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Le maire de Cléon, dans les Alpes-Maritimes, a décidé d'attaquer les porte-monnaie des parents lorsqu'un de leur enfant dégrade du mobilier urbain. Une sanction qui s'apparente à une punition pour l'opposition. 

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Transcription
00:00Dans l'actualité également, ce matin, une décision qui fait beaucoup réagir.
00:04Le maire de Cléon, cette ancienne maritime, a décidé d'appliquer un principe assez simple.
00:08Les parents d'enfants qui dégradent des équipements municipaux doivent rembourser.
00:13Autrement dit, tu casses, eh bien tu payes.
00:15Alors comment ça se passe ? On va voir ça dans le détail avec nos éclaireurs.
00:19L'éclaireur du jour, Benjamin Dubois, bonjour.
00:22Bonjour Philippe.
00:22Alors quel est le principe précisément ?
00:24Eh bien Philippe, le maire a décidé de hausser le temps.
00:26Il ne veut plus assumer le coût des réparations à la suite des dégradations sur des bâtiments et des équipements municipaux
00:33causés par des délinquants mineurs de la ville.
00:36Agacé, le maire notamment, des portes fracturées ou des extincteurs vidés.
00:40Il fera maintenant payer les parents de mineurs auteurs de ces faits.
00:45Une mesure qui a été actée lors du dernier conseil municipal
00:49pour permettre la mise en place d'une procédure de refacturation auprès des familles
00:55qui soient l'auteur mineur identifié selon la mairie.
00:57La mesure, elle a déjà été appliquée pour trois familles dont les enfants avaient joué à vider les extincteurs d'une enceinte sportive.
01:05Les responsables de ces mineurs doivent s'acquitter du remboursement d'une partie des frais de remplacement à hauteur de 300 euros.
01:13Cette décision, elle est assumée par le maire de Cléon, maire d'Yvergauche, Frédéric Marche,
01:18qui ne voyait pas d'autre solution.
01:20On va l'écouter tout de suite.
01:23Ça se fait dans la discussion.
01:24Tout le monde a validé sa responsabilité.
01:26Je leur ai dit, écoutez, il va falloir payer une partie du coût des dégradations.
01:31Les familles que nous avons rencontrées, ce ne sont pas des familles qui roulent sur l'heure,
01:34donc il y a aussi une prise en compte de leurs moyens financiers.
01:37Mais simplement, je pense qu'il est temps de dire les choses
01:41et puis surtout de faire comprendre que le fait de faire payer,
01:47ça peut peut-être faire réfléchir ceux qui seraient tentés de continuer les dégradations.
01:51Donc depuis ces quelques mois, touche du bois comme on dit,
01:57nous n'avons pas de faits majeurs.
02:00Mais cette décision de toucher aux portes-monnaies des parents,
02:02elle ne fait pas l'unanimité chez les habitants.
02:05De Cléon, on va en écouter certains d'entre eux.
02:08Je suis d'accord, mais il faut qu'on fasse attention quand même.
02:11Il faut parler doucement, leur expliquer.
02:13Je trouve ça tout à fait normal.
02:14C'est le rôle des parents d'éduquer son enfant pour qu'il ne fasse pas tout et n'importe quoi.
02:19Les parents, ils vont faire plus attention à leur enfant, à ce qu'ils font.
02:22À Cléon, il y a de la vidéosurveillance et le maire réfléchit aussi
02:25à la possibilité de créer une police intercommunale.
02:28Merci beaucoup, Benjamin. On va vous retrouver dans un instant.
02:31Avant cela, on va aller voir Ibrahim Dem.
02:33Bonjour, vous êtes conseiller municipal d'opposition de Cléon.
02:37Cette décision, ce principe du « tu casses, tu payes », ça ne vous convient pas ?
02:43Absolument pas.
02:45Le « tu casses, tu payes », à un moment donné, il va falloir remettre les choses dans leur contexte.
02:51On ne peut pas être dans cette approche systématique « tu casses, tu payes ».
02:56Pourquoi ? À partir du moment où ce sont des équipements municipaux
02:59qui ont été payés par les impôts, par la collectivité,
03:02dire qu'on rembourse ce que les autres habitants,
03:05ce que les autres citoyens ont payé ?
03:09Là où je ne remets pas en question les choses, c'est sur la nature de la dégradation.
03:13Moi, là où j'interviens, ou en tout cas là où je me positionne,
03:17c'est sur cette approche qu'on doit avoir en amont.
03:19Moi, l'accompagnement doit se faire en amont.
03:21On doit pouvoir avoir une politique d'anticipation,
03:24qu'elle soit sociale ou qu'elle soit éducative ou culturelle,
03:27pour prévenir ce genre de comportement.
03:29Moi, je suis plus positionné sur cette approche-là des choses.
03:33Mais est-ce que l'un empêche l'autre ? Est-ce qu'on ne peut pas faire de la prévention ?
03:36Et quand il y a dégradation type les extincteurs de la ville
03:39et qu'il faut payer 300 euros pour remplacer les extincteurs de la ville,
03:42on dit que ce n'est pas aux citoyens qui ont déjà payé leurs impôts locaux
03:45de payer en plus les dégradations de certains ?
03:49Je pense que là, le problème est tout autre.
03:51C'est-à-dire que quand vous dites l'un n'empêche pas l'autre,
03:53je ne suis pas forcément d'accord avec cette thèse.
03:56Là, moi, je suis sur une configuration où la sanction financière
04:01doit être une solution lorsqu'il n'y a plus de solution.
04:05Je ne suis pas partisan du fait qu'une sanction financière
04:08viendrait à compenser les impôts de certains.
04:10Je suis là à dire qu'on a une jeunesse sur un territoire donné
04:13et même sur d'autres territoires qu'il faut accompagner.
04:16Et au-delà de vouloir stigmatiser la jeunesse et certaines familles
04:19dans leur environnement, même lié à la précarité,
04:22je suis plus à dire que là, on est sur une approche
04:25qu'il va falloir mesurer et qu'il va falloir même statistiquer.
04:29D'une certaine manière, j'invente le mot, mais bon.
04:31Il y a les statistiques qui le prouvent.
04:33Vous prenez un ministère de la Justice
04:35qui va aller chercher à appliquer des sanctions pénales financières.
04:39Le taux de récidive est proche des 50 %,
04:41donc à un moment donné, il va falloir être beaucoup plus cohérent
04:44et des sanctions dites réparatrices.
04:46Est-ce qu'on peut parler de sanctions ?
04:48Parce que là, il ne s'agit pas d'une amende,
04:50il s'agit de dire ce que vous avez cassé, vous rembourser
04:52ce que vous avez payé.
04:53Vous ne payez pas plus, vous payez ce que vous avez cassé.
04:56Ce n'est pas une sanction, en effet, dans le terme,
04:58c'est une punition.
05:00Ou une réparation.
05:02La sanction, elle est forcément réparatrice.
05:04La réparation, c'est de pouvoir impliquer la personne
05:07dans la considération de ce qu'elle fait,
05:09dans la prise de conscience de ce qu'elle fait.
05:11Là, on est sur une réparation.
05:13Une réparation sans sens, ça ne s'appelle pas une sanction,
05:15ça ne s'appelle pas une punition, d'une certaine manière.
05:17Vous restez avec nous.
05:19Ce qui est intéressant, évidemment, c'est de comprendre aussi
05:21ce que dit la loi en la matière.
05:23Benjamin, on vous retrouve.
05:25La loi, elle dit quoi sur cette question de réparer
05:28quand on a cassé ?
05:29Cette disposition, elle est prévue dans le Code civil
05:31par l'article 1242 qui prévoit que l'on est responsable
05:34du dommage causé par le fait
05:36des personnes dont on doit répondre.
05:39Le père et la mère,
05:41en tant qu'ils exercent l'autorité parentale,
05:44sont solidairement responsables
05:46du dommage causé par leurs enfants mineurs
05:49habitant avec eux.
05:51Et si les parents sont séparés,
05:53en juin 2024, la Cour de cassation des Bouches du Rhône
05:55a fait évoluer le droit.
05:57Selon l'arrêt de la Cour, les deux parents seront responsables
05:59même si le mineur ne réside que chez l'un de ses parents.
06:03Parmi les mesures possibles pour un maire,
06:05il y a le rappel à l'ordre.
06:07Il est prévu par l'article L132-7 du Code de sécurité intérieure.
06:11Et il y a également l'article 44-1 du Code de procédure pénale
06:16qui indique que le maire peut,
06:20en tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement,
06:24proposer en contrevenant une transaction
06:26consistant en la réparation du préjudice
06:29résultant de dégradations sur des biens.
06:31Merci beaucoup Benjamin, vous maîtrisez parfaitement le droit.
06:33Dylan Slama, bonjour.
06:35Vous êtes avocat pénaliste, merci de nous avoir rejoints.
06:37C'est assez clair dans la loi. Dans les faits, ça l'est un peu moins.
06:40Dans les faits, c'est un peu à l'abré-appréciation aussi
06:43de ceux qui ont pour charge de faire appliquer la loi.
06:45La loi le permet et la loi l'a toujours,
06:47en tout cas depuis très longtemps, permis.
06:49Et je précise d'ailleurs que c'est valable pour les enfants
06:51et sans comparaison aucune, c'est la même chose pour les animaux.
06:53Lorsqu'un animal de compagnie crée un dommage,
06:56de la même manière, la loi permet qu'il y ait réparation.
06:59Donc ensuite, effectivement, c'est une question d'usage,
07:01de choix politique, mais il y a toujours une possibilité
07:04d'obtenir réparation puisque c'est ce que la loi prévoit.
07:07Il faut employer quel terme ?
07:09Parce que c'était la bonne discussion qu'on avait
07:11avec Monsieur Demme qui est toujours avec nous.
07:13C'est une sanction ? C'est une réparation ?
07:15C'est quoi le bon terme ?
07:17C'est le code civil. Comme on est sur le code civil
07:19et pas sur le code pénal, effectivement,
07:21on est beaucoup plus proche de la réparation
07:23que de la sanction ou de la punition.
07:25C'est le code pénal et le code de procédure pénal
07:27qui prévoit comment est-ce que l'on punit
07:29les individus pour les crimes, les délits
07:31ou même les contraventions qu'ils auraient commis.
07:34Là, effectivement, le code civil, c'est autre chose.
07:36On n'est pas dans des dommages-intérêts.
07:38On est simplement dans la simple réparation
07:40du point de vue du code civil.
07:42Après, il est aussi possible, dans un autre cadre,
07:44qu'il y ait des sanctions, des punitions.
07:46Et parfois, les parents peuvent être responsables pénalement
07:49du fait des agissements néfastes de leurs enfants.
07:53C'est aussi quelque chose qui est possible,
07:55mais on ne s'inscrit pas pour l'instant dans ce cadre-là.
07:57– Vous, l'avocat que vous êtes, si vous défendiez
07:59les parents de ces enfants qui ont cassé
08:01les extincteurs de la ville pour 300 euros,
08:03vous diriez quoi ?
08:04– Ce qu'il faut chercher, surtout,
08:06c'est est-ce que c'est véritablement eux ?
08:08Si vous voulez, c'est ça la seule question.
08:10Est-ce que le lien de causalité est véritablement établi ?
08:12Est-ce qu'il y a, par exemple, une défaillance, peut-être,
08:15de surveillance, d'encadrement à l'école ou ailleurs
08:19qui, justement, a conduit à cela ?
08:21Si jamais les enfants sont censés en être encadrés,
08:23il y a des lois qui régissent ça, par exemple,
08:25ça doit être un adulte pour 12 enfants.
08:27Si jamais on se rend compte qu'il y avait 25 enfants
08:29dans un cadre, pas scolaire, dans un cadre d'animation,
08:32si on se rend compte qu'il n'y avait pas suffisamment d'encadrants
08:34pour encadrer les enfants parce que c'est la faute
08:36de l'administration publique, à ce moment-là,
08:38on a envie de répondre, bah non, mais écoutez,
08:40il n'y a pas suffisamment d'encadrants
08:42et il n'y en a pas suffisamment y compris au terme de la loi,
08:45ceci peut expliquer cela.
08:46C'est un exemple, il y en a sans doute beaucoup d'autres.
08:48Il faudrait voir le dossier, voir les différents éléments.
08:50Mais il y a potentiellement des raisons
08:52qui peuvent expliquer, voire même justifier
08:54les dommages qui auraient pu être commis par des enfants.
08:56– Ibrahim Demme, si le maire a pris cette décision aussi,
08:59en conseil municipal, ça a été voté,
09:01c'est aussi parce que, dit-il,
09:03beaucoup d'administrés en ont marre
09:05de voir les installations publiques dégradées.
09:10Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
09:13– Je dis que dans le beaucoup, il y a une notion de proportion,
09:16comme on peut spécifier,
09:18que beaucoup également d'administrés et moins habitants de clients
09:22se plaignent également de d'autres questions
09:24qui sont liées à la jeunesse, à l'accompagnement de la jeunesse,
09:27aux dynamiques sociales, aux politiques sociales
09:29mises en place sur le territoire.
09:31Quand on dit beaucoup dégrade, ça justifie d'une certaine manière
09:34de passer d'une délibération qui, à mon sens,
09:36est plus proche de l'autoritarisme
09:38que de démontrer une forme d'autorité légitime
09:40à faire ce qu'on fait.
09:42Deux poids, deux mesures, d'une certaine manière.
09:44– Comment on fait pour sensibiliser concrètement des jeunes qui ont,
09:48on garde cet exemple d'extincteurs, mais ce n'en est qu'un évidemment,
09:51qui dégradent des extincteurs ?
09:52Qu'est-ce qu'on fait ?
09:53Comment on leur fait prendre conscience
09:54que ce n'est pas bien et qu'il ne faut pas recommencer ?
09:57– Comme je l'ai un peu abordé au démarrage,
09:59je pense que la politique d'accompagnement, en tout cas sociale,
10:02au travers de la médiation tout simplement,
10:04ou des actions civiques et citoyennes,
10:06c'est ce que j'ai pu conduire depuis 2009
10:08en créant une association sur clients
10:10dans laquelle je voulais justement lutter
10:12contre cette stigmatisation faite aux jeunes dits quartiers.
10:16Et donc j'ai œuvré d'une certaine manière pendant 10 ans
10:19pour qu'on puisse accompagner cette jeunesse
10:22en pleine problématique, en tout cas en pleine transgression,
10:26à pouvoir comprendre pourquoi du coup,
10:29il faut avoir une place dans la société.
10:32– Maître, la grande question c'est de savoir aussi
10:34comment on remet les parents dans le jeu.
10:36C'est aussi ça que veut faire le maire,
10:38c'est de dire vous êtes responsable de ce que font vos enfants,
10:41vous ne pouvez pas leur laisser faire n'importe quoi.
10:43– Bien sûr, c'est pour ça que c'est aussi une décision politique,
10:46mais encore une fois qui est permis par les codes
10:48et qui est permis par les différents textes normatifs et législatifs.
10:51Donc ensuite, il y a aussi des questions d'orientation politique
10:54et alors là pour le coup, il y a des élections municipales bientôt
10:57et ça va être aux citoyens de se prononcer sur la question
10:59de savoir est-ce que cette décision, elle a donc une portée
11:02et une espèce d'adoumement populaire s'il est réélu,
11:04ou est-ce qu'au contraire ça fait partie des choses
11:06que les citoyens vont pouvoir remettre en question.
11:08Mais il y a, et c'est important, au-delà des textes de loi,
11:11un choix politique qui doit pouvoir être assumé,
11:13c'est ce qu'a fait ce maire, bientôt il y aura des élections
11:15et le peuple tranchera.
11:16– Merci beaucoup, merci Brahim Deme d'avoir été avec nous ce matin
11:19en direct dans le live.

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