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Marseille. Il est 9h05, lundi 5 novembre 2018, lorsque deux immeubles, les numéros 63 et 65 de la rue d’Aubagne, en très mauvais état, s’effondrent sur eux-mêmes, emportant avec eux huit vies : celle de Chérif, Fabien, Julien, Marie-Emmanuelle, Pape, Ouloume, Simona, et Taher.
Des femmes et des hommes de tous âges, toutes conditions, toutes origines, toutes confessions. Des Marseillais dont les noms, désormais gravés dans l’histoire, ne cesseront jamais de nous hanter.

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00:00Marseille, il est 9h05, lundi 5 novembre 2018, lorsque deux immeubles, les numéros 63 et 65 de
00:07la rue d'Aubagne, en très mauvais état, s'effondrent sur eux-mêmes, emportant avec eux huit vies.
00:13Celles de Chérif, Fabien, Julien, Marie-Emmanuel, Pape, Ouloum, Simona et Taher. Ce matin-là,
00:21le réveil de Julien Sonto, réceptionniste depuis six mois à l'hôtel Adagio du Vieux-Port,
00:26il doit prendre son service à 7h. Mais au moment de partir, impossible de fermer la porte. Pas
00:33question de partir sans verrouiller l'appartement où trône la belle guitare électrique et l'ampli
00:39reçu à son anniversaire. Il prévient son patron de son probable retard et attend l'intervention
00:45de son propriétaire pour pouvoir sortir. Le franco-péruvien avait célébré ses 30 ans
00:50deux semaines plus tôt dans son appartement du deuxième étage du 65. Sa maman, venue spécialement
00:56de Lima, avait fait part de ses inquiétudes en découvrant l'état de l'immeuble. Il l'avait
01:02rassuré en lui disant que des experts étaient passés, écartant tout danger. Le jeune homme
01:07s'était malgré tout laissé convaincre de déménager à la fin du mois. Quitter le 65,
01:12une démarche que sa voisine italienne du troisième étage, Simona, avait déjà entamée,
01:17car le bâtiment ne lui inspirait pas confiance. L'étudiante de 30 ans installée dans l'immeuble
01:23quelques semaines plus tôt devait signer son nouveau bail à 10 heures ce 5 novembre. La
01:29veille au soir, Simona avait invité son amie Pape, 26 ans, d'origine sénégalaise,
01:34à dormir chez elle. Deux jours plus tôt, la jeune femme originaire de Tarente dans les Pouilles
01:39avait passé la soirée chez son voisin de palier Fabien. Celui que tout le monde surnommait Fosto
01:45était un artiste-peintre de 54 ans, à la santé affaiblie par la maladie, mais qui aimait partager
01:50du bon temps entre amis, du côté du Vieux-Port, du Cours Julien ou de la Plaine. Fêtard, Rachid
01:56l'était également. Le dimanche soir, cet habitant du deuxième étage avait refait le monde jusqu'au
02:01bout de la nuit avec ses amis chérif et taher. Il avait proposé à ses deux invités de rester.
02:07Le premier âgé de 36 ans arrivait deux ans auparavant d'Algérie où il avait laissé sa
02:13femme et sa fille de 4 ans vendait des cigarettes à la sauvette à Noailles où il dormait de temps
02:18en temps chez sa cousine, en attendant sa régularisation pour une vie meilleure. De
02:23taher on ne sait quasiment rien, simplement que cet ami tunisien de 56 ans s'est trouvé au mauvais
02:29endroit au mauvais moment. Ce dimanche soir, Sophie avait quitté son appartement du quatrième étage.
02:35L'étudiante en philo de 25 ans s'était réfugiée chez ses parents, inquiète de constater que depuis
02:41plusieurs semaines, les murs bougeaient et des fissures étaient apparues. Ça faisait plusieurs
02:46jours et semaines que les portes de nos voisins ne se fermaient plus et ne pouvaient plus s'ouvrir
02:51parce que le châssis en métal s'était fait resserrer par la pression des murs. Et j'avais
02:56peur que si je passais la nuit de dimanche chez moi, le matin j'aurais été enfermée,
03:02j'aurais eu du mal à ouvrir ma porte et du coup c'est pour ça que je suis partie. Ses voisins
03:07Pierre 23 ans et Alexia 25 ans avaient eux passé le week-end dans l'appartement laissé
03:12vacant par des amis dans le centre-ville. Leur douche s'était mise à fuir sans raison.
03:17En fait on est parti il y a deux jours parce qu'on voyait que c'était vraiment insalubre,
03:22c'était vraiment un calvaire. Lundi matin ça s'est effondré, on a eu la propriétaire qui
03:26nous a appelé, ouais est-ce que vous étiez encore vivant parce que l'immeuble il s'est effondré.
03:30Installé sur le même palier, Abdelkani 33 ans avait croisé le dimanche sa voisine Marie-Emmanuel
03:3655 ans dans la cage d'escalier. Une semaine après que Sophie l'avait aidé à ouvrir sa porte restée
03:42coincée, l'iséroise artiste verrière pestait à propos de la lourdeur des charges exigées pour
03:48aménages pas si bien faits dans les parties communes. Abdelkani lui songeait plutôt à la
03:53vétusté aggravée de l'immeuble. Le 5 novembre l'homme se réveille plutôt que d'habitude. En
03:59se levant il est interpellé par un petit bruit de craquement. En jetant un oeil autour de lui,
04:04il prend conscience que de petites fissures apparues la veille au soir se sont élargies
04:08et que quasiment tous les murs de l'appartement sont lézardés. A son tour l'administrateur système
04:14et réseau électrique qu'il est, alerte son chef de son retard, bien décidé à se rendre immédiatement
04:20chez son syndic de copropriété. Abdelkani glisse tous les papiers à présenter au cabinet dans son
04:25sac à dos et part vers la rue Grignan, non sans filmer au passage les fissures de son appartement
04:31et l'état de l'immeuble. Son smartphone immortalise l'heure de la vidéo, il est 8h51.
04:37C'est le moment que choisit Rachid pour sortir acheter des cigarettes. Pas un instant il n'imagine
04:52que ce geste va lui sauver la vie. Une chance que n'a pas eu Ouloum, 55 ans. Sept mamans de
04:58six enfants accompagnent ce lundi de rentrée, son petit dernier et la mine, à l'école Albert
05:03Chabanon, située à 450 mètres de chez eux. Elle le dépose à 8h30 avant de retourner à la maison
05:10où elle doit récupérer des papiers. Ouloum avait quitté son village natal des Comores pour vivre
05:16à Mayotte. Mais il y a quelques années, elle a rejoint Marseille pour se rapprocher de ses enfants.
05:21Le matin quand elle a déposé le petit à l'école, elle a discuté un peu avec la voisine,
05:27elle a dit à la voisine je monte à la maison pour aller chercher un papier parce que j'ai des
05:34papiers à faire. Et là l'immeuble s'est effondré. 9h05, en quelques secondes, les numéros 63 et 65
05:45de la rue d'Aubagne s'écroulent. Dans la rue, Rachid s'effondre en pensant à ses amis laissés
05:51à l'intérieur. À hauteur de la rue de Rome, Abdelghani entend un bruit et aperçoit un nuage
05:57de poussière. Il revient sur ses pas en découvrant que son immeuble a disparu. Il appelle aussitôt
06:03ses proches pour les rassurer, il est en vie, miraculé lui aussi. Rue d'Aubagne, il faudra
06:095 jours pour extraire de l'impressionnant monticule de béton et d'acier les 8 corps de ceux qui
06:14occupaient l'immeuble du 65 à ce moment-là. Chérif, Fabien, Julien, Marie-Emmanuelle,
06:20Ouloum, Pape, Simona et Taher sont formellement identifiés. Des femmes et des hommes de tous
06:27âges, toutes conditions, toutes origines, toutes confessions. Des Marseillais dont
06:32les noms désormais gravés dans l'histoire ne cesseront jamais de nous hanter.

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