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00:007h44, le mémorial de Rivezalte, fête donc ses 10 ans Simon Kolbock.
00:05Depuis 2015, ce mémorial est devenu une étape incontournable de l'histoire des Pyrénées-Orientales et du XXe siècle.
00:12Simon, votre invité connaît très bien le sujet.
00:14Bonjour Denis Péchanski.
00:15Bonjour.
00:16Merci d'être avec nous ce matin.
00:18Vous êtes historien, vous êtes directeur de recherche et mérite au CNRS
00:21et vous avez été le président du conseil scientifique du mémorial de Rivezalte pendant de nombreuses années.
00:25D'abord, la naissance de ce mémorial Denis Péchanski,
00:29ça a été un véritable combat pour le construire.
00:31Racontez-nous, il a fallu mettre d'abord tous les politiques d'accord.
00:34Avant même les politiques, il y a eu une mobilisation spectaculaire de la société civile.
00:40Chez les journalistes, et puis les personnalités, Claude Vaucher, quelques autres.
00:50Mais une fois cette mobilisation faite, une fois le relais par Serge Glasfeld
00:58qui sera présent très nombreuses années pour accompagner la référence historique sur le sujet.
01:05Une fois, Christian Bourquin, parce que c'est ça qui a été le moment, l'élément décisif une fois,
01:14Christian Bourquin peut le préciser, ancien président du département et de la région,
01:19qui est décédé à l'été 2014, quelques mois seulement avant l'ouverture du mémorial de Rivezalte.
01:27Un an avant, c'était bien triste.
01:29Mais oui, effectivement, il a été élu président du Conseil Général en 1998.
01:35Il avait mis en premier de son programme la mise en place de ce mémorial.
01:41Et après, il faut trouver des soutiens, il faut trouver de l'argent, ça n'est jamais facile.
01:47Et ça a été très long, puisque moi il m'a contacté à la fin 2000.
01:54Et on a travaillé ensemble et avec toutes les équipes sur place, déjà,
01:59jusqu'à déjà un concours d'architectes permettant le choix d'un des plus grands architectes au monde,
02:09Rudi Ricciotti, qui a fait ce geste incroyable d'un bâtiment aux deux tiers enterrés.
02:16Il a tout compris, pour ceux qui ne connaissent pas encore Rivezalte,
02:20vous savez, le bâtiment qui, au lieu de s'imposer au site, c'est le site qui s'impose au bâtiment.
02:26Il démarre au ras du sol et il termine 200 mètres plus loin, au niveau du fait des baraques.
02:33Parce que l'élément absolument crucial dans ce site, c'est que les baraques sont encore là,
02:41certes à moitié détruites ou deux tiers détruites, mais on les voit, le paysage est encore présent.
02:47Et c'est très frappant parce que c'est l'un des très très rares sites,
02:51même le seul site sur cette question et sur cette période à être dans cet état.
02:56Alors ce mémorial, ça a aussi été un challenge pour l'historien que vous êtes,
03:00celui de rassembler sur un site unique des mémoires très différentes.
03:03Parce que le camp de Rivezalte, il a vu passer les républicains espagnols,
03:08il a vu passer, durant la seconde guerre mondiale, des juifs qui ont ensuite été déportés,
03:13des harkis, ensuite après la guerre d'Algérie, on oublie pas aussi les prisonniers de guerre allemands.
03:18C'est un lieu unique en son genre.
03:19Comment est-ce que vous avez appréhendé cette difficulté, ce pluralisme finalement de mémoire ?
03:24Vous pointez la question fondamentale qui est posée parce qu'il y a unité de sites,
03:30mais vous avez plusieurs histoires.
03:33Et la première question que m'a posée Christian Bourquin et qu'on a eu à traiter ensemble,
03:39c'était comment associer cette pluralité d'histoires dans une forme d'unité,
03:46une sorte de ligne rouge qui fait le lien entre tout cela,
03:50et on a trouvé très rapidement ce qui faisait le lien.
03:55C'est les personnes déplacées de force, et qui se trouvent enfermées
04:04dans le grand siècle à la fois des camps, des guerres et des enfermements qu'est le XXe siècle.
04:13Vous me direz, le XXIe n'a pas commencé beaucoup mieux,
04:16mais vraiment pour la France, c'était très symptomatique d'avoir ces deux grands moments,
04:22Deuxième guerre mondiale et guerre d'Algérie.
04:25Et en même temps, il fallait arriver à rendre compte de cette unité
04:29et bien montrer qu'on avait des histoires singulières et différentes.
04:34Ici Rousseillon, notre invité ce matin, un historien directeur de recherche et mérite au CNRS, Denis Péchanski,
04:40et on parle des 10 ans du camp de Rivezalte, Simon Colbert.
04:43Le mémorial de Rivezalte qui accueille ces dernières années un peu plus de 40 000 visiteurs par an.
04:48J'ai envie de dire Denis Péchanski, seulement 40 000 visiteurs, avec beaucoup de scolaires.
04:53Pourquoi est-ce que selon vous, malgré le nombre de touristes très important
04:57qui vient chaque année dans le département des Pyrénées-Orientales,
05:00pourquoi est-ce que le mémorial n'attire pas plus de monde ?
05:03A titre de comparaison, le mémorial de Caen, que vous connaissez aussi très bien,
05:06c'est quasiment 20 fois plus de visiteurs. On est quasiment à 800 000 visiteurs par an à Caen.
05:11Pas exactement. 800 000, c'est tous les sites confondus.
05:15Sur le mémorial de Caen lui-même, dont j'ai présidé le conseil scientifique pendant pas mal d'années,
05:22on est plutôt à 400 000, mais c'est quand même beaucoup plus que ce qu'accueille Rivezalte.
05:30Alors, c'est plus ancien, la symbolique est plus forte à travers le débarquement,
05:36c'est une histoire plus longue, il y a tout un réseau sur place, un réseau de sites, d'histoires,
05:43mais c'est vrai que Rivezalte, c'est à la fois en progression et en même temps insuffisant.
05:48Et c'est insuffisant parce qu'il y a un problème d'accessibilité en particulier,
05:53parce qu'il y a un problème de coordination sans doute des lieux de mémoire.
05:58Mais ça, ça commence beaucoup à bouger grâce à Céline Salaponce, la nouvelle directrice,
06:04qui est très liée à l'Espagne et à la Catalogne en particulier.
06:08Il y a des liens maintenant très très étroits avec les sites de l'autre côté de la frontière.
06:14J'ai eu l'occasion aussi de sceller un accord avec le secrétariat d'État
06:20à la mémoire historique en Espagne il y a quelques années,
06:25pour en faire le lieu de mémoire aussi des Espagnols, à la fois les réfugiés
06:30et de ce qu'ils appellent le loco, ce qu'on appelle chez nous la Shoah,
06:34puisque c'est évidemment beaucoup plus accessible qu'à Auschwitz pour ceux qui sont du côté espagnol.
06:41Alors du côté français aussi, ça devrait être un lieu,
06:43et ça devrait être un lieu d'autant plus important que...
06:48Et moi je l'ai constaté pendant plus de 20 ans, 22 ans,
06:53présidé ce conseil scientifique qui était vice-président du comité de pilotage,
06:56c'est de voir comment quand les Espagnols viennent,
07:02bon ils viennent pour leur histoire, mais en même temps ils découvrent ce qu'ils ne la connaissent déjà,
07:08l'histoire des Juifs, l'histoire des Tziganes, l'histoire des Harkis,
07:12et la même chose pour les Juifs, et la même chose pour les Harkis,
07:19c'est le principal site de mémoire des Harkis.
07:22Est-ce que s'il y a entre guillemets seulement 40 000 visiteurs par an à Rivezal,
07:26ce n'est pas aussi parce qu'on a tout simplement du mal, nous aussi, habitants des PO français,
07:30à nous approprier cette partie de l'histoire qui n'est pas glorieuse pour la France ?
07:34Je sais que ce n'est pas glorieux, mais ce n'est pas ça qui bloque à mon avis.
07:38Ce n'est pas ça qui bloque, il y a un problème purement de mobilisation
07:47pour permettre une accessibilité beaucoup plus simple, beaucoup plus évidente.
07:52Il n'y a pas de bus qui relient régulièrement la gare au site.
07:59Vous trouvez qu'on ne le met pas assez en avant, par exemple auprès des touristes,
08:03on leur vend la plage, le canigou, mais pas le mémorial ?
08:06Oui, il faut peut-être aussi parler de cette histoire, alors évidemment on se dit
08:10que quand on veut bronzer l'été, c'est plus simple, mais vous savez,
08:14ceux qui viennent au mémorial de Caen, ils ont aussi tout un espace consacré à l'extermination des Juifs.
08:21Et ils viennent, et pourtant ils viennent aussi l'été.
08:24Donc je pense qu'il faut penser à ça, et puis au-delà de l'été, effectivement,
08:28il faut que ça soit systématique du côté des scolaires, et il faut que ça se voie.
08:35Vous connaissez l'autoroute comme moi ? Vous voyez une sortie spéciale ?
08:41Il y a des panneaux pour l'homme de Tautavel, il faudrait peut-être en mettre un petit peu plus
08:45pour le mémorial de Rivezalde. Merci beaucoup Denis Péchanski,
08:49on arrive à la fin de cet entretien, je rappelle que vous êtes historien et que vous avez été le président
08:53du conseil scientifique du mémorial de Rivezalde pendant de nombreuses années.
08:55Les 10 ans du mémorial, ça commence dès demain avec plusieurs conférences
08:59et il y aura des événements prévus tout au long de cette année.
09:01Merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin, l'invité d'ici Roussillon, Denis Péchanski,
09:05je vous souhaite une excellente journée.
09:07Merci à vous.