A l’occasion de la sortie de son nouveau livre «La vertu dangereuse», Julia De Funès était l’invitée ce samedi de Mathieu Bock-Côté. Pour la philosophe, «la bien-pensance est cette soumission aux idéologies positives».
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00:00L'entreprise prend le relais de ce qui se passe dans notre société, c'est un catalyseur de ce qui se passe dans la société actuellement.
00:05Et ce n'est pas seulement l'idéologie woke dans l'entreprise de wokisme,
00:08c'est une partie de cette bien-pensance qui a envahi notre pays, qui a envahi nos entreprises et qui a engourdi nos esprits.
00:14Et donc ce que j'essaye de montrer, c'est que la bien-pensance et cette soumission aux idéologies positives,
00:20c'est le politiquement correct, ce sont les bons sentiments, le prêt-à-penser, qui a trois écueils énormes,
00:25c'est qu'elle substitue cette bien-pensance, la réflexion à l'expression de l'opinion majoritaire.
00:29Deuxièmement, elle ne juge, et c'est ça qui est plus grave, de la valeur d'un raisonnement et d'une idée
00:36qu'en fonction non pas de sa pertinence, de son objectivité ou de sa vérité,
00:39mais en fonction de sa conformité au credo moral du moment.
00:42C'est pour ça qu'il y a des universitaires, que vous recevez d'ailleurs ici, qui n'ont plus lieu d'être,
00:47qui ne sont plus jamais invités dans les universités, parce qu'ils ne disent pas des choses fausses,
00:51mais c'est parce qu'ils ne correspondent plus au credo moral du moment.
00:55Et cette bien-pensance, troisième chose, c'est vraiment un dogmatisme binaire
00:58qui pose d'un côté le camp du bien, d'un côté le camp du mal,
01:01et qui oublie un peu vite que bien et mal s'entremêlent sur chaque sujet.
01:04C'est en ce sens que cette moralisation, c'est ça la bien-pensance, c'est de la moralisation facile,
01:09s'oppose à la vraie réflexion morale, qui suppose une technicité,
01:13et qui ne fait pas d'un avis une analyse, qui ne fait pas d'un opinion une réflexion,
01:17qui ne fait pas d'un verdict un jugement, et qui essaye de déceler dans le bien, parfois l'injuste,
01:23qui essaye de voir comment les deux s'entremêlent.
01:25Et dans ce livre-là, j'essaye de montrer en quoi les vertus peuvent basculer en vice,
01:29en quoi nos bienfaits dans ce pays peuvent se retourner en méfaits,
01:32en quoi nos raisons d'éloge peuvent se retourner en cause d'effroi.
01:35Et c'est très vrai dans l'entreprise, il y a beaucoup de bonnes intentions,
01:38c'est l'entreprise du XXIe siècle, les vœux sont très bons, les intentions sont très bonnes,
01:42c'est pétri de bons sentiments, mais la volonté du bien peut créer plus de mal que de bien.
01:46Les bons sentiments ne sont pas un signe de vertu, ne sont pas un gage de vertu,
01:50la moralisation peut conduire au pire.
01:53Donc il faut avoir du discernement, il ne s'agit pas de dire c'était mieux avant,
01:56ce n'est pas du tout mon point, ça va beaucoup mieux, on progresse, on travaille beaucoup mieux,
02:00il suffit de relire cela pour se guérir de toute nostalgie quant aux conditions de travail passées.
02:04Donc il ne s'agit pas du tout d'être réactionnaire, conservateur,
02:08mais de se dire l'heure est au discernement et l'esprit critique
02:11pour déceler le moment de bascule quand une bonne intention se retourne en son contraire.