Jeudi soir, au siège du CIC Ouest, s'est déroulée la soirée de fin de saison du CIC U Nantes Atlantique, l'une des sept équipes continentales françaises. Moins performante que lors de la saison 2023 (85e au classement UCI avec 365 points / 1 victoire contre 57e avec 712 points / 5 victoires l'an dernier), l'équipe nantaise a cependant connu quelques satisfactions, avec notamment ce magnifique doublé réalisé sur le Grand Prix de Plouay Élite grâce à ses deux hommes forts de l'année : Pierre-Henry Basset et Clément Braz Afonso. Pour revenir sur la troisième saison professionnelle du CIC U Nantes Atlantique - qui possède à côté de cela une magnifique académie et va devenir cet hiver le seul centre de formation agréé en France - Cyclism'Actu est allé à la rencontre d'Anthony Ravard, son manager général. Et s'il a bien sûr évoqué son équipe et ses coureurs, l'ancien sprinteur avait des choses à dire sur bien d'autres sujets liés au cyclisme, et notamment certains qui font l'actualité.
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00:00Bonjour Anthony Ravard, soirée de fin de saison du CIC Nantes-Atlantique, 2024 est derrière nous
00:08maintenant. Quand on regarde de l'extérieur, on a l'impression qu'il y a un recul par rapport à
00:132023 au niveau des résultats, mais on regarde le classement aussi, il y a un net recul. En interne,
00:18comment on juge cette saison ? Tout d'abord, on en a bien parlé ce soir, mais on a très mal
00:25commencé l'année avec la chute de Yael Joueland qui a impacté moralement aussi certains coureurs
00:30qui l'ont vu sur le bord de la route plein de sang, alors qu'on était quand même bien parti
00:40pour y faire un résultat. Sur les 25 qu'il y a à l'avant, il y en avait quand même 4 de chez nous,
00:45donc avec les grosses armadas, on était quand même là. Je crois qu'il y en était 3 ou 4 équipes
00:51comme ça. Après, on a eu du mal à se remettre de ça et en plus de tout ça, on a eu beaucoup de
01:00blessés différents et de maladies. On a eu 3 mononucléoses aussi dans l'année, donc c'est
01:08clair que ça n'a pas été très simple. Forcément que derrière, il y a un peu moins de résultats.
01:14On a eu aussi un groupe jeune, donc un groupe jeune fait que quand il y a des difficultés,
01:18c'est plus difficile à maîtriser. Il faut avoir des coureurs cadres, mais c'est notre vocation de
01:23former des jeunes, donc c'est pour ça aussi qu'on a des jeunes. L'idée, c'est à l'avenir de
01:27grandir, d'avoir plus de coureurs dans l'effectif et avoir des coureurs cadres et des coureurs
01:35jeunes pour qu'on puisse tenir sur la saison. Mais malgré tout, on a su tenir le cap et rebondir
01:41et on finit bien l'année. On a vu des révélations comme Clément Brazzafanzo, comme Pierre-Henri Basset,
01:46Pierre-Henri qui s'est imposé devant Clément, ils font le doublé au Grand Prix de Ployelite.
01:53Donc il y a quand même des satisfactions avec Clément qui passe les groupes MFDJ et
01:58Pierre-Henri qui va normalement, vu les bruits que j'ai, venir chez Astana, donc ça reste des
02:07satisfactions. Nous, c'est de former les futurs champions, c'est notre vocation. Alors c'est clair
02:11que c'est très chronophage parce que tous les ans, il faut recruter. Tous les ans, il faut se remettre
02:16en question. On fait des paris, beaucoup de paris. Des fois, c'est des paris perdants, mais on a aussi
02:21beaucoup de paris gagnants. Mais avant tout, c'est de former quand même l'adulte de demain et je pense
02:25qu'en passant chez nous, parfois, on est peut-être exigeant, dur et on fait passer des messages, mais
02:32c'est aussi pour qu'ils soient bien dans leur vie de demain et puis qu'ils puissent s'épanouir surtout.
02:37On en parlait début 2024, on vous avait eu en Zoom. On disait, voilà, effectif jeune par rapport à
02:43l'année 2023. Avoir des garçons comme Emmanuel Morin, Pierre Barbier, c'est fini pour vous ou si
02:50jamais il y a une opportunité qui se présente, vous pourriez faire venir un cours de ce calibre-là
02:54entre guillemets avec pas mal d'expérience ou alors maintenant, c'est vraiment le projet axé sur
02:58les jeunes à 100% ? Non, non, non, comme je disais tout à l'heure, justement, c'est vraiment d'avoir un mélange
03:04du cours hors cadre pour partager leur expérience, pour tenir aussi à la barrière parce qu'on n'est pas
03:08une équipe de développement de réserve de World Tour. On est une équipe de développement, mais qui
03:12a un calendrier de Pro Series, de classe 1 et de classe 2. Donc, il faut tenir la saison. On est obligé
03:19d'avoir des cours hors cadre. Malheureusement, Emmanuel Morin, on voulait le conserver, mais il a
03:23une meilleure proposition ailleurs et financièrement, on n'était pas capable de s'aligner tout simplement.
03:27Et voilà, l'idée, c'est pour ça, c'est ce que je dis, c'est que l'idée, c'est de trouver plus
03:34de moyens pour pouvoir avoir un effectif plus dense et un effectif diversifié avec des cours
03:42hors cadre, des coureurs jeunes, des sprinteurs, des grimpeurs, des rouleurs pour pouvoir justement
03:46former tous les types de coureurs et les amener vers le World Tour et le Pro Team. Et puis, pourquoi
03:52pas un jour, nous aussi, de grimper à l'échange supérieur, mais ça, on est plutôt à moyen terme.
03:58Justement, on en parlait en début de saison également. Vous me disiez, peut-être qu'on
04:02fera un point en juin pour savoir s'il y a un nouveau partenaire qui veut s'investir,
04:05savoir si on peut monter en Pro Team et tout. On n'a pas eu de nouvelles, donc j'imagine que le
04:10projet va rester, bien sûr, incontinental. Est-ce que le fait de monter en Pro Team, c'est un
04:14projet qui vous anime encore ou alors vous avez peut-être compris avec la conjoncture actuelle
04:18que c'est compliqué, qu'il va falloir pas mal d'années, pas mal de travail pour convaincre
04:22les partenaires de venir avec vous ? Il faut avoir des projets, mais il faut aussi se donner le temps
04:28des projets, il faut structurer, il faut y aller étape par étape. On a vu que ce n'était pas possible, donc on n'y est
04:33pas allé pour y aller. On voit bien aujourd'hui que le cyclisme est en difficulté. On a vu, surtout
04:38chez les amateurs, on a vu aussi sur certaines organisations professionnelles. Donc non, on
04:44maîtrise notre budget, l'idée c'est d'avancer, mais étape par étape. On a aussi le féminin qui
04:51nous attire et de faire une académie mixte à tout son sens chez nous. Donc voilà, on a pas mal de
04:58projets, mais il faut y aller étape par étape et avoir les partenaires qui adhèrent forcément à
05:03ces projets-là. Mais en fonction du paysage du cyclisme français, on verra s'il est important
05:10pour nous de passer d'ici 2, 3, 4 ans en pro-team. Ça sera en fonction des réserves des équipes pour
05:16le team, ça sera en fonction des places qu'il y a aussi en pro-team. Je pense que voilà, c'est
05:23toutes ces choses-là qui feront qu'il y aura un intérêt sportif, un intérêt pour les partenaires
05:28au niveau de visibilité. Et puis après, c'est toujours aussi de se remettre en question sur
05:33qu'est-ce qu'on peut apporter à nos partenaires supplémentaires, parce que voilà, on est un
05:38modèle économique qui est essentiellement lié à des partenaires privés ou publics, un peu d'unité
05:45de déplacement, mais derrière on n'a rien d'autre dans notre modèle économique. Donc voilà, c'est
05:50comment, et c'est toujours ma réflexion, c'est comment on peut trouver d'autres moyens financiers
05:55pour avoir un modèle diversifié. L'AFFC vous met en plus un petit peu des bâtons dans les roues
06:00avec les comptes fédérales qui vont voir le jour, on ne sait pas, l'ANC est opposé donc c'est pas sûr.
06:06Voilà, c'est quelque chose qui a dû vous faire tiquer quand vous avez vu ça. Oui, forcément,
06:12forcément, parce que je pense que la pyramide comme elle est faite actuellement, elle a tout son
06:17sens. Aujourd'hui, on prend très peu de juniors, on prend des coureurs de l'AN1, donc ça veut dire
06:21que l'AN1 a toute vocation d'exister. Donc elle est là, la pyramide. Ce qu'il faut, c'est défendre
06:28les intérêts des National Unes, mais j'en ai parlé à Michel Calou en visio. Pour moi, il faudrait
06:33qu'il y ait un classement National Unes, mais qui récompense les National Unes. On voit que pour elle,
06:38c'est de plus en plus difficile d'aller sur les classes 2, parce qu'il y a les réserves de World Tour,
06:43et justement il faudrait, est-ce que c'est les 3 premières ou les 5 premières, quand elle postule
06:47sur les classes 2 françaises, qu'elle soit automatiquement prise d'office, et ça aura un
06:52intérêt sportif, et derrière, ça leur permettrait d'aller faire ces belles courses-là. Pourquoi,
06:56moi, je suis forcément contre ce projet ? Aujourd'hui, on paye des charges, des charges patronales,
07:02des charges sociales. On est là aussi pour que les coureurs puissent avoir justement tout le côté
07:09social. On a l'assurance perte de licence quand on paye, on paye une complémentaire santé qui est
07:14quand même assez onéreuse. Si en face de nous, on a des équipes qui n'ont pas toutes ces, je n'ai
07:22pas envie de dire ces contraintes, parce que pour nous, on est là pour l'intérêt du coureur, mais
07:27s'il y a deux poids, deux mesures, qu'elles ne payent pas ces choses-là et que nous on les paye
07:30et qu'on est sur les mêmes courses, nos partenaires vont se demander pourquoi vous allez demander
07:34tant de budget pour cette course-là, alors que les autres ont moins de budget. Voilà, à un moment,
07:38il faut donner du sens. On est professionnel et on se doit d'avoir un budget conséquent pour être
07:43professionnel. En France, en troisième division, c'est la Ligue Nationale du Cyclisme qui gère le
07:48professionnalisme. Il faut que ça reste comme ça et ce n'est pas pour dénigrer ce que fait,
07:53au contraire. Je pense que ce que font les clubs de National 1, c'est très bien. Il faut juste
07:59savoir les récompenser sur un classement et les aider. Il y a deux équipes de National 1 qui vont
08:04disparaître, les deux équipes bretonnes en plus, donc ça doit vous toucher particulièrement. On a
08:08vu une interview d'Yvon Caire dans le Télégramme qui est assez alarmiste sur l'état du cyclisme en
08:12France, mais pas qu'amateur. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça, vous ? Est-ce que vous êtes
08:15inquiets pour le cyclisme ? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas en ce moment dans le cyclisme
08:20français ? Je n'ai pas les clés pour tout ça. Après, on le voit bien. Je pense que déjà,
08:29les National 1 à 30, c'est ce qui a fait effondrer finalement le système National 1,
08:36parce qu'à un moment, il faut aussi que les partenaires, quand ils prennent un projet,
08:40il faut qu'il y ait des résultats, il faut qu'il y ait des animations. Après, on voit bien la
08:44difficulté aussi des collectivités, surtout au niveau des départements. Leur rentrée d'argent,
08:51c'est les droits des notaires en fonction des ventes au niveau de l'immobilier, donc il y a
08:59moins de ventes au niveau de l'immobilier, donc il y a moins de rentrée d'argent. Elles ont des
09:04contributions obligatoires comme le RSA, les collèges, etc. Donc le sport passe en deuxième
09:09zone. Donc moi, ce que je crains, c'est aussi les compétitions cyclistes parce qu'elles sont
09:15beaucoup aidées par les collectivités. Maintenant, je n'ai pas les idées. En tout cas, c'est quelque
09:27chose que dans un deuxième temps, une fois qu'on aura bien consolidé le projet, où j'aimerais
09:31aider. Mais il est clair qu'on voit bien que le cyclisme va mal. Il y a de moins en moins de
09:40licenciés. Il y a des clubs qui disparaissent. Donc c'est clair que oui, on est en danger,
09:48mais il faut trouver des solutions. Je pense qu'il y a des solutions autour du savoir rouler à vélo,
09:52les remises en selle. Moi, à notre niveau, ce que j'aimerais, c'est que demain, si on grandit,
09:57qu'on est en pro team et qu'on a un but, c'est de pouvoir aller dans les clubs lors des prises de
10:01licence, arriver avec le bus, envoyer des flyers dans les écoles, dans les collèges pour leur
10:07dire voilà, il y a une équipe pro qui se déplace à tel endroit, faire des animations, etc. Et puis
10:13pourquoi ne pas avoir deux, trois, quatre, cinq, six, dix licenciés supplémentaires. Voilà,
10:17c'est des petites idées à notre échelle et sur notre territoire. Mais je pense qu'on est obligé
10:21de trouver des idées, de mettre des choses en place pour continuer de faire évoluer notre sport.
10:26Moi, je suis avant tout un passionné et puis j'aime mon sport, donc des fois, je ne dors pas la
10:31nuit sur des sujets comme ça. Surtout que tous les accidents qui ont eu lieu malheureusement cette
10:35année, vous avez été touché par Yael Jualan, il y a eu les chutes, les nombreuses chutes,
10:39les décès. Son décès de Muriel Furey à la Suissesse. Ce n'est pas une bonne pub pour le
10:44cyclisme. Ça n'attire pas les parents, ça ne donne pas envie aux parents de mettre les enfants sur
10:50un vélo et en compétition, c'est clair et net. Alors en compétition, ça reste assez rare,
10:55heureusement, malgré qu'il y a de plus en plus de chutes graves, mortelles, mais heureusement,
11:02ça reste rare. Maintenant, moi, j'ai peur. C'est l'entraînement. Moi, j'ai un fils qui a 13 ans,
11:08je suis avec lui, je vois bien les voitures nous frôler. Et c'est plus là-dessus, comment on peut
11:13faire pour que les jeunes s'entraînent en sécurité ? Est-ce que c'est sur des circuits fermés ? Est-ce
11:16que c'est sur des pistes cyclables qui ne sont pas toujours entretenues ? Voilà, c'est cette
11:20question-là pour attirer les jeunes. Est-ce que c'est sur des anneaux cyclables ? Est-ce que c'est
11:24sur des vélodromes ? Mais il est clair qu'il faut qu'on mette des choses en place. Il faut
11:30qu'on puisse s'entraîner en sécurité parce qu'aujourd'hui, il y a toujours plus en plus de
11:34véhicules et c'est pour ça qu'il y a de plus en plus d'accidents. Il y a les médias aussi qui
11:38relèvent plus facilement aussi ce genre d'accidents. On est tout de suite au courant qu'il y a un mort
11:43ou un blessé grave dans le circuit. Mais effectivement, il faut mettre des choses en
11:49place aussi de ce côté-là pour assurer les parents, etc. Mais il faut aussi beaucoup de bénévoles
11:54et on voit aussi que le bénévolat s'essouffle pour encadrer les jeunes. Je pense qu'il y a des
12:04choses à mettre en place grâce à, comme je disais tout à l'heure, le savoir-rouler à vélo. Je pense
12:07que d'aller dans les écoles, de se faire financer le salarié grâce aux écoles pour justement rouler
12:14en sécurité sur la voie publique permettra aussi à ce salarié-là d'avoir deux jours pour le club et
12:20d'aider les jeunes dans ce club-là. Un petit mot sur 2025 pour finir. Il y a quatre coureurs qui
12:27restent. Il y a six signatures qui ont déjà été annoncées. Il reste donc quatre coureurs. Est-ce que
12:31vous voulez repasser à 14 coureurs, je crois ? Est-ce que vous avez des pistes ? Est-ce qu'il y a
12:35des choses qui vont sortir dans peu de temps ? Est-ce qu'on s'attend à une bonne surprise ? Un coup
12:40qu'on n'attend pas ? Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ? Donc là on est à 10, j'ai bien
12:45compris. C'est ça. Donc il va y avoir un onzième qui va sortir. Maintenant, au jour d'aujourd'hui, à l'heure où on se
12:54parle, on attend encore justement, on est en renégociation avec des partenaires. On attend
13:00tout simplement de savoir à quel niveau on sera au niveau budget. Comme je dis, je suis comme un bon
13:07père de famille. Je ne vais pas dépenser tant que je ne sais pas combien on a à dépenser. Donc c'est le
13:14budget qui dépendra si on est 12, si on est 13, si on est 14. En tout cas, ce qu'il faut, c'est
13:20aussi structurer autour des coureurs. C'est bien d'avoir des coureurs, mais il faut aussi avoir du
13:23staff autour. Il faut avoir aussi tous les moyens techniques. Et puis on a aussi envie d'évoluer au
13:29niveau de la performance. Parce qu'aujourd'hui, on voit bien qu'on arrive face à des UAE, etc.
13:34On est à des années-lumière. Mais si on peut, au niveau de la performance, aider nos athlètes du
13:40mieux que l'on peut, c'est de le faire avec nos moyens en tout cas. Merci Anthony.