Charlotte Le Bon passionnée par la vie et la créativité de Niki de Saint Phalle.

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Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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Transcription
00:00Je suis ravie de vous recevoir. Alors, on parle de Niki.
00:02Vous êtes la personne idéale pour interpréter ce personnage sur le papier.
00:05Vous êtes comédienne, vous êtes réalisatrice, vous êtes plasticienne,
00:09vous êtes dessinatrice, vous êtes une artiste.
00:11Quand on voit ce film, d'ailleurs, je trouve qu'on se demande
00:13quelle est la définition d'être une artiste ?
00:15Oh là là !
00:17Ah oui, ça commence fort !
00:19C'est quoi la définition d'être une artiste ?
00:20Je pense que c'est d'utiliser l'art comme un moyen d'expression, en fait, tout simplement.
00:26Donc moi, j'ai la chance d'avoir différents médiums que je peux utiliser pour le faire.
00:29Mais quand Céline Salette vous propose ce film,
00:32vous dites la même chose, je suppose, vous dites « c'est fait pour moi ».
00:34Est-ce que vous étiez déjà faite la réflexion de se dire « Niki de Saint-Phale,
00:38ça me correspond comme personnage ? »
00:40Non, j'ai l'impression que ça aurait été un peu prétentieux de me dire un truc pareil.
00:45Et puis, j'y croyais plus trop, pour être honnête.
00:49En fait, j'avais l'impression qu'on projetait des choses assez lisses sur moi.
00:53Et le personnage de Niki n'a rien de lisse, ni de raisonnable.
00:58Il est extrêmement complexe et dense.
01:01Et en fait, c'était quelque chose qui me faisait même très peur.
01:03Vraiment, ça représentait un défi que je n'avais jamais relevé avant.
01:06Donc, je n'avais vraiment pas le choix d'accepter et d'embrasser cette proposition avec tout ce que j'avais.
01:12Vous dites d'ailleurs « je ne pouvais pas dire non à Niki ».
01:14Non, vraiment, j'aurais été idiote de dire non.
01:16Qu'est-ce qui pouvait vous faire peur, alors, sur le papier ?
01:18Parce que je n'ai jamais eu une partition aussi riche.
01:22C'est ce que je vous disais hors caméra.
01:24Quand j'ai regardé le film, je me suis dit qu'elle a dû ressortir épuisée de ce tournage.
01:28Parce que votre personnage y passe par tellement de sentiments, tellement de phases, tellement d'émotions aussi.
01:34En fait, non.
01:35Je pense que j'ai été plus épuisée à la fin de tournage, où mes rôles en demandaient moins.
01:43Mais je pense que ça vient aussi du fait de travailler avec une réalisatrice aussi bienveillante que Céline Salette.
01:50Qui est elle aussi actrice, qui connaît très bien le jeu d'acteur, qui sait comment diriger ses acteurs,
01:54comment les aimer aussi, comment les regarder.
01:57À aucun moment, je me sentais jugée.
01:58Donc vraiment, ça m'a permis d'aller dans des endroits de liberté que je ne connaissais pas.
02:03J'ai terminé le tournage, j'étais toute vitalisée en fait.
02:05J'aurais vraiment pu enquiller sur Niki 2.
02:07Il n'y aurait eu absolument aucun problème.
02:09D'ailleurs, je l'attends.
02:11Mais bon.
02:12Oui, parce qu'on va en parler, mais le film, c'est un peu Niki avant Symphale.
02:14Oui, c'est Niki avant Niki.
02:16Oui, c'est ça.
02:16Donc, on attend la suite.
02:17Alors, Niki 2 Symphale, tout le monde connaît.
02:19Enfin, en tout cas, ça évoque quelque chose pour tout le monde.
02:21Mais est-ce que vous, vous pouvez nous la présenter ?
02:23Oh non, ce n'est pas juste.
02:25Ce ne sera pas à la hauteur de qui elle est.
02:27C'est une artiste iconoclaste qui a commencé sa carrière au début des années 60
02:33et qui a connu de son vivant un énorme succès et qui a eu une oeuvre extrêmement riche,
02:38qui a fait beaucoup, beaucoup de peintures, beaucoup de sculptures à travers le monde
02:42et qui a été reconnue pour sa représentation de la monstruosité ludique, je dirais.
02:47Pas mal quand même.
02:48C'est pas mal ?
02:48Oui, c'est beau.
02:50Vous avez dit « j'aime tout de Niki, c'est un génie ».
02:52Qu'est-ce qui vous touche chez elle ?
02:54Sa liberté ?
02:55Oui, sa liberté, sa décomplexion, le fait d'avoir traversé ses doutes,
03:01de les avoir explosés même pour pouvoir aller là où elle avait envie d'aller.
03:06C'était quelqu'un qui était extrêmement sombre aussi,
03:10qui a traversé des choses extrêmement difficiles
03:12et elle a vraiment utilisé l'art comme un outil pour se sortir d'une noirceur
03:16qui la bouffait tranquillement en fait, donc c'est vraiment, c'est une guerrière pour moi.
03:21C'est une salette dont fait le choix de raconter l'avant,
03:23elle raconte cette période de construction pour Niki,
03:25ce qui permet aussi d'aborder la violence aussi de la société des années 50.
03:29La difficulté aussi de s'épanouir en tant que femme, c'est aussi ça le film,
03:33c'est l'histoire d'une guérison finalement.
03:35Oui, c'est une femme qui ne se reconnaît pas dans les dictates de l'époque en fait.
03:38Elle refusait l'aliénation, pour elle c'était impossible d'être mère au foyer
03:42et d'utiliser la peinture comme un hobby en fait.
03:45Pour elle c'était beaucoup plus que ça,
03:46c'était même, l'art était quelque chose de vital, c'était une nécessité.
03:50Elle a décidé de faire exploser tout ça alors qu'évidemment énormément de monde la jugeait
03:54et je pense que ça a été extrêmement difficile, mais voilà, les fruits.
03:59C'est une chance qu'elle a abandonné ses enfants,
04:02c'était terrible de dire ça comme ça évidemment que non.
04:05Mais c'est ce qui lui a permis aussi.
04:06Mais elle n'avait pas le choix à l'époque.
04:07Et puis encore une fois, c'était vraiment une réponse à quelque chose
04:10qui l'arrangeait, son travail artistique.
04:12Donc je pense que vraiment, si elle avait décidé de rester à la maison avec ses enfants
04:15et de renier cette partie-là d'elle, elle serait probablement morte.
04:21Pour moi, je voulais être Jeanne d'Arc.
04:25Je voulais être ou Georges Sand ou Napoléon avec un jupon.
04:30Je voulais que ma vie soit difficile et excitante.
04:35Et je voulais que ce soit grand.
04:41Ça va être grand ta vie unique.
04:44Donc qu'est-ce que t'en sais ?
04:45J'en sais.
04:47Ça se voit dans ton travail.
04:49Faut pas que t'aies peur, faut que tu mettes le paquet.
04:51Si tu dis pas ce que t'as à dire avec ton art, ça sera foutu.
04:55L'art, c'est la nouvelle arme du monde.
05:00C'était un film sur la colère, sur ce qui nous ronge, sur ce qui nous détruit.
05:03Et en même temps, qui correspond parfaitement à cette phrase qu'on dit souvent,
05:06ce qui nous tue pas nous rend plus forts.
05:08Oui, c'est vraiment la sublimation du trauma à travers la création artistique.
05:12Définitivement.
05:13Vous qui êtes, je le disais, plasticienne, dessinatrice, ça vous parle, ça ?
05:17De quoi ? D'exprimer toutes ces émotions à travers ?
05:20Oui, oui, oui, certainement.
05:21Oui, bien sûr que ça me parle.
05:22Oui, c'est un outil que j'ai la chance de posséder aussi.
05:27Pas de la même façon que Niki, évidemment,
05:29mais je vais pas le faire sur une échelle similaire non plus.
05:32Mais oui, c'est un moyen d'expression, en fait.
05:34J'ai la chance d'avoir différents vecteurs, en fait.
05:37Je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup d'acteurs qui sont remplis d'émotions
05:41et de choses à dire et qui, en fait, doivent...
05:43Attendre les rôles qui leur permettent ?
05:44Oui, systématiquement, attendre les rôles qui leur permettent d'exprimer ce qu'ils ont envie de dire.
05:47Et en fait, moi, j'ai d'autres possibilités pour pouvoir le faire.
05:50Donc, c'est vraiment un luxe inouï.
05:52Avec quel outil, alors, vous l'exprimez le mieux ?
05:54Je sais...
05:57Ça dépend.
05:58Avec Niki, il y avait un truc qui était très riche,
05:59donc j'ai eu l'impression de pouvoir toucher à plein de choses.
06:02Mais j'aime pas trop l'idée de choisir,
06:04parce que, pour moi, tout ça fait partie d'un même monde, en fait.
06:07C'est assez cohérent, donc...
06:08C'est sûr que la réalisation permet de toucher à beaucoup de choses,
06:11parce que c'est vraiment de mettre des idées en images
06:15et ensuite de travailler avec des gens.
06:17Et j'aime le travail solitaire, mais j'aime le travail collectif aussi,
06:19donc ça mêle un peu tout ça.
06:21Donc c'est quand même le meilleur métier du monde.
06:24Le film fait penser aussi au parcours terrible de Camille Claudel,
06:27elle aussi enfermée et réduite au silence,
06:29parce qu'artiste, être une femme artiste aujourd'hui,
06:33est-ce que ça vous semble quand même plus simple qu'à l'époque ?
06:35Ah oui, bah oui, définitivement.
06:37Mais encore une fois, les femmes qui n'acceptaient pas,
06:40refusaient l'aliénation,
06:41se retrouvaient dans des situations très similaires.
06:44Donc vous parlez de Camille Claudel,
06:45mais il y a aussi une autrice américaine, Susannah Kaysen,
06:49qui a fait le sujet du film Girl Interrupted
06:51avec Winona Ryder et Angelina Jolie.
06:53C'était aussi une autrice qui, en fait,
06:55ne se reconnaissait pas du tout dans ce qu'on lui dictait.
07:00Et elle avait simplement envie d'écrire.
07:02Et on lui disait à l'époque, mais c'est pas un métier,
07:04vous êtes une femme, être romancière, ça n'existe pas en fait.
07:07Et elle a fait une dépression, elle est devenue suicidaire,
07:10elle a été internée pendant un an dans un établissement psychiatrique.
07:13Heureusement, aujourd'hui, les choses ont évolué
07:15et une femme qui a un épisode psychotique
07:18ou qui traverse une dépression
07:20ne va pas se retrouver à un établissement psychiatrique
07:21à faire des électrochocs.
07:23Tu as une sacrée tête, toi !
07:25Je vous présente Niki.
07:26On pourrait faire ton portrait.
07:27Bonjour.
07:28En même temps, t'es toute maigre.
07:30Faut te nourrir, on va te donner à manger.
07:33Je mange, hein.
07:35Alors, qu'est-ce qu'il me reste ?
07:40Du chocolat.
07:41Bonjour.
07:42Mais c'est la Suisse, ici.
07:44Elle marche, tes machines ?
07:46Oui, mais je peux pas l'allumer, celle-là,
07:48ça casse la tête à brancousier.
07:49Il habite juste là, faudrait que tu le rencontres.
07:51Non, non, j'oserais jamais.
07:52Mais si, attends, il adore parler de son travail,
07:54surtout avec des jolies jeunes femmes comme toi.
07:56Il fait ses visites au Champagne.
07:58Tu vas adorer.
07:59Niki a été présentée au dernier Festival de Cannes,
08:01donc c'est le premier long-métrage de Céline Salette.
08:03Il y avait également la présentation
08:04du premier film de Laetitia Doche,
08:06Le procès du chien,
08:07et Noémie Merlan, Les femmes au balcon.
08:09Vous-même, vous avez présenté Falcon Lake,
08:11votre premier long-métrage, il y a deux ans.
08:13Ça a été compliqué pour vous de passer à la réalisation.
08:16Comment est-ce que vous l'avez vécu ?
08:17Ah non, ça a pas été compliqué pour moi.
08:19C'est difficile de faire un film,
08:20mais ça a pas été compliqué.
08:21C'est-à-dire que j'ai été bien épaulée,
08:24très bien accompagnée,
08:25et puis ça venait aussi d'une nécessité
08:27de vouloir raconter quelque chose qui m'habitait depuis longtemps.
08:29Donc les choses se sont faites assez de manière fluide.
08:32Donc c'est pour ça que j'ai envie de continuer aussi.
08:34Et le prochain, alors il parlera de quoi ?
08:36Est-ce qu'il est déjà écrit ?
08:37Il est en écriture en ce moment.
08:38Je suis vraiment en plein dedans.
08:40Je suis à la page 40.
08:42C'est un bon début.
08:43C'est un bon début.
08:44Je suis un peu superstitieuse,
08:45donc j'ai pas faim de vous en parler.
08:46OK, ça va.
08:47OK, ça me va.
08:49Mais ce sera pas une adaptation.
08:50C'est un scénario original, cette fois.
08:52Et quoi, qui surfe aussi avec le genre ?
08:54Parce que Falconex, c'était l'histoire de fantômes.
08:56Tout à fait, oui.
08:57Est-ce que vous vous sentez libre aujourd'hui,
08:59dans ce métier ?
09:00Je sais pas.
09:01D'artiste ?
09:02Oui, en fait, je me sens libre
09:04parce que, comme je disais plus tôt,
09:06j'ai ce luxe de pouvoir faire plein de choses
09:08pour pouvoir m'exprimer.
09:09Et puis le fait de pouvoir,
09:11d'avoir enfin l'idée de mon deuxième film,
09:13parce que j'ai l'impression que ça a pris mille ans
09:15avant que ça arrive,
09:17c'est quelque chose qui me réjouit
09:18et qui me stimule énormément.
09:20Donc oui, quand j'arrive à toucher à ça,
09:22je me sens libre.
09:24Avec Céline, est-ce que vous avez justement partagé
09:26vos impressions de première fois ?
09:27Parce que c'était son premier long métrage
09:29en tant que réalisatrice.
09:30Oui, complètement.
09:31Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
09:32Je sais pas ce qu'on s'est dit concrètement,
09:34mais il y avait cette belle relation de confiance
09:36qui s'est installée dès le départ, en fait.
09:38Elle m'a un peu considérée comme une collaboratrice
09:40très proche et c'était la première fois
09:42que ça m'arrivait avec un réalisateur.
09:43J'avais jamais vraiment vécu un tournage
09:45de cette façon-là.
09:46Mais ça a été super enrichissant.
09:47C'était génial.
09:48Le fait d'être dirigée par une femme,
09:49ça a changé quelque chose.
09:50Une femme et une actrice ?
09:51Oui, définitivement.
09:52Il n'y avait pas du tout cette question
09:53de potentiel désir.
09:55Elle était très précise dans ses demandes.
09:56Elle me donnait aussi des outils très concrets
09:58que seulement un acteur pourrait me donner.
10:00En plus, c'est un projet qu'elle avait depuis longtemps
10:02et qu'elle a énormément pris le temps de faire.
10:05Oui, c'est ça.
10:05Elle était tellement, tellement passionnée.
10:07J'ai des souvenirs d'elle qui viennent vers moi
10:09et qui me donnent des érections
10:10avec des larmes dans les yeux.
10:11Vraiment, c'était...
10:13Je me prenais cette charge.
10:14Je me prenais cette charge avant la prise.
10:16Comme si la vie de Niki,
10:17ce n'était pas suffisant.
10:18Ah oui, c'est ça.
10:19Mais je pense qu'au contact de Niki,
10:21on a cette sensation d'être un peu à fleur de peau
10:23et en même temps d'être hyper vitalisée.
10:24Il y avait définitivement cette énergie
10:27pendant le tournage.
10:28C'était une expérience de tournage
10:30que je n'ai jamais vécue.

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