Notre correspondant aux Etats-Unis, Maurin Picard, analyse le dernier week-end de la campagne présidentielle américaine avec Pierre Fagnart.
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00:00Ce mardi 5 novembre, c'est Election Day aux Etats-Unis, les citoyens américains sont appelés aux urnes pour élire leur prochain président ou leur prochaine présidente.
00:09C'était une campagne longue, historique, une campagne qui a vu un candidat abandonné et qui en a vu un autre être victime d'une tentative d'assassinat.
00:17Une campagne que l'on va raconter avec notre correspondant aux Etats-Unis, Maurin Picard.
00:27Bonjour Maurin.
00:29Bonjour.
00:30Alors c'est quoi pour vous l'événement central de cette campagne ? Est-ce que c'est plutôt l'abandon de Joe Biden ou la tentative d'assassinat contre Donald Trump ?
00:39Tu as probablement raison sur les deux dates, sur les deux événements.
00:43Peut-être que si on demandait à un républicain à l'heure actuelle, il répondrait spontanément que c'est la tentative d'attentat raté contre Donald Trump le 13 juillet à Butler en Pennsylvanie.
00:53C'est une sorte de révélation pour le candidat lui-même comme pour ses supporters, dont évidemment ces millions de chrétiens évangéliques qui pensent que Trump est l'élu.
01:03Quelqu'un qui a réchappé à un centimètre près à une balle dans la tête ce jour-là, qui est donc miraculé et comme un signe du ciel,
01:17qui est donc destiné à remporter cette élection présidentielle puisque l'Amérique a besoin de quelqu'un d'aussi courageux et en même temps d'aussi chanceux que lui.
01:25Voilà ce que les républicains penseraient.
01:27Côté démocrate, bien évidemment, on dira sans doute, plutôt que le débarrasser de Joe Biden, on dira plutôt le 21 juillet, le jour où Joe Biden a jeté l'éponge et a décidé de passer le flambeau à sa colissière, la vice-présidente Kamala Harris.
01:39C'est probablement ce que les démocrates retiendront parce que ce jour-là, l'espoir est revenu.
01:43Jusque-là, l'esprit, l'ambiance générale était très morose et à partir de ce moment-là, l'espoir est revenu dans le camp démocrate et on voit bien aujourd'hui que c'est une élection très serrée et que Kamala Harris a été à la hauteur des enjeux.
01:57Vous parlez d'un espoir qui revient.
01:59Ça peut paraître étonnant parce qu'effectivement, Kamala Harris était la vice-présidente de Joe Biden.
02:05Au moment où elle est nommée parce que Joe Biden jette l'éponge, elle ne part pas avec le meilleur des mandats sur les quatre années écoulées.
02:13Ce n'est pas la plus populaire non plus.
02:15Il n'y a pas grand monde qui l'attend là.
02:17Aujourd'hui, on peut dire qu'elle a réussi son pari.
02:19Il reste un deuxième pari encore plus important qui est celui de l'élection, évidemment.
02:23Mais jusque-là, elle a fait le job en tout cas.
02:26Elle a fait le job.
02:27Elle était mal connue, paradoxalement.
02:29C'est sûr que le rôle de vice-président aux États-Unis n'est pas un rôle très prisé.
02:34C'est même très ingrat.
02:36Et effectivement, elle s'était fait, on peut le dire, savonner la planche par Joe Biden et par son équipe à la Maison-Blanche.
02:41Kamala Harris n'avait pas énormément de popularité parmi les conseillers de Joe Biden à cause de vieux dossiers pendant la campagne des primaires démocrates en 2019-2020.
02:52Les deux s'étaient écharpés pendant un débat télévisé assez houleux.
02:57Kamala Harris ne partait pas du tout gagnante.
02:59Elle était très impopulaire alors qu'elle n'avait pas fait grand-chose.
03:03Et elle a réussi à se montrer.
03:05Elle a réussi à montrer sa vraie personnalité qui est assez solaire, il faut le dire.
03:09C'est quelqu'un qui rit assez facilement, qui est relativement belle.
03:13C'est ce que tout le monde dit.
03:15Elle a un vrai charisme, même si en coulisses, on continue à penser, notamment autour de Joe Biden, qu'elle n'a peut-être pas les épaules pour l'emporter face à un rouleau compresseur tel que Donald Trump.
03:27Et pourtant, elle a fait quoi alors ?
03:29C'est quoi qui lui a permis de gagner ces petits points nécessaires en plus de popularité, du fait d'être connu par le grand public ?
03:37Oui, c'est une excellente question.
03:39Ce que les connaisseurs de la campagne Harris savent, et ont laissé filtrer ces derniers mois dans les médias américains,
03:47c'est que Kamala Harris n'a pas attendu le 21 juillet, ni même d'ailleurs le 27 juin, le jour de ce débat télévisé calamiteux pour Joe Biden,
03:55pour préparer, pour poser ses jalons pour une éventuelle future campagne présidentielle.
04:01Évidemment, elle pensait à 2028 et pas à 2024.
04:03Et donc, elle a créé ses réseaux.
04:05Elle a créé ce qu'on appelle le K-Hive.
04:07Le K-Hive, c'est ces cercles de fans à travers le pays, beaucoup de femmes inconditionnelles de Kamala Harris.
04:15Et ce cercle de fidèles, d'inconditionnels, s'est déployé, a déployé ses ailes immédiatement dès le 21 juillet.
04:23Et ça s'est manifesté par une vidéo Zoom organisée autour de Kamala Harris, où instantanément 40 000 personnes se sont apparues, 40 000 femmes noires.
04:33Et quand il y a eu un deuxième vidéo Zoom pour les femmes blanches, white women, il y avait 160 000 personnes sur ce Zoom.
04:39Donc, record toute catégorie battue pour un Zoom politique, en tout cas aux États-Unis.
04:43Et d'emblée, l'enthousiasme est monté par sa personnalité, par ses répliques, par des slogans de campagne, il faut le dire, assez bien trouvés.
04:53« Turn the page », « Il est temps de tourner la page », « We're not going back », « On ne reviendra pas en arrière ».
04:57Sous-entendu, il est hors de question de retourner au chaos des années de Trump.
05:00Elle a réussi à marquer de son empreinte ce début de campagne.
05:03Mais il faut le relever, il faut le dire, mener une campagne présidentielle quand on n'a que trois mois devant soi, 100 jours, relever de la gageur, du pari impossible.
05:13Est-ce qu'elle va le relever ? En tout cas, même si elle perd demain dans cette élection présidentielle face à Donald Trump, on peut dire qu'elle aura fait le job.
05:21Côté républicain, Donald Trump, il a fait du Donald Trump avec les outrances d'un côté, aussi un certain talent d'orateur et de bête de scène presque à certains moments.
05:31Oui, Donald Trump est une énigme, sauf pour ses fans évidemment qui sont absolument dédiés entièrement à sa cause.
05:40Donald Trump avait mené une excellente campagne jusqu'au 27 juin.
05:44Il était on track, c'est-à-dire qu'il respectait les consignes qui étaient données par ses managers de campagne, qui sont des républicains, on va dire, modérés, des magas modérés,
05:54qui lui disaient qu'il fallait s'accrocher, rester sur les deux consignes principales pour mobiliser les électeurs conservateurs.
06:03C'est le bilan calamiteux, entre guillemets, de Joe Biden à la Maison-Blanche, une économie qui a souffert d'une inflation catastrophique,
06:09même si on pourrait aussi dire que la croissance est exceptionnelle aujourd'hui, mais certes, une inflation qui a fait très mal aux foyers américains,
06:15et évidemment le flot d'immigrants clandestins à la frontière, plusieurs millions de personnes qui sont passées à travers les mailles du filet pendant l'administration Biden.
06:22Donc, il fallait en rester là. Or, Donald Trump a dérapé.
06:26On pense que l'attentat de Butler en Pennsylvanie est le moment où il commence à peut-être se convaincre de son destin messianique.
06:35Est-ce qu'il y a quelque chose en lui qui le pousse à se croire l'élu, puisque tellement de gens lui le disent ?
06:41Et il commence à déraper, ça commence le 31 juillet, quand il raconte face à des journalistes noirs que « ah oui, tiens, Kamala Harris est noire,
06:48elle ne l'avait pas dit avant, je ne le savais pas, mais c'est nouveau ».
06:51Donc, première bourde sur un plan racial qui lui a fait beaucoup de mal, et depuis il n'arrête pas.
06:57Il alterne des moments de génie en termes de communication politique.
07:01Les 15 minutes qu'il a passées dans un McDonald's à servir des burgers au drive-in en octobre ont été extrêmement bien apprises par ses fans.
07:10Sa petite apparition devant un camion d'ordure dans le Wisconsin a aussi beaucoup plu.
07:15Il est très fort pour ce genre de choses, il adore se déguiser, c'est Donald Trump à Halloween.
07:19Il est très bon et ses fans en raffolent.
07:21Par contre, il dérape, il dérape beaucoup.
07:23Et ce week-end, ce dernier week-end avant l'élection présidentielle,
07:27Donald Trump a encore fait plusieurs dérapages absolument consternants,
07:30quand il a dit notamment que si jamais il y avait une nouvelle tentative d'attentat contre lui,
07:34il y avait certes cette vitre blindée pour le protéger d'un tireur,
07:38mais dans la ligne de mire se trouvaient les fake news, les journalistes,
07:41et que si quelque chose leur arrivait, lui ça ne le dérangerait pas trop finalement.
07:46Ce genre de dérapage verbal lui fait beaucoup de mal,
07:50tout comme ce fameux meeting à Madison Square Garden le week-end dernier
07:53où un humoriste texan, je dis humoriste entre guillemets,
07:57s'est permis de dire que Porto Rico était une île flottante d'ordures.
08:01On constate dans les sondages qu'il y a une glissade du support latino à Donald Trump.
08:06Il aurait perdu 10 % de ce support-là.
08:11On a aussi un sondage qui arrive de l'Iowa qui dit que peut-être Kamala Harris
08:15pourrait gratter quelque chose dans cet État qui était censé être acquis à Trump.
08:19Il se passe beaucoup de choses du côté de Trump ces derniers jours
08:22qui ne vont pas forcément dans le bon sens peut-être
08:25parce que tout simplement il n'a pas mené une campagne disciplinée
08:28celle que ses conseillers lui demandaient de mener en juin.
08:31Pourtant, vous dites que tout ne va pas parfaitement comme il faudrait
08:35pour l'espoir d'une élection pour Donald Trump.
08:38Il doit être élu parce que sinon c'est la justice qui va lui retomber dessus.
08:42Il doit être élu et il le sait très bien.
08:46Le verdict du procès de l'affaire Stormy Daniels à New York
08:50aurait dû être rendu en juillet, puis en août, puis en septembre, puis en octobre.
08:55Finalement, le verdict tombera le 18 novembre.
08:58C'est-à-dire, si on calcule bien, 13 jours après l'élection présidentielle.
09:02Ce n'est donc pas longtemps.
09:05Il risque en théorie jusqu'à 20 ans de prison pour falsification de documents commerciaux
09:10et avoir tenté évidemment de réduire au silence cette actrice de film X
09:14avec qui il avait eu une liaison en 2006.
09:17Ça pourrait lui coûter très cher, même s'il ne fera peut-être pas de la prison.
09:21Il y a d'autres procès qui sont en attente en Floride, à Washington également,
09:26des procès au pénal.
09:28Il est déjà un criminel condamné.
09:30Il y a déjà 34 chefs d'accusation reconnus contre lui.
09:33Donald Trump a 78 ans.
09:35Est-ce qu'il va finir sa vie derrière les barreaux s'il n'est pas élu demain soir ?
09:40C'est une éventualité.
09:42On suivra ça évidemment avec attention.
09:44Du côté de Kamala Harris, si elle n'est pas élue,
09:46est-ce qu'elle peut encore espérer quelque chose ?
09:48Ou ça signe déjà un petit peu la fin de sa carrière politique ?
09:52Il est peut-être encore un peu tôt pour parler de l'avenir de Kamala Harris en cas de défaite.
09:57Il est certain que personne ne lui jettera la pierre pour la relativement très bonne campagne
10:03qu'elle a menée, encore une fois, au vu du peu de temps dont elle disposait
10:07pour se mettre en branle.
10:09Le Ground Game, cette organisation sur le terrain,
10:11avec ses milliers de volontaires, a été exceptionnelle.
10:14Elle a soulevé une vague d'enthousiasme qui a permis de mobiliser
10:17tous ces volontaires dans les swing states, ces États-clés.
10:20Donc, il est probable qu'il n'y aura pas de droit d'inventaire
10:24une fois que Kamala Harris aurait potentiellement perdu cette élection.
10:30Est-ce qu'elle resterait la figure de proue du Parti démocrate
10:34dans une remise en cause inévitable après le départ de Joe Biden le 20 janvier ?
10:38Dans un contexte extrêmement heurté en cas d'administration de Trump,
10:42puisqu'on sait que Trump va vouloir s'en prendre à ses opposants politiques,
10:45c'est ce qu'il a promis en instrumentalisant le ministère de la Justice.
10:49Il faudrait quelqu'un d'extrêmement résistant, d'extrêmement résilient
10:57et agressif pour se battre contre un président Trump 2.0.
11:02Kamala Harris sera peut-être cette personne,
11:05mais il y a d'autres candidats qui frappent à la porte, des prétendants.
11:08Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom,
11:10la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer.
11:13Tout ce petit monde se positionne pour l'élection présidentielle 2028,
11:17mais c'est peut-être encore un peu tôt pour en parler.
11:19On suivra ça évidemment avec beaucoup d'attention.
11:22Avant ça, on suivra évidemment les résultats de cette élection,
11:25résultats que vous pourrez suivre en direct dès mercredi, le 6, tôt le matin.
11:30Ce sera sur le site du Soir, sur notre application,
11:33également aussi en podcast et en vidéo.