Avec François-Xavier Carayon, Économiste et consultant en stratégie
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00:00Avec notre invité, François-Xavier Carayon, bonjour !
00:04Bonjour à tous vos auditeurs.
00:06Bienvenue sur Sud Radio. Vous êtes économiste, consultant en stratégie, je le disais, l'alerte est passée pas loin.
00:12L'agence de notation Fitch a maintenu hier, finalement, la note de la dette française à A à moins,
00:18mais avec une perspective négative, sous-entendu, la prochaine fois, la note devrait être dégradée.
00:24Est-ce que d'abord, ça vous a surpris ou pas ?
00:27Non, ça ne m'a pas surpris. Et puis, évidemment, c'est une forme de soulagement.
00:31La dégradation aurait été inévitable si Michel Barnier n'avait pas proposé des efforts budgétaires importants, 60 milliards.
00:38Mais comme vous l'avez dit, comme il y a cette perspective négative, la perspective négative, ça veut dire quoi ?
00:42Ça veut dire qu'il indique que la prochaine fois, il y a de grandes chances que la note soit abaissée.
00:46Alors ça veut dire aussi qu'il ne croit pas en la viabilité ou la durabilité des efforts budgétaires décidés par le gouvernement ?
00:54Oui, alors plus précisément, il pense qu'un gouvernement, Fitch, pense que comme le gouvernement est minoritaire,
01:00il ne croit pas à sa capacité à mettre en oeuvre les réformes nécessaires.
01:04Vous savez, les réformes, c'est trois choses.
01:06Soit on augmente les impôts, ce que Fitch ne recommande pas, évidemment, parce que ça peut entraver la croissance,
01:11soit on baisse les dépenses publiques, soit il faut une croissance beaucoup plus forte qu'attendue.
01:14Et donc la solution privilégiée, c'est celle de la baisse des dépenses publiques.
01:18Quand un gouvernement est minoritaire, elle est très compliquée à mettre en oeuvre.
01:20Sauf que, est-ce que c'est vraiment la solution privilégiée par ce gouvernement à ce stade ?
01:24On a quand même tout entendu sur des hausses de taxes, l'électricité d'une part.
01:29On a entendu aussi, avant que le ministre de l'économie revienne, sur ses annonces que la TVA sur le gaz pouvait augmenter aussi,
01:37sur les chaudières à gaz, on ne sait plus où s'y retrouver.
01:40C'est ça. Pour deux tiers, ça devrait être des baisses de dépenses publiques, enfin à ce stade,
01:44puisque c'est la feuille de route de Michel Barnier, mais maintenant, il va falloir la négocier.
01:47Toutes les forces politiques vont évidemment se battre sur chacun des points.
01:52Deux tiers de la baisse des dépenses publiques et un tiers de la hausse des impôts et des taxes, pour le dire rapidement.
01:59Évidemment, c'est un peu la solution de facilité, puisque mettre en oeuvre la baisse des dépenses publiques
02:05qu'on n'a pas mis en oeuvre depuis 20, 30, 40 ans, c'est beaucoup plus compliqué, surtout dans un délai aussi court.
02:10Depuis 20, 30, 40 ans, nous rappelez-vous, ça veut dire que ça remonte aux fameuses années Chirac ou aux années Mitterrand, par exemple.
02:17Est-ce que ça signifie que la responsabilité du gouvernement précédent et puis du président de la République sont finalement toutes relatives ?
02:24Toutes relatives, je ne dirais pas, mais si vous regardez la note, le fameux triple A,
02:30c'est-à-dire la note maximum que peuvent nous donner les agences de notation, on l'avait jusqu'à 2010, en gros.
02:34Jusqu'à 2010-2003.
02:35Sur Sarkozy.
02:36Quasiment jusqu'à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy.
02:39A la toute fin de son mandat, une des agences commence à nous dégrader,
02:42et dès que François Hollande est élu, les deux autres agences nous dégradent également.
02:46L'année suivante, l'effet Hollande n'était pas spectaculaire, si vous me pardonnez l'expression,
02:50puisqu'on est dégradé à nouveau une deuxième fois, d'un deuxième cran, si vous voulez, dans les notes.
02:54Et là, au cours des 18 derniers mois, deux des trois grandes agences nous ont dégradé une troisième fois.
02:59Donc vous avez un phénomène qui est évidemment ancien,
03:01mais pour ce qui est de notre dernière dégradation, évidemment, elle vient sanctionner quelque chose d'assez clair,
03:07c'est-à-dire qu'Emmanuel Macron a baissé les impôts de façon assez significative,
03:12ça a été reconnu par les annonces de notation,
03:13mais il n'a pas réussi à financer ça, parce qu'il n'a pas baissé en parallèle les dépenses publiques.
03:17Donc si vous baissez les impôts, il faut aussi baisser les dépenses publiques,
03:20sinon vous n'êtes pas en train d'essayer de le financer, et votre dette explose,
03:23et on se retrouve dans la situation actuelle.
03:24Et alors qu'est-ce que, c'est plus facile à dire qu'à faire, évidemment,
03:28mais où est-ce que l'État aurait dû, pour vous, faire des économies pendant ces sept années ?
03:34Ce qui est évidemment dramatique, c'est que si vous regardez les budgets les uns après les autres,
03:38tous ont leur légitimité, personne n'a envie de couper dans les dépenses de santé,
03:42personne dans l'éducation, personne dans la défense, personne dans la sécurité, dans la justice, etc.
03:46D'où la question.
03:47D'où la question. Il y a des efforts structurels à faire, en fait, partout,
03:51et notamment dans toutes les couches administratives de ces différents ministères,
03:56et surtout, vous voyez, c'est un phénomène vertueux, c'est-à-dire que si on s'y prend en amont,
04:01on évite de payer le coût de la dette.
04:02Aujourd'hui, le deuxième budget de l'État, c'est le budget de la dette.
04:06C'est-à-dire que plus on emprunte, plus on met de l'argent à rembourser nos députés,
04:12et donc ça nous empêche d'éviter autant d'argent qu'on ne peut pas mettre dans l'éducation, dans la santé, dans la défense, etc.
04:17Et aujourd'hui, on voit que le coût de la dette est en train d'exploser,
04:19c'est-à-dire que les investisseurs internationaux ne nous font plus confiance.
04:22On emprunte maintenant à des taux qui commencent à être supérieurs à ceux de l'Espagne et du Portugal.
04:26C'était du jamais vu depuis à peu près deux décennies.
04:28Alors, sous Nicolas Sarkozy, vous l'avez dit, on avait la meilleure note possible pour la dette française,
04:33c'est désormais loin d'être le cas.
04:35Est-ce que la France est définitivement décrochée par d'autres pays qui étaient comparables auparavant ?
04:39Je pense par exemple à l'Allemagne.
04:41Est-ce qu'on est en train de devenir un pays pauvre ou en voie de faillite ?
04:45On est en train de décrocher, mais il n'y a rien d'irrémédiable.
04:49C'est-à-dire que les pays d'Europe du Sud, comme la Grèce aussi, l'Espagne et le Portugal que je mentionnais,
04:54ont réussi à infléchir ce mouvement-là.
04:56Alors, ils sont passés par des moments très, très difficiles.
04:59Quand la Grèce a fait faillite, vous imaginez ce que ça a fait dans les dépenses publiques.
05:03Le Portugal aussi, il y a quelques mois, a pris des mesures beaucoup plus dures que celles du gouvernement Barnier, par exemple.
05:09Beaucoup plus dures.
05:10Ça veut dire qu'il est possible de résoudre cette situation.
05:12Ça va demander beaucoup d'efforts.
05:14Ça va être dur et il va falloir faire des choix.
05:16Des choix qui sont éminemment politiques, parce qu'il va falloir trancher, baisser certaines dépenses.
05:20On peut estimer qu'il y a du gras, probablement, un peu partout.
05:25Mais derrière ce gras, il y a des vies, des citoyens qui ont besoin des services publics.
05:31Et donc, ça va être dur.
05:33Ce qui signifie qu'il n'y en aura plus pour tout le monde, malheureusement.
05:35Merci, en tout cas, pour cet éclairage.
05:38On vous rappellera, d'ailleurs, pour revenir sur ce sujet qui restera malheureusement d'actualité.
05:42Je rappelle François-Xavier Carayon.
05:44Votre livre Les États prédateurs s'est publié chez Fayard.