c'est mon souvenir.
08:28J'ai lu le petit livre d'Éric Libio, « L'amour ouf, journal intime » d'un film qui sort chez J.C. Lattès,
08:33c'est un critique de cinéma qui a suivi tout le tournage, et il raconte cette séquence entre vous, Adèle Exarchopoulos,
08:39et Elodie Bouchès, qui joue la mère de Clotaire, et qui vous murmure au moment où vous recherchez désespérément Clotaire
08:46que son fils n'est pas un méchant.
08:48Et il dit que cette scène, elle a été tournée en très très peu de prises, sous les applaudissements.
08:53Une prise.
08:54Une prise.
08:55Oui, mais c'était la grâce d'Elodie Bouchès, c'est-à-dire que je trouve qu'elle a réussi à jouer la dignité d'une mère
09:00et la foi entière en son fils, en une prise, où moi-même, j'étais bouche bée.
09:05Parce que la particularité de ce film, c'est tous les seconds rôles, vous en avez déjà cité pas mal,
09:10mais il y a Alain Chabat qui joue votre exceptionnel, Karim Leclou,
09:14alors là c'est le père veuf et très aimant, chez les bourgeois,
09:17Karim Leclou c'est le père prolo et assez violent, assez brutal,
09:22il y a Vincent Lacoste en mari hyper jaloux, Benoît Poulevard en parrain local,
09:27Raphaël Kenard, vous les avez cités.
09:29Donc en fait, ça joue tout le temps super bien.
09:32Mais même des gens qui venaient pour une scène, une scène qui est essentielle du film, Yohann.
09:36Oui, Yohann Dionné, à la fin du film.
09:38La scène de supermarché.
09:39Et c'est pas facile, on a 88 jours de tournage, il arrive au 85ème jour,
09:42toute l'équipe se connaît, il y a une énergie, une synergie sur le plateau.
09:46Il vient pour une scène difficile et il a été flamboyant.
09:49Je pense que cette scène marquera les gens, j'espère.
09:51Je vous remercie tous les deux.
09:52Quand même, j'ai appris dans ce petit bouquin que vous avez joué au Uno non-stop pendant tout le tournage,
09:57que vous vous êtes beaucoup disputé sur les règles.
09:59Oui, mais surtout Gilles, grand tricheur, il serait prêt à manger les cartes.
10:02Gilles Lelouch.
10:03Mais les règles du Uno c'est catastrophique.
10:05Eh bien, le débat continue.
10:07Allez voir L'Amour Ouf, c'est la semaine prochaine au cinéma.
10:10Merci à tous les deux.
10:11Merci à vous.
10:12Et merci Sonia.