Pascal Marchand, enseignant-chercheur en Sciences de l'information et de la communication à l'Université de Toulouse.
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00:00Oui, il est bienvenu, vous venez de brancher la radio, peut-être la télé, l'appli.
00:03On est dans le quart d'heure Toulousain, auquel vous pouvez bien sûr participer comme chaque matin,
00:07et on parle des Gilets jaunes. Faut-il reprendre les revendications des Gilets jaunes de l'époque ?
00:10Vous témoignez dans notre quart d'heure Toulousain, 05 34 43 31 31.
00:15Et on vous reparle des Gilets jaunes plus de 6 ans après le début du mouvement,
00:19parce que le nouveau Premier ministre François Bayrou remet le sujet sur la table en déclarant vouloir
00:24reprendre l'étude des cahiers de doléances écrits par les Gilets jaunes, mais pas que, après la crise en
00:292019. Bonjour Pascal Marchand.
00:32Bonjour.
00:33Vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet-là, sur ce mouvement-là.
00:36Vous êtes enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Toulouse.
00:40Je vous pose une première question à 1000 euros. Que reste-t-il des Gilets jaunes ?
00:44Ah, c'est difficile à dire là comme ça tout de suite.
00:48Ce qu'il en reste au moins, c'est une trace très très forte d'un mouvement qui a imprimé et impressionné la société française.
00:57Jusque-là, on avait comme référence pour les mouvements sociaux Mai 68,
01:01et on a d'ailleurs utilisé Mai 68 comme explication possible des Gilets jaunes.
01:05Maintenant, les Gilets jaunes sont devenus eux-mêmes un mouvement explicatif.
01:10C'est-à-dire que quand on parle d'un mouvement social, maintenant on fait spontanément référence aux Gilets jaunes.
01:14Et on se souvient que les manifestations étaient colossales chez nous à Toulouse.
01:18Il y a-t-il encore des Gilets jaunes à votre connaissance dans notre région toulousaine ?
01:22Sans doute, sans doute, sous une forme ou sous une autre.
01:25C'est-à-dire, je ne sais pas si les anciens Gilets jaunes sont toujours mobilisés et mobilisables comme Gilets jaunes.
01:32Là, en tout cas, étant donné que la situation n'a pas significativement changé,
01:36la situation qui avait provoqué ce mouvement n'a pas significativement changé,
01:40on peut imaginer que tout un tas de personnes sont capables de se remobiliser à une occasion semblable pour reformer un mouvement.
01:48A vous, vous imaginez un nouveau mouvement des Gilets jaunes dans les prochaines semaines ?
01:53En tout cas, ce n'est pas à exclure ?
01:55Moi, je pense qu'il n'est pas à exclure qu'un mouvement social de même nature puisse réémerger.
02:02Puisque de toute façon, premièrement, la situation qui avait provoqué ce mouvement n'a pas significativement évolué depuis.
02:09Deuxièmement, un certain nombre de propos, et on va y revenir,
02:14notamment sur le grand débat national ou sur les cahiers de déoléances, n'ont pas été analysés pour pouvoir en tirer les conséquences.
02:21Alors, que reste-t-il, justement, des revendications ?
02:24C'est la question qu'on pose à nos auditeurs d'ici Occitanisme.
02:27Il y a une auditrice, d'ailleurs, sur notre page Facebook qui rappelle, à juste titre, que le mouvement est né sur les prix de l'essence.
02:35Vous confirmez ça ? À l'époque, c'était ça ? On a oublié ?
02:38Dans les tout premiers jours, c'est ça.
02:40Dans les tout premiers jours, le mouvement est effectivement né d'une question de prix des carburants.
02:47Et donc, on a une organisation d'une première manifestation sur ce mot d'ordre-là à Paris.
02:54Et quasiment tout de suite, quelqu'un de Carcassonne, d'ailleurs, qui va proposer, en plus de la manifestation, de mettre un gilet jaune sur le tableau de bord des voitures.
03:04Et ce mouvement-là, contre toute attente, va s'amplifier.
03:07On va commencer à croiser des voitures sur la Roca de Toulousaine avec des gilets jaunes sur le tableau de bord.
03:11Et petit à petit, un certain nombre de manifestations vont arriver.
03:14Mais il faut dire que ça, c'est peut-être l'étincelle qui a mis le feu aux poudres.
03:18Mais très vite, les revendications des gilets jaunes vont évoluer.
03:22En quelques semaines, nous, on a suivi ça dans mon laboratoire, le laboratoire d'études et recherches appliquées en sciences sociales.
03:28On a suivi ça immédiatement.
03:30Et quelques semaines après ce début de mouvement, déjà, on avait des revendications beaucoup plus globales qui touchaient à l'organisation de la démocratie et à l'expression citoyenne.
03:41Il y a une chercheuse bordelaise qui parle d'un combat pour le pouvoir de vivre.
03:46Ça veut dire qu'on était, en effet, bien au-delà du pouvoir d'achat ?
03:49Ah oui, oui.
03:51Très, très vite, les revendications se sont élargies.
03:54Et très, très vite aussi, ce qu'on appelle les gilets jaunes se sont organisés en mouvements de réflexion et de formalisation de revendications.
04:06Il y a eu non seulement les manifestations, mais il y a eu les assemblées, des assemblées.
04:10C'est-à-dire que les gilets jaunes ont commencé à construire ce qui pouvait être pour eux un véritable programme politique,
04:16avec des dimensions politiques, écologiques, économiques, sur l'éducation, sur la justice, sur l'Europe.
04:22Donc c'est un travail d'élaboration collective d'un programme politique comme on n'en avait quasiment jamais vu en France.
04:28Des cahiers de doléances ont donc été ouverts et remplis après la crise en 2019 dans toutes les mairies.
04:33Plus de 200 000 contributions consignées dans 16 000 communes.
04:38François Bayrou dit vouloir les réétudier. Est-ce-à-dire que ces cahiers n'ont servi à rien jusque-là ?
04:45Alors, il y a deux choses dans votre question.
04:47La première, c'est les cahiers. La deuxième, c'est François Bayrou.
04:50Sur les cahiers de doléances eux-mêmes, c'est vrai que ça a été un immense gâchis,
04:55parce qu'énormément de citoyens se sont déplacés dans les mairies pour remplir à la main ces cahiers,
05:01qu'ensuite ces cahiers ont été déplacés. On s'est demandé ce qu'on allait en faire.
05:05Ils sont partis à la Bibliothèque nationale de France, où ils ont été partiellement ou totalement, je ne sais pas exactement, numérisés.
05:12Et puis ensuite, on a redéplacé ces cahiers vers les départements.
05:17Les archives départementales, à l'heure actuelle, qui archivent généralement de façon très attentive ces cahiers de doléances.
05:25Donc, à l'heure actuelle, on en est là. C'est-à-dire qu'ils sont dispersés sur le territoire.
05:29Une partie, sans doute, a été numérisée, mais on ne sait pas trop comment y avoir accès,
05:34avoir accès à cette numérisation. On ne sait pas trop non plus comment avoir accès à ces cahiers au niveau local.
05:40Alors, on peut les consulter.
05:42Aux archives départementales.
05:44Il y a eu des initiatives citoyennes. Vous parliez de Bordeaux. On travaille étroitement avec l'équipe de Bordeaux.
05:51Mais il y en a eu dans la Creuse, dans le Finistère.
05:54Donc, des chercheurs, par exemple, qui se sont emparés de cette question-là,
05:58qui ont créé quelquefois des mouvements citoyens, où ils ont envoyé des citoyens avec leur propre ordinateur portable
06:04pour réécrire sur ordinateur ce qu'il y avait dans les cahiers de doléances, et ensuite faire un traitement dessus.
06:09Donc voilà, il y a des initiatives, mais ce sont des initiatives locales.
06:12Et sur l'aspect politique, François Bayrou, qui dit vouloir étudier, réétudier ces cahiers de doléances,
06:18c'est purement politique selon vous ? Il faut y croire ou pas ?
06:20Alors, là, il faut remettre ça dans le contexte de la déclaration de politique générale de François Bayrou.
06:24Vous savez, je l'ai analysée aussi avec nos logiciels, puisque notre spécialité dans le laboratoire de Toulouse,
06:30c'est de développer des logiciels d'analyse de très grandes masses de données textuelles.
06:33Et donc, j'ai analysé aussi la déclaration de politique générale de François Bayrou,
06:37et je l'ai comparée à toutes les autres de la Ve République. C'est la 48e.
06:41Et les mots les plus importants, c'est les mots questions, sujets, promesses.
06:45Et donc, il a fait un véritable catalogue de ce qui, pour lui, était un sujet, posait question et faisait l'objet de promesses.
06:52Et dans les cahiers de doléances, ça apparaît dans une petite séquence qui est coincée entre l'égalité homme-femme,
06:58le sort des femmes iraniennes, les violences sexuelles et sexistes.
07:02Tout de suite après, on a les gilets jaunes et les cahiers de doléances, et tout de suite après, on a l'immigration.
07:07Donc, en quelques secondes, François Bayrou balaye des sujets, comme ça, où il dit qu'il faut faire quelque chose là-dessus.
07:14Moi, j'entends ça avec énormément d'espoir, parce que je pense que c'est un immense gâchis,
07:20cette question, comme l'avait été le grand débat national aussi,
07:23et qu'il faudrait utiliser cette matière des cahiers de doléances comme une véritable expression citoyenne.
07:29Ceci dit, le travail est colossal. Il faut numériser cette quantité-là,
07:33il faut développer énormément de choses en ressources humaines, en ressources matérielles,
07:37et ensuite faire un traitement systématique.
07:39Donc, qu'est-ce que François Bayrou peut attendre de ce traitement-là ?
07:44C'est sûr qu'il risque de ne pas y trouver la justification de la politique d'Emmanuel Macron depuis le début.
07:52Moi, j'avais traité ça, notamment ce qui était spécifiquement lié aux retraites, dans le vrai débat des gilets jaunes,
07:58et ce qui était réclamé par les gilets jaunes n'était pas conforme à la réforme des retraites.
08:04Donc, on pouvait déjà imaginer que la réforme des retraites allait mal se passer.
08:07Merci beaucoup.
08:08On peut aller plus loin, mais on n'a peut-être pas le temps.
08:11On aura l'occasion d'en reparler, puisque le chantier est ouvert sur ces cahiers de doléances.
08:15Merci beaucoup, Pascal Marchand, enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Toulouse.