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Enseignant chercheur et docteur en Etudes rurales, enseignant à l'école d'ingénieurs Purpan Toulouse
Transcription
00:00C'est le début du quart d'heure Toulousain. Quart d'heure Toulousain consacré aux agriculteurs.
00:03Ce matin, vous êtes éleveur, producteur. Venez nous raconter votre quotidien, vos difficultés.
00:08Vous appelez Fanny tout de suite. 05 34 43 31 31.
00:11Et pour comprendre vos difficultés, on est avec un pro de la question, si je puis dire ainsi.
00:15Bonjour Julien Fressigne.
00:16Bonjour Jeanne-Marie.
00:17Vous êtes enseignant-chercheur à l'école d'ingénieurs de Purpan à Toulouse, docteur en études rurales.
00:22D'abord, est-ce que vous avez le sentiment que les grandes manifestations de l'an dernier,
00:26qui ont démarré chez nous sur la 64, ont servi à quelque chose ?
00:30Est-ce que la vie des agriculteurs dans notre région s'est améliorée ou pas ?
00:34La sensation des agriculteurs, c'est d'abord ça qui prime, c'est que rien n'a été fait, ou presque,
00:40depuis les avancées, depuis le salon notamment.
00:43Donc, les manifestations qui avaient commencé en novembre, ça fait un an pile-poil depuis l'an dernier,
00:48avaient permis d'obtenir sur le papier un certain nombre d'avancées par rapport au gazole non routier,
00:53par rapport à un certain nombre de pauses sur le plan éco-phyto,
00:56ce qui avait d'ailleurs fait un peu râler le milieu écologiste et les défenseurs de l'environnement d'une façon générale,
01:02des avancées financières, et puis surtout une loi d'orientation agricole,
01:05qui devait quand même, sur des questions de renouvellement des générations, d'attractivité des métiers,
01:09devait avoir un certain nombre d'avancées.
01:12Le souci est qu'avec la dissolution, tout cela a été mis en pause,
01:17et donc cette sensation, elle est réelle, et je pense qu'elle est en partie justifiée.
01:20Parce que la loi agricole est en pause aussi ?
01:22La loi agricole, elle est en pause pour l'instant.
01:24Est-il vrai que c'est dans notre région que les agriculteurs ont les plus faibles revenus de France ?
01:29C'est malheureusement vrai.
01:31On a beau être la région avec un très grand nombre de démarches inofficielles de qualité,
01:35puisque c'est ce sur quoi on travaille notamment à Burpin,
01:37malgré tout, le handicap naturel inhérent à la région,
01:41montagnes, conditions agronomiques, etc.,
01:44font qu'effectivement, à l'arrivée, le revenu agricole, c'est en Occitanie qu'il est le moins élevé.
01:50Et si vous nous écoutez, si vous êtes agriculteur, appelez-nous,
01:52on est très preneurs de vos témoignages, de votre vie quotidienne, 05 34 43 31 31.
01:58L'Occitanie est la première région bio de France,
02:02et pour autant, ceux qui sont en bio ne s'en sortent pas mieux que les autres.
02:06J'aimerais vous faire écouter, Julien Fressin, le témoignage de Philippe Bass,
02:10qui fait des fromages avec son lait bio dans le département du Tarn.
02:14On nous balade, mais complètement, quand on voit que le prix du litre de lait en bio
02:18est quasiment au même prix qu'au conventionnel,
02:20moindre aliment coûte 3-4 fois plus cher qu'au conventionnel, là, il y a un problème.
02:24La faute à qui, ça, Julien Fressin, aux centrales d'achat qui ne valorisent plus du tout la filière bio ?
02:30Probablement en partie.
02:31La faute à nous aussi, quelque part, dans la mesure où depuis 2 ans,
02:35même si les choses vont un petit peu mieux maintenant,
02:38les consommateurs ont boudé et les produits bio, inflation oblige, bien entendu.
02:42Ben ouais, c'est très cher encore, c'est plus cher que le produit conventionnel.
02:45Un produit bio, par essence, doit être plus cher, parce qu'il coûte plus cher à produire,
02:47parce que les rendements en bio sont moins élevés, donc, par essence, un produit bio doit être plus cher.
02:52Le fait est que sur les marchés, pour l'instant, du fait de l'inflation,
02:55les consommateurs, les plus modestes notamment, mais les autres aussi,
02:58vont avoir tendance à arbitrer, et arbitrer notamment à renoncer à un certain nombre de standards de qualité,
03:04et notamment sur le bio, qui en pâtit malheureusement.
03:06Et les grandes surfaces, elles, quel rôle elles jouent dans la fixation des prix ?
03:10Les grandes surfaces jouent un rôle central.
03:13Voilà, la France, le marché alimentaire tel qu'il est organisé aujourd'hui,
03:17c'est quelques grandes centrales face à des industriels, eux aussi relativement puissants,
03:22face à des agriculteurs, certes, regroupés,
03:24mais leur rapport de force est toujours, malheureusement, en faveur des grandes centrales.
03:28Donc, quand on discute avec les professionnels, quand on discute avec les agriculteurs, avec les industriels,
03:33on voit des comportements de distributeurs différents.
03:36Je ne vais surtout pas citer de nom, mais en tout cas, on en a certains qui jouent beaucoup plus facilement le jeu
03:40du « made in France » et d'une certaine solidarité nationale par rapport aux produits.
03:45Pas forcément ceux qu'on croit, d'ailleurs.
03:47Ça, c'est certain.
03:48Ensuite, le rôle de la grande surface, elle est importante, le rôle des consommateurs que nous sommes est important aussi.
03:54Alors, justement, les consommateurs, les fameux circuits courts dont on nous parle tout le temps,
03:59certains disent qu'ils s'en sortent aussi grâce à ça, certains agriculteurs,
04:02sauf que ça prend beaucoup de temps, de l'argent.
04:04Est-ce qu'on sait quel pourcentage d'exploitation dans la région vend en circuit court ?
04:08À l'échelle régionale, qui est à peu près, grosso modo, celle de l'échelle nationale,
04:12aujourd'hui, les recensements vont nous dire qu'un agriculteur sur cinq, sur quatre maintenant,
04:17plutôt un agriculteur sur quatre, va avoir possibilité de vendre en circuit court toute ou partie,
04:22une petite partie de son production.
04:24Ce sont les chiffres, donc, c'est effectif, c'est effectivement des pratiques qui se font
04:28avec des impacts variables, on va dire, sur le chiffre d'affaires de leur exploitation.
04:33Pour certains, c'est une petite diversification de 1 ou 2 %,
04:36pour d'autres, comme le reportage qu'on a vu, c'est beaucoup plus significatif.
04:41C'est une tendance qui se développe.
04:43Il ne faut pas, et c'est aussi ce que j'explique aux élèves, surestimer cette tendance.
04:47Est-ce que le circuit court permet à l'agriculteur de fixer son prix ?
04:50Beaucoup plus facilement, mais il y a un marché autour de lui, malgré tout.
04:53Donc, quand l'agriculteur va fixer son prix, de fromages transformés ou d'autres produits,
04:57il va regarder ce qui se passe autour, de toute façon.
04:59Donc, il n'est pas complètement libre non plus,
05:01il sait qu'au-delà d'un certain prix, les consommateurs, de toute façon, ne seront pas vendus.
05:06Donc, on n'est jamais totalement libre, c'est toujours la loi de l'offre et de la demande.
05:09Un mot important pour terminer sur le Mercosur,
05:11qui va déclencher de nouvelles manifestations dès lundi prochain dans la région.
05:14C'est un accord de libre-échange que l'Union Européenne pourrait signer
05:18avec les pays d'Afrique, d'Amérique Latine, lors du G20 la semaine prochaine.
05:22La majorité des droits de douane, arrêtez-moi si je me trompe, seraient supprimés.
05:27Ça veut dire quoi ? Qu'on va trouver dans nos supermarchés,
05:29de la viande argentine moins chère et remplie de pesticides demain ? C'est le risque ?
05:33C'est le risque à moyen terme.
05:36Attention de ne pas appuyer sur le bouton avec votre cuisse.
05:40Excusez-moi, c'est le risque à moyen terme.
05:43Cet accord, ça fait 20 ans qu'on en parle, déjà, il faut le savoir.
05:45Donc, il a été mis en pause, il a été relancé.
05:48Là, on sent une inquiétude grandissante chez les agriculteurs
05:51par rapport aux conséquences que ça pourrait avoir.
05:53J'ai envie de vous dire qu'il va y avoir des gagnants, il pourrait y avoir des gagnants et des perdants.
05:57On a des productions qui voient ça plutôt d'un bon oeil,
06:01parce que ce serait une opportunité pour eux que d'aller exporter leurs produits
06:04en Amérique du Sud, je pense aux produits laitiers,
06:07je pense à la viticulture notamment, qui ne va pas forcément très bien,
06:11donc ils voient ça comme une opportunité.
06:12Mais à l'inverse, on a des productions, des filières beaucoup plus exposées,
06:15et je pense à la filière viande, la viande bovine notamment,
06:18les poulets également, dans un degré moindre,
06:21mais voilà, on pourrait voir arriver là, oui, des produits
06:24beaucoup moins disants en termes écologiques, ça c'est certain, en termes environnementaux,
06:28mais également en termes de niveau de prix,
06:30beaucoup plus intéressants potentiellement pour le consommateur,
06:33ceci en dépit des coûts de transport qui vont arriver.
06:35Il est vraiment en passe d'être signé ce Mercosur ?
06:38Il est vraiment en passe d'être signé, l'Union Européenne y tient, beaucoup,
06:42la France est très réticente, mais vous n'êtes pas sans savoir
06:44que la France a perdu un peu d'influence à l'échelle européenne,
06:47donc bien malin qui peut savoir ce qui va se passer dans les prochains jours.
06:51Et le Premier Ministre Michel Barnier s'est dit contre ce Mercosur
06:54dans les conditions actuelles.
06:56En l'état, il sera en direct au Saufrance Bleue de 13h à 14h
07:00pour notre journée spéciale agriculteur, crise agricole,
07:03vous pourrez poser vos questions au Premier Ministre en 05 34 43 31 31.
07:09Merci beaucoup Julien Fressine pour votre pédagogie,
07:11vous êtes enseignant-chercheur à l'école d'ingénieurs de Purpan à Toulouse.
07:14Bonne journée, à bientôt.

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