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Être actrice ou réalisatrice, son rôle le plus sous-côté, son avis sur les plateformes de streaming : Mélanie Laurent est dans le All In d'exception pour 30 minutes de cinéma. Rien que de cinéma.

Son nouveau film Libre est disponible sur Prime Video le 1er novembre.
Transcription
00:00Ce truc de un grand film, on doit absolument le voir au cinéma, t'en penses quoi ?
00:04Je dis pas que c'est bien ou c'est mieux, je dis juste qu'un grand film, je crois qu'il te touche,
00:08il vient te chercher là où il a besoin de venir te chercher.
00:11Je crois que c'est peut-être ça la différence avec les grands films et les autres,
00:14c'est qu'un grand film, il peut venir te chercher sur un tout petit écran.
00:19Salut Mélanie, on a plein de questions à te poser, des lourdes et des plus légères.
00:22T'es prête, on y va ?
00:23Je peux te faire un clap ?
00:26Dans ta carrière de réalisatrice, t'as réalisé des films dans lesquels tu jouais ?
00:29D'autres, non. Ici, dans Libre, typiquement, tu ne joues pas.
00:33Est-ce que tu commences à avoir une préférence pour l'un ou vers l'autre ?
00:37Alors, entre jouer, réaliser et réaliser, c'est sûr dès le premier film,
00:40pas le premier court-métrage, parce que comme j'ai fait beaucoup de très mauvais courts-métrages,
00:45c'est pas à ce moment-là que je me suis dit.
00:47Mais ouais, réaliser depuis le premier, en plaisir instantané,
00:52en plaisir sur le long terme et de tout.
00:54Après, j'adore jouer dans mes films.
00:56Ok.
00:57Euh...
00:59Parce que je pense que j'ai beaucoup travaillé le personnage, en fait.
01:02Et que j'arrive très très prête.
01:04Et que je me fous vachement la paix, du coup.
01:05Et que, je sais pas, il y a un truc où j'ai beaucoup moins de track et de stress quand c'est les miens.
01:10Et qu'en plus, je prends mon meilleur ami qui s'appelle Morgan Pérez, qui est là pour me diriger.
01:13Donc en fait, je sais pas, il y a un endroit où, je sais pas, il y a un lâcher prise qu'il y a plus quand...
01:18Ouais, quand je m'écris des rôles, bizarrement.
01:19Mais je veux jamais le faire, par contre.
01:21Quand tu réalises, mais que tu ne joues pas, est-ce que ça crée une petite frustration ?
01:24Pas du tout.
01:25En fait, ça, c'est l'idéal pour moi.
01:26En plus, sur Libre, je me suis mise à cadrer.
01:28Parce que, du coup, comme je suis un peu hyper active, je m'ennuie un peu, donc je me suis mise à cadrer.
01:33Donc je me suis éclatée, j'étais inarrêtable et je voulais jamais que ça s'arrête.
01:36Non, non, pas du tout.
01:37J'ai aucune frustration.
01:39Et j'adore tellement les actrices.
01:41Et celles que je tourne, et celles que je filme, et celles que j'aime, et...
01:44J'ai tellement d'amour pour elles que...
01:46J'ai aucune frustration.
01:47J'ai une question un peu sur tes goûts cinéphiliques.
01:49On en a tous.
01:50Oui.
01:51Quels sont, toi, les films cultes que tu n'as pas encore vus ?
01:54Énormément, parce que je ne suis pas très cinéphile, si je suis très honnête.
01:56Oui, non, je n'ai pas vu énormément de films et je n'ai certainement pas vu ceux qu'il fallait voir.
02:01Par exemple, Orange Mécanique.
02:04Mais j'ai tellement, tellement peur de voir ce film.
02:09Mais bon, c'est terrible de ne pas avoir vu Orange Mécanique.
02:12Non ?
02:12Chacun a sa signature.
02:13J'ai vraiment l'impression que ça fait partie vraiment des films où je ne dis plus rien pendant un dîner, quoi.
02:18J'espère juste que personne ne va s'en rendre compte.
02:21Mais du coup, c'est des films comme ça que tu...
02:24Parce que tu as peur, parce que tu as la flemme, parce que tu préfères voir d'autres choses,
02:27ou parce que, si, juste, tu n'as pas le temps, peut-être ?
02:29Non, mais...
02:31Non, mais je sais, j'ai rencontré des gens très cinéphiles.
02:33J'ai rencontré des gens qui ne font que ça.
02:34Moi, je ne fais pas que ça, regarder des films.
02:37Je ne fais que ça de les écrire.
02:40Je ne fais que ça de travailler.
02:41Je ne fais que ça de les fabriquer.
02:43Ça, pour le coup, je ne fais que ça.
02:45Mais les voir, de manière même boulimique, je m'en rappelle de...
02:49Je ne sais pas, ne serait-ce qu'en travaillant avec un Quentin Tarantino, par exemple,
02:53qui passait week-end à regarder des films, par exemple.
02:55Moi, déjà, j'ai deux enfants qui, voilà, ne me laissent pas regarder des films.
03:02Et puis, je ne sais pas, dernièrement, dans ma vie, je me suis rendue compte qu'il fallait que je trouve un endroit
03:06vraiment que pour moi et que, je ne sais pas, je l'ai mis dans la littérature.
03:11Et j'ai l'impression, c'est bête à dire,
03:13mais j'ai l'impression que je ne peux pas faire les deux en ce moment.
03:15Je ne peux pas faire mon travail et les enfants et mon petit moment à moi,
03:18regarder un film et lire un livre.
03:20Enfin, il y a un moment donné, c'est impossible.
03:22Et du coup, lire, me retrouver le soi, prendre un plaisir fou à lire,
03:25découvrir plein, plein de nouveaux auteurs.
03:28Je fais même des clubs de lecture.
03:31Ça, ça sonne vraiment un truc de très, très vieux, tout ça.
03:33Mais c'est avec des femmes de mon âge.
03:35On est encore jeunes.
03:36Mais voilà, c'est un vrai club de lecture.
03:38Et je prends un plaisir fou, en fait, à partir dans l'imaginaire d'une fiction,
03:42d'un livre, d'un roman.
03:43C'est tout aussi trippant qu'une série et qu'un film.
03:46C'est quoi le dernier film que tu as adoré comme ça ?
03:49Le dernier choc bêtis de Tiffany McDaniel, qui serait un film de fou.
03:53Où j'ai lâché le livre en sanglots parce que c'était trop dur.
03:56Je ne sais pas, il y a un truc qui est,
03:59qui est une force d'imagination,
04:02que je trouve encore plus dingue quand tu lis que quand tu regardes un film
04:05où tu te laisses faire.
04:06Et tu blaguais dessus, mais sérieusement, quand on est cinéaste,
04:10quand on écrit, tu n'as pas un peu ce truc tout le temps.
04:12À chaque fois, ça, ça ferait un bon film quand même.
04:14Toujours, mais c'est un cauchemar, même.
04:17Ce n'est pas drôle.
04:18Enfin, une conversation dans la rue,
04:20n'importe quelle histoire d'amour et potentiellement un film,
04:24ça rend fou.
04:24D'abord, ça rend fou les gens avec qui je vis.
04:27Et puis, ça me rend folle moi-même.
04:28Donc, je n'ose même pas imaginer.
04:29Je peux être n'importe où.
04:31Je peux avoir un pitch en cinq minutes avec une situation,
04:35mais c'est presque un toc.
04:36Ce n'est pas du tout. Franchement, ce n'est pas du tout agréable.
04:37J'adore rêver, c'est normal.
04:41Tu viens d'enchaîner trois films en tant que réalisatrice pour des plateformes.
04:45On a longtemps entendu ce discours de les plateformes sont les ennemis du cinéma.
04:49Est-ce que tu penses que c'est un débat qui est encore légitime ou pas ?
04:52C'est-à-dire que les plateformes n'ont pas tué le cinéma.
04:53C'est le Covid qui a tué le cinéma.
04:55D'ailleurs, ça a traumatisé des générations entières.
04:57Il paraît que c'est très, très dur pour cette jeunesse de recommuniquer.
05:00Mon fils, il est rentré au collège, par exemple, et j'ai appris.
05:04Alors, il paraît que c'est un truc de boumeuse, mais qu'il n'y avait pas de boum.
05:08Je sais qu'on ne dit pas boum, mais je sais, je sais.
05:11Mais je veux dire, j'ai discuté avec des parents d'élèves.
05:13Tout ça, on m'a dit que les fêtes, c'était un concept qui n'existait pas.
05:17Se retrouver ensemble, aller au cinéma, ça me rappelle les moments de groupe,
05:22d'amis où c'était un plaisir d'aller tous au cinéma et de tous prendre notre popcorn
05:27et de tous voir un film ensemble.
05:30C'était une sortie, c'était un plaisir, c'était une excitation.
05:34On s'est retrouvés enfermés et je pense qu'à ce moment-là,
05:38les plateformes ont proposé énormément de contenu, énormément de films,
05:42très cinématographiques d'ailleurs, qui nous ont un peu tous sauvés, je crois.
05:46Et je crois qu'il y a un problème d'habitude à reprendre, qui est très compliqué.
05:49J'ai l'impression que les gens ont peur de se retrouver.
05:52Je ne suis pas sûre que les réseaux, Internet, les guerres dans le monde
05:55fassent qu'on soit aussi légers et libres qu'avant.
05:59Le climat, il est très anxiogène et je crois que rester chez soi
06:02est devenu un vrai rempart.
06:04Et en même temps, je trouve que les plateformes proposent du pur cinéma.
06:07Enfin, moi, j'ai vu des films qui sont du pur cinéma sur une télé.
06:10Est-ce que je préfère ça ?
06:12Pas spécialement, mais je ne pense pas que ce soit les plateformes qui aient tué le cinéma, en tout cas.
06:16Tu as un peu anticipé ma question suivante, mais c'est intéressant
06:18parce que c'est un peu un débat relou auprès des cinéphiles.
06:22On ne peut pas découvrir un grand film sur un petit écran.
06:26Ce truc d'un grand film, on doit absolument le voir au cinéma.
06:29T'en penses quoi ?
06:31T'as vu ma tête ?
06:33Est-ce que c'est une tête de quelqu'un qui est d'accord ?
06:37Après, il y a petit écran, petit écran, on s'entend.
06:39Evidemment, je ne sais plus quand la dernière fois, quelqu'un me dit
06:44j'étais dans le métro, j'ai vu quelqu'un regarder Voleuse comme ça.
06:48C'était mon scénariste qui me dit quand je pense qu'on s'emmerde à écrire des films,
06:53qu'après les gens seraient comme ça.
06:55Je dis bon, écoute, moi, ça m'énerve parce que ça veut dire que c'est coupé
06:59par une station de métro à un moment donné, que les gens ne vont pas le regarder d'un trait.
07:03Je me suis retournée dans une situation où je suis tellement rentrée dans le film
07:06que le monde s'est arrêté dans un avion sur un écran comme ça, avec une qualité pourrie
07:11parce que dans les avions, la qualité, elle est pourrie et ce n'est même pas le format d'origine.
07:14J'ai vu Room avec Brie Larson, j'ai cliqué, je ne savais pas ce que c'était.
07:19Et je me souviens de l'hôtesse de l'air qui a essayé trois fois de me proposer un plat de repas
07:25et elle m'a vu dans un tel état.
07:28J'avais des mouchoirs partout, il m'a complètement traumatisé, ce film.
07:31Et ça, c'est un bon exemple, moi, ça ne m'a absolument pas enlevé mon plaisir de rien.
07:36Je suis rentrée dans ce film, dès la première seconde, il y avait de la lumière.
07:40On est dans un avion, l'autre, elle a essayé de me foutre un plat de repas pendant tout le film.
07:44Ça ne m'a rien changé à mon expérience qui était dingue.
07:47Ce film m'a hantée pendant des années.
07:49Je me rappelle de ce film comme si je l'avais vu sur un grand écran.
07:52Je ne dis pas que c'est mien ou c'est mieux, je dis juste qu'un grand film,
07:54je crois qu'il te touche, il vient te chercher là où il a besoin de venir te chercher.
07:59Je crois que c'est peut-être ça la différence avec les grands films et les autres.
08:01C'est qu'un grand film, il peut venir te chercher sur un tout petit écran.
08:04Pour revenir sur ton nouveau film libre, qui est donc un film de braquage, on peut dire.
08:09Quelles seraient, toi, les références que tu as en termes de films de braquage ?
08:13Ceux que tu préfères.
08:13Le plus grand, c'est Point Break, quand même.
08:16Ah, je pensais que tu allais dire autre chose.
08:17Ah, tu pensais que j'allais dire quoi ?
08:19Pour moi, le plus grand, c'est It, de Michael Mann.
08:21Ça se vaut, quand même.
08:23Ça se vaut, Point Break.
08:24En tout cas, je revois très peu, je vois très, très rarement les films plusieurs fois.
08:28Je ne sais pas pourquoi.
08:30Je n'ai pas de film que je regarde 150 fois.
08:32Mais celui-là, ouais.
08:33Et alors celui-là, je l'ai montré à mon fils qui ne l'avait jamais vu.
08:37Parce que du coup, je revois plein de films à travers les yeux de mes enfants.
08:40Et c'est quand même génial.
08:40Qu'est-ce qui ne l'a pas vieilli du tout ?
08:42C'est-à-dire qu'il y a un truc de...
08:45Et pourtant, la musique pourrait être un petit peu limite.
08:49Il est incroyable, ce film.
08:51Et il y a vraiment cette touche féminine.
08:52Et ce qui est génial, c'est que c'est quand même une vie entière
08:55à penser pratiquement pour tout le monde que c'est un homme qui l'a réalisé.
08:58C'est-à-dire que ça ne rentre pas dans la tête des gens
09:00que c'est une femme et que c'est celle-là et que c'est la plus grande à Hollywood.
09:03Et je trouve que, je ne sais pas, il y a une touche féminine dans ce film que j'adore.
09:08C'est la scène avec Ennio Reeves quand ils sont sur la plage
09:11et ils ont du mal à se lâcher.
09:14Et il lui fait un dernier baiser et elle chope son visage.
09:17Elle le garde une seconde de plus.
09:19Et moi, à chaque fois que je vois ce film, qui est vraiment un film
09:22testostéroné à mort avec vraiment, c'est que des mecs et c'est que de...
09:25C'est vraiment un film d'un mec, quoi.
09:27Et il y a cette scène qui est tellement belle.
09:29Et ça, c'est le regard d'une femme réalisatrice qui est capable de faire un film d'homme
09:33du début à la fin et qui t'apporte cette scène-là.
09:35Et cette scène-là, il n'y a aucun homme réalisateur qui aurait pu l'amener.
09:38Et j'adore ce mélange dans le sens-là.
09:41Quand tu lances la production d'un film, disons ici de Libres,
09:45que tel scénario ou au moins l'idée de l'intrigue et que tu as une idée du casting,
09:49bref, que ça avance, t'as plein de choses à gérer.
09:51C'est quoi la partie dans la préparation qui t'excite le plus ?
09:55Alors déjà, c'est la partie la plus difficile, en charge mentale, je trouve.
09:58Après, j'ai l'impression que le tournage, tout ce qui suit après la prépa,
10:02je trouve ça beaucoup plus simple.
10:03J'aime pratiquement toutes les étapes et
10:07celles que j'aime vraiment le plus et qui me manquent très souvent.
10:10C'est peut-être pour ça que j'en fais un par an.
10:13C'est retrouver les gens.
10:14C'est ce moment un peu suspendu où je suis avec mon équipe, vraiment.
10:17Parce qu'après, ça va très, très vite.
10:19Et puis après, je me focus beaucoup sur mes acteurs.
10:21Mais ce moment-là, c'est vraiment avec les techniciens.
10:24Donc les premières réunions ?
10:25Ouais, tout. Enfin, je sais pas, il y a ce truc très enfantin.
10:28On part tous dans un van, on va visiter des nouveaux décors.
10:31On se marre, on met de la musique à fond.
10:34Je sais pas, il y a un truc de colo qu'on retrouve parce que j'essaie de le créer au maximum après.
10:38Mais il y a un petit truc d'excitation à créer encore les choses
10:43quand elles ne sont pas encore définies, qui est vraiment dans la prépa.
10:45Mais pour moi, le bonheur de la prépa, c'est les gens.
10:48Après, c'est encore autre chose.
10:49Je trouve qu'après, il y a un truc vraiment sur les acteurs et le focus des acteurs.
10:52Et ce côté très caméléon que t'as quand t'es réalisateur,
10:55où chaque acteur a une manière de travailler.
10:59Ils vont tous te demander un truc différent.
11:00Et ton énergie, en fait, elle va devoir se déployer tellement autrement.
11:04Alors que la prépa, il y a un truc où, je sais pas,
11:07c'est là où j'ai les plus grands fourrières.
11:08C'est là où il y a une sorte de légèreté que j'adore.
11:11Et ça, tes toutes premières expériences en tant que réalisatrice ?
11:14Je veux dire, ça pourrait être quelque chose qui, au fur et à mesure,
11:16est devenu ton rituel de préparer autant, de mettre autant d'amour dans la préparation.
11:21Dès le premier film, t'as senti que c'était ça, au final, un peu le cœur de ce métier.
11:27Mais je crois que c'est ce que je préfère de toute façon.
11:29En fait, je crois que je serai toujours, toujours, toujours bouleversée jusqu'à la fin de ma vie.
11:33Tant que je ferais ce métier, en tout cas, par ce que te donnent ces gens-là.
11:36Et on ne fait pas un film tout seul, c'est pas vrai.
11:38On fait vraiment un film en famille.
11:40Et cette famille-là, moi, je l'aime trop.
11:42Et j'ai fait pratiquement tous mes films avec les mêmes techniciens.
11:44Je ne sais pas, on s'est vu grandir, on se voit vieillir.
11:47C'est étrange, il y a des gens que je connais depuis très longtemps maintenant.
11:51C'est un vrai bonheur.
11:52Il y a tellement de gens qui rêvent de faire ce métier-là.
11:54Si en plus, dès la prépa, c'est relou et tendu et pas cool,
12:00ça ne vaut vraiment pas la peine.
12:03Donc moi, je m'éclate pratiquement tout le process.
12:05Est-ce qu'il y a des rôles en tant qu'actrice dans ta carrière
12:08que tu trouves qu'on ne commande pas assez ?
12:10Que tu aimes vraiment beaucoup et que tu trouves n'est pas assez relevé par les gens ?
12:14Il y a un film, du coup, dont moi, je parle beaucoup,
12:17qui s'appelle Beginners de Mike Mills avec Evan McGregor,
12:19où j'adore ce film.
12:21Et aussi, j'adore ce rôle et j'ai tellement aimé ce film à tourner.
12:26Et c'est vrai que j'adorais en parler plus,
12:28parce que c'est, je pense, une de mes meilleures expériences.
12:31Et après, il y a un film carrément dont on ne parle jamais,
12:33qui était super, avec Ilian Murphy, qui s'appelle Loft, de Claudia Iossa,
12:37qui avait été à Berlin, et on ne m'en parle jamais.
12:41C'était drôle, parce que... Enfin, drôle, j'en sais rien, mais...
12:44On tournait à Winnipeg en janvier,
12:46qui faisait à peu près moins 50, moins 52.
12:49Je me souviens d'un jour où Ilian était en train de perdre son nez, quand même.
12:52On nous avait dit, si vous voyez une partie de vous devenir trop blanche,
12:55presque fluo, c'est que vous perdez un membre.
12:58Donc, à un moment donné, j'ai dit, je crois que tu perds ton nez, en fait.
13:01Ça commençait à être une sorte de blanc fluo, quoi.
13:04On avait une bouteille de vodka, et il fallait se frotter avec de la vodka.
13:09Je pensais que c'était pour la boire, mais en fait, c'est pour se frotter avec.
13:11Bon, et c'était très intense comme tournage, et c'était fou.
13:14Et puis, il y avait Jennifer Connelly.
13:16Enfin, les partitions qu'on avait à jouer, elles étaient folles.
13:20Et la réalisatrice, elle est géniale.
13:22Et c'est pas qu'il est passé à la trappe, c'est que...
13:25C'est que c'était une sacrée expérience et qu'en fait, ouais, on n'en parle jamais.
13:30Tu parles de tes expériences un peu, justement, anglo-saxonnes, américaines, hollywoodiennes.
13:34Il y a un peu ce mythe qu'on imagine que les actrices ou les acteurs français rêvent d'Hollywood,
13:39que c'est un peu le Graal. Est-ce que c'est le cas ou pas ?
13:42Moi, j'ai l'impression que si tu dis à un acteur, est-ce que c'est le Graal,
13:44et qu'il te dit pas du tout, je pense qu'il ment.
13:49Mais par contre, je pense pas que ce soit une fin en soi.
13:54Mais moi, dès que j'ai entendu un acteur qui fait Hollywood,
13:58comment ça ne tente pas une seule seconde, je sais pas pourquoi.
14:02J'ai toujours pensé que c'était un peu du mytho.
14:06Après, est-ce qu'on a besoin d'une carrière américaine ?
14:09Je ne suis pas sûre, mais je pense que c'est un peu excitant quand même sur le papier.
14:15Et quand général, si tu dis ça ne m'intéresse pas du tout,
14:17c'est que tu n'as pas du tout eu l'once de l'occasion d'y aller.
14:21Tu disais tout à l'heure que Poem Break, c'est un des rares films que tu revois.
14:24Est-ce que tu as d'autres films comme ça, un peu doudous, qui te font du bien ?
14:27Maintenant que j'ai des enfants, qui sont devenus mes propres doudous,
14:32j'adore revoir tous les Spielberg en fait.
14:34Ah ok.
14:34Oh là là, quel bonheur.
14:36C'est-à-dire, dans le lit, les deux comme ça, devant E.T.,
14:42quand c'est la première fois.
14:43Mais ça, mais c'est...
14:45Ça n'a pas de prix en fait.
14:47Quand j'entends, mais c'est qui ça ?
14:50C'est l'extraterrestre, et les commentaires des deux,
14:52et qu'à la fin, elle est comme ça,
14:54et qu'elle a capté que ça y est, c'est un geste d'E.T.
14:58Et quand t'entends le...
15:00Parce que le vélo commence à décoller,
15:04et que toi, ça te torde.
15:06Moi, ça m'a tordu le ventre d'émotion, parce que ça m'a tout rappelé.
15:10Parce que tout d'un coup, j'ai fait un saut dans l'enfance qui était fou.
15:13Je suis en train de revoir des films avec mes enfants, mais c'est...
15:15Donc c'est ça le doudou.
15:16C'est même pas mon plaisir.
15:18Je vais me refaire ça, parce que The Notebook, moi je peux me le...
15:21Tu vois, je peux y retourner régulièrement.
15:23En général, c'est les comédies romantiques que j'aime bien me refaire, en doudou.
15:26Mais là, c'est double doudou, en fait.
15:29Toi, en tant qu'artiste, quelle serait la personne, la collaboration
15:33qui t'a peut-être le plus appris ?
15:35Oh là là, plusieurs fois, en fait.
15:37C'est vrai ?
15:38Oui, parce que très, très tôt, sur une journée de tournage,
15:44je n'oublierai jamais ma journée avec Jacques Audiard,
15:47de l'observer, de voir comment il était...
15:49Il y avait une telle douceur, un tel respect des acteurs,
15:53un tel enthousiasme dans le grand chic.
15:57Et donc, à cette époque-là, je suis jeune,
15:59donc je pense que là, je me dis,
16:01waouh, j'espère que c'est comme ça souvent.
16:03C'est ce qu'il faut.
16:05Et non, c'est pas comme ça.
16:07Et en fait, non.
16:08Donc moi, j'ai espéré, en le voyant, que ce métier serait aussi doux.
16:11En plus, quand tu vois le film, tu te dis,
16:12ah, donc on peut être très, très doux et faire des grands, grands films.
16:15Après, Mike Mills, moi, en tant que réalisatrice,
16:18il m'a énormément inspirée.
16:20Tarantino, évidemment.
16:21Après, j'ai croisé des gens incroyables de force, de personnalité,
16:25qui m'ont impressionnée de gestion, de tout.
16:27Il y en a que j'ai trouvé incroyables d'émotions.
16:31Enfin, je sais pas, la dernière fois que j'ai eu un choc de dézoom un peu,
16:36c'est quand j'ai vu Isabelle Adjani arriver sur mon plateau
16:41et que la nana était tellement simple
16:43et qu'elle connaissait son texte par cœur et qu'elle avait tellement envie.
16:47Alors, c'est mon amie, donc je n'ai pas eu ce choc de la voir arriver
16:50en tant qu'elle sur un plateau,
16:53mais elle m'a fait oublier que c'était mon amie
16:56tellement c'était quand même l'icône qui arrivait.
16:59Et je sais pas, son rapport au métier, en fait.
17:03Je crois que ce qui me bouleverse,
17:05c'est quand tu vois des gens qui ont vécu tellement de choses
17:08et qui ont jamais perdu le plaisir fou de faire ce métier
17:12en ayant été très abîmés aussi par ce métier.
17:15Et je crois que ce métier, c'est ça brûle ou pas.
17:17Si tu brûles pas, c'est autre chose.
17:21Il faut que ça brûle, il faut que ça soit passionnant à faire
17:23parce que c'est un métier trop important et trop beau et trop fort
17:27pour le faire de manière blasée.
17:29Je comprends pas les gens qui sont blasés, qui font ce métier.
17:32Et du coup, ce truc de Jacques Audiard,
17:34qui est une force tranquille, extrêmement douce,
17:36c'est quelque chose que tu, toi,
17:37essaies de reproduire en tant que réalisatrice encore aujourd'hui.
17:40J'adorerais être comme lui, mais je ne suis tellement pas comme lui.
17:42Ah, c'est vrai ?
17:43Force tranquille.
17:44Je suis hystérique, je crie de joie toute la journée.
17:46Je suis l'inverse de Audiard.
17:49Audiard, il est comme ça, il vient de parler.
17:50Moi, je crie et je fais...
17:52Moi, je m'épuise et j'épuise les gens.
17:54Non, non, je suis pas du tout calme.
17:56J'adorerais.
17:57Par contre, j'ai découvert un truc qui a soulagé beaucoup, beaucoup d'oreilles.
18:02C'est que comme je me suis mise à cadrer sur Libre,
18:05j'avais un Comtec et donc je parlais.
18:07Un Comtec avec le micro, là.
18:09J'avais l'impression d'être pilote de ligne.
18:11Et là, pour le coup,
18:14je parlais comme ça toute la journée.
18:16T'avais pas plus besoin de hurler, tout le monde t'entendait.
18:18Donc je faisais là, ce serait bien de passer un cinquante sur la caméra B
18:21parce qu'en fait, ta ta ta ta ta ta.
18:23Et là, du coup, c'était moins...
18:25Ça m'empêche pas de faire ça et de faire...
18:27Mais j'ai vachement aimé travailler comme ça.
18:30Et en plus, c'est un truc un peu schizophrène que j'adore.
18:33C'est à dire que t'as une situation et en même temps, on te parle en même temps
18:36à l'oreille et tu fais deux trucs en même temps.
18:37Et comme moi, j'ai besoin de faire plein de trucs en même temps.
18:40Ça me calmait un peu ma folie, finalement.
18:45Donc là, il n'y a plus de retour en arrière.
18:46Tu seras obligé d'avoir ça sur tout tes prochains.
18:48Franchement, en plus, c'est super parce que tu parles que à certaines personnes.
18:53Donc en fait, t'as toute l'équipe caméra avec qui tu te déconnes toute la journée.
18:56Donc tu dis des grosses, grosses conneries tout en travaillant très sérieusement.
18:59Et donc, t'es un peu sur une double vie, mais en parlant très calmement et sans avoir.
19:04Alors du coup, déjà qu'on crie pas sur mes plateaux, mais alors là,
19:07on était dans une espèce de l'atmosphère
19:10très chuchotée qui était assez agréable.
19:12Et quand tu dis tu cadres, tu cadres certaines séquences,
19:15t'as vraiment essayé de t'insérer dans...
19:17Parce qu'on peut le dire, dans Libre, il y a aussi des cascades, des courses en suite.
19:20Il y a aussi de l'action.
19:22Est-ce que toi, qui essaye d'être derrière justement la caméra,
19:25c'est aussi dans ces moments là ?
19:26Ouais, en fait, on a fait un film de braquage et avec beaucoup,
19:29beaucoup de voitures quand même et de voitures embarquées.
19:32Je voulais tout tourner à l'épaule avec un stead.
19:35Je le savais, c'était la grammaire du film.
19:37Sauf que tout le monde ne rentre pas dans la voiture.
19:39Ben non.
19:40Quand t'as que des acteurs qui font 2 mètres 10.
19:43Donc il y a bien un moment, en fait, c'est une partie de là.
19:45C'est-à-dire que moi, je voulais un plan sous le volant avec un angle de caméra
19:50où je voyais et le volant et le visage et le machin.
19:53Sauf qu'à un moment donné, personne n'y arrivait
19:55parce que personne ne pouvait rentrer.
19:56Moi, je suis toute petite.
19:57Donc en fait, j'ai fait une...
19:58Je me suis contentionnée et j'ai fait, ben moi, par exemple,
20:01donne-moi la caméra, par exemple.
20:03Et là, ça a commencé comme ça, en fait.
20:04J'ai mis la caméra et j'ai fait, voilà.
20:05Donc c'est...
20:06Et là, le studio de caméra m'a regardé et m'a dit,
20:08mais moi, je ne peux pas rentrer.
20:09Je dis, ben je sais.
20:11Bon, ben j'y vais.
20:12Et en fait, c'est parti de là.
20:13C'est-à-dire qu'on a fait beaucoup, beaucoup de scènes dans la voiture.
20:17Et après, j'ai tellement adoré ça que je ne voulais plus lâcher la caméra.
20:20Ils ont fait leur travail.
20:21Ils ont beaucoup cadré aussi, évidemment.
20:23Mais je me suis trop éclatée à le faire.
20:25On parlait tout à l'heure des plateformes.
20:26Tu parlais du Covid, du fait que ça a un peu déserté les salles de cinéma.
20:29Et tu parlais aussi que tu regardes beaucoup de films avec tes enfants.
20:32Est-ce que tu vas encore régulièrement au cinéma ?
20:33Oui, et je vis à la campagne et j'ai de la chance
20:35parce qu'à chaque fois, on me fait le coup quand même du petit cinéma auteur, pas loin.
20:39Parce que c'est un drame aussi quand tu vis dans un village.
20:44Donc, à chaque fois, j'ai eu la chance de vivre en pleine campagne
20:46avec un petit cinéma d'auteur qui me rattrapait tous les films.
20:49Donc, oui, pas assez, c'est sûr.
20:53Mais oui, j'essaie d'y aller, évidemment.
20:57Si je rentre sur un autre débat qu'on entend beaucoup ces dernières années,
21:00est-ce que tu considères que la place de cinéma est actuellement trop chère ?
21:04Oui, c'est un vrai débat, pardon.
21:05Ah oui, c'est un vrai débat.
21:08Toi, tu trouves qu'elle est trop chère ?
21:09C'est-à-dire que tu peux pas mettre 300 balles avec des pop-corns
21:12quand tu sors en famille, quand tout ce qu'on te propose en abonnement coûte moins cher.
21:18Enfin, tu peux pas te dire aux gens d'aller au cinéma
21:20et en même temps, ça leur coûte tellement d'argent, d'orgas, de la nounou.
21:23Enfin, c'est parce qu'il y a un moment, cette sortie-là peut pas être aussi chère, en fait.
21:27J'imagine pour les familles.
21:28Sinon, comment tu t'organises ?
21:30Comment t'arrives à te dire, bon, ça va me coûter tant
21:33et on va le faire au nom de l'art ?
21:35Tu peux pas demander ça aux gens.
21:37Il faut que ce soit ultra accessible.
21:40D'ailleurs, quand les places sont à 5 euros,
21:41est-ce qu'il y a vraiment une grande différence ?
21:43C'est ça qu'il faut qu'on regarde.
21:44Il y a plus d'entrées quand c'est effectivement la fête du cinéma.
21:47Mais toi qui, justement, ne vis plus à Paris, on est d'accord
21:50qu'il existe des cinémas où la place n'est pas aussi chère que dans certains cinémas.
21:53Oui, mais c'est quand même...
21:54Enfin, c'est pas que la place de cinéma est chère,
21:57c'est que les bouquets sur les plateformes, ils sont presque le prix d'une place.
22:01C'est ça le problème.
22:02C'est toujours la même chose.
22:03C'est-à-dire qu'il faut qu'aller au cinéma reste exceptionnel,
22:06mais en même temps, il faut que tous les films marchent,
22:08parce que sinon, si les films ne marchent pas, on ne peut pas en produire d'autres.
22:11Donc, je comprends pourquoi c'est un vrai débat.
22:15Et en même temps, la place est chère parce qu'elle permet aussi de financer le CNC.
22:18Bien sûr, mais bon, elle a vachement augmenté à un moment donné.
22:22Et puis, à un moment donné,
22:25quand c'est trop cher et que ça demande...
22:27Quand ça devient un vrai budget, tu peux pas demander aux gens cet effort-là.
22:32Moi, je pense juste à...
22:33On leur demande des trucs tout le temps aux gens.
22:35Donc, à un moment, tu peux pas dire que même la sortie plaisir,
22:40elle soit aussi compliquée à organiser, en fait.
22:43Mais tu vois, si tu me dis que la place à 5 euros pendant la fête du cinéma,
22:47ça fait venir beaucoup plus de monde,
22:48c'est que la place, peut-être qu'elle doit être à 5 euros
22:51et que si ça fait venir tout le monde...
22:53Parce qu'il n'y a rien de pire quand même que ces salles de cinéma qui sont vides ou à moitié vides.
22:56Après, il y a aussi un autre enjeu, mais tu l'as dit, c'est...
22:59Est-ce que ça t'arrive parfois d'aller au cinéma toute seule ?
23:01Moi, tout le temps.
23:02D'accord, parce que du coup, c'est plus la même dynamique,
23:04c'est pas forcément le même budget, c'est pas...
23:06Moi, c'est comme les musées, j'aime...
23:08Depuis que je suis adulte, j'aime bien être seule.
23:13J'aime bien voir une expo toute seule, voir un film toute seule et...
23:16Je sais pas, il y a un truc où...
23:18Ça dépend des films, mais...
23:19C'est parce que tout à l'heure, tu nous disais que justement, toi, cinéma,
23:21c'est ce que t'aimais, c'était...
23:22C'était dans mes souvenirs d'ado.
23:24Mais ça, c'était tes souvenirs d'ado et adulte.
23:26En fait, mes souvenirs d'ado, c'était surtout qu'on grillait les...
23:29On payait une place et après, on allait au cinéma toute la journée.
23:33Tu te souviens de l'époque...
23:34Où tu sors pas par la sortie, tu rentres et tu vas faire...
23:36T'avais l'impression de faire un braquage.
23:38C'était génial.
23:39Moi, j'adorais ça, j'avais mal au ventre et tout.
23:40On était là genre...
23:42On regardait dans les couloirs et des fois, on rentrait dans des salles...
23:45Avec des films, on n'avait pas du tout envie de voir.
23:48Si tu te trompais de salle, tu disais
23:49« Ah merde, c'est pas ça qu'on voulait voir. »
23:53On était plus libres.
23:54On a parlé pas mal de ta carrière en tant que créatrice.
23:57Il y a quelque chose...
23:58Un exercice.
23:59Je vais te demander de...
24:00Comme ça, sans trop réfléchir.
24:02Quelles seraient ton top 3, les trois scènes
24:04dont t'es la plus fière d'avoir mis en scène ?
24:06En mettant en scène ?
24:07Ouais.
24:08Des choses que tu trouves particulièrement jolies, je sais pas.
24:10Qu'est-ce qui te vient en tête quand je te dis des scènes...
24:11« Respire », « Dernier plan ».
24:12Ok, donc « Respire », parce que c'est une prise.
24:14Il y a un film que j'ai fait qui s'appelle « Galveston ».
24:16Et il y a une scène où...
24:18Elle, Fanning, est morte et il arrive et il la voit et il s'englotte.
24:21C'est une prise.
24:21Je vais essayer de trouver les trucs...
24:22En une prise où t'es fascinée parce qu'on fait tes acteurs.
24:25Non, le premier plan de libre...
24:27Enfin, qui est le premier plan ?
24:29Où on est en 360° sur le visage de cette actrice
24:33qui n'a jamais tourné de sa vie.
24:34Donc, c'est la première fois qu'on va la voir dans un film.
24:36Et le premier plan du film, c'est...
24:38On est dans son visage, quoi.
24:40Et on tourne en 360°.
24:42Voilà, trois plans.
24:43Parfait.
24:43J'ai cru, pendant une seconde, que t'allais me demander de les rejouer.
24:46Et j'étais très mal.
24:48Et j'avais repéré la porte.
24:50En vrai, est-ce que la promo, les interviews,
24:53c'est pas la partie la moins intéressante de faire un film ?
24:56Est-ce que c'est pas un peu chiant ?
24:58C'est pas que c'est chiant, c'est que ça peut devenir une torture.
25:00Vraiment ?
25:00C'est encore pire.
25:01Ah, c'est le pire ?
25:03Non, mais c'est-à-dire que, nous, pour garder la fraîcheur,
25:06pour garder l'enthousiasme et pour garder l'envie,
25:08quand on fait ce concept de la journée presse junket
25:14et que toutes les trois minutes, on pose la même question...
25:16Faut expliquer aux gens qui nous écoutent.
25:18Parce que le junket, je pense que les gens ne le voient pas forcément.
25:20C'est-à-dire que c'est une chaise, comme ça, pendant 9 heures.
25:23Et les journalistes s'enchaînent devant toi.
25:25Et toutes les trois minutes, ils disent,
25:27parlez-nous de la genèse de l'hybre.
25:29Alors, une fois, deux fois...
25:31Quand il est 14h, que t'as mangé en 10 minutes et que tu fais...
25:36Bah, la genèse, en fait, ça part d'un livre de Philippe Janeda
25:40que j'ai lu il y a 7 ans.
25:42Donc, chaque journaliste qui va arriver avec un truc un peu fun,
25:45c'est Dieu, en fait.
25:47C'est-à-dire qu'il arrive, c'est le Messie.
25:48C'est-à-dire que dès qu'il te dit, on va faire un truc un peu décalé,
25:51t'as envie de te marier avec.
25:53Parce qu'en fait, c'est de répondre inlassablement à la même question
25:57et que tu te dis, mais pourquoi on pose que cette question, surtout ?
25:59Mais il y a vraiment pire dans le monde.
26:01Oui, c'est pour ça que je te demandais, le pire dans la conception d'un film de A à Z.
26:07Dans la vie d'un acteur, une des parties les moins agréables,
26:11ce serait effectivement ça.
26:12Parce que la promo, ça implique aussi pouvoir montrer son film
26:14dans des villes de partout en France.
26:16Ça implique aussi de rencontrer les gens.
26:18Ça, pour moi, c'est encore autre chose.
26:20Ça, c'est la tournée, la promo, c'est encore autre chose.
26:23Mais moi, ça fait longtemps que je n'ai pas fait de tournée province.
26:25C'est très intense, une tournée province.
26:27Parce que tu fais plusieurs dates d'affilée ?
26:29Oui, mais parce que c'est un truc d'énergie des gens.
26:31C'est-à-dire que je me souviens de...
26:33Voilà, c'était il y a quelques années.
26:36Je me souviens, il y a 20 ans.
26:38Je vais bien ne t'en fais pas, on avait fait 54 dates.
26:40C'est-à-dire qu'on avait passé l'été entier.
26:42Juillet-août, on les avait passées sur les routes.
26:45Et c'est toujours pareil.
26:46C'est-à-dire que c'est à la fois des moments de vie inoubliables.
26:49Parce que je m'en souviens comme si c'était hier,
26:51parce qu'il y avait des anorexiques dans la salle,
26:52parce qu'il y avait des parents d'anorexiques dans la salle,
26:54parce que les gens viennent te voir en larmes à la fin du film,
26:56parce qu'il y a des gens qui te regardent dans les yeux et qui te disent
26:59« Elle va manger ce soir et ce sera grâce à vous.
27:01Ce sera grâce au film, ce sera grâce au sujet. »
27:04En fait, la tournée province, les gens te rappellent
27:06« Pourquoi tu fais ce métier ? Est-ce qu'on l'est chanteur ?
27:09Nous, on n'a pas le public, jamais.
27:11Nous, on crée, on livre.
27:13Et puis, on nous enlève de plus en plus les grandes avant-premières.
27:16On nous enlève le rapport avec le public beaucoup.
27:18On n'est plus connecté avec les gens.
27:20En plus, moi, après, je vis à la campagne où il n'y a personne.
27:23Donc, je ne sais même pas.
27:24Quand je fais un film, je ne lis pas les critiques, je ne lis pas les commentaires.
27:28Donc moi, en fait, je livre un truc et je ne sais même pas ce que les gens pensent.
27:31Alors que pendant des années et des années, tu retrouves les acteurs,
27:35tu as un truc un peu de colo.
27:36Et en même temps, c'est énormément d'énergie parce que les gens,
27:39quand ils ont aimé un film dans lequel toi, t'es en acteur
27:42et que tu sens que ça va changer quelque chose, c'est une énergie folle, en fait.
27:46Et ça te rappelle aussi pourquoi tu fais ce métier.
27:48Donc, ça te manque un petit peu par moment.
27:50En tout cas, je pense, je dis,
27:54il y a ce Covid qui nous a déconnectés de manière générale avec beaucoup d'humains.
27:59L'humain, on s'est déconnecté.
28:01En parlant des tournées province, il y a quelque chose qu'on entend très souvent,
28:04qui est cette phrase des actrices ou des acteurs.
28:06Je ne peux pas regarder des films dans lesquels je joue.
28:08Ça m'est insupportable.
28:10Est-ce que c'est ton cas ou pas ?
28:11Tu n'as jamais vu un film dans lequel tu joues en entier ?
28:14C'est-à-dire que la dernière fois, on m'a sorti une réplique de Dick Yonek.
28:17Je ne savais pas de quoi on parlait.
28:18Je te jure.
28:19Il y a quelques années maintenant.
28:20Oui, mais il paraît que c'est genre la réplique.
28:22Je ne pouvais pas ne pas le savoir.
28:23Personne ne m'a cru que je ne l'avais pas reconnu.
28:25Non, mais c'est horrible.
28:27Et déjà que je me l'inflige quand je joue dans mes films,
28:29parce qu'après, moi, j'ai quoi ?
28:30J'ai trois mois de montage sur ma gueule après.
28:32Ou d'ailleurs, je dis,
28:33« Viens, moi, ce plan, je ne peux plus me saquer. »
28:35Et la monteuse me dit,
28:35« Attends, c'est parce que tu ne peux pas te saquer. »
28:39Donc, attention.
28:40Parce que là...
28:40Donc, en fait, moi, je suis dangereuse
28:42quand je joue dans mes films sur le montage, en fait.
28:43Parce que j'ai envie de me sucrer partout.
28:46Donc, en fait, les seuls films où tu joues, où tu te vois,
28:49c'est les films que tu as réalisés aussi.
28:50Ah oui.
28:51Et après, plus jamais.
28:52Je n'ai jamais revu.
28:53Je n'en ai jamais revu.
28:54Jamais ?
28:55Jamais.
28:55Et puis alors, si je vois un truc qui est...
28:57Non, pitié.
28:58Même un « Beginners », même...
29:00Je ne sais pas, peut-être il faudrait que je...
29:01Non, je n'ai pas envie d'aller voir...
29:03En même temps, je n'ai pas envie de voir « Beginners ».
29:06OK.
29:07Non, je ne sais pas.
29:08Alors, il doit y avoir une raison,
29:09parce qu'on est les personnes les plus égocentriques de la Terre.
29:11Donc, c'est très bizarre de ne pas vouloir se revoir.
29:14Il y a vraiment une vraie raison.
29:15Ou ça nous rappelle un...
29:17Ou c'est lié à un rôle,
29:18ou c'est lié à une époque de vie,
29:20ou c'est lié...
29:21Je ne sais pas pourquoi c'est si violent,
29:22mais c'est violent, en tout cas.
29:23J'ai découvert, en préparant l'interview,
29:24que tu as fait quelque chose l'année dernière.
29:26Alors, je me trompe, peut-être.
29:27C'est sur ta fiche Wikipédia.
29:28Mais c'est indiqué que tu as réalisé ton premier clip musical,
29:30l'année dernière.
29:31L'année dernière ?
29:32Sorti en 2023.
29:34Peut-être que tu l'as tourné avant,
29:35mais le « Millenfarmer ».
29:36Ah, le « Millenfarmer »,
29:37parce que j'ai réalisé un autre clip il y a trois semaines.
29:39C'est pour ça, je te l'avais bien dit.
29:40« Millenfarmer », oui.
29:42Donc, ma question, c'est donc,
29:43l'expérience du clip musical,
29:45à quel point c'est différent en tant que réalisatrice ?
29:47Alors, du coup, j'en ai réalisé un autre
29:49qui vient de sortir pour Amir.
29:51Donc, j'ai fait « Millenfarmer » et « Amir ».
29:53Et pour le coup, le point commun,
29:54c'est d'abord la rencontre avec les gens.
29:57Ce n'est pas tellement l'exercice du clip en lui-même.
30:00L'exercice du clip, il est assez cool
30:02parce que c'est tout ce que j'aime.
30:04C'est-à-dire qu'on tourne énormément.
30:08C'est beaucoup d'images en très, très peu de temps.
30:10Tu t'essaies de faire que des plans cool
30:12et tu restes un peu dans cette hystérie
30:15où là, on trouve ça normal.
30:17On trouve ça normal que ça aille vite
30:18et que ça parte dans tous les sens et tout ça.
30:20Mais ce n'est pas tellement...
30:22Après, oui, je prends beaucoup de plaisir à le faire,
30:24mais après, c'est...
30:26En fait, ce qui est très bouleversant et touchant là-dedans,
30:28c'est de se dire qu'il y a un artiste
30:29qui n'a rien à voir avec toi
30:30et qui, tout d'un coup, a envie de ton œil
30:32et vient te chercher.
30:33Puis après, il y a des discussions sur son univers à lui ou à elle.
30:36C'était hyper challengeant de rentrer
30:40dans l'univers de « Millenfarmer »,
30:42dans les clips mythiques de « Millenfarmer »
30:44et en même temps de dire...
30:45Parce que c'est devenu une amie
30:46depuis qu'on était dans un festival de Cannes ensemble.
30:49D'avoir des discussions en disant...
30:52D'accord, mais qu'est-ce que moi,
30:53je peux t'apporter de différent,
30:54sachant que tes clips,
30:57voilà, ils sont iconiques
30:58parce que tu représentes un personnage.
31:00Qu'est-ce qu'on...
31:01En fait, c'est quoi la collaboration ?
31:03Et c'est là où ça devient passionnant
31:04parce que c'est complètement inédit.
31:07À quel endroit tu vas la faire sourire dans un clip
31:10et en fait, on se rend compte qu'elle sourit pas
31:12dans beaucoup de clips
31:13et comment elle vient de faire ce cadeau inouï
31:16de venir te chercher.
31:17Et à Myr, c'est pareil.
31:18C'est comme tout d'un coup,
31:19tu mélanges deux mondes complètement différents
31:21et t'en arrives à faire
31:25un petit trois minutes
31:26qui sera toujours une bonne nouvelle
31:28et un joli souvenir.
31:29Est-ce que tu regrettes d'avoir refusé un rôle ?
31:32Que tu n'aurais pas dû refuser,
31:33que tu te dis...
31:34Mince, j'aurais peut-être dû y aller quand même vu le film.
31:36Il y a eu un été fou
31:38parce que j'étais très jeune
31:39et que ça ne m'est pas arrivé souvent
31:41d'avoir le choix entre deux films de fous
31:43à mon âge en tout cas.
31:44Et c'était dingue.
31:46Il y avait Nos jours heureux de Toledano Nakaj
31:48et Je vais bien ne t'en fais pas.
31:49Et j'ai choisi Je vais bien ne t'en fais pas
31:51parce que le rôle dans Je vais bien ne t'en fais pas
31:54était extrêmement puissant.
31:56Je leur ai fait la vanne il n'y a pas longtemps.
31:57Donc, je pense qu'en fait, tout va bien.
31:58Mais j'ai l'impression qu'ils m'en ont voulu pendant des années.
32:03Et donc, je les ai croisés.
32:04Et à un moment, j'ai dit donc, en fait, une fois,
32:06j'ai dit non, il y a 20 ans.
32:07Et en fait,
32:09mais ce n'est pas un regret de rôle
32:11parce que pour le coup, dans Nos jours heureux,
32:12c'était Jean-Paul Roux et c'était un film choral.
32:16Et évidemment qu'il fallait que je choisis Je vais bien ne t'en fais pas
32:18en termes d'ampleur et d'intensité de personnages et tout ça.
32:21Mais j'ai eu l'impression qu'en leur disant non à cette époque-là,
32:26alors que j'étais personne et qu'ils me choisissaient,
32:28j'ai eu l'impression de dire non à une famille, en fait.
32:31Celui-là, par exemple, oui.
32:32Mais bon, c'était les mêmes dates.
32:34Donc, je ne peux pas avoir de regret.
32:35Si demain, tu savais que ton prochain projet, c'était le dernier.
32:39Ça m'angoisse. Rien que de l'entendre, ça m'angoisse.
32:43Du coup, vers quoi tu te tournerais ?
32:44Quelle angoisse.
32:45Genre, je sais, je le sais que c'est la mort, finalement.
32:47Je sais que c'est mon dernier film.
32:49Non, la retraite.
32:50Ah, mais quelle horreur de la mort, la retraite.
32:52La retraite t'angoisse.
32:53Peut-être aussi parce que j'ai 41.
32:57Alors, attends, du coup, tu veux que je fasse quoi ?
33:00C'est quoi mon dernier ?
33:00Ouais, en fait, est-ce qu'il y a un truc où tu dis
33:02je ne peux pas arrêter tant que je n'ai pas fait ça ?
33:04Tu sais, c'est le formulaire de manière un peu moins angoissante.
33:06Oui, c'est ça.
33:07Eh bien, je ne peux pas arrêter tant que je n'ai pas fait une série,
33:12un B.O.B.
33:15Je ne sais pas.
33:16Je suis incapable de répondre à cette question.
33:17Eh bien, tu sais quoi ?
33:18Si ça devait vraiment être un truc, c'est-à-dire s'il fallait vraiment
33:21que je fasse le dernier film, je crois que je prendrais toutes les actrices
33:24qui m'ont fait le cadeau de tourner dans mes films.
33:26Et je crois que je prendrais un décor.
33:29OK.
33:29Et j'improviserais tout sur place.
33:31Je n'aurais pas de scénario et je me laisserais guider par elle.
33:35Et on ne serait qu'entre femmes.
33:36J'aurais une dernière question à te poser, que je pose à tout le monde,
33:39parce qu'on s'approche actuellement du quart de siècle, de 2025.
33:44Quel serait pour toi le meilleur film du XXIe siècle à date ?
33:48Tu ne l'as pas préparé celle-là.
33:50Tu le vois dans mon œil ?
33:53Tu vas m'aider ou pas ?
33:54Je suis en train d'essayer de t'aider.
33:55Je suis en train de me dire qu'on a fait un vidéoclub ensemble
33:59dans lequel tu m'as cité certains de tes films préférés.
34:01Qui tombent dans le bon siècle.
34:02C'est ce que je suis en train de regarder.
34:04Tu citais Mélancolia, Les Fils de l'Homme.
34:06Ah oui.
34:06De battre mon cœur, c'est arrêté.
34:08Room.
34:08The Hours, je pense que c'est 2000.
34:10Allez, viens, on se fait The Hours.
34:11The Hours ?
34:12Je ne sais pas, un film est marrant lui.
34:15Comment tu veux faire ça ?
34:16Oui, parce que The Hours, et Dieu sait si ce n'est pas un film doudou,
34:20mais c'est peut-être un que j'ai vu le plus de fois,
34:23alors qu'il me fait le même effet.
34:24Celui-là et La Route de Madison, mais il est vieux.
34:28Il y a des scènes comme ça dans les films où elles te font le même effet.
34:31Et pourtant, tu sais comment ça finit.
34:33Mais The Hours, quand il saute de la fenêtre,
34:36ça me déchire le ventre de la même manière à chaque fois.
34:39Merci Mélanie.
34:40Merci.
34:57Sous-titrage Société Radio-Canada

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