• il y a 11 heures
Avec Eric Daniel-Lacombe, architecte et docteur en urbanisme, il créé des villes résistantes aux inondations

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##SUD_RADIO_VOUS_EXPLIQUE-2024-10-31##

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Transcription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04Avec nous donc Eric Daniel Lacombe, qui est architecte, docteur en urbanisme.
00:09Merci d'être là encore une fois.
00:11Vous créez des quartiers pour résister aux inondations.
00:15A Romorantin, par exemple, dans le Loir-et-Cher, c'est ce que vous avez fait.
00:19Vous redessinez, vous transformez des villes.
00:22Vous faites ça partout en France.
00:23Vous faites ça à Trèbes, actuellement dans les Pyrénées-Orientales.
00:26Trèbes qui avait été envahie par les eaux.
00:29Vous travaillez dans la vallée de la Roya.
00:31Vous avez redessiné combien de villages là-bas ?
00:3310 villages.
00:35Vous travaillez sur de très nombreuses communes.
00:37Vous êtes l'un des grands spécialistes en France de ces questions.
00:41Alors, pour regarder ce qui s'est passé à Valence,
00:43Valence, ce n'est pas de la submersion.
00:45La submersion, c'est l'eau qui vient de la mer, c'est ça ?
00:47Oui. Alors que là, dans les vallées de l'Espagne,
00:51ça a été des crues rapides, voire torrentielles.
00:54C'est-à-dire que 50 centimètres, je préfère parler en centimètres
00:57parce que c'est plus à l'échelle humaine, c'est la hauteur d'une chaise.
01:0050 centimètres sur tous les reliefs qui vont finalement
01:04border la Méditerranée depuis l'Espagne jusqu'à l'Italie,
01:07en passant par la France.
01:09Voilà le territoire dont on parle en ce moment.
01:1150 centimètres d'eau sur des pentes qui vont de plus en plus vite
01:14et qui, à un moment donné, emportent les bouts, les arbres, les rochers
01:20et traversent les villages.
01:21Au milieu des villages, voilà les images.
01:23Des voitures sont là, garées, à attendre que cette eau les emboutisse,
01:28en fesse des projectiles, tue, renverse les gens,
01:32y compris ceux qui sont dans les voitures.
01:34Oui, parce qu'on peut mourir de noyade,
01:37mais mourir percuté par...
01:40C'est vrai, des projectiles !
01:41C'est exactement le problème.
01:43De grosses pierres qui sont emportées par le courant !
01:45Des voitures emportées par le courant !
01:47Et c'est ça qu'il faut comprendre.
01:48C'est-à-dire qu'on est dans un rapport à la nature,
01:50alors que moi, architecte, chaque fois qu'un événement comme ça se passe,
01:53on me dit, Éric, il faut séparer les gens de la nature pour les mettre à l'abri.
01:57Non, il faut que les gens, bien sûr, puissent se mettre à l'abri.
02:00C'est la première adaptation qu'il faut raconter après des événements.
02:04Pareil, comment on passe à l'étage, comment on ne prend pas sa voiture,
02:07comment la voiture est rangée dans un endroit où elle ne deviendra pas un projectile.
02:11Il faut qu'on comprenne la moindre goutte d'eau pour pouvoir avoir la bonne réaction.
02:16Éric Daniel-Lacombe, quand je regarde les images vues sur ce qui s'est passé à Valence,
02:21je me pose des questions.
02:22La première question, c'est pourquoi la force du courant ?
02:25Pourquoi est-ce que le courant est si fort, capable d'emporter, mais de tout emporter ?
02:29Vous imaginez ce que peut-être 50 cm d'eau, la vitesse des pentes,
02:34ce sont des vagues plus rapides que les submersions.
02:37Le maire de Mandelieu dit ça, ce sont des vrais tsunamis.
02:40Le temps de réaction est effectivement très court.
02:43Je n'ai jamais cherché de qui c'est la faute.
02:45Est-ce que c'est la météo ? Est-ce que les alertes ont été données ?
02:48Je pense que la première adaptation qu'il faut qu'on fasse tous pour passer 2050 et 2100,
02:52on va quand même être à un moment où on est à 1,5 degré de réchauffement,
02:55et donc on se dirige vers 3 degrés.
02:58Ces phénomènes vont s'augmenter.
03:00Il faut qu'on soit chacun dans la compréhension de ce qui se passe.
03:05Dès qu'il y a une alerte, savoir où sont les vulnérables, où sont les enfants,
03:08et se mettre à l'abri.
03:09Se mettre à l'abri, c'est comprendre la nature.
03:12— Voilà, comprendre la nature.
03:13Et vous, vous êtes urbaniste, architecte, je le disais,
03:16l'un des grands spécialistes français de ces questions.
03:19Vous redessinez de très nombreux villages, de très nombreux quartiers.
03:22Il y a beaucoup de villes en France... Restons en France.
03:25Il y a beaucoup de villes ou de villages qui sont en danger, là, aujourd'hui.
03:28— Oui. Un quart des populations françaises sont en danger.
03:32Un quart des populations françaises n'ont pas encore compris cette adaptation au risque.
03:36Et dans le temps de la catastrophe, c'est celui dont on parle.
03:38Et dans le temps de la transformation, qui prendra pas celui d'une année
03:42réparé par les assureurs à l'identique.
03:44C'est ce qu'on fait trop souvent.
03:45C'est une métamorphose de nos villes qu'il faut faire.
03:47C'est à 15 ans, parce que les investissements nécessaires sont de cet ordre-là.
03:52— Vous avez redessiné 7 villages de la vallée de la Roya.
03:56Vous avez redessiné... Vous êtes en train de travailler à Trèbes.
03:59C'est vous, l'architecte. Vous redessinez la ville de Trèbes.
04:02Comment est-ce qu'on redessine un quartier ?
04:04Comment est-ce qu'on reconstruit un quartier pour le rendre moins vulnérable ?
04:08— On laisse toujours plus de place à l'eau.
04:11La tension, elle est entre la ville et la nature.
04:14La tension, elle est quelle place on laisse à nos rivières.
04:17Et je peux vous dire qu'à Romorantin, où j'ai fabriqué un quartier
04:20qui a quand même résisté en 2016 à 1,50 m d'eau,
04:23on a laissé, dans un accord entre les services de l'État et les maires
04:28– je crois beaucoup à cette concorde entre l'élu local et l'élu national –
04:32on a laissé 80% de place, c'est toujours une question de place,
04:36à la rivière et 20% aux maisons qu'on appelle des immeubles.
04:39La deuxième chose, c'est qu'on a mis les immeubles dans le sens du courant.
04:42Ça paraît évident, mais se dire que la direction de l'immeuble
04:46vous donne la direction du courant,
04:48voilà des choses qui peuvent sauver des vies.
04:50Et puis, le jardin des 80%, on a fait en sorte,
04:53comme avec des enfants quand ils s'agitent,
04:55de faire que l'eau se calme.
04:57Donc elle passe, on lui fait tomber dans des trous,
05:00on la fait remonter sur des bosses, on la fait frotter sur des parois,
05:03c'est une énergie l'eau, on fait en sorte qu'elle se calme,
05:06pour qu'au moment où elle arrive vers vous, elle soit plus agréable.
05:09C'est cette amabilité que j'essaye de dessiner.
05:12Vous voyez, dans les vallées, quand j'arrive à Saint-Martin-Vésubie,
05:1590 maisons arrachées, puis 70 maisons enlevées.
05:19L'action de l'État, et tout à fait intéressante,
05:21avec le fond barnier dont on parle en ce moment,
05:23permet d'enlever 70 maisons de plus
05:25dont la vie des gens dans cet endroit-là sont en danger.
05:28C'est-à-dire que vous les rasez ces maisons ?
05:30Oui, c'est des discussions compliquées.
05:32Vous redessinez totalement les quartiers ?
05:34Vous relogez les habitants ?
05:36Oui, et ça c'est le plus compliqué.
05:38Parce qu'une fois que vous avez une rivière qui faisait 5 m à Saint-Martin,
05:41qui est passée à 200 m de large,
05:43qui a arraché encore les arbres, les rochers,
05:45qui deviennent à nouveau des projectiles.
05:47Les projectiles ne sont pas que les voitures, c'est aussi la nature.
05:50On a des conversations sur, faut-il encore des arbres au bord des rivières ?
05:53Alors que les biologistes pensent que oui.
05:55Donc on a des conversations tout à fait sérieuses,
05:57mais il faut retrouver des maisons,
05:59il faut retrouver un habitat et il faut retrouver des expérimentations.
06:01Voilà ce qu'on ne fait pas assez en France,
06:03c'est des expérimentations.
06:05On se trompera parfois.
06:07Tant qu'on réduit la vulnérabilité, on fait un progrès.
06:09Donc il faut continuer ce chemin.
06:11Vous êtes passionnant.
06:13Je peux s'appeler mon édito.
06:15Non mais vraiment, encore, encore.
06:17Moi je m'en fous, j'ai que des bêtises à raconter.
06:19En plus, c'est que beaucoup ont construit des digues.
06:21Ça sert à quoi ?
06:23On n'est plus enregistrés, on se parle.
06:25Les digues, c'est l'inverse.
06:27Les digues, ça veut dire que
06:29on continue à donner l'illusion que les gens vont être à l'abri.
06:31Tous les endroits qu'on cassait dans le monde,
06:33quand je suis allé en Nouvelle-Orléans,
06:35c'est la digue qui casse.
06:37Et en plus, la digue, elle trouble le sens du courant.
06:39On croit que ça doit arriver par le Mississippi,
06:41ça arrive par le lac Pontchartrain.
06:43La vitesse de l'eau est deux fois plus grande.
06:45À la faute sur mer, c'est encore une digue
06:47qui renverse les gens parce qu'ils pensent être à l'abri pour toujours.
06:49Non, ça ne sera ni des digues,
06:51ni la totalité de la nature,
06:53ce sera ce que j'appelle des régulations naturelles.
06:55Il faut trouver le chemin
06:57entre ce qu'on régule et ce qui reste naturel.
06:59C'est ça que je dessine
07:01dans la Vésubie, dans la Roya.
07:03À Mandelieu, j'ai inventé un système
07:05sur 15 hectares qui pourrait
07:07sauver la moitié de la ville.
07:09On a du mal à le mettre en place parce que ça coûte 30 millions,
07:11mais 30 millions, c'est 2 millions sur 15 ans.
07:13C'est ça, les objectifs de Métamorphose.
07:15Merci à vous.
07:17On ne peut pas continuer encore,
07:19on n'en fout rien à vie.
07:21A très vite.
07:23Merci beaucoup.
07:25C'est d'un an.
07:27Je range la chaise pour pas qu'elle parte avec le courant.
07:29Oui, oui.
07:31J'adore.
07:33Dites-moi, la régulation naturelle
07:35en matière politique, ça marche pas trop.
07:37Retrouver de l'amabilité pour l'eau...
07:41Oui, d'accord.
07:43Retrouver l'amabilité de l'eau,
07:45comme vient de nous le dire notre ami,
07:47là, on n'y est pas trop.

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