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Notre correspondant aux Etats-Unis, Maurin Picard, revient avec Pierre Fagnart, journaliste, sur les enjeux de la dernière ligne droite de la campagne présidentielle américaine.

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Transcription
00:00C'est une campagne électorale d'une intensité rare qui se termine aux Etats-Unis.
00:04Les Américains sont appelés aux urnes le mardi 5 novembre prochain
00:07pour choisir leur nouveau président ou leur nouvelle présidente.
00:10Ce sera Donald Trump ou Kamala Harris.
00:13Que s'est-il passé ces derniers jours ?
00:15Est-ce que les derniers meetings ont pu changer la dynamique ?
00:17C'est ce qu'on va voir dans un instant avec notre correspondant aux Etats-Unis.
00:25Bonjour Morin Picard.
00:28Bonjour.
00:28Morin, notre correspondant aux Etats-Unis.
00:30D'abord, comment vous sentez-vous ?
00:32Je l'ai dit, c'était une campagne nerveuse, très intense.
00:34Est-ce que vous êtes aussi éreinté que les candidats et leurs équipes ?
00:38Oui, je crois qu'il y a un sentiment d'usure générale
00:40de la part de tous les acteurs et de tous les observateurs.
00:44Il y a surtout beaucoup d'excitation au niveau du corps électoral.
00:48On sait que plus de 50 millions de personnes sont déjà allées voter
00:52grâce aux votes anticipés et aux votes par correspondance.
00:56Ça fait grosso modo plus du tiers des électeurs potentiels aux Etats-Unis
01:00qu'on attend en termes de participation au final.
01:04En 2020, il y avait eu 160 millions de personnes qui étaient allées aux urnes.
01:10On ne sait pas s'il y en aura autant cette année,
01:12mais ce qui est sûr, c'est que ce vote anticipé fait le plein,
01:16bat tous les records et cette mobilisation est à peu près comparable
01:20du côté démocrate et du côté républicain.
01:22Les démocrates avaient eu l'avantage en 2020
01:24puisque les républicains, à l'époque poussés par Trump,
01:26se méfiaient du vote par correspondance,
01:28pensant que c'était source de fraude.
01:31Cette année, les républicains ont viré leur cuti.
01:33Ils ont dit qu'il fallait rattraper le retard sur les démocrates.
01:37Et donc, ça marche puisque les électeurs républicains se mobilisent
01:40dans tous les swing states, les fameux États clés.
01:42Et on a des taux de participation comparables.
01:45Comment est-ce que vous qualifieriez cette campagne ?
01:48Parce qu'entre l'abandon de Joe Biden et finalement la candidature de Kamala Harris,
01:52entre l'attentat qui a failli coûter la vie à Donald Trump,
01:56entre les outrances qu'on a pu voir lors de certains meetings,
01:59il y a eu plein de moments, plein de séquences.
02:01Selon vous, c'est quoi qui permet de définir ce moment électoral ?
02:06Je pense que c'est une élection sans précédent aux États-Unis,
02:10de par la gravité et le caractère inédit des incidents majeurs qui se sont produits.
02:17On n'avait jamais connu un tel effondrement en direct devant les caméras
02:22de la part d'un candidat initial.
02:24Vous vous souvenez de Joe Biden lors de ce fameux débat télévisé du 27 juin
02:28où il était absolument incapable de répondre aux provocations de Donald Trump.
02:31Il était resté un petit peu bouche bée, montrant son vieillissement accéléré.
02:35Il y a bien évidemment le moment clé, peut-être un moment bascule,
02:40de la tentative d'attentat ratée contre Donald Trump le 13 juillet à Butler en Pennsylvanie,
02:45où finalement s'est passé à quelques centimètres de l'assassinat d'un candidat en direct.
02:51Ce genre de chose n'est jamais arrivé.
02:53Et puis il y a bien évidemment la décision de Joe Biden de renoncer à sa candidature,
02:58évidemment poussée vers la sortie par presque tout le camp démocrate,
03:02et la nomination un petit peu à la dernière minute, trois mois avant le scrutin de Kamala Harris,
03:07qui a donc dû rattraper en termes d'organisation, de logistique, de financement,
03:12de mobilisation des équipes, un retard quasiment irattrapable,
03:17quelque chose d'absolument démentiel.
03:20Elle y arrive presque, elle y est presque arrivée.
03:23Elle a réussi à combler le retard qu'avait pris Joe Biden jusqu'au mois de juin sur Donald Trump.
03:29À l'époque, on disait que Donald Trump allait probablement remporter cette élection haut la main.
03:33Il avait cinq, six, sept points d'avance dans les sondages sur Joe Biden,
03:37dans les sept États clés qui vont faire cette élection.
03:41Et Kamala Harris y est presque, elle le talonne dans plusieurs de ses États clés.
03:45Elle a un ou deux points d'avance selon les sondages dans certains États de ce qu'on appelle le mur bleu,
03:51ces États du nord-est de la ceinture de rouille du nord-est,
03:54des grands lacs que les démocrates ont traditionnellement toujours remportés.
03:58Ça ne va se jouer à pas grand-chose, et donc ça reste haletant jusqu'à la dernière seconde.
04:04Les sondages vont encore bouger d'un demi-point, d'un dixième de point jusqu'à la dernière minute.
04:08On aura une élection sous très haute tension mardi prochain.
04:13Vous dites que c'est encore assez difficile, évidemment, de dégager un vainqueur potentiel.
04:19Les meetings de ces derniers jours, celui de Donald Trump au Madison Square Garden à New York,
04:23celui de Kamala Harris à Washington, tout près de la Maison-Blanche,
04:27ce sont des meetings qui peuvent changer quelque chose dans la dynamique de la campagne,
04:32ou c'est un dernier meeting et qu'il n'y a rien qui va beaucoup encore changer ?
04:38Je pense que dans ce genre de situation, c'est intéressant d'être correspondant
04:43d'un quotidien de presse écrite et de ne pas dépendre entièrement des images de télévision.
04:49Donald Trump, comme Kamala Harris, tente des coups médiatiques de dernière minute.
04:53On a vu Donald Trump faire le buzz en servant des burgers dans un McDonald's.
04:58On l'a vu hier se muer en éboueur parce qu'il y avait eu une provocation
05:04au niveau des électeurs de Trump qui seraient des ordures,
05:07comme l'a malheureusement dit Joe Biden, ce qu'on peut appeler une gaffe de dernière minute
05:11qui était vraiment indésirée de la part du camp démocrate.
05:16Ce genre de coups donne l'impression qu'un candidat prend l'avantage sur un autre,
05:23qu'il va faire le buzz parce que les réseaux sociaux vont s'en emparer et vont s'enflammer là-dessus.
05:28C'est exactement ce qui est en train de se passer avec la gaffe de Biden et la réplique de Trump.
05:33D'un autre côté, il faut compenser toutes ces impressions qui nous donnent peut-être des images un peu faussées
05:40par le fait que presque tout le monde a déjà choisi son camp aux États-Unis.
05:43On a des pourcentages d'électeurs indécis qui sont, pour ne pas dire infimes, mais en tout cas très limités.
05:49On parle de 8% d'électeurs indécis en Pennsylvanie, 7% dans le Michigan, 6% dans le Wisconsin,
05:56trois de ces États qui sont fondamentaux pour l'élection.
05:59Ça peut paraître énorme, mais même quand on dit électeur indécis, ce sont des gens qui penchent déjà pour le vote qu'ils vont faire
06:06et qui sont juste en train d'essayer de repousser la décision jusqu'à la dernière minute.
06:11Par exemple, on va voter Trump en étant quelqu'un de très conservateur, en se pinçant le nez parce qu'on n'aime pas le personnage,
06:17on n'aime pas ses outrances, on n'aime pas ses dérapages verbaux, mais on suit les valeurs.
06:22Et les valeurs, c'est le refus de l'avortement, c'est une répression sévère de l'immigration clandestine
06:29avec ce que Trump a proposé, la déportation de 11 millions de sans-papiers aux États-Unis.
06:33Donc, on va voter pour lui sans enthousiasme.
06:36Jusqu'à la dernière minute, on n'a pas très envie d'en parler, mais le jour du scrutin,
06:41quand on ira déposer son bulletin dans l'urne, évidemment, on votera pour lui.
06:45C'est pareil côté démocrate.
06:46Kamala Harris a un relatif déficit de « likability », de popularité.
06:52C'est-à-dire que beaucoup de gens continuent à dire, malgré tous les efforts qu'elle a faits,
06:55qu'ils ne la connaissent pas bien, qu'ils ne visualisent pas bien son programme,
06:59qu'ils n'aiment peut-être pas trop sa voix nazi-hard ou, comme Barack Obama a osé le dire,
07:04peut-être que c'est un problème de sexisme.
07:06Certains hommes noirs, notamment, ne sont pas très friands de voter pour une femme noire à la présidence des États-Unis.
07:12Mais, là aussi, sur les valeurs, sur cette obligation traditionnelle, historique,
07:17de voter démocrate de génération en génération dans les grandes villes, etc.,
07:21on votera quand même Kamala Harris, même si ce n'est pas Barack Obama,
07:24même si ce n'est pas Oprah Winfrey ou Michelle Obama,
07:27qui auraient eu probablement un score, une popularité supérieure.
07:31On va quand même voter pour elle.
07:32Donc, les jeux sont presque faits.
07:36Il ne reste pas grand-chose à décider.
07:37C'est une question de mobilisation dans les deux camps.
07:40Et ça se jouera plutôt sur une abstention à la marge.
07:43Lequel des deux camps parviendra à mobiliser le maximum et à limiter cette abstention dans ses propres rangs ?
07:50On sait, on l'a déjà dit ensemble, on a déjà fait des podcasts, des vidéos pour l'expliquer,
07:54mais cette élection, elle va se jouer dans certains États, en particulier dans les fameux swing states.
07:59On a un peu plus d'infos pour...
08:01On sait un petit peu plus vers quels camps est-ce que certains de ces États peuvent pencher.
08:05On a beaucoup parlé de la Pennsylvanie.
08:07Est-ce que c'est une bataille pour la Pennsylvanie ?
08:09Il y a un des deux candidats qui est en train de la gagner.
08:12C'est vraiment le yo-yo d'un sondage à l'autre.
08:15Il faut savoir que les sondages, selon les instituts mobilisés pour mener ces enquêtes d'opinion,
08:21sont parfois polarisés, puisqu'on a des instituts de sondage qui sont un peu plus conservateurs
08:24ou un peu plus progressistes, démocrates.
08:27Donc, il faut se méfier énormément de cette avalanche d'enquêtes d'opinion
08:32dont on est abreuvés depuis des mois et des mois.
08:36Ce qui est sûr, c'est que ça a l'air de se jouer à moins d'un point,
08:39à quelques dixièmes de point dans des États cruciaux, comme tu l'as dit, en Pennsylvanie.
08:46La Pennsylvanie, c'est 19 grands électeurs.
08:48Tout le monde est d'accord pour dire que Donald Trump doit remporter la Pennsylvanie
08:53s'il veut espérer gagner la présidentielle, à moins qu'il fasse un full house,
08:58donc qu'il récupère tous les autres États clés et qu'il se passe de la Pennsylvanie.
09:02Mais c'est absolument fondamental pour lui.
09:04Kamala Harris a un autre chemin, une autre voie pour le remporter
09:08si elle perd la Pennsylvanie.
09:09Mais il faudrait qu'elle gagne là où elle ne part pas favorite,
09:12c'est-à-dire dans les États de la Sunbelt, les États du Sud,
09:15qui sont l'Arizona, le Nevada, la Géorgie et aussi un petit peu la Caroline du Nord.
09:20Ça, ça sera plus difficile pour elle.
09:22Donc, on dirait très, très légers avantages,
09:25infimes avantages dans les États du Nord, le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie
09:30pour Kamala Harris et relatifs avantages, là aussi très infimes,
09:34pour Donald Trump dans les États du Sud.
09:36Juste pour terminer, et de toute façon, je sens déjà venir votre réponse.
09:41Vous allez me dire que c'est très, très compliqué.
09:42Je ne vais évidemment pas vous demander qui va gagner,
09:44mais on s'est beaucoup posé de questions aussi sur l'incertitude par rapport à ces élections
09:49et notamment l'incertitude du moment où on aura un résultat.
09:53Là, vous parlez de scores extrêmement serrés, de sondages en tout cas extrêmement serrés
09:57dans certains États clés.
09:59Ça veut dire que le 6 novembre, on ne sera pas prêts à avoir des résultats.
10:03Il va falloir attendre, comme il y a quatre ans,
10:05presque une semaine pour avoir des résultats fiables.
10:09Alors, il est possible que le scénario de 2020 se reproduise.
10:12En 2020, on disait déjà exactement la même chose qu'à cause des systèmes de dépouillement
10:17extrêmement compliqués et spécifiques à chaque État fédéré.
10:19On allait peut-être devoir attendre jusqu'au samedi suivant pour avoir le résultat final.
10:24Et bien, il se trouve que la chaîne Fox News, une chaîne conservatrice,
10:28est la première à avoir annoncé la victoire de Joe Biden en 2020,
10:31ce qui a d'ailleurs rendu fou, furieux, le camp Trump.
10:34Il était, si je me souviens bien, aux alentours de 21h, 21h30, heure de Washington en 2020.
10:40Ils étaient les premiers.
10:42Or, la Pennsylvanie avait mis plus de 48 heures à finir de dépouiller ses bulletins.
10:47Donc, ils étaient déjà en mesure d'annoncer, selon des projections,
10:50que la Pennsylvanie avait été remportée par Joe Biden.
10:53Le scénario pourrait très bien se reproduire,
10:55c'est-à-dire qu'on va avoir un État comme la Pennsylvanie qui va mettre beaucoup de temps à dépouiller
10:59parce qu'il y a énormément de soucis en termes de personnel
11:03pour le dépouillement dans les bureaux de vote,
11:06aussi des mesures extrêmement compliquées d'ouverture des caisses
11:09dans lesquelles se trouvent les bulletins et de leur triage par la suite.
11:13Il est possible que les grandes chaînes de télévision annoncent le vainqueur dès le mardi soir,
11:19mais qu'on ait un score final figé avec la fin du dépouillement au bout de trois ou quatre jours.
11:25Ce qui permettra au camp Trump de dire que tout ça, que les dés sont pipés.
11:29On s'attend déjà à des contestations et des dénonciations de fraude
11:33dans certains États-clés de la part surtout du camp Trump,
11:36a fortiori si Kamala Harris est déclarée vainqueur
11:40et que Donald Trump perd de nouveau cette élection avant même la fin du dépouillement officiel.
11:46Donc, attention au remous à partir de la nuit du 5 au 6 novembre.
11:52Merci beaucoup, on y sera très attentifs.
11:54En tout cas, on peut déjà donner rendez-vous à tout le monde,
11:57que ce soit sur notre site, dans le papier, dans l'application, en podcast, en vidéo.
12:01On sera là, nous aussi, dès le 6 novembre pour vous informer en direct sur l'avancée de ces derniers résultats.
12:07Merci beaucoup, Morin. On se retrouve évidemment très vite.
12:11Vous nous retrouvez aussi sur le site et dans l'application du soir.

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