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Xerfi Canal a reçu François Levêque, professeur d’économie, CERNA, Mines Paris PSL, pour parler de l'économie et du sport.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00Bonjour François Lévesque, bonjour Jean-Philippe. François Lévesque, vous êtes professeur d'économie
00:13à Mines Paris PSL, auteur « Je vous ai reçu, des entreprises hyper puissantes, géants et titans,
00:18la fin du modèle global », et chroniqueur régulier dans The Conversation France.
00:24Petite chronique délicieuse de saison, Roland Garros, comment l'économie éclaire les
00:30performances des champions ? L'économie nous éclaire sur les performances des champions de
00:35tennis ? Oui, parce que d'abord il y a de plus en plus de données, comme dans tous les sports
00:42professionnels, donc il y a des données massives, il y a un papier par exemple qui mène son analyse
00:50sur le service au tennis à partir de 3 millions de balles de service, de points de service. La
00:58question du papier étant, comment on trouve un équilibre entre jouer sur le revers ou jouer sur
01:03le coup droit, sachant qu'évidemment votre adversaire va anticiper, est-ce que je vais
01:09recevoir sur le coup droit ou sur le revers, et donc il faut de façon aléatoire aller vers le
01:16coup droit. Grâce à ces données, on peut montrer que les joueurs de tennis au service suivent une
01:24stratégie de minimax regret. Une stratégie de minimax regret, ça veut dire qu'ils cherchent à
01:29minimiser le regret de ne pas avoir joué le coup qu'il aurait fallu faire. Par exemple, si le
01:37receveur anticipe que la balle sera sur son revers et que vous jouez sur son revers, vous auriez
01:44me fait, parce qu'il anticipait une balle sur le revers, de jouer sur le coup droit.
01:48Ça, le regard de l'économiste, et c'est ça qui est très plaisant dans vos chroniques, nous
01:54rappelle quand même que l'objectif c'est d'attirer les plus grandes stars, que l'inégalité dans les
01:58prix est au cœur du sujet quand même aussi. Absolument, c'est assez marrant parce qu'en fait,
02:06les économistes avaient échafaudé une théorie pour comprendre pourquoi les échelons, quand vous
02:12passez d'un échelon à l'autre, en montant dans la carrière des dirigeants, et bien quel est le
02:18salaire, quels sont les salaires à donner entre celui qui est numéro 4, numéro 3, numéro 2,
02:23numéro 1. Et puis en fait, cette théorie-là, qui s'appelle la théorie des tournois, pour expliquer
02:28les salaires des managers, en fait empiriquement, elle n'est pas vraiment mise en évidence. En revanche,
02:35si vous prenez les joueurs professionnels et les tournois de tennis, ça marche. Qu'est-ce que
02:39prévoit cette théorie ? Elle prévoit qu'à chaque fois qu'on se rapproche du sommet, l'écart entre
02:44le perdant et le gagnant, ou l'écart de salaire entre le numéro 5 et le numéro 4, et bien l'écart
02:50de salaire entre le 4 et 3 va être plus grand que l'écart de salaire entre le 5 et le 4. Et puis
02:54l'écart entre le 3 et 2 doit être encore plus grand, etc. Et ça, ça marche. Ça marche, c'est-à-dire
03:01les écarts entre le vainqueur d'une demi-finale et évidemment d'un huitième de finale, à chaque
03:07fois, quand on monte vers la finale, les écarts entre le perdant et le gagnant s'accroissent. Et
03:13la raison théorique, c'est qu'il faut faire en sorte que les joueurs donnent le mieux d'eux-mêmes,
03:19et les joueurs, pour partie, sont sensibles au gain, en fait. Et donc, évidemment, gagner une
03:25partie, ça dépend de son talent, mais ça dépend aussi de son effort. Et évidemment, le troisième
03:31point qui intéresse tout le monde, qu'est-ce qui fait un grand joueur de tennis ? Qu'est-ce qui fait
03:35que certains sont au-dessus des autres, au-dessus du lot ? Quand on analyse les points, ce qui
03:40apparaît vraiment très clairement, c'est que ce sont les moins sensibles aux fautes qu'ils ont
03:47pu réaliser le point d'avant, c'est-à-dire les joueurs professionnels restent sensibles au fait
03:52que si j'ai perdu le point, le point d'après, j'ai plus de chances de le perdre. Et donc,
03:59l'idée que j'oublie d'avoir raté et j'oublie tout ce qui s'est passé, je joue chaque balle comme
04:09si elle était unique, non, il y a cette sensibilité. Et donc, les grands joueurs, s'ils ont perdu le
04:18point, il y a plus de chances qu'ils perdent le point d'après, mais beaucoup moins que les
04:24dixièmes ou centièmes joueurs de tennis professionnels. Donc, il y a cette qualité
04:28de sang-froid qui apparaît. Et puis, il y a aussi l'autre qualité, c'est que les très grands joueurs,
04:35eh bien, sur les points décisifs, parce qu'il y a cette façon invraisemblable de compter les
04:40points au tennis et la façon dont les matchs se déroulent, donc il y a des points qui sont
04:44plus décisifs que d'autres, donc il faut les gagner. Eh bien, les grands joueurs, sur les
04:49points décisifs, sont plus forts, toutes choses égales par ailleurs, que les joueurs un peu moins
04:53bons. Les très grands du tennis sont des robots humains, c'est ce que vous venez de rappeler. Ils
04:58allient le sang-froid des premiers et l'aptitude mentale des hommes et des femmes à se surpasser,
05:03et aussi, comme les autres, à ne pas être insensibles à l'argent. Voilà. Voilà, parfait
05:09résumé. Merci François Lévesque, une courte carte retrouvée dans The Conversation France,
05:13comme toutes vos chroniques et qui sont vraiment à suivre et à lire. Merci à vous. Merci Jean-Philippe.

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