Avec Florent Martin, proviseur du lycée d'Argelès et responsable académique du syndicat SNPDEN UNSA

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00:00France Bleu Roussillon avec notre invité ce matin, Simon Kolbock.
00:02On parle de 7 minutes de silence aujourd'hui dans les collèges et lycées des Pyrénées-Orientales et de France.
00:07Oui, hommage à deux professeurs assassinés, Dominique Bernard et Samuel Paty.
00:11Dominique Bernard, professeur de lettres, il est mort tué dans son lycée du nord de la France, dans le Pas-de-Calais, à Arras.
00:17C'était il y a un an, le 13 octobre 2023. Samuel Paty lui était prof d'histoire-géo, il est mort il y a 4 ans,
00:25devant son collège en région parisienne, dans les Yvelines, le collège de Conflans-Sainte-Honorine.
00:29Bonjour Florent Martin, vous êtes le proviseur du lycée d'Argelès, le lycée bourgain.
00:33Vous êtes aussi le représentant dans l'académie du syndicat SNPDEN-UNSA, c'est le syndicat majoritaire parmi les personnels de direction.
00:41D'abord, très concrètement, Florent Martin, dans votre lycée, voire Argelès, ça va prendre quelle forme cette minute de silence ?
00:46Ça va se passer où et quand ?
00:48Alors, la minute de silence va être organisée au même moment dans tout l'établissement, à 14h,
00:53mais on laisse les élèves sous la responsabilité de leurs enseignants.
00:56Ça veut dire que ça se passe dans les classes ?
00:58Ça se passe majoritairement dans les classes, avec quelques ajustements pour les élèves qui ne sont pas en classe,
01:02et pour les personnels, il va y avoir des regroupements pour les personnels administratifs,
01:07mais sinon c'est 14h pour tout le monde dans les classes.
01:10Et ça, ça se passe comme ça à Argelès, mais ce n'est pas forcément la règle partout ?
01:13Tout à fait, on a reçu un courrier de la ministre il y a une dizaine de jours,
01:18qui nous laissait toute l'attitude pour organiser cet hommage.
01:21Il y a un temps d'échange en classe qui est prévu aussi ?
01:24Alors, c'est souhaitable, il peut avoir lieu durant toute la semaine.
01:30Moi, j'ai suggéré, en ce qui concerne le lycée d'Argelès, que ça se passe en amont de la minute de silence,
01:36parce qu'une minute de silence qui n'est pas expliquée, dont on ne sait pas forcément pourquoi on doit la faire,
01:41je trouve ça un petit peu compliqué.
01:43Ça veut dire que c'était la semaine dernière, c'est ce matin que ça va se passer ?
01:45Non, c'est ce matin, ou juste avant la minute de silence,
01:48que je demande aux enseignants de prendre un moment pour échanger avec les élèves.
01:52Pourquoi elle est importante cette minute de silence aujourd'hui, Florent Martin ?
01:55On a quand même vécu deux assassinats en quatre ans,
02:00ce sont quand même des événements traumatisants pour toute la communauté éducative,
02:05et ça fait partie de ce qui nous rassemble,
02:08que d'être capable de se remémorer ce genre de choses,
02:11en souhaitant évidemment que ça ne se reproduise pas.
02:14Est-ce que les élèves y sont sensibles ?
02:18Ça c'est difficile à dire, les élèves ça n'existe pas.
02:21Il y a des élèves, il y en a plein de différents,
02:24et donc il y a évidemment beaucoup d'élèves qui sont très sensibles à ça,
02:28il y en a beaucoup qui sont beaucoup plus indifférents,
02:30ça ne les touche pas directement, ils ne comprennent pas forcément de quoi il s'agit.
02:34C'est là que notre travail éducatif rentre en ligne de compte,
02:37parce qu'il faut absolument qu'on partage un petit peu ce qui s'est passé,
02:43et qu'on puisse être en mesure de l'expliquer,
02:45de le contextualiser et de le rendre intelligible pour nos élèves.
02:49C'est ce travail en amont dont vous avez parlé il y a quelques instants,
02:52est-ce que, tout de même cette minute de silence,
02:54ce travail en amont, cette perte d'échange,
02:56peut entraîner une forme d'autocensure, en tout cas de crainte chez certains enseignants ?
03:01Est-ce que ça existe ça ?
03:02Oui, la crainte elle peut exister évidemment.
03:05Encore une fois, on a deux collègues qui ont été assassinés,
03:09dont un d'ailleurs sans aucune relation avec un contexte d'enseignement,
03:15puisque Dominique Bernard n'avait pas évoqué la laïcité dans son cours.
03:21C'est totalement différent.
03:22Donc effectivement, on peut avoir des enseignants qui craignent,
03:27pas que des enseignants d'ailleurs,
03:30et c'est notre rôle de prendre en compte aussi ces inquiétudes et de les accompagner.
03:35Vous redoutez-vous personnellement des débordements ?
03:38On redoute toujours des débordements, on les prévient aussi.
03:41On est quand même mieux armés au fil du temps qu'on ne l'était auparavant.
03:46On essaie d'anticiper ces choses-là.
03:48Je pense que c'est le sens du message aussi de la ministre,
03:50que de laisser chaque établissement libre dans l'organisation de ce temps d'hommage.
03:55Concrètement, ça veut dire quoi mieux armés ?
03:58Ça veut dire qu'au d'abord, on a été formés.
03:59Tous les enseignants ont été formés, les chefs d'établissement aussi.
04:02Au fil des années, il y a eu un grand plan de formation.
04:05On a des spécialistes aussi à nos côtés dans les rectorats et dans les inspections académiques,
04:12des équipes de Valeurs de la République qui sont là pour nous accompagner.
04:15Quand on a des doutes ou des demandes, on a aussi des équipes mobiles de sécurité
04:19qu'on peut mobiliser si vraiment on a une inquiétude ponctuelle.
04:23Et puis derrière, on sait maintenant que ce genre de choses peut arriver.
04:27Et donc, on est plus dans l'anticipation que dans l'accompagnement.
04:30Très concrètement, il se passe quoi à 14h à Argelès, dans votre lycée,
04:33si jamais un élève ne respecte pas 7 minutes de silence ?
04:36Les enseignants savent qu'ils doivent signaler tout incident,
04:40tout ce qui leur paraîtrait relevé d'une provocation.
04:43Et ensuite, la prise en charge, par contre, elle relève de la direction de l'établissement.
04:47Donc c'est vous ?
04:48C'est nous.
04:49C'est moi qui vais derrière recevoir éventuellement l'élève
04:53qui n'aurait pas respecté la minute de silence,
04:56qui aurait pu avoir des propos déplacés,
04:58pour échanger avec lui ou avec elle sur cette situation
05:03et en tirer les conclusions qui s'imposent.
05:05Mais on est d'accord que l'immense majorité des élèves,
05:08ces dernières années, lors des minutes de silence en hommage à Samuel Paty,
05:11ont respecté ces minutes de silence ?
05:13Oui, bien sûr. Les incidents sont isolés.
05:15Il est notre invité pour ici, matin, ce lundi, Florent Martin,
05:18le proviseur du lycée d'Argelès et aussi représentant dans l'académie du SNP-DEN Ulsa.
05:23À travers cet hommage, Florent Martin,
05:25aujourd'hui, ce sont aussi les valeurs de la laïcité qui sont défendues.
05:28Les chiffres officiels montrent une hausse des atteintes à la laïcité
05:30ces dernières années dans les établissements scolaires.
05:33Est-ce que vous le constatez, vous aussi, dans les Pyrénées-Orientales,
05:35dans votre établissement d'Argelès ?
05:37Ou est-ce que finalement, ce sont des chiffres en trompe-l'œil
05:38parce qu'on les signale davantage, plus qu'auparavant, ces atteintes à la laïcité ?
05:43Alors effectivement, on n'a pas de recul sur ces atteintes à la laïcité.
05:46On les mesure aujourd'hui très précisément, mais depuis très peu de temps.
05:50Et je pense que ce serait hasardeux de considérer que ça augmente ou que ça diminue,
05:56ou que c'est stable.
05:57On les mesure aujourd'hui, peut-être dans 10 ans, 15 ans,
06:00on pourra dire qu'il y a une évolution.
06:02Ce qui est vrai, c'est qu'elles existent, il n'est pas question de les nier.
06:05Mais on les prend en compte beaucoup plus.
06:07C'est quoi ? Elles prennent quelles formes, ces atteintes ?
06:10Ça peut être... Il y a plusieurs formes.
06:13La plus commune, c'est des tenues qui ramènent ostensiblement l'élève à une croyance religieuse.
06:21Et là, c'est la loi de 2004 qui intervient.
06:25Mais ça peut être aussi des contestations de contenus d'enseignement.
06:28Ça peut être des refus de s'adresser à telle ou telle personne
06:32parce qu'on lui prête à elle-même ou à lui-même une religion qui ne nous convient pas.
06:37C'est tout ce qui va induire un comportement en raison de croyances religieuses.
06:42On a entendu tout à l'heure dans notre journal de 7h des lycéens de Perpignan, d'Arago ou de Picasso.
06:49Certains disaient que la laïcité, ça pouvait être aussi à géométrie variable.
06:52C'est-à-dire qu'un signe, quand on est musulman, la main de Fatma, par exemple,
06:56on doit la retirer très vite, la cacher, la dissimuler,
06:59alors que la croix catholique est plus tolérée.
07:02C'est ce que disent ces élèves. Est-ce que ça, c'est revenu à vos oreilles, par exemple ?
07:06Ce qui est vrai, c'est que la défense du principe de laïcité,
07:11ce n'est pas quelque chose qui va de soi
07:13et c'est quelque chose sur lequel on doit être dans le dialogue constamment avec les élèves.
07:17Le principe de laïcité, il ne doit pas être à géométrie variable, ce n'est pas possible.
07:24Et donc on doit être attentif à toutes les formes d'expressions religieuses.
07:27À partir du moment où les signes sont ostensibles,
07:30ils portent préjudice au principe de laïcité et on doit intervenir.
07:36Merci beaucoup Florent Martin.
07:37Je rappelle que vous êtes le proviseur du lycée d'Argelès, le lycée Bourquin,
07:40et vous êtes aussi, au niveau de l'académie, le responsable du syndicat SNPDEN.
07:45Une SA, c'est le syndicat majoritaire parmi les personnels de direction.
07:50Bon courage pour cette journée d'hommage,
07:52parce que j'imagine qu'il y aura évidemment beaucoup d'émotions aussi
07:54dans tous les collèges et les lycées de France, et notamment dans le vôtre, Argelès.
07:58Bonne journée à vous.
07:59Merci.

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