À l’issue de la semaine d'Art Basel Paris, le dernier rapport Art Basel & UBS sur le comportement des collectionneurs a été publié. Il confirme les difficultés du marché avec une tendance à la baisse des dépenses chez les profils les plus fortunés (HNWI). En 2023, la dépense moyenne des collectionneurs a chuté de 32 %, s’établissant à 363 905 $. En revanche, la dépense médiane est restée stable en 2022 et en 2023, autour de 50 000 $, suggérant que la baisse concerne surtout le segment supérieur du marché. Cette évolution reflète un resserrement notable parmi les plus gros acheteurs, même si la base de collectionneurs reste active.
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00:00Art Basel et UBS ont publié un rapport sur le comportement des collectionneurs qu'ils
00:09appellent « high net worth individual ». Ce sont ces collectionneurs qui ont une valeur
00:15individuelle supérieure à 1 million de dollars hors immobilier.
00:19C'est une analyse sur l'année 2023 et le premier semestre 2024.
00:24Nous allons analyser les conclusions importantes de ce rapport avec Delphine Brochand, qui
00:29est spécialiste dans la gestion de patrimoine artistique et fondatrice de Fine Art Consulting.
00:33Merci beaucoup d'être avec nous.
00:35Merci de votre invitation.
00:36On a vu qu'il y avait pas mal de rapports qui notent une année plus morose, qui notent
00:44une année difficile du marché de l'art.
00:46Et on remarque dans ce rapport qu'il y a tout de même une baisse de la dépense moyenne
00:52des collectionneurs, c'est high net worth, mais une stabilisation de la valeur médiane.
00:59Il marque bien cette différence entre dépense moyenne et dépense médiane.
01:03Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi il y a une baisse de la dépense moyenne et
01:10une stabilisation de la dépense médiane ?
01:11Je pense tout d'abord du fait notamment de la résilience du marché, que cette baisse
01:18de valeur moyenne est due à la réduction du haut du panier des transactions du marché
01:25de l'art.
01:26Puisqu'il y a eu peut-être moins de liquidités en circulation pour le marché de l'art, dû
01:32notamment au climat incertain, géopolitique, des guerres, inflation, etc.
01:37Il y a eu effectivement une certaine raréfaction sur des montants plus importants.
01:43Pour autant, ça reste quand même des montants relativement élevés, si on regarde ces montants-là,
01:50parce que cette étude est, comme vous le disiez très justement, sur cette population
01:55qui a des liquidités hors assets real estate et commerciaux supérieurs à un million de
02:03dollars.
02:04Mais il ne faut pas oublier que la moyenne des transactions dans le monde, si on est
02:06en dehors de ce secteur des high net worth individuals, confondue pour les ventes aux
02:11enchères et les ventes privées, c'est aux alentours de dix mille dollars.
02:14Donc, ça reste quand même quelque chose de positif.
02:16Et puis, ne pas oublier aussi que le segment de marché sur lequel il y a la plus importante
02:24des progressions, ça concerne le segment de marché au-delà des dix millions de dollars.
02:29En fait, les progressions les plus importantes sur les acquisitions sont faites sur les segments
02:36de marché qui sont des transactions au-delà de dix millions de dollars.
02:42Et vous nous avez parlé de ces raisons qui sont peut-être exogènes au marché, donc
02:47guerre, crise économique, etc., un climat incertain.
02:51Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui peuvent être peut-être liés plutôt à des
02:56facteurs internes, endogènes au marché de l'art ?
03:00Oui, tout à fait.
03:01Bon, ces événements, évidemment, on ne peut pas passer outre.
03:04On ne peut pas effectivement faire l'économie de ce climat incertain géopolitique et penser
03:12qu'il n'a absolument aucun impact.
03:14Mais c'est vrai qu'il y a des éléments aussi endogènes et, je pense, spontanément,
03:20et c'est ce qu'on peut en tout cas constater dans notre quotidien, que ça concerne la
03:25correction de marché, particulièrement qui a été opérée sur le secteur de l'art
03:32contemporain et plus particulièrement sur les artistes qui ont été surmarkétés,
03:40voire surcotés, que ce soit par des maisons de vente ou par des galeries, avec des prix
03:45qui nous semblaient d'ailleurs parfaitement incohérents, quand vous voyez des artistes
03:50qui ont parfois moins de dix ans d'existence ou à peine une dizaine d'années d'existence
03:56et qui peuvent avoir des prix qui sont alignés avec les artistes historiques tels qu'un
04:02Picabia ou un Nicolas de Stal.
04:06Et je pense que ça impacte effectivement considérablement le marché.
04:12C'est-à-dire qu'il y a eu cette correction qui a été faite, mais de la part des marchands,
04:17et du coup, les grands collectionneurs les plus fortunés ont émis des réserves sur
04:24l'achat de ces œuvres-là parce qu'ils ont eu un manque de confiance par rapport
04:27aux prix.
04:28C'est ça que vous souhaitez nous dire ?
04:29Oui, je pense que vous avez effectivement mis le doigt sur le facteur le plus important
04:34parce qu'on s'interroge s'il y a eu ou pas une crise économique du marché, donc
04:39par rapport aux éléments exogènes que vous venez de citer, oui, il y a une partie de
04:47crise économique, mais je suis intimement persuadée que le vrai souci, s'il y a pu
04:54avoir un frein à certains niveaux du marché, concerne davantage une crise de confiance
04:59pour des raisons tout à fait légitimes et normales quand on voit des bulles spéculatives
05:04extrêmement importantes qui ont pu s'opérer, notamment toujours dans le secteur du contemporain.
05:09Vous prenez un exemple concret, j'ai eu le cas il y a quelque temps avec un artiste
05:13contemporain qui faisait les couvertures des catalogues de vente aux enchères, des décelles
05:20chez Christie's Sotheby's il y a encore quelques années, et cet artiste, Arlene Groby, qui
05:25se vendait aux alentours de 200 000 dollars et qui aujourd'hui est valorisée aux alentours
05:30de 60 000 dollars, mais sur lequel, même si vous vouliez le vendre aux alentours de
05:3460 000 dollars, vous avez du mal à avoir un marché secondaire.
05:37Je lisais ce matin qu'il y a une artiste américaine, je ne me souviens plus de son
05:41nom, mais une artiste américaine d'environ 32 ans, qui a été soutenue par des grandes
05:47galeries et dont la valeur s'est carrément écroulée entre 80 et 90%.
05:54Donc évidemment, il y a certains cas isolés, Dieu merci, ce n'est pas le cas pour l'ensemble
06:00du marché, mais il est tout à fait légitime que si on se met à la place de ces acheteurs
06:05qui font les foires ou les maisons de vente et qu'ils reçoivent un discours particulièrement
06:11élogieux et même rassurant sur des artistes contemporains et qui voient peu de temps après
06:19une cote s'écrouler, il est certain que, je pense que pour certains, ça peut considérablement
06:25les freiner dans leurs acquisitions, pour d'autres, ils vont peut-être continuer à
06:28soutenir la scène émergente parce qu'on le voit dans le rapport, il y a toujours plus
06:31de la moitié des achats qui sont faits vers des artistes émergents, mais il va y avoir
06:37des montants qui vont être inférieurs, ces montants-là aujourd'hui sont aux alentours
06:41entre 50 et 100.000 dollars, aujourd'hui, ils seraient inférieurs à 50.000 dollars
06:47et ça nous permettrait peut-être de faire le lien et d'avoir une meilleure compréhension
06:51avec cette valeur moyenne aujourd'hui, dont vous parliez tout à l'heure, qui a été
06:57en baisse.
06:58Justement, comment tout ce qu'on a dit peut se répercuter sur le comportement des acheteurs,
07:03est-ce qu'ils vont se tourner vers des acteurs du marché de l'art spécifiquement, on voit
07:06que ça tourne de plus en plus vers des galeristes et des marchands, peut-être des personnes,
07:12des êtres humains avec lesquels ils peuvent avoir des relations directes et non pas des
07:16ventes en ligne, mais est-ce qu'il y a un portrait robot de l'acheteur qui va être
07:25modifié par rapport à tout ce qu'on vient de dire ?
07:27D'abord, quand vous parliez des rapports humains et peut-être pas que des personnes
07:33en ligne, ce rapport disait une chose très intéressante sur ces high net worth individuals,
07:37ils sont toujours environ 88% achetés en présentiel, donc évidemment, cette approche
07:43humaine que vous soulevez à juste titre, elle est extrêmement importante puisqu'on
07:47touche à l'intime des personnes quand on les accompagne pour une acquisition d'oeuvres
07:53d'art.
07:54Aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a eu un intérêt marqué dans ce rapport, plus important
08:00pour les personnes qui ont acheté envers les galeries, je pense que ça pourrait s'expliquer
08:03parce que les galeries ont peut-être une dimension humaine plus importante avec un
08:09contact d'emblée plus facile, même si vous avez des gagosiens ou des other animals qui
08:16sont installés sur les quatre coins de la planète, c'est vrai que vous avez une dimension
08:20qui vous met plus à l'aise que quand vous rentrez dans une maison de vente.
08:24Quand vous visitez les foires également, même si vous êtes novice, c'est extrêmement
08:28facile de pouvoir entrer en contact avec les propriétaires et les décideurs des galeries,
08:34donc je pense que ça permet effectivement de pouvoir rassurer les éventuels acquéreurs,
08:40mais il y a aussi d'autres critères que je trouve intéressants à soulever, notamment
08:44la ligne artistique que vous avez dans des galeries, vous prenez une excellente galerie
08:48comme Applica-Prazen, Franck Prazen va toujours présenter le même titre d'artiste, il soutient
08:55Ecole de Paris, Après-Guerre, etc. depuis un certain nombre d'années, on l'a vu encore
08:59à Art Basel, vous aviez un superbe de Stahl, Soulages, Artung, etc. Donc les clients se
09:05retrouvent sur un terrain confortable et quand vous regardez les lignes de développement
09:10et business model aussi des maisons de vente aujourd'hui, même si ça reste des maisons
09:14de vente aux enchères parce que vous avez toujours des enchères qui s'y tiennent,
09:18pour autant vous avez des business development qui sont aujourd'hui beaucoup plus diversifiées.
09:23On peut davantage parler d'ailleurs de Luxury Center dont le Fine Art va devenir une business
09:28unit, alors ça ne veut pas dire que ce n'est pas bien parce que je pense qu'ils ont complètement
09:32raison de profiter des synergies qu'il peut y avoir entre le luxe et l'art, mais peut-être
09:38que les clients aussi s'y retrouvent un petit peu moins.
09:42Merci beaucoup Delphine Brochand de nous avoir aidé à analyser les conclusions importantes
09:46de ce rapport. Je rappelle que vous êtes spécialisée dans la gestion de patrimoine
09:50artistique et fondatrice de Fine Art Consulting.
09:52Merci beaucoup et je voudrais rajouter juste une dernière chose pour vos auditeurs, de
09:57jamais oublier que ce n'est pas le prix de l'oeuvre qui fait sa qualité, mais bien
10:02la qualité qui fait le prix d'une oeuvre.
10:05Merci sur ces bonnes paroles, je vous remercie à tous et à toutes de nous avoir suivi.
10:09C'était Arrêt Marché.