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" C’est l’enfer qui nous tombe dessus." Christian Prouteau, fondateur du GIGN, nous raconte l’opération la plus marquante de sa carrière. ✨

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00:00il y a un seul coup de feu
00:02et je vois mes cinq objectifs qui tombent.
00:04Il y a un silence de mort, plus rien.
00:06Et c'est là qu'on est pris à partie
00:08par une mitrailleuse et c'est l'enfer
00:10qui nous tombe dessus.
00:12Le 4 février 1976,
00:14nous avons résolu
00:16une prise otage qui était sûrement la plus
00:18difficile que le GIGN ait eu
00:20à accomplir, mais qui pour moi
00:22a été la plus douloureuse.
00:24Lorsqu'on me demande de partir,
00:26le 3 février, il est
00:2811h du matin et le détournement
00:30d'un bus scolaire à Djibouti
00:32a été fait à ce moment-là
00:34par un commando du Front de Libération
00:36de la Côte des Somalies. Nous partons
00:38à 15h
00:40et arrivons à minuit à Djibouti.
00:42On est accueillis par un
00:44officier qui nous explique que la prise
00:46otage n'est plus dans Djibouti,
00:48qu'on n'a pas eu de bonnes informations,
00:50mais que le car scolaire a été amené
00:52vers la Somalie,
00:54à 15 km environ de Djibouti,
00:56le long de la frontière, à un poste de frontière
00:58qui s'appelle Louiada.
01:00Dans le bus, il y avait 32 enfants
01:02et 2 adultes.
01:04Contrairement aux informations qu'il nous a données,
01:06ils ne sont pas 3 preneurs
01:08d'otages, mais 4.
01:10Je fais ma reconnaissance.
01:12Je me rends compte que derrière le bus,
01:14il y a 2 automitrailleuses de l'armée
01:16somalienne, il y a environ 2 sections.
01:18La Somalie semble bien impliquée
01:20dans cette prise otage. On va remonter
01:22l'opération de la manière suivante.
01:24On va éliminer les preneurs d'otages
01:26tous en même temps, et à ce moment-là,
01:28la Légion, le 2e REP Mapura,
01:30par la gauche, et par la piste,
01:32la DBLE, division blindée
01:34motorisée, c'est des petites
01:36automitrailleuses, passeront par la piste.
01:38Nous sommes en place, j'ai mes 6 fusils
01:40sous une vingtaine de mètres,
01:42et derrière, il faut le rappeler,
01:44c'est 100 mètres, complètement à découvert,
01:46qui nous séparent de l'endroit
01:48où les légionnaires se mettront
01:50à partir du moment où le tir sera effectué.
01:52Le code de tir fonctionne
01:54d'une manière simple. Chaque tireur
01:56qui a un numéro en fonction de sa position,
01:58s'il est le 4e tireur,
02:00il dit le 4, et il tirera
02:02sur le 4e objectif. Dès qu'il a
02:04l'acquisition de son objectif, c'est-à-dire qu'il peut
02:06toucher son objectif, indifféremment par rapport
02:08à sa position, il dit 1,
02:103, 2, 4, et à ce moment-là,
02:12moi, je sais que les
02:144 tireurs ont l'acquisition de l'objectif,
02:16et je dis 0. Trois secondes après,
02:18les tireurs, sans qu'on ait besoin
02:20de dire feu, simplement en comptant
02:22dans leur tête trois secondes, et pour nous,
02:24une seconde, c'est 333, donc
02:26ils comptent 333, 333,
02:28333, et à ce moment-là,
02:30ils déclenchent leur tir. Pourquoi on
02:32dit pas feu, comme on voit dans tous les films ? Parce que
02:34quand on dit feu, on crée sur le tireur,
02:36même s'il a l'habitude d'une surprise,
02:38alors que si c'est lui qui déclenche son tir,
02:40il n'y a pas cet effet de surprise qui peut
02:42faire ce qu'on appelle un coup de doigt.
02:44Un tireur peut interrompre le tir, parce que
02:46la situation peut se modifier. Et il
02:48dit non. Et on répète le code
02:50comme ça, jusqu'à ce qu'on ait
02:52l'équation parfaite. Le code de tir
02:54se fait, je dis 0,
02:56il y a un seul coup de feu, et je
02:58vois mes cinq objectifs qui tombent. Il y a
03:00un silence de mort, plus rien. Et c'est
03:02là qu'on est pris à partie par une mitrailleuse
03:04qui s'appelle une MG42, qui tire
03:061200 coups minute. Et c'est l'enfer
03:08qui nous tombe dessus,
03:10parce que l'armée somalienne
03:12a riposté avec cette mitrailleuse. Bien
03:14évidemment, la Légion qui devait nous appuyer
03:16derrière, ils ne pouvaient pas avancer. Heureusement
03:18pour nous, cette saleté de mitrailleuse
03:20s'est enrayée au bout de deux minutes.
03:22Ces deux minutes étant perdues, même si
03:24ça m'avait été interdit, je demande à mes hommes,
03:26pour protéger la progression de la Légion,
03:28de tirer avec mes fusils. On élimine
03:30à peu près l'équivalent d'une
03:32section de la Légion. Ça se calme en face.
03:34Deux de mes hommes me disent, couvrez-vous
03:36mon lieutenant, on part en courant sur le bus.
03:38Nous, on part derrière pour les couvrir.
03:40La Légion nous dépasse par la gauche.
03:42Et au moment où les deux premiers
03:44arrivent sur le bus, alors que l'on pensait
03:46avoir éliminé les deux qui étaient
03:48dans le poste somalien pendant notre progression,
03:50le huitième, on pensait qu'il n'était pas remonté.
03:52En fait, il était remonté dans le bus
03:54et il avait pris un enfant dans ses bras.
03:56Au moment où
03:58un de mes hommes est monté par l'avant avec un
04:00caporal de la Légion et l'autre est monté
04:02par la porte arrière, il a tiré
04:04en leur direction avec une arme d'assaut
04:06tenue d'une main puisqu'il tenait
04:08l'enfant de l'autre pour se protéger.
04:10La rafale est partie
04:12sur la droite, a touché le chauffeur
04:14mais a blessé également des enfants
04:16et a tué une des deux
04:18petites.
04:20A tué Nadine
04:22et Valérie a été
04:24blessée gravement qui descendra
04:26quatre jours après. On a pu l'éliminer
04:28mais il était trop tard. On a été
04:30persuadés qu'on arriverait à sauver tous ces enfants
04:32et à ramener en particulier les enfants à leurs parents.
04:34On n'a pas pu. Alors je me suis un peu
04:36énervé devant le général. Je lui ai dit
04:38qu'on m'avait menti, qu'il y avait eu
04:40un temps trop long et surtout que les
04:42Somaliens ont riposté ce que mes hommes
04:44et moi-même sentions mais dont on nous avait
04:46dit qu'ils ne le feraient pas. Depuis des années
04:48je me pose la question de savoir ce qu'il aurait
04:50fallu faire et j'ai refusé vingt fois
04:52cent fois, mille fois le calcul
04:54et il nous a manqué dix secondes pour que mes
04:56deux premiers garçons qui sont partis en courant
04:58arrivent avant que le huitième remonte
05:00dans le bus et prenne un enfant dans les bras.
05:02Le GIGN est devenu l'unité de référence
05:04par rapport à ce tir simultané
05:06mais pour nous il reste
05:08toujours cet échec
05:10de ne pas avoir ramené Nadine et Valérie.

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