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Charles Dubouloz et Symon Welfringer font aujourd'hui partie des meilleurs alpinistes du monde. Adeptes du style alpin, ils réalisent des ascensions engagées où les notions d'aventure et de prise de risque ne sont pas galvaudées. Retour sur les réussites et les échecs de ces deux trentenaires, invités cette année des Rencontres Ciné Montagne de Grenoble pour présenter leur film "le cavalier sans tête" sur l'ouverture d'une voie difficile au Népal.

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00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:24Bonjour à tous. Vous pouvez respirer à fond,
00:00:26c'est Grand'Air, le magazine de la montagne
00:00:29et des sports de pleine nature de Télégrenoble.
00:00:31Une émission axée sur l'alpinisme engagé,
00:00:34avec deux trentenaires qui font partie
00:00:36des meilleurs de leur génération,
00:00:38Simon Velfringer et Charles Dubouleau.
00:00:40Bonjour à tous.
00:00:4130 et 35 ans.
00:00:4330 ans pour Simon, à ma droite.
00:00:4535 ans pour Charles.
00:00:47Vous êtes guide de haute montagne et alpiniste très polyvalent.
00:00:51Charles, originaire de Haute-Savoie.
00:00:53Oui, c'est ça.
00:00:54J'ai vu que vous aviez commencé par le trail.
00:00:56J'ai commencé la montagne par les sports d'endurance,
00:00:59le trail et l'alpinisme.
00:01:01Ce qui m'intéressait, c'était d'aller vite en montagne
00:01:04et de grimper vite sur les sommets.
00:01:06Je me suis dit que c'était génial d'être là.
00:01:08Je me suis attardé et je me suis concentré
00:01:10sur les associations techniques pour ne plus arrêter du tout.
00:01:14Troisième du marathon du Mont-Blanc à 18 ans.
00:01:17Pour ceux qui suivent le trail,
00:01:19c'est déjà une belle performance de monter si jeune
00:01:21sur le podium d'une course aussi relevée.
00:01:24Je ne sais pas si Simon court aussi vite que vous.
00:01:26Le trail, c'est moins...
00:01:28Quand Charles accélère, en général,
00:01:30je dis que je dois faire pipi et au final, je le laisse filer.
00:01:35Contrairement à Charles, vous n'avez pas grandi au pied des montagnes.
00:01:38Vous êtes même venu un peu tard à côtoyer ce milieu.
00:01:42Oui, c'est ça. Je viens de Moselle
00:01:44et j'ai passé mes 20 premières années dans la ville de Metz,
00:01:46donc vraiment très loin des montagnes.
00:01:49Après, je faisais déjà un peu d'escalade.
00:01:50Ma maman grimpait et du coup, elle m'a initié à ce sport
00:01:53et j'ai fait un peu des compétitions,
00:01:55quelques compètes en équipe de France jeune.
00:01:59Et après, avec les études, j'ai un peu arrêté tout ça
00:02:02pour, au final, arriver à Toulouse pour la météorologie.
00:02:06Et là, j'ai découvert la montagne
00:02:08par le plus beau massif du monde, les Pyrénées.
00:02:11C'est sympa de dire ça maintenant.
00:02:13Quand on vient de Moselle, forcément.
00:02:14Oui, c'est vrai que c'est la référence.
00:02:17Il y a les Vosges qui ne sont pas très loin.
00:02:19Aujourd'hui, vous vivez à Grenoble, toujours pour la météorologie
00:02:22puisque vous bossez au centre d'études de météo de Saint-Martin-d'Air.
00:02:27Et puis, vous êtes quand même dans un massif montagneux
00:02:29qui n'est pas trop mal autour de nous.
00:02:31Ici, on a le choix. Il y a du pentu, du plat, il y a de tout.
00:02:35C'est très, très agréable d'être à Grenoble
00:02:37au milieu de toutes ces montagnes.
00:02:39Vous l'avez dit, vous êtes venu à la montagne par l'escalade
00:02:42en salle et puis après en montagne.
00:02:44Vous faites partie des grimpeurs qui évoluent dans le 9e degré.
00:02:47C'est le summum de la difficulté.
00:02:48On vous voit là, je crois, c'est en Grèce,
00:02:50dans une voie en 9a, il y a quelques années.
00:02:55C'est compatible de grimper, on va dire,
00:02:59des difficultés aussi importantes
00:03:00et d'avoir une carrière d'alpiniste en parallèle ?
00:03:03C'est sûr que ce n'est pas évident.
00:03:06Pour faire ou refaire du 9a, je dois quand même vraiment y penser à l'avance
00:03:10et dédier entre six mois et un an à l'entraînement et à ça.
00:03:14Et ces dernières années, ce qui m'a le plus intéressé,
00:03:17c'est quand même les expéditions et partir assez longtemps
00:03:20dans des endroits un peu éloignés.
00:03:22Et ça, c'est sûr que c'est assez contradictoire
00:03:24avec l'entraînement d'escalade de haut niveau.
00:03:27Après, je garde ce passif de grimpeur de compétition
00:03:30qui fait que rien n'est perdu
00:03:31et qu'à chaque fois, j'arrive à progresser un peu.
00:03:33Mais oui, combiner tout ça à haut niveau, ce n'est pas simple.
00:03:37Et il y a aussi tellement d'autres choses à faire,
00:03:39tellement d'autres sports intéressants
00:03:41qu'avec les années qui avancent,
00:03:44j'ai du mal à me focaliser que sur une seule chose
00:03:46et revenir au plus haut niveau.
00:03:48J'ai vu qu'on grimpait du 9c.
00:03:49On va peut-être un jour attaquer le 10e degré.
00:03:51Ça vous paraît réaliste ?
00:03:52Oui, carrément. Nous, de notre vivant, on va connaître ça.
00:03:54Et aujourd'hui, il y a quand même une émulation autour de ce sport,
00:03:58que ce soit en compétition ou en falaise, qui est assez incroyable.
00:04:02Et en partie à Grenoble.
00:04:03Aujourd'hui, il y a quasi les meilleurs grimpeurs du monde
00:04:05qui viennent habiter à Grenoble
00:04:07parce qu'il y a des super structures d'entraînement.
00:04:09Et moi, je vois ça de l'extérieur.
00:04:11Du coup, tous ces jeunes qui progressent énormément.
00:04:13Et c'est assez fascinant de voir ces dernières années
00:04:16comment l'escalade, à la fois d'intérieur et d'extérieur,
00:04:19est devenue aussi populaire.
00:04:21On n'a pas besoin de grimper aussi fort que Simon
00:04:24pour être un alpiniste de très haut niveau.
00:04:26C'est un plus ?
00:04:27Non, mais après, pour moi, il y a deux piliers en alpinisme.
00:04:30Ça reste quand même les sports d'endurance et l'escalade.
00:04:33Ce sont les deux choses les plus importantes.
00:04:35Et jusqu'à un certain niveau, on pourrait dire que
00:04:40pour être un très fort alpiniste et polyvalent,
00:04:42je pense qu'il faudrait réussir à grimper dans le 8e degré
00:04:45et être capable de supporter des grosses charges en endurance.
00:04:48Après, qu'on dépasse ces degrés, bien sûr,
00:04:50plus on a de marge dans un domaine, plus c'est intéressant.
00:04:53Mais comme on peut le voir entre Simon et moi,
00:04:55on adore grimper ensemble, je pense qu'on est très complémentaires.
00:04:57Et on a chacun, on va dire, nos zones de prédilection.
00:05:00Mais ça ne fait aucun doute que Simon, tout comme moi,
00:05:04on s'entraîne l'un et l'autre en endurance et en escalade.
00:05:08De toute façon, c'est quelque chose de très important pour notre pratique.
00:05:13De l'endurance et des capacités de grimpeur, il en fallait
00:05:16pour ce que vous avez fait en 2022, qui vous a fait connaître du grand public
00:05:21en vous confrontant à un mythe de l'alpinisme,
00:05:24la face nord des grandes Jauras, dans le massif du Mont-Blanc.
00:05:28La voie, cette face nord, qui sur ces images paraît assez accueillante,
00:05:31mais vous l'avez, vous, attaquée en hiver.
00:05:33Oui, c'est ça. Donc en hiver, elle est un peu moins accueillante que ça.
00:05:36Je l'ai vue justement ce matin, bien plâtrée de neige.
00:05:41Et c'est vrai que c'est clairement plus austère l'hiver.
00:05:44Après, même quand on va au pied l'été, ça reste une grande face nord,
00:05:47une des grandes faces des Alpes.
00:05:49C'est une montagne qui a un peu l'apparence d'une muraille quand on va au pied.
00:05:53Donc, bien sûr, c'est un terrain de jeu et un terrain d'expression incroyable
00:05:57pour tous les alpinistes.
00:05:58Et voilà, moi, j'ai voulu passer un peu de temps
00:06:00et, on va dire, pousser un peu mes propres limites
00:06:04ou au moins mes propres motivations dans cette face-là.
00:06:06En y allant en solitaire et en hiver.
00:06:09Exactement.
00:06:10Oui, on pourrait dire que c'est initiatique d'aller vivre ça tout seul.
00:06:16Je pense qu'il n'y a pas énormément d'alpinistes qui l'ont fait.
00:06:18Il y a une personne qui m'a beaucoup inspiré, c'est Lionel Dodet,
00:06:22qui avait fait une voie Eldorado dans les Jauras en solo
00:06:25pendant plus d'une dizaine de jours.
00:06:27Et c'est quelque chose qui m'avait...
00:06:29Il y avait juste un papier qui sortait sur Google dans Libération,
00:06:32qui avait été écrit par François Carrel sur son ascension.
00:06:36Et c'est un truc que j'ai beaucoup lu,
00:06:37qui m'a complètement animé.
00:06:39Enfin, je ne sais pas, ça me faisait aussi peur que ça m'attirait.
00:06:42Et jusqu'à un moment où l'attirance a été un peu plus forte
00:06:45et où moi aussi, j'ai eu envie de vivre ce qu'a fait Lionel.
00:06:48Voilà, exactement.
00:06:49On vous voit là sur ces images de Sébastien Montadrosset
00:06:52en solo intégrale.
00:06:54Il n'y avait pas de cordes, pas d'assurance à ce moment-là.
00:06:56Oui, c'est plutôt à la fin.
00:06:58Mais c'est vrai que c'est des images qui sont,
00:06:59quand on est en solo intégrale, toujours très spectaculaires.
00:07:02Mais ce n'est pas dans les difficultés.
00:07:04C'est dans les difficultés techniques qui sont raisonnables
00:07:06où les chances de tomber, même si elles ne sont pas joyeuses,
00:07:10mais sont très minimes.
00:07:12Il y a eu pas mal de moments, notamment dans cette ascension,
00:07:16ou même dans les ascensions que j'ai pu faire avec Simon,
00:07:17où parfois on a une corde, mais où c'est beaucoup plus hasardé que ça.
00:07:20Et même si on voit la corde, on peut se dire,
00:07:22tiens, ils sont en sécurité. Non, pas forcément.
00:07:24Donc, en fait, dans la montagne,
00:07:26il y a toutes ces petites choses que nous, on connaît
00:07:29parce qu'on est sur le terrain et c'est nos expériences.
00:07:30Mais il y a des moments encordés qui sont, entre guillemets,
00:07:33bien plus terrifiants que sortir dans une goulotte comme ça
00:07:35sans corde.
00:07:38Même si, voilà, ça reste toujours un jeu dangereux.
00:07:42Et il ne faut pas mentir. Il ne faut pas dire le contraire.
00:07:45On en a conscience, mais c'est aussi la beauté de notre pratique.
00:07:48Alors, cette phase nord des Grandes Jaurasses,
00:07:51elle vous a séduit puisque vous y êtes retourné l'hiver suivant,
00:07:54cette fois en groupe, avec notamment Simon,
00:07:57pour un autre gros morceau, une directe hivernale
00:08:00qui n'avait jamais été refaite depuis son ouverture,
00:08:04à une époque où ni l'un ni l'autre n'était né.
00:08:071986, je crois.
00:08:09Oui, je crois qu'on n'était pas là encore.
00:08:11Toi, tu n'étais même pas en projet.
00:08:12On n'était pas là, non, c'est ça.
00:08:14Et on était là, tous les deux, avec Clovis Paulin,
00:08:17un autre beau copain à nous.
00:08:19Et ça, c'était du coup, le pastiver, l'hiver d'avant.
00:08:24La voie qui s'appelle, assez basiquement,
00:08:26la directissime de la Pointe Paulkeur.
00:08:28Donc, c'est en fait la voie quasiment la plus directe
00:08:31dans la phase nord des Grandes Jaurasses.
00:08:33Et la Pointe Paulkeur, c'est le point culminant de cette muraille.
00:08:37Donc, c'était un peu un mythe,
00:08:38parce que, de notre génération d'alpinistes,
00:08:41c'est une voie qui a quand même été pas mal essayée,
00:08:44pas mal étudiée par pas mal de jeunes grimpeurs.
00:08:48Mais il n'y a jamais personne qui a mis vraiment de l'énergie.
00:08:52Et là, cet hiver, du coup, 2023,
00:08:55il y a eu un créneau quand même assez exceptionnel de beau temps.
00:08:59Et nous, avec Clovis et Charles,
00:09:01on avait justement zyoté ce petit créneau météo.
00:09:06Et on a passé donc cinq journées dans cette phase,
00:09:09un an après le solo de Charles.
00:09:11Et cette fois, en groupe,
00:09:13ça a été quand même une expérience assez unique.
00:09:16On a grimpé des longueurs quand même très techniques,
00:09:19où là, on voit, on a mis les chaussons d'escalade,
00:09:21on a fait du dry tooling.
00:09:23C'était une voie vraiment
00:09:25dans les endroits quasiment les plus raides de la phase.
00:09:28Et cette fois, partagé tous les trois.
00:09:29Donc, ouais, vraiment un très chouette moment,
00:09:32assez intense. Et on en a fait un petit film,
00:09:35justement, qui était au Rencontre l'année dernière
00:09:37et qu'on a eu grand plaisir à partager.
00:09:40On a vu en bas de la voie Patrick Gabaraud,
00:09:43qui est celui qui l'a ouvert en 1986 avec Hervé Bouvard.
00:09:48Il était venu vous accompagner, vous coopter un petit peu
00:09:51sur cette deuxième tentative.
00:09:52Ouais, c'est ça. On pourrait dire que Patrick,
00:09:55c'est un peu, on pourrait dire, le parrain de montagne de Clovis,
00:09:58notamment. Ils sont assez proches.
00:10:00Je pense que Clovis a été très inspiré par Patrick Gabaraud.
00:10:04Et donc, en lui disant qu'on voulait répéter sa voie,
00:10:07qui attendait depuis longtemps.
00:10:08J'imagine que pour un ouvreur qui a ouvert,
00:10:11un ouvreur aussi prolifique que lui,
00:10:12qui a ouvert un nombre de voies aussi denses,
00:10:17avoir une voix qui n'a jamais été répétée, c'était un peu...
00:10:19Un peu frustrant, peut-être.
00:10:20Voilà, exactement.
00:10:20Puis quelque chose qu'il avait envie de refaire
00:10:22et qui plus est, notamment par un jeune qui connaît bien
00:10:26et qui l'a un peu mis à la montagne.
00:10:28C'était, on pouvait dire, un beau tour de roue.
00:10:30Donc voilà pourquoi il nous a accompagnés, Patrick.
00:10:33Et il a éché de nous donner quelques renseignements au pied,
00:10:35mais ça ne nous a pas du tout, pas beaucoup aidé,
00:10:38voire pas du tout, on peut le dire.
00:10:39Non, c'est sûr.
00:10:40Après, c'était trop mignon parce qu'il était là
00:10:42et il voulait nous expliquer des trucs, mais...
00:10:45Oui, c'était marrant.
00:10:46Non, mais on ne peut pas l'en vouloir
00:10:47avec des souvenirs des années 80.
00:10:51Il avait fait l'été en plus.
00:10:52En plein été, en plein hiver, enfin c'est...
00:10:54Voilà, la montagne n'a plus rien à voir.
00:10:56Mais c'était un moment qui était quand même assez fort.
00:10:58Et c'est vrai que partager ça avec l'ouvreur,
00:11:00c'est quand même...
00:11:02Ce n'est pas tous les jours que tu vas avec la personne
00:11:04qui a ouvert la voie au pied du montagne.
00:11:06Donc c'était quand même un beau moment pour nous trois.
00:11:08Alors cinq jours d'escalade,
00:11:11quatre bivouacs dans cette phase.
00:11:14C'est un moment particulier de dormir comme ça en groupe
00:11:17dans une paroi de plus d'un kilomètre de haut ?
00:11:20On est rarement en groupe.
00:11:21On est tous chacun à chaque fois sur un petit étage.
00:11:24Chacun à son petit bidouillet.
00:11:26Ça ne change pas grand-chose.
00:11:27Finalement, on est bien.
00:11:29Il faut dire quand même que quand on se met dans le duvet,
00:11:32dans ces phases,
00:11:33généralement, c'est quand même un bon moment.
00:11:35Parce qu'on met toutes les couches d'habits sur nous.
00:11:37Plus on s'enfile dans le duvet,
00:11:38c'est un moment où on se réchauffe un peu,
00:11:40où on s'allonge, c'est-à-dire qu'on se relâche un peu.
00:11:42Et c'est génial.
00:11:43Puis le fait d'avoir les copains juste à côté,
00:11:45c'est le moment où on se détend un peu,
00:11:46on se raconte quelques blagues.
00:11:48Mais généralement, on s'endort assez vite.
00:11:51On voit le soleil dans cette phase, Simon ?
00:11:54Justement, en plein hiver,
00:11:55elle ne voit pas une minute le soleil,
00:11:57cette phase nord des Grandes Jaurasses.
00:11:59Donc c'est un peu la grosse différence
00:12:00avec l'ouverture de Patrick et Hervé.
00:12:03C'est qu'ils y sont allés en plein mois d'août,
00:12:05en plein été, où là, il y a du soleil.
00:12:07Et donc, ils pouvaient assez facilement grimper à main nue
00:12:10et avec des chaussons.
00:12:11Et nous, on a aussi grimpé à main nue avec des chaussons,
00:12:14mais cette fois, complètement à l'ombre,
00:12:16avec des températures en moyenne
00:12:17qui étaient entre moins 10 et moins 20.
00:12:19Donc, je ne sais pas si les gens ont déjà essayé
00:12:21de grimper par ces températures-là.
00:12:22C'est quand même un petit challenge de se motiver
00:12:25à sortir les chaussons et d'enlever les gants.
00:12:28Exactement.
00:12:29Et donc, ça, c'était la difficulté principale de cette voie.
00:12:33C'était quand même, malgré tout, certes, le beau temps,
00:12:35mais le froid qui était omniprésent pendant les cinq journées.
00:12:38Et donc, certes, les bivouacs,
00:12:40le moment où on est dans le duvet est assez confortable,
00:12:42mais l'avant et l'après, en général, est assez compliqué.
00:12:45Et donc, c'est assez rigolo
00:12:46parce qu'on se levait tous les matins vers 5h.
00:12:49Le soleil, lui, se levait entre 7h et 8h,
00:12:51mais ça nous laissait le temps, du coup, de déjeuner,
00:12:55de se préparer, de lever le camp
00:12:56et de commencer à grimper pile aux premières lueurs du soleil.
00:12:59Et donc, tous les jours, à 5h, il y avait la petite musique de réveil.
00:13:04On s'était mis Stéphane Escher, justement, au réveil
00:13:08et c'était devenu une espèce de rengaine,
00:13:10un peu une habitude, assez rigolo.
00:13:13On avait pris un rythme quand même très particulier
00:13:15pendant l'espace de cinq journées,
00:13:17mais qui, finalement, peuvent laisser penser que ça dure assez longtemps.
00:13:22Et une fois qu'on rentre à la maison, c'est assez bizarre,
00:13:24parce qu'on ne se lève plus à 5h,
00:13:26il n'y a plus la même musique, il n'y a plus les copains, mais voilà.
00:13:29Et est-ce qu'on est plus ou moins heureux ?
00:13:31Je ne sais pas.
00:13:32Au final, le confort, ce n'est pas ça qui rend finalement si heureux.
00:13:35C'était quoi ? Déjeuner en paix de Stéphane Escher, ce que vous écoutez le matin ?
00:13:38C'est ça, exact.
00:13:39Ça colle bien à l'ambiance et au fait d'être seul dans cette grande face nord.
00:13:44Pour voir le soleil au Jauras en hiver,
00:13:46en fait, il faut sortir au sommet, c'est le seul moment, Charlin.
00:13:49Oui, c'est vraiment le moment.
00:13:51C'est assez particulier dans cette face, comme l'a bien dit Simon,
00:13:55ça ne voit vraiment pas le soleil pendant une minute.
00:13:58Donc le soleil, c'est quand même un facteur.
00:14:00L'hiver, en alpinisme, qui change beaucoup de choses.
00:14:03Même si on le prend une heure ou une demi-heure dans la journée,
00:14:06ça change, on sait qu'il y a un moment où on va pouvoir
00:14:09plus ou moins déjà sécher, se réchauffer.
00:14:12Et voilà, le fait de ne jamais l'avoir, au moins, c'est clair.
00:14:15On ne l'attend pas.
00:14:17Et en revanche, le delta de température entre la face nord
00:14:21et quand on sort sur la calotte neigeuse au sommet de la pointe Walker,
00:14:25c'est hallucinant, ça va être d'au moins 20 degrés.
00:14:27Et on arrive dans un espèce de...
00:14:29On voit les images, justement, de l'arrivée.
00:14:32Qui plat, en plus, qui est hospitalier, c'est dingue.
00:14:34C'est vraiment une transition qui est très radicale, pour le coup,
00:14:38mais dans le bon sens, qui est agréable.
00:14:40Qui n'aurait pas à faire dans l'autre sens, voilà, exactement.
00:14:42Replonger dans l'ombre.
00:14:43C'est toujours un...
00:14:44Ouais, c'est un beau moment de sortir au sommet de la pointe Walker.
00:14:48On vous a vu tous les trois avec Clovis, Paulin,
00:14:50qui avait une fracture de la clavicule pendant toute cette ascension.
00:14:53Ça paraît incroyable.
00:14:54C'est ça, ça paraît assez incroyable.
00:14:56En gros, la semaine précédente, il était en cascade de glace
00:14:58et il s'est pris un bout de glaçon sur l'épaule.
00:15:01Au début, il a un peu minimisé ça et après, il est allé voir un radiologue.
00:15:04Et ce qui est assez drôle, c'est que Hervé Bouvard,
00:15:06donc le second ouvreur de la voie, est radiologue.
00:15:08Et c'était lui qui allait le voir.
00:15:10Et donc, dans le film qu'on a fait autour de cette voie,
00:15:12il y a une scène quand même assez drôle
00:15:14où, justement, Clovis va voir Hervé en lui demandant son avis.
00:15:18Et Hervé est certes radiologue,
00:15:19mais aussi grand passionné d'alpinisme et d'escalade.
00:15:22Et il lui conseille limite d'aller dans les Grands Jauras.
00:15:25Il lui dit, oui, non, ça devrait aller.
00:15:28Tu ne seras pas trop pendu sur les piolets, donc ça devrait le faire.
00:15:32Bon, heureusement qu'il y a eu quelques petits médicaments
00:15:35pendant l'ascension qui ont aidé Clovis.
00:15:37Mais ouais, à la fin, je pense qu'il a...
00:15:39Je crois que sa fracture, elle a dû se séparer d'une dizaine de centimètres.
00:15:42Dix centimètres, c'est un peu beaucoup, peut-être.
00:15:44Mais de quelle...
00:15:45Elle a bougé, quoi.
00:15:46Elle a déplacé la fracture pendant l'ascension.
00:15:48Et en fait, ce qui est assez drôle,
00:15:49c'est qu'on parlait du soleil et de la descente en face sud.
00:15:53Et Clovis, justement, le moment où il a vu ce soleil
00:15:56et justement qu'il n'y avait plus qu'à descendre,
00:15:57d'un coup, il s'est mis à avoir extrêmement mal, en fait.
00:16:00Pendant toute la montée...
00:16:01Il était concentré.
00:16:02La concentration de la technicité aussi de la voie
00:16:05fait qu'on n'y pense pas trop.
00:16:07Et là, il est arrivé au sommet, il a un peu tout lâché.
00:16:10Et d'un coup, il s'est mis à avoir extrêmement mal, quoi.
00:16:13Et donc là, la descente, c'était...
00:16:14Je me rappelle qu'il n'arrivait plus trop à porter son sac
00:16:16et il commençait à pencher un peu d'un côté.
00:16:19Et le lendemain, il s'est rendu compte
00:16:20qu'il avait poussé un peu dans ses retranchements.
00:16:24C'était le seul médecin au monde qui aurait été capable de lui conseiller
00:16:26d'aller faire une face nord des Grandes Jaurasses
00:16:28avec une fracture de la clavicule.
00:16:30Il est bien tombé.
00:16:32En tout cas, c'est effectivement un bel exploit qui a marqué
00:16:36et puis qui a marqué aussi les spectateurs des Rencontres Cinémontaines
00:16:39puisque vous étiez venu présenter ce film.
00:16:41Cette face nord des Jaurasses,
00:16:43elle paraît comme ça inaccessible en grimpant,
00:16:45mais elle peut aussi se descendre en ski.
00:16:48Notamment, vous l'avez descendue en 2016, Charles.
00:16:54Là aussi, c'était une deuxième après l'ouverture une vingtaine d'années avant.
00:16:58Oui, c'est ça.
00:17:00Alors, l'itinéraire à ski de descente des Grandes Jaurasses,
00:17:04ce n'est pas ce qu'on appelle le linceul.
00:17:06Donc, c'est une grande pente suspendue
00:17:08qu'il faut aller chercher, qui n'est pas très logique,
00:17:11mais qui est quand même vraiment esthétique.
00:17:13Enfin, c'est rigolo d'aller poser ses skis dans une pente pareille.
00:17:17C'est complètement incongru.
00:17:19Donc voilà pourquoi ce n'est pas une descente qui a été énormément répétée
00:17:23parce qu'il y a aussi un accès assez compliqué.
00:17:26En revanche, quand on ski dans une pente comme ça,
00:17:29il y a des lignes de fuite qui sont absolument incroyables
00:17:31parce que, bien sûr, il y a la pente qui est très raide
00:17:34et au bout de la pente, il y a 400 ou 500 mètres de falaises,
00:17:39donc de vide.
00:17:40Donc, on a l'impression de skier un peu dans les nuages.
00:17:43On se rend bien compte sur ces images.
00:17:45C'est vous qu'on voit enchaîner les virages dans cette phrase.
00:17:48C'est ça, c'est un bon souvenir.
00:17:49Mais voilà.
00:17:51Puis après, c'est aussi quand même des descentes
00:17:52qui demandent des conditions très particulières.
00:17:55Il faut être motivé au bon moment.
00:17:56Il me semble qu'on y est allé fin mai, début juin.
00:18:00Je n'arrive plus à me rappeler.
00:18:00Mais voilà, c'est généralement une époque où on a rangé les skis.
00:18:05Il faut se remotiver.
00:18:06C'est tout un procès,
00:18:09mais c'est aussi une belle descente.
00:18:12Comme pour l'escalade, il y a des quotations en ski de pente raide.
00:18:15L'un seul, c'est à peu près l'équivalent du 9C en escalade.
00:18:18C'est ce qui est le plus difficile.
00:18:20Oui, ça sera moins difficile que le 9C en escalade.
00:18:22On ne va pas se mentir, c'est beaucoup moins dur.
00:18:25Mais c'est sans doute beaucoup plus engagé.
00:18:27Tout à fait, aucun doute.
00:18:28En revanche, en termes de difficultés pures physiquement,
00:18:30c'est moins dur que l'escalade.
00:18:31Le ski de montagne, c'est quelque chose qu'il faut dire et qu'il faut avouer.
00:18:35L'escalade, c'est une pratique qui demande tellement d'investissements quotidiens
00:18:41pour aller dans ces quotations du 9A, comme peut faire Simon,
00:18:43et on va dire un passif de grimpeurs, de compétitions.
00:18:48Le ski, si on n'a pas trop peur et qu'on ose faire des virages dans la pente,
00:18:53c'est plus ou moins accessible à tous les skieurs.
00:18:56Je m'entends, non ?
00:18:58Avec un peu d'expérience, quand même.
00:19:00On ne va pas inciter tout le monde à aller faire le linceul comme ça.
00:19:02Non, on ne va pas inciter les gens.
00:19:04Mais Simon aussi aime aller titiller les pentes raides,
00:19:0950, 55 degrés parfois.
00:19:11Oui, non, moi, j'ai découvert ça un peu plus récemment.
00:19:14De base, je ne suis pas forcément skieur comme Charlie.
00:19:19Moi, ce que j'aime bien là-dedans,
00:19:20c'est qu'il faut quand même trouver les bonnes conditions au bon moment.
00:19:23Et moi, la neige, c'est quelque chose que j'étudie dans mon métier de météorologue.
00:19:28Et du coup, je trouvais ça assez chouette l'année dernière en particulier,
00:19:31où on a eu des conditions assez exceptionnelles,
00:19:33de justement trouver le bon moment pour aller dans ces pentes raides.
00:19:38Comme il dit Charles,
00:19:40quand on a des très bonnes, voire excellentes conditions,
00:19:43finalement, les quotations, elles sont quand même très variables.
00:19:45Et on peut, même dans des pentes à 55 degrés,
00:19:50trouver des conditions assez acceptables,
00:19:52certes avec énormément d'engagement, où la chute est totalement interdite.
00:19:56Mais techniquement, c'est difficilement comparable
00:19:58à des voies de haut niveau en escalade.
00:20:01On vous voit justement l'hiver dernier en Vanoise,
00:20:04sur une descente de l'Épénéa,
00:20:07qui n'avait jamais été réalisée en ski.
00:20:09C'est ça, oui. Donc ça, c'était quand même un petit défi de pentraite
00:20:13qui restait en Vanoise,
00:20:15descendre la face nord de l'Épénéa,
00:20:17qui avait été essayé quand même par pas mal de personnes.
00:20:20Mais encore une fois, l'année dernière,
00:20:22on a eu des conditions assez exceptionnelles d'enneigement dans ces pentes.
00:20:26Et du coup, ça a chargé plus que les années précédentes.
00:20:31Et donc, on a eu la chance, avec un copain à nous,
00:20:34avec un bon copain à Charles aussi, qui s'appelle Glénavier Cayolle,
00:20:37qui habite justement là-bas
00:20:39et qui avait déjà essayé cette pente à plusieurs reprises,
00:20:41on a eu la chance de réussir cette fois-ci.
00:20:44Et c'était quand même un très beau moment,
00:20:46un peu comme Charles au Linceul.
00:20:48On a ces pentes où vraiment, en fait, vu qu'on ne voit pas le bout,
00:20:52en fait, il y a un moment où, comme au Linceul,
00:20:55il y a des rappels en fin de voie, en fait.
00:20:58Et du coup, on a vraiment cette impression que la pente plonge dans le vide
00:21:02et on skie dans les nuages.
00:21:04Et ça, c'est vrai qu'il faut y aller pour le voir,
00:21:07parce que c'est quelque chose d'assez unique.
00:21:09Alors, ça n'avait jamais été fait.
00:21:10Donc, en général, celui qui ouvre cote aussi,
00:21:12que ce soit la montée ou la descente, la voie.
00:21:15Et l'an dernier, j'avais eu Benjamin Védrine un mois après sur ce plateau.
00:21:18Il y avait une petite discussion entre vous,
00:21:20puisqu'il avait répété votre voie et vous n'étiez pas d'accord sur la cotation.
00:21:22Comment ça fonctionne, en fait, ces systèmes ?
00:21:26Ça ne fonctionne pas.
00:21:28Non, non, c'est bête à dire, mais en fait,
00:21:31le système de cotation en ski de pente raide
00:21:33est tellement dépendant des conditions,
00:21:34je pense que c'est dur de coter.
00:21:37Et en fait, comme l'a dit Charlie,
00:21:39aujourd'hui, il y a un côté mental qui est aussi très présent.
00:21:43Et finalement, ce n'est pas que n'importe quel skieur,
00:21:45s'il a la volonté, il va y arriver,
00:21:47mais c'est un sport qui descend vers le bas.
00:21:49Donc, en fait, il n'y a pas une difficulté,
00:21:51comme en escalade, de faire le mouvement,
00:21:53de tenir la prise ou quoi que ce soit.
00:21:56La difficulté, c'est de rester en vie, en fait.
00:21:57Et donc, tant qu'on va oser lancer son virage
00:22:00et oser faire la chose, si on arrive vivant en bas,
00:22:03ben, c'est validé, quoi.
00:22:06Et du coup, le système de cotation,
00:22:08aujourd'hui, c'est un système qui est assez ancien,
00:22:10qui a très peu évolué, parce que finalement,
00:22:12dans les années 80, il y avait déjà du 5.5.
00:22:16Et nous, avec Xavier,
00:22:18moi, je ne me suis pas trop prononcé,
00:22:19parce que je n'avais pas énormément d'expérience,
00:22:21mais en gros, Xavier, assez basiquement,
00:22:24il avait fait du 5.5,
00:22:25il estimait que ça, c'était plus raide,
00:22:27donc il fallait un peu passer à la suite, quoi.
00:22:30Et donc, forcément, il y a des petits débats,
00:22:33voilà, dans le petit monde du ski de pentraine et de l'alpinisme.
00:22:37Ça aime bien des côtés entre autres,
00:22:40mais en fait, au travers des cotations, de tout ça,
00:22:43il y a des échanges entre les personnes.
00:22:47Il y aura peut-être un côté un peu plus compétitif, on va dire.
00:22:52Et vu qu'il n'y a pas de ligne de départ avec un de ça,
00:22:55ça peut se passer à travers les cotations
00:22:56qu'on peut mettre dans une pente.
00:22:58Et après, il y a toujours quelque chose,
00:22:59souvent en escalade, les cotations sont très discutées,
00:23:02mais c'est qu'entre quelqu'un qui ouvre,
00:23:05donc qui y va la première fois sans aucune info,
00:23:08et une personne qui répète, qui a eu quelques informations,
00:23:11qui sait où ça passe, comment on s'ébranle,
00:23:13il y a quand même une grosse différence,
00:23:14parce que, comme l'a dit Simon, et encore plus dans le ski,
00:23:17c'est quelque chose de mental.
00:23:18Donc à partir du moment où on est un peu plus préparé que l'autre,
00:23:22j'imagine qu'on peut se dire qu'il y a une cotation qui baisse.
00:23:25Et c'est d'ailleurs ce qu'on retrouve énormément aujourd'hui,
00:23:27même d'ailleurs en ce moment, dans le Massif du Mont-Blanc,
00:23:30dans les voies.
00:23:31C'est-à-dire que les gens attendent d'avoir des informations
00:23:34pour aller voir. Je ne juge pas du tout.
00:23:36Mais je dis juste qu'en ayant des informations,
00:23:38ça conforte, ça ne conforte pas, ça donne, par exemple,
00:23:42dans une course d'alpinisme, une barrière en l'air.
00:23:43On se dit, les autres, ils ont mis 12 heures, on va mettre...
00:23:46Ça donne une référence.
00:23:48Ils ont mis 12 heures dans ces conditions-là pour grimper telle voie,
00:23:52on va mettre plus ou moins le même temps.
00:23:53Le premier qui y va, il ne sait pas s'il va y passer 24 heures
00:23:56parce que les conditions ne seront pas bonnes,
00:23:58ou 5 heures, j'exagère plus ou moins.
00:24:00Mais voilà, du coup, c'est quand même quelque chose,
00:24:04la montagne d'assez volatiles.
00:24:06Et quand on a des informations,
00:24:08je trouve que ça change quand même bien la donne.
00:24:10Et d'ailleurs, c'est aussi pour ça qu'on va pas mal grimper en Himalaya
00:24:15parce qu'on va être dans des endroits sauvages,
00:24:16en Himalaya ou dans d'autres massifs,
00:24:18mais où on n'a pas d'informations.
00:24:21Et en fait, c'est ce qu'on recherche aussi un petit peu,
00:24:23d'aller se faire notre propre avis et cette aventure.
00:24:26Cette aventure, vous l'avez vécue ensemble au printemps dernier
00:24:29avec une expé, justement, en Himalaya, au Népal.
00:24:34À la base, vous étiez parti pour grimper
00:24:37le 15e sommet le plus haut du monde.
00:24:41On connaît très bien les 14 8000,
00:24:43en tout cas, tous ceux qui pratiquent la montagne les connaissent.
00:24:46Le 15e, on peut passer aux oubliettes, Charles.
00:24:48Nous, on ne le connaissait pas avant de se renseigner dessus, tout simplement.
00:24:51Moi, je n'avais même pas imaginé qu'il y en avait un 15e.
00:24:53Mais si, en fait, ça parait logique.
00:24:55On va être très honnête, on ne le connaissait pas.
00:24:57C'est en se renseignant un petit peu.
00:24:58Alors, en fait, il y a beaucoup de, on va dire,
00:25:02il y a beaucoup de bruit autour de ces 14 sommets de 8000 mètres,
00:25:05ce qui est normal, c'est des très beaux sommets, des très belles faces.
00:25:08En revanche, il y a beaucoup de bruit autour des voies normales,
00:25:11des expéditions commerciales qui ne sont pas du tout notre façon
00:25:15ni de faire, ni de grimper.
00:25:16Et on s'est dit, ah tiens, ce serait marrant.
00:25:19On voulait aller où en altitude ?
00:25:21On s'est dit, ce serait marrant d'aller voir un sommet
00:25:23qui est complètement tombé dans l'oubli,
00:25:25juste parce qu'il est à quelques mètres en moins que les autres.
00:25:28Donc voilà pourquoi on s'est penché sur ce sommet
00:25:30qui s'appelle le Guia Shung Kang.
00:25:32Et puis avec cette idée-là, avec Simon, on a monté notre expédition
00:25:37en disant, on va aller là-bas, on va aller dans ce secteur
00:25:39et puis on va découvrir le secteur.
00:25:41C'est pas que pour faire un pied de nez,
00:25:44mais c'est aussi pour être tranquille.
00:25:46Ce dont on parlait du côté sauvage, c'est ce qu'on voulait aller chercher là-bas.
00:25:49Il lui manque 47 mètres, je crois, pour faire partie des 8000.
00:25:51Voilà, c'est celui-là, ce 15e sommet du monde.
00:25:54C'est un peu comme la neige, à qui il manque 16 mètres
00:25:56pour faire partie des 4000 ici dans nos Alpes.
00:26:01Partir des semaines en vase clos, dans un endroit sauvage à deux,
00:26:06il faut une bonne complicité pour que tout se passe bien, Simon.
00:26:10Oui, avec Charles, du coup, ça fait plusieurs expés qu'on part ensemble.
00:26:15On passe beaucoup de temps en expédition, en montagne,
00:26:18même un peu dans la vie de tous les jours, tous les deux.
00:26:21Donc on sait qu'on va bien s'entendre,
00:26:23même sur une période un peu longue comme ça,
00:26:26avec peu de gens autour de nous.
00:26:28On est parti cette fois avec un autre copain à nous
00:26:31qui prenait quelques images, il s'appelle Mathurin Vautier
00:26:34et qui, lui, est plutôt photographe.
00:26:35Du coup, il nous a accompagnés sur cette aventure.
00:26:39Et voilà, on a passé un super moment là-bas.
00:26:42C'était assez rigolo parce que c'est exactement la même saison
00:26:44que pour gravir l'Everest.
00:26:46Et on est dans une zone qui est peu éloignée,
00:26:48à vol d'oiseaux, entre le sommet de l'Everest
00:26:50et le sommet du Gachon-Kang, il n'y a même pas 5 kilomètres.
00:26:53Et sur l'Everest, il y avait des milliers et des milliers de personnes
00:26:56qui s'agglutinaient, entre guillemets, sur les pentes.
00:27:00Et nous, à côté, on était deux sur ces montagnes et c'est assez fou.
00:27:05Donc c'est 47 mètres pour tomber complètement dans l'oubli
00:27:08parce qu'en gros, il y a à peine une dizaine de personnes
00:27:12qui ont gravi ce sommet,
00:27:13alors qu'aujourd'hui, n'importe quel 8 000 mètres
00:27:15a été gravi par des milliers et des milliers de personnes
00:27:18presque chaque année maintenant.
00:27:20Et nous, c'est sûr qu'on était tranquille,
00:27:23peut-être un peu trop tranquille parce qu'on s'est rendu compte
00:27:25que gravir cette montagne, c'était un projet d'ampleur
00:27:29et qu'il fallait avoir une grande expérience
00:27:33et un niveau physique assez élevé, donc assez rapidement,
00:27:37on s'est rendu compte que c'était peut-être un peu trop gros pour nous.
00:27:39Surtout que vous êtes tombé malade, ce qui n'est pas l'idéal
00:27:42quand on s'attaque à une montagne qui flotte avec 8 000 mètres d'altitude.
00:27:45Non, c'est ça. Pendant la phase d'acclimatation,
00:27:47donc en gros, pour ces montagnes qui culminent quasiment à 8 000 mètres,
00:27:51il y a toute une première phase de l'expédition
00:27:53où on va essayer d'habituer nos corps à l'altitude
00:27:55en montant, en suivant des paliers et en dormant de plus en plus haut
00:28:00pour essayer d'habituer notre corps à l'altitude
00:28:02et finalement pouvoir monter de manière, pas à l'aise,
00:28:07mais de se sentir un peu mieux en altitude.
00:28:10Et pendant cette phase d'acclimatation, du coup, moi, je suis tombé malade.
00:28:13J'ai chopé quelque chose au poumon, un peu étrange,
00:28:18une espèce de bronchite, œdème pulmonaire, on ne savait pas trop.
00:28:21Et en fait, quand on est comme ça au bout du monde
00:28:23et qu'on commence à tomber, pas gravement,
00:28:25mais tombé malade au point où on a du mal à parler,
00:28:28on a du mal à marcher, c'est quand même assez effrayant.
00:28:32On a très peu d'informations sur l'évolution que ça peut avoir.
00:28:35Est-ce que si je continue de marcher comme ça,
00:28:38ça peut devenir dramatique ou non ?
00:28:39Est-ce qu'il faut absolument descendre en altitude ?
00:28:42Donc, il y avait beaucoup de points de dérogation.
00:28:44Et du coup, c'est un moment de l'expédition où Charles, lui,
00:28:48a pu continuer à faire de la montagne un peu tout seul,
00:28:51comme il aime le faire par moments.
00:28:53Et moi, j'ai fait le choix de rentrer au camp de base pour me reposer.
00:28:57Et au final, ça a assez bien fonctionné, malgré tout.
00:29:00Vous avez tenté en solo,
00:29:02puisque pour le coup, Simon ne pouvait plus vous accompagner,
00:29:04d'aller quand même jusqu'au sommet.
00:29:07Alors, pas au sommet du Guiachongkang,
00:29:09au sommet d'une autre montagne qui était à côté, qui s'appelle Longxi,
00:29:12sur laquelle on est allés après avec Simon.
00:29:15Et juste pour revenir sur le Guiachongkang,
00:29:18effectivement, c'est quand même des montagnes,
00:29:20et ça, on le savait, et c'est notre expérience,
00:29:21on le sait avant de partir.
00:29:23Ces montagnes qui montent à 8 000 pour ouvrir une voie
00:29:25dans le style dans lequel on grimpe, qui s'appelle le style alpin,
00:29:28sur un 8 000 comme ça, c'est généralement...
00:29:30Il y a très, très peu de chances que ça marche la première fois.
00:29:33Donc c'est quelque chose où il faut y aller, revenir.
00:29:36Là, on a beaucoup d'informations sur le terrain
00:29:38qu'on n'avait pas la première fois.
00:29:39C'est aussi ce qu'on cherche, on parlait du côté sauvage,
00:29:42mais on n'avait absolument aucune information sur l'accès,
00:29:44c'était compliqué.
00:29:45Donc voilà pourquoi ce projet-là,
00:29:48c'est peu étonnant qu'on n'ait pas réussi.
00:29:54En revanche, ce qui est génial, c'est qu'on a réussi
00:29:56à grimper une autre montagne qui est à côté, qui va moins haut,
00:29:58qui s'arrête à 7 029 mètres, qui s'appelle Lungchi,
00:30:01sur laquelle je suis allé une première fois en solo
00:30:02quand Simon était malade par une arête.
00:30:05Sur les images qu'on voit là.
00:30:06Oui, voilà.
00:30:07Et donc j'ai passé trois jours,
00:30:10trois jours sur cette arête avant de retrouver Simon, camp de base.
00:30:14J'ai été pris dans le mauvais temps, globalement, il ne faisait pas très beau.
00:30:17Mais voilà, c'est des expériences qui sont assez dingues,
00:30:19le solo en Himalaya, dans ces vallées très, très reculées.
00:30:23Là, c'est quelque chose d'assez fort.
00:30:25Et je pense que pour Simon, ce n'était pas plus mal qu'il soit seul.
00:30:28Pour qu'il n'ait pas de pression
00:30:30et qu'il puisse gentiment se remettre de son côté.
00:30:35Là, il y a un engagement quand même moral de se retrouver seul.
00:30:38Oui, moral. C'est très moral, finalement,
00:30:40parce que c'est bizarre, dans la tente, tout seul, le soir,
00:30:43quand la neige tape sur la tente et qu'on se retrouve, voilà.
00:30:47Personne ne va arriver, là, on en est sûr.
00:30:49Il n'y aura pas de passage.
00:30:50Ah ben non, non, il n'y aura rien du tout.
00:30:53Mais oui, c'est quelque chose d'assez particulier.
00:30:55Mais je suis partagé.
00:30:57Des fois, je me dis que c'est complètement fou.
00:30:59Et des fois, je me dis que c'est aussi pouvoir vivre des moments comme ça.
00:31:01C'est tellement unique de pouvoir aller là, se promener là, tout seul.
00:31:05Oui, c'est quand même incroyable.
00:31:08Alors, vous avez retenté le coup sur cette montagne, tous les deux,
00:31:11une fois que Simon était retapé.
00:31:13Donc, on remet, entre guillemets, les compteurs à zéro.
00:31:16On avait un premier objectif.
00:31:17Finalement, ça fait partie aussi d'une expédition,
00:31:20d'être capable d'improviser.
00:31:21Oui, c'est ça.
00:31:22De toute façon, il n'y a quasiment aucune expédition
00:31:25qui va se passer comme on le prévoit.
00:31:27Le plan A, je pense que 95 % des expéditions ne le font pas.
00:31:31Et du coup, il faut savoir rebondir.
00:31:33Il faut aussi savoir garder la motivation,
00:31:34parce qu'on arrive là, au Népal,
00:31:37en ayant sacrifié du temps, de l'argent,
00:31:40pour faire un sommet à quasi 8 000 mètres,
00:31:42pour faire une grande et belle ouverture.
00:31:44Et ça ne marche pas.
00:31:45Du coup, on a vite fait de se dire, bon, allez, tant pis,
00:31:47on rentre à la maison, ce sera pour la prochaine.
00:31:50Mais là, on avait quand même tous les deux une grande motivation
00:31:53et l'envie de réussir une belle voie en style alpin
00:31:55sur un de ces sommets-là.
00:31:57Et donc, on a vu cette face de Longchi,
00:31:58qui est certes un peu plus basse, un peu plus petite,
00:32:02mais quand même très conséquente
00:32:04et surtout assez élevée en termes de niveau technique.
00:32:09Et c'est aussi ça qu'on cherchait.
00:32:10Donc, 1 700 mètres de face dans les Alpes,
00:32:13c'est quelque chose d'introuvable.
00:32:14Donc, il ne faut pas non plus minimiser ça.
00:32:17Et c'est ça qui nous a un peu sauvés.
00:32:19C'est notre motivation.
00:32:20Et malgré le fait que Charles, lui, était fatigué
00:32:22de par son ascension en solo, moi, j'étais en train de guérir.
00:32:26Mais bon, après une bronchite à 5 000,
00:32:28on ne récupère quand même pas à 100 %.
00:32:30Et du coup, tous les deux, on s'entraîne toute l'année
00:32:34pour être à 100 % le jour J.
00:32:36Mais là, on était en gros à 40 % le jour J.
00:32:39Et malgré tout, notre motivation était là, par contre,
00:32:42à 2 000 % pour un peu réguler tout ça.
00:32:46Et du coup, on est parti un peu tête baissée vers cet Oumchi
00:32:50avec vraiment le couteau entre les dents
00:32:51pour réussir quelque chose de beau là-haut.
00:32:53Et puis un peu l'angoisse, Charles, vous le dites,
00:32:55en attaquant cette paroi,
00:32:57vous avez l'impression d'aller à l'abattoir,
00:32:59ce sont vos propres mots.
00:33:00Vous faites partie de ces alpinistes
00:33:02qui n'ont pas peur de dire qu'ils ont peur.
00:33:04Oui, complètement.
00:33:05Mais en plus, c'est vraiment quelque chose que je ressens.
00:33:08Et quand j'ai dû le dire,
00:33:09Mathurin nous avait accompagnés, le photographe,
00:33:11juste au pied, parce qu'on avait fait un camp de base avancé
00:33:13au pied de la voie avant de grimper.
00:33:14Et c'est vraiment quelque chose que je ressens parfois.
00:33:18Il y a une espèce de...
00:33:20Je parlais de Rolling Stones dans les grandes jurasses,
00:33:23mais il y a une espèce de choses effrayantes
00:33:26et une très grande attirance.
00:33:28Et c'est un sentiment paradoxal.
00:33:31Et parfois, je me dis,
00:33:32mais là, j'ai vraiment l'impression d'aller à l'abattoir.
00:33:34Et en fait, au fond de moi, j'ai très, très envie d'y aller.
00:33:38Donc c'est une fine balance.
00:33:39Peut-être qu'un jour, je me dirai,
00:33:40non, là, c'est bon, j'en ai assez fait ou j'arrête.
00:33:43Mais effectivement, c'est un sentiment
00:33:45dans les objectifs conséquents que je ressens.
00:33:48En tout cas, c'est peut-être aussi une façon de me dire
00:33:51et de préparer mon corps et mon mental à me dire,
00:33:53là, tu t'es entraîné pour ça, c'est quelque chose de pas anodin.
00:33:56Tu vas y aller et si tu veux, entre guillemets,
00:33:58t'en sortir et écrire une belle histoire,
00:34:00il faut vraiment que tu donnes tout.
00:34:02Même si, comme l'a expliqué Simon, physiquement,
00:34:04on n'était pas au top.
00:34:08Mais une fois de plus, l'alpinisme a la grosse différence,
00:34:11peut-être de l'escalade sportive ou d'autres sports,
00:34:14ce n'est que de l'adaptation.
00:34:16C'est que de la bricole, en fait.
00:34:17C'est juste ça, de la bricole, de la motivation, de l'adaptation.
00:34:21Finalement, il ne faut pas être très bon.
00:34:23Il faut juste être motivé et savoir s'adapter.
00:34:25C'est extrêmement mental.
00:34:26En fait, ce qui va se jouer au pied de la face,
00:34:28si tu y vas ou pas,
00:34:29ce n'est pas ton niveau.
00:34:31C'est clairement dans la tête
00:34:32où, à un moment, tu vas faire la part des choses.
00:34:34En gros, si je suis venu, pourquoi ?
00:34:37Et tu as ta petite liste et, à un moment,
00:34:40tu as envie de rester en vie,
00:34:41tu as envie de tout mettre sur,
00:34:44mais tu as aussi envie de grimper.
00:34:45Donc, à un moment, il faut faire la part des choses.
00:34:48Tu ne peux pas dire à la fois que tu es méga motivé
00:34:50et que tu as envie de faire telle ou telle voie
00:34:52et, au final, avoir 100 % de chance de réussite
00:34:56et vraiment faire les choses de manière la plus sûre possible.
00:35:00À un moment, il faut prendre un risque.
00:35:01Du coup, là, on s'est dit qu'on y allait.
00:35:04C'est l'envie de grimper qui était la plus forte
00:35:06dans une voie que vous ne connaissiez pas,
00:35:09une voie difficile.
00:35:10On vous voit au pied de l'attaque.
00:35:13On a l'itinéraire en tête
00:35:15ou on va, au fur et à mesure,
00:35:17décider des passages qu'on va emprunter ?
00:35:20Non.
00:35:21Après, bien sûr, une fois de plus, je parlais d'adaptation de tailleur,
00:35:23mais sur le terrain, on va s'adapter de la même façon.
00:35:26On a une ligne.
00:35:27On a tracé une ligne.
00:35:28De toute façon, il faut voir que cette phase de Longxi
00:35:31est barrée par beaucoup de seracs,
00:35:33donc des gros glaciers suspendus
00:35:35qui peuvent un peu tomber à n'importe quel moment,
00:35:37qui sont aléatoires.
00:35:38Nous, les grimpeurs,
00:35:40et notamment les grimpeurs européens,
00:35:42peut-être que j'englobe un peu trop de monde là-dedans,
00:35:44mais on n'aime pas grimper sous les seracs.
00:35:46Et globalement, on n'y va pas.
00:35:47C'est des risques objectifs
00:35:49qui sont trop élevés, en tout cas, pour y passer une journée.
00:35:51On peut traverser dessous, on peut y aller,
00:35:53mais c'est vraiment des zones qu'on va éviter.
00:35:55Donc cette Longxi,
00:35:57il était quand même vraiment barré par beaucoup de seracs.
00:36:01Et sur la gauche,
00:36:02il semblait se dessiner une ligne qui était peu exposée.
00:36:05Je dirais... Je n'ai pas envie de dire pas exposée,
00:36:07mais qui était peu exposée aux seracs,
00:36:09ou au moins pas forcément dans des portions trop importantes.
00:36:12Donc on s'est dit, tiens,
00:36:13ici, il semble y avoir quelque chose d'intéressant.
00:36:15En plus, c'est raide.
00:36:16Donc ça, c'est ce qui nous intéresse.
00:36:17Ça va être technique, ça va être sympa.
00:36:20Voilà.
00:36:21Donc là, on avait un peu tous les ingrédients.
00:36:23Et après, effectivement, sur le terrain, on arrive,
00:36:25si le ressaut est trop raide, soit on essaie de le contourner,
00:36:28soit on voit comment on peut faire, soit on essaie de le franchir.
00:36:31Mais voilà, ça, une fois de plus,
00:36:33c'est un peu le jeu de l'adaptation de l'alpinisme.
00:36:35Bon, il ne faut jamais négliger non plus l'hygiène
00:36:37quand on part comme ça en haute montagne.
00:36:40Et l'avantage de ces phases très raides, Charles,
00:36:42c'est que les douches sont gratuites.
00:36:44Oui, douches gratuites, oui, bien sûr.
00:36:45Et à volonté presque.
00:36:46Pour le coup, douche fraîche, il n'y a pas les douches chaudes.
00:36:48Par contre, j'ai hâte qu'elles y soient,
00:36:49mais ce n'est pas pour demain, j'ai l'impression.
00:36:52Bon, ça paraît impressionnant quand on voit ça.
00:36:54Vous êtes-vous habitué à gérer ce genre de situation ?
00:36:58Simon, ce n'est pas une véritable avalanche
00:37:01dans des goulottes comme ça.
00:37:02Non, voilà, ça, c'est ce qu'on appelle des spin drifts.
00:37:04En gros, on est surplombé par des pentes de neige
00:37:07et donc forcément, à un moment, il y a un peu de vent
00:37:09et du coup, ça fait des petits écoulements.
00:37:11La plupart du temps, ça ne nous surprend pas du tout.
00:37:14D'ailleurs, Charles le dit, on l'attendait.
00:37:16Donc en gros, on savait bien qu'à un moment, ça allait arriver.
00:37:20Par contre, par moment, ça peut quand même devenir plus gros
00:37:23et il faut rester méfiant.
00:37:24Et c'est pour ça qu'il faut toujours avoir de bons ancrages
00:37:27dans ces moments-là.
00:37:28Mais oui, c'est quelque chose qui est toujours visuellement impressionnant,
00:37:31mais finalement, pour nous, assez commun.
00:37:34Mais jamais agréable, on est d'accord.
00:37:36Là, je m'en rappelle très bien, ça rentre dans le cou, ça va partout.
00:37:38Forcément, la petite neige qui arrive hyper vite sur nous,
00:37:41en quantité suffisante, globalement, on est trempé.
00:37:45Après, je m'en rappelle, j'avais des lunettes de soleil,
00:37:46ce qu'on n'a pas au soleil.
00:37:48Je pensais que vous recherchiez ces sensations.
00:37:49J'ai une autre image qui vous concerne, Charles.
00:37:51Vous vous y retrembez encore.
00:37:53Ce que dit Simon, c'est qu'on y est vraiment habitué.
00:37:57En fait, on y est vraiment habitué.
00:37:58Ces spin drifts, on les connaît par cœur.
00:38:01Donc...
00:38:02On sait que ça va passer.
00:38:03On en a encore eu, il n'y a pas longtemps, ensemble, avec Simon.
00:38:06On en a eu il y a quatre jours ensemble, on s'en est pris, mais on s'en est pris.
00:38:09Bon, voilà, c'est sûr que c'est des moments qui ne sont jamais très agréables,
00:38:13mais voilà, ça fait partie de...
00:38:15Ça fait passer un peu notre salle de sport, quoi.
00:38:17Elle est climatisée par moment, on ne sait pas quand, mais voilà.
00:38:21Bon, en tout cas, après cette petite douche froide,
00:38:25là, on était dans le massif du Mont-Blanc avec Pierre Hurtic.
00:38:28Vous avez quand même réussi à atteindre, tous les deux,
00:38:31ce sommet de Lunchy, après plusieurs jours d'efforts.
00:38:36On vous voit sortir, là, sur les dernières longueurs.
00:38:39C'était un beau cadeau d'anniversaire, Charles,
00:38:40puisque vous êtes arrivé en haut le jour de vos 35 ans.
00:38:43Oui, c'est ça.
00:38:44Et... Non, non, c'est une fois de plus que de l'adaptation,
00:38:47ce n'est pas voulu, mais j'avoue que pour une fois,
00:38:48l'adaptation était bien choisie.
00:38:51Et ça restera un moment... Bon, 35 ans, c'est...
00:38:55C'est le bel âge.
00:38:56Mais voilà, le fêter là-haut avec Simon,
00:38:59qui est quand même mon compagnon de cordée,
00:39:00avec qui j'ai fait tant de choses,
00:39:02d'arriver là-haut. On n'en profite pas non plus vraiment,
00:39:05parce qu'on est très focus sur ce qu'on est en train de faire.
00:39:07Mais en termes de souvenirs, toute ma vie,
00:39:08je saurais ce que j'ai fait le jour de mes 35 ans.
00:39:11Et ça, c'est quand même quelque chose d'assez fort.
00:39:14Ça reste quelque chose d'assez important.
00:39:15Il n'y avait pas de bougies, là-haut ?
00:39:16Simon n'est pas pensé amener les bougies et le gâteau ?
00:39:19On s'est vengé en rentrant.
00:39:20Pas de curiture, mais...
00:39:23On se fait des bisous, quoi.
00:39:25C'est pas mal. D'autant qu'il y avait un cadeau,
00:39:27c'était la météo, qui n'était pas mauvaise à la montée,
00:39:29mais qui s'est vite dégradée une fois que vous êtes arrivé au sommet.
00:39:32On a vite compris que l'ascension n'était pas du tout finie.
00:39:35En fait, on est arrivé au sommet,
00:39:37et là, le temps s'est vraiment dégradé de manière assez extrême.
00:39:41Et on a vite compris que, certes, la montée était complexe,
00:39:45mais que finalement, le crux,
00:39:47donc la partie difficile de cette aventure,
00:39:50ça allait être la descente.
00:39:52Et donc, on s'est engagé, en fait,
00:39:53sur l'arrêt qui est un peu la voie la plus facile de la montagne
00:39:57pour redescendre.
00:39:58Mais avec la météo, donc le brouillard omniprésent,
00:40:01l'absence de visibilité et la neige qui arrêtait pas de tomber,
00:40:04avec, du coup, un risque d'abalanche qui était parfois assez important,
00:40:08on a dû, encore une fois, s'adapter.
00:40:10Et cette fois, s'adapter, ça voulait dire
00:40:13tirer des rappels dans une face totalement inconnue.
00:40:16Donc, en fait, on est monté par la face ouest de Longxi,
00:40:19et à la descente, on a emprunté le versant est,
00:40:22qui est un versant qui est complètement inconnu,
00:40:24complètement sauvage, et que,
00:40:26sûrement, quelques personnes ont dû le voir,
00:40:29mais aucun grimpeur n'y avait jamais mis les pieds.
00:40:32Et donc, là, on s'est engagé dans 900 m de rappel
00:40:35dans l'inconnu le plus total,
00:40:37et ça, ça a été un peu le point clé de notre aventure.
00:40:41On n'avait pas de...
00:40:42Juste pour préciser propos de Simon, on n'avait aucune visibilité.
00:40:45Donc, c'est pour ça qu'on ne savait pas du tout
00:40:47dans quoi on s'engageait.
00:40:49Et voilà pourquoi c'était un moment assez tendu de l'aventure.
00:40:55Effectivement, le fait d'avoir aucune visibilité
00:40:57et de se dire que les deux autres options
00:41:00qu'on avait plus ou moins en tête ne nous semblaient pas envisageables,
00:41:03on essaie un peu la troisième.
00:41:05Après, c'est une mûre réflexion aussi.
00:41:06On s'est posé deux minutes avec Simon, on a discuté,
00:41:09on s'est demandé comment on allait agir
00:41:11et qu'est-ce qui nous semblait le plus « raisonnable ».
00:41:15Mais voilà, c'est vrai qu'il y avait une vraie part d'inconnu
00:41:17parce que quand on n'a pas de visibilité en montagne,
00:41:19qu'on ne sait pas dans quelle face ni sur quoi on va tomber,
00:41:22c'est l'aventure, tout à fait.
00:41:24On arrive à garder le moral sur cette séquence.
00:41:27Vous plaisantiez un petit peu,
00:41:28mais j'imagine que ça n'a pas dû être tout le temps le cas.
00:41:31On plaisantait parce qu'on arrivait presque en bas.
00:41:34On plaisante au moment où on sait que ça se débloque,
00:41:36mais il y a quand même tout un moment sur l'arête
00:41:39aux alentours de 6 500 mètres où on est là
00:41:42et on a ces nuages, cette neige qui nous oppresse.
00:41:47Et on sait qu'en gros, si on attend,
00:41:49si on reste là et qu'on ne prend pas de décision,
00:41:51l'étau va se refermer sur nous.
00:41:54Et on avait vraiment cette sensation de « si on reste,
00:41:56on va rester là pour toujours ».
00:41:58Et ça venait, ça venait, ça venait.
00:42:00Et nous, on a réussi à s'échapper un peu au dernier moment
00:42:02par le dernier petit trou de souris
00:42:04qui étaient ces rappels dans la faceste.
00:42:06Mais oui, ça aussi, c'est quand même assez compliqué à gérer
00:42:09parce que ne rien faire, c'est rester là et mourir.
00:42:14Donc, il faut prendre une décision, il faut bouger.
00:42:16Et justement, cette décision, on a réussi à la prendre
00:42:19et ce n'est pas toujours la bonne.
00:42:23C'est Reinhold Messner qui était descendu aussi en 1961.
00:42:27Je crois que c'était le Langas-Parbat, si je me souviens bien,
00:42:29qu'il avait gravi avec son frère.
00:42:31Ils avaient peur de redescendre techniquement
00:42:33par la voie d'ascension.
00:42:35Ils étaient partis dans l'inconnu sur un autre versant.
00:42:37Et plusieurs jours avant de retrouver la civilisation,
00:42:40il avait été porté disparu.
00:42:41D'ailleurs, le frère de Reinhold Messner a été mort sous une avalanche
00:42:44et lui avait fini par retourner au camp de base.
00:42:46Vous avez vu, vous aussi, pu retourner au camp de base
00:42:50une fois contourné, j'imagine, la montagne,
00:42:52comme vous étiez descendu, entre guillemets, du mauvais côté ?
00:42:55Après, une fois qu'on est dans une vallée,
00:42:58même si c'est très loin, éloigné, qu'on a peu d'informations,
00:43:02retourner au camp de base, tant qu'il n'est plus question de survie.
00:43:04On a faim, on a froid, on a soif, on est mouillé.
00:43:07Mais ça, ça fait partie du jeu.
00:43:08S'il faut passer deux jours à marcher dans des blocs
00:43:11et avancer à 500 mètres heure, sur le plat,
00:43:18eh bien, c'est pas grave, on va le faire.
00:43:19En fait, il n'y a plus trop d'enjeux à ce moment-là, c'est ce qu'on dit.
00:43:21Quand on arrive en bas, il n'y a plus rien, plus grand-chose qui compte.
00:43:24En tout cas, cette aventure, vous l'avez retracée dans ce film,
00:43:27Le cavalier sans tête, qui a été présenté au Rencontre Cinémontagne cette année.
00:43:32Qu'est-ce qu'il veut dire, ce titre ?
00:43:33C'est vous qui avez nommé cette voix comme ça ?
00:43:36Oui, alors, je laisserai Charles en parler après,
00:43:38mais c'est une référence à une musique de Damien 16,
00:43:43qui est un artiste qu'on écoutait assez fréquemment pendant le voyage.
00:43:47Et on s'identifiait un peu à ce personnage de cavalier qui s'entêtait,
00:43:51justement, qui, malgré ses trois années d'échec en expédition,
00:43:55on était encore une fois là, au camp de base,
00:43:58dans des galères, à ne pas trop savoir si ça allait marcher ou non.
00:44:03Et malgré tous ces aspects négatifs et tous ces facteurs qui pouvaient dire,
00:44:07les gars, juste lâchez l'affaire, ça ne marchera jamais,
00:44:11on s'est entêtés et on a fini par l'avoir, notre sommet,
00:44:14et c'est aussi pour ça qu'on a appelé ça comme ça.
00:44:17Ce n'est pas le chanteur le plus positif, Damien 16 ?
00:44:21Non, mais je crois que tous les deux, quand on est ensemble,
00:44:23on l'est tellement qu'il faut se rebalancer un peu, exactement.
00:44:27Donc, non, c'est vrai qu'on aime bien.
00:44:29Et voilà, le cavalier sans tête,
00:44:32ça fonctionne assez bien avec ce qu'on a vécu là-bas, au Népal.
00:44:37Et oui, je pense qu'on est contents de l'aventure.
00:44:42Simon, vous avez obtenu un piolet d'or en 2021 pour une autre aventure.
00:44:47On voit ces images, alors c'était au Pakistan,
00:44:50sur le Sany-Pakouche, presque 7000, avec Pierrick Finn.
00:44:54Est-ce que ce que vous avez fait avec Charles, qui est au-dessus de 7000,
00:44:57avec aussi beaucoup d'engagement,
00:44:58ça pourrait correspondre aux critères de ce piolet d'or
00:45:02qui récompense chaque année les ascensions les plus marquantes ?
00:45:04Alors, d'un point de vue critères, c'est sûr que ça rentre dans les clous.
00:45:09Aujourd'hui, ce que les piolets d'or récompensent,
00:45:11c'est surtout la capacité exploratoire des alpinistes.
00:45:15Et nous, en allant dans cette face ouest de Lungchi,
00:45:17clairement, on est allé chercher l'inconnu,
00:45:19le côté sauvage et vierge du terrain.
00:45:22En plus, on est redescendu par un itinéraire
00:45:25qui est différent de la montée.
00:45:26Et ça, d'un point de vue engagement, c'est quand même assez pertinent.
00:45:30C'est assez important.
00:45:31On est vraiment parti dans un inconnu total.
00:45:34On grimpe dans un style alpin qui est très épuré.
00:45:37Là, en fait, on grimpe sur trois journées
00:45:39parce qu'on n'a pas le choix, en fait.
00:45:41D'un point de vue météorologique,
00:45:42on n'a que trois journées pour grimper avant et après ces tempêtes.
00:45:47Et si on avait six jours pour faire ce qu'on a fait,
00:45:50on aurait pris les six jours, en fait.
00:45:51Donc, on est obligé d'avancer sur un certain rythme.
00:45:54On est obligé de prendre un minimum de nourriture,
00:45:56un minimum de matériel.
00:45:59Voilà, à la fin, on n'avait plus de tente.
00:46:01On avait quasiment encore un petit bout de corde,
00:46:03mais plus de nourriture.
00:46:04Donc, on a quand même vraiment tapé dans toute la liste de matériel
00:46:09pour être le plus léger et le plus rapide possible.
00:46:12Et ça, aujourd'hui, quand on parle des Piolets d'Or,
00:46:14c'est un peu ça qu'on essaye de mettre en avant.
00:46:17Donc, on verra bien.
00:46:19Mais en tout cas, d'un point de vue critère,
00:46:21c'est ce genre d'ascension qui est mise en avant.
00:46:24C'est important pour un alpiniste ou tous les alpinistes professionnels
00:46:27d'avoir ce type de reconnaissance du milieu, Charles ?
00:46:31Alors, pour moi, ça n'a jamais été ni une course ni une motivation.
00:46:35Aucunement.
00:46:36Sinon, je pense que j'aurais plutôt visé des critères
00:46:39que viser des ascensions.
00:46:42Ça ne m'intéresse pas vraiment, j'avoue, cette reconnaissance.
00:46:47En revanche, c'est toujours génial d'être félicité
00:46:49pour une ascension et reconnu pour ça.
00:46:52Et donc, oui, je pense que dans une vie...
00:46:55Alors, moi, je n'ai pas de Piolets d'Or,
00:46:56mais je pense que dans une vie d'alpiniste,
00:46:58c'est quand même quelque chose de marquant,
00:47:00comme de fêter ses 35 ans au sommet d'une montagne.
00:47:02Non, mais c'est un peu la même chose.
00:47:04On va dire que ce n'est pas une quête, ni un graal, ni quoi que ce soit.
00:47:07Notre objectif principal est premier de très, très loin.
00:47:10Ça reste de grimper, d'aller vu des choses,
00:47:12parce que c'est là-dedans qu'on veut être performant,
00:47:14qu'on veut, entre guillemets, pousser nos limites.
00:47:16En revanche, la récompense derrière,
00:47:19quand on est là-bas, on n'y pense même pas du tout.
00:47:21Enfin, je veux dire, il n'y a pas une espèce de volonté...
00:47:23On ne fait pas ça pour ça.
00:47:24Non, voilà, pas du tout.
00:47:25Et en revanche, c'est génial d'en profiter,
00:47:27d'être récompensé pour une belle ascension.
00:47:30Alors, je parlais de votre polyvalence à tous les deux,
00:47:32l'escalade, l'alpinisme, le ski, le trail.
00:47:35Et Simon Pagay, également, il aime bien ça,
00:47:38notamment au milieu des glaces du Groenland.
00:47:41Le kayak, oui.
00:47:41Mais c'est vrai que justement, quand j'habitais en Moselle à l'époque,
00:47:44une des activités que je pratiquais, c'était le kayak en slalom.
00:47:48Donc, ce n'est pas venu juste pour aller au Groenland,
00:47:51c'est un truc que je faisais plus jeune.
00:47:53Et c'est vrai que c'est aussi un moyen de locomotion hyper intéressant.
00:47:57À l'image un peu du bikepacking,
00:47:59où on met nos affaires dans des sacoches et tout sur son vélo.
00:48:02Là, on charge notre kayak avec tout notre matériel de grimpe.
00:48:07Là, au Groenland, on a des parois granitiques
00:48:09qui sont magnifiques pour faire de l'escalade,
00:48:11cette fois rocheuse.
00:48:13Et donc là, ça, c'était juillet-août de cette année.
00:48:16En gros, on prend notre matériel d'escalade, notre nourriture,
00:48:19on pack tout ça dans nos kayaks.
00:48:20Donc, ça fait des bateaux qui font, au départ de l'aventure,
00:48:23plus de 100 kilos.
00:48:25Et on rame, on pagaie le long des côtes groenlandaises
00:48:28jusqu'à arriver au pied de la montagne qu'on souhaite escalader.
00:48:32Donc, c'est quelque chose d'un peu plus confortable
00:48:35que les ascensions au Népal,
00:48:37en tout cas sur les trois journées où on grimpe au Népal.
00:48:40Mais c'est quelque chose qui est vachement plus ancré dans la durée.
00:48:43Là, on était pendant 35 journées en totale autonomie,
00:48:47avec tous les jours ces petits lots de surprises,
00:48:51que ce soit animal, au niveau des conditions ou autre.
00:48:55Oui, parce que vous avez quand même croisé des baleines,
00:48:57forcément, dans ces eaux froides.
00:48:59Là, quand on est sur un kayak,
00:49:01on ne doit pas être rassuré quand même de les voir si près.
00:49:02Les baleines, on m'a toujours dit que c'était gentil, une baleine.
00:49:05Donc, on les voit de loin et on n'a pas si peur que ça.
00:49:08Par contre, on a aussi vu pas mal d'ours polaires.
00:49:10Et ça, on m'a toujours dit que c'était assez méchant.
00:49:13Et donc, on en a vu plusieurs gentils,
00:49:16mais un qui était quand même plus menaçant,
00:49:18c'est justement celui qu'on voit en image
00:49:20et qui, justement, se rapprochait de nous
00:49:24avec un air assez gentil.
00:49:27Et au dernier moment, il a commencé à courir vers nous.
00:49:30Et donc là, on est toujours équipés de fusils là-bas.
00:49:32Moi, je ne sais absolument pas utiliser un fusil,
00:49:34mais il y en a un de nous quatre qui savait à peu près l'utiliser.
00:49:37Et donc là, le seul moyen de l'éloigner,
00:49:39c'est de tirer en l'air, de faire du bruit, de crier.
00:49:42C'est ce qu'on a fait. Au dernier moment, il a fini par faire demi-tour.
00:49:45Mais c'est vrai qu'à ce moment-là, on comprend que l'ours polaire
00:49:47peut manger des humains.
00:49:50Ce n'est pas une légende.
00:49:52Vous n'êtes jamais retrouvé confronté à un ours polaire, Charles ?
00:49:54Non, jamais. Du coup, je laisse bien cet exos à Simon.
00:49:58Avant, je n'y croyais pas.
00:50:00On nous a toujours dit, oui, il y a des ours, faites attention.
00:50:02Donc, c'est pour ça qu'on a ce fameux fusil.
00:50:04C'est obligatoire, je crois, de partir armer.
00:50:06C'est obligatoire.
00:50:08Sauf qu'avant de vraiment le voir, en fait, on est là, oui, bon,
00:50:11s'il est au loin, on l'évite.
00:50:13Mais en fait, un ours, ça peut faire en moyenne 60 km par jour.
00:50:17Tout terrain confondu, mer, terre.
00:50:20Et ça nage très bien, ça peut courir.
00:50:22Enfin, c'est quand même quelque chose de...
00:50:24Ce n'est pas pour rien que ça peut manger de tout.
00:50:27On dort tranquillement la nuit, quand on a posé les kayaks,
00:50:30quand on sait qu'il y a ce type de...
00:50:31Justement, avant de le voir, on dormait super bien.
00:50:34Et après, justement, cette mésaventure où il a couru vers nous,
00:50:38on a décidé quand même de mettre en place un tour de garde
00:50:41où, du coup, on se relayait chacun au tour.
00:50:44On était quatre pour faire des quarts de trois heures,
00:50:47rester éveillés et surveillés,
00:50:49avec interdiction totale d'écouter de la musique
00:50:51ou de regarder quoi que ce soit,
00:50:54à part l'horizon pour repérer les ours.
00:50:56Et donc, voilà, on se divisait par quatre les nuits.
00:50:59Et ça, c'était plus sur la fin de l'expédition.
00:51:01Et c'est vrai que ce n'était pas très, très confortable.
00:51:04Bon, alors vous êtes parti un peu dans le même esprit d'aventure,
00:51:08de pionnier dans ces vallées pratiquement inexplorées
00:51:11du Groenland, 400 kilomètres de kayak,
00:51:14pour arriver ensuite à votre objectif de grimpe.
00:51:18Oui, c'est ça. Donc, en gros, comparé à une expédition au Népal
00:51:21où l'objectif, c'est clairement et purement l'escalade,
00:51:24là, c'est quelque chose d'un peu plus global
00:51:26où on va avoir, d'une part, l'approche qui est quand même assez engagée.
00:51:29On part juste avec nos petits kayaks dans des endroits
00:51:32où il y a quand même des marées, des courants,
00:51:35encore beaucoup de glace et d'iceberg.
00:51:37Donc, il faut quand même surveiller un peu tout ça.
00:51:40Et donc, après ces 400 kilomètres,
00:51:42on arrive au pied de la montagne qu'on a envie de grimper.
00:51:45Et là, c'est presque la partie un peu confortable
00:51:47parce que ça, on sait faire.
00:51:48De base, on est quand même plus grimpeurs que navigateurs.
00:51:51Donc, une fois qu'on a les chaussons et qu'il faut grimper,
00:51:54ça, c'est plus tranquille.
00:51:57Mais du coup, il y a la fatigue d'avant du kayak
00:52:00et ensuite le retour un peu à anticiper
00:52:02qui font que c'est vraiment une aventure totale
00:52:04pendant les 40 jours en tout.
00:52:07C'est le même rocher que sur les autres montagnes,
00:52:10là-bas au Groenland ?
00:52:11C'est quand même du très bon rocher en général.
00:52:13C'est vraiment des murs granitiques.
00:52:15Là, ce qu'on a grimpé, ça faisait 1200 mètres.
00:52:17Et sur les 1200 mètres, il n'y a rien acheté.
00:52:20Ce n'est pas le rocher qu'on peut trouver dans la noix, par exemple.
00:52:23Ou en oisant. On a le nôtre aussi.
00:52:25Quelque chose de vraiment de pur
00:52:28où, en fait, on suit une ligne de fissure de haut en bas
00:52:31sans trop se poser de questions.
00:52:33On met des friennes.
00:52:34On arrive assez bien à se protéger.
00:52:37Et c'est vraiment très agréable de grimper sur ces parois.
00:52:40Vous avez déjà grimpé au Groenland, Charles ?
00:52:42Non, jamais.
00:52:44Si vous n'avez pas trop peur des ours et des baleines.
00:52:45Vous avez envie de pagailler aussi.
00:52:47Il y a beaucoup de choses à faire.
00:52:49En tout cas, ça faisait partie des dernières expéditions de Simon
00:52:53qui a beaucoup la bougeotte.
00:52:54Vous avez des projets aussi de votre côté, Charles ?
00:52:56Cet automne, j'étais en Inde,
00:53:00dans le Cachemire,
00:53:03pour grimper des sommets un peu moins hauts,
00:53:04mais aux alentours de 6000 mètres.
00:53:06Mais on n'a malheureusement pas pu.
00:53:08Il faisait trop chaud. La montagne n'était pas vraiment en condition.
00:53:10Donc, c'était un peu la deuxième expédition de l'année aussi.
00:53:14Et je suis rentré il n'y a pas très longtemps.
00:53:16J'avoue, ça fait aussi du bien de se poser après deux expéditions.
00:53:19Ce n'est pas anodin, la préparation avant, le pendant, le retour.
00:53:23Et donc, je pense qu'on va profiter de la montagne par ici.
00:53:27Peut-être cet hiver, mais ça va être local.
00:53:32Simon, je sais que vous transmettez de temps en temps votre passion
00:53:35à des jeunes, et notamment en tant que parrain des Rencontres Ciné-Montagne,
00:53:37vous êtes retrouvé avec des jeunes des quartiers grenoblois
00:53:40qui voient la montagne de très loin.
00:53:42Vous avez essayé d'initier à l'escalade.
00:53:44Oui, c'est ça. L'idée de base, elle est venue de Marie Chedruc,
00:53:48qui organise les Rencontres Ciné-Montagne
00:53:50et qui m'a parlé de ce projet avec la MJC d'Anatole France.
00:53:55Et donc là, j'ai rencontré une dizaine de jeunes
00:53:57qui ont entre 16 et 18 ans,
00:54:00qui, au départ, ne connaissaient absolument rien à la grimpe et la montagne.
00:54:04Et en fait, on a commencé par regarder des petits films ensemble
00:54:07et assez rapidement, certains d'entre eux, en tout cas,
00:54:11ont trouvé ça assez intéressant.
00:54:13Et du coup, on est allés grimper un peu en salle
00:54:16et on a fini par aller dehors.
00:54:18Là, c'est la falaise du petit désert qui est dans les contreforts du Vercors.
00:54:22Et voilà, je pense qu'ils ont découvert quelque chose d'assez intéressant.
00:54:26Comme ils disent, en gros, eux, les montagnes, ils les voient tous les matins,
00:54:30mais ils ne sont jamais allés.
00:54:31Et donc là, c'était l'occasion de partager ça.
00:54:34Donc, ouais, c'était une vraie aventure aussi de transmettre ça.
00:54:39Et ouais, ça m'a fait du bien aussi à moi.
00:54:42Est-ce que ces jeunes vous ont parlé d'Innoxtag,
00:54:45qui est venu pour beaucoup de cette tranche d'âge
00:54:48à une référence, qu'on le veuille ou pas, de la montagne ?
00:54:51C'est vrai que ça a été un sujet de discussion.
00:54:56Ça m'a assez surpris que peu d'entre eux, finalement,
00:54:59aient vu le fameux documentaire.
00:55:03Je pense que ça dépend aussi peut-être des classes sociales
00:55:08qui s'intéressent ou non à ce genre de film.
00:55:11Mais voilà, à ma grande surprise, ils m'en ont très peu parlé, finalement.
00:55:16Ils avaient vraiment très peu de notion de montagne
00:55:18et ils n'avaient pas forcément vu ces YouTubeurs qui allaient en montagne.
00:55:22Eux, leur motivation, c'était tout simplement le sport
00:55:26de manière assez basique.
00:55:28Et voilà, le foot, les choses comme ça.
00:55:32Pas les vraies, ce qu'on voit là.
00:55:34Sur ces images de drones.
00:55:35Mais on en a discuté et voilà, à notre manière, avec Charles,
00:55:39aussi dans le film, on essaye d'en parler qu'aujourd'hui,
00:55:42l'alpinisme en altitude est souvent assimilé à ce genre d'image.
00:55:46Et nous, ce qu'on fait, c'est pas ça.
00:55:48C'est pas qu'on critique forcément ce qu'on voit là,
00:55:51mais juste que les gens puissent faire la part des choses
00:55:55entre le tourisme d'altitude
00:55:57et l'alpinisme en tant que sport-performance.
00:56:00Parce que clairement, ce qu'on voit là, c'est pas du tout du haut niveau,
00:56:04c'est pas du tout du sport,
00:56:05c'est une sorte d'attraction de tourisme, quoi, voilà.
00:56:11Charles, vous l'avez vu, le documentaire Kaizen ?
00:56:14Et alors, non, non, je peux pas dire que je l'ai vu.
00:56:18J'ai regardé une dizaine de minutes, un peu, en avançant.
00:56:22Voilà, moi, je suis... Il faut que je donne mon avis ?
00:56:25Si vous voulez, c'est pas une obligation.
00:56:27Non, mais y a aucun problème.
00:56:30Ben, alors, c'est assez juste.
00:56:33Il a créé beaucoup de débats dans le milieu professionnel.
00:56:36Il s'en a fait, à preuve pas non plus qu'on s'attarde que là-dessus.
00:56:39Moi, ce que je dis, et ce qui est très important,
00:56:42c'est juste que moi, je trouve ça assez chouette,
00:56:44ce qu'il a réussi à faire, le YouTuber.
00:56:47C'est-à-dire que c'est le gars qui s'est fait connaître
00:56:48en faisant des vidéos sur des jeux vidéo.
00:56:51On est loin de l'évaluer, ça.
00:56:53Et plutôt que de montrer des vidéos, justement, de jeux vidéo à des jeunes,
00:56:57il veut leur montrer des images de nature et tout ça.
00:57:00Moi, de ce point de vue-là, je trouve ça assez positif,
00:57:02parce que son audience, à lui, moi, je ne pourrais jamais la capter.
00:57:05En tant que professionnel de la montagne, ce qu'on fait, c'est impalpable.
00:57:09Enfin, voilà. Et lui, il a réussi à rendre des choses quand même très accessibles.
00:57:12Je pense qu'il y a aussi des choses positives.
00:57:15On a souvent la critique facile,
00:57:18mais je pense très honnêtement que pour le métier de guide de haute montagne,
00:57:21en tout cas en France...
00:57:22C'est-à-dire des clientèles.
00:57:23Voilà, exactement.
00:57:25Je pense que ça a assuré une bonne part des cinq prochaines années du job.
00:57:28Et ça, d'ailleurs, il faut le reconnaître.
00:57:30Il n'a pas fait ça pour les guides, pas du tout.
00:57:31Mais il y a quand même quelque chose d'assez vertueux là-dedans,
00:57:34d'avoir montré de ces images de montagne et de sport.
00:57:36Et le seul petit distinguo que nous, on se doit de faire et qu'il faut qu'on fasse,
00:57:40c'est que ce n'est pas notre façon de pratiquer la montagne.
00:57:42Ce n'est pas du tout de l'alpinisme de haut niveau.
00:57:44J'ai été très souvent interrogé par des journalistes en me disant
00:57:47« Alors, est-ce que c'est un exploit ? »
00:57:49Et ça, non, comme l'a dit Simon, non, ce n'est pas un exploit.
00:57:51Il n'y a rien là-dedans.
00:57:52En revanche, il a quand même fait 35 ou 40 millions de vues.
00:57:57C'est énorme.
00:57:58Ça, c'est plus qu'un exploit.
00:57:59C'est-à-dire que...
00:58:01Oui, pour un film de montagne qui dure deux heures.
00:58:06Moi, je suis très impressionné par ça.
00:58:09Et je me dis aussi que ce que nous, on fait dehors,
00:58:13peut-être qu'il faudrait que ça pourrait intéresser encore davantage de gens.
00:58:17Et c'est quand même des choses qui sont assez sympas à partager au plus grand nombre.
00:58:25Pour votre avis sur ce fait d'un peu de société de cette année 2024 en montagne,
00:58:31en tout cas, l'impact qu'a pu avoir ce film sur des gens
00:58:33qui ne s'intéressaient pas du tout à ce milieu
00:58:36et qui l'ont découvert par ce prisme-là,
00:58:38il nous reste une minute ensemble pour tourner quelques pages.
00:58:42LES NOUVEAUX FILMS DE MONTAGNE
00:58:46Parmi les nouveautés de montagne dans les livres qui sont sortis ces derniers mois,
00:58:52j'ai choisi deux livres qui devraient vous parler, Simon et Charles.
00:58:55Le premier est écrit, on le voit, par Aurélie Dutertre, une Iséroise,
00:58:59qui est la kinée de l'équipe de France d'escalade
00:59:00et qui présente les blessures et traumatismes que l'on peut subir quand on grimpe.
00:59:04Il y a des exercices pratiques, des conseils,
00:59:06des astuces pour éviter les blessures ou les guérir.
00:59:09Le cas échéant, c'est édité aux éditions Glénat.
00:59:12C'est un sport traumatisant, Charles ?
00:59:14L'escalade ?
00:59:15Très traumatisant.
00:59:16Je pense que j'ai dû étudier pas mal de pages du bouquin, déjà.
00:59:20Et donc oui, c'est sûr que c'est quelque chose.
00:59:23Puis généralement, comme dans toutes les blessures,
00:59:25on s'en occupe après et jamais en préventif.
00:59:27Donc voilà, c'est sans doute une bonne façon de faire.
00:59:31Blessures et traumatismes en escalade.
00:59:33Il y a un autre livre qui s'adresse à ceux qui veulent progresser dans ce domaine.
00:59:38Il est signé Sergio Consuegra,
00:59:40qui s'appuie sur des études scientifiques
00:59:42pour proposer une méthode d'entraînement
00:59:44qui devrait vous permettre d'améliorer efficacement vos performances.
00:59:47C'est lui qui le dit, pour rejoindre peut-être un jour, Simon,
00:59:49dans le 9e degré.
00:59:51Est-ce que vous vous entraînez de façon scientifique, Simon ?
00:59:54J'essaye un peu, en tout cas en escalade,
00:59:57d'avoir une planification et de cadrer mes entraînements.
01:00:01Mais en fait, aujourd'hui, on est polyvalents, comme tu l'as dit.
01:00:05C'est assez compliqué de combiner toutes ces activités en même temps
01:00:08et de s'entraîner proprement pour tout ça.
01:00:11Mais en tout cas, en escalade, j'essaye de faire les choses assez bien.
01:00:15C'est quand même quelque chose de très intéressant,
01:00:17de trouver les exercices qui vont bien au fur et à mesure de l'année.
01:00:21Avec Charles, on en parle assez souvent.
01:00:24Charles qui est un peu moins grimpeur,
01:00:25mais qui s'intéresse aussi beaucoup à comment progresser et comment s'entraîner.
01:00:29Et aujourd'hui, en escalade, on a des outils qui sont assez incroyables
01:00:32justement pour l'entraînement et ça, c'est très intéressant.
01:00:36Voilà, c'est aux éditions du Mont-Blanc de Catherine Destivelle.
01:00:40Tu s'y connais aussi un petit peu, normalement, en escalade.
01:00:44Voilà, Catherine Destivelle, que l'on retrouve également
01:00:46dans ce dernier livre que je vous présente,
01:00:48une histoire de l'alpinisme au féminin qui parcourt 200 ans d'alpinisme,
01:00:53de la première ascension du Mont-Blanc par une femme
01:00:55jusqu'à l'envol en parapente de l'Ile-Sensose en juillet dernier,
01:00:59du sommet du Quai 2, dans un univers masculin
01:01:02où le genre féminin est sous-représenté,
01:01:03des femmes hors du commun ont repoussé les frontières des sexes
01:01:05pour s'immiscer dans l'histoire de l'alpinisme
01:01:08et c'est pour leur rendre hommage que Blaise Agresti et sa femme Stéphanie
01:01:11ont écrit ce livre,
01:01:12Histoire d'alpinisme au féminin, qui est sorti chez Glénat.
01:01:16Vous êtes bien placés pour le savoir tous les deux,
01:01:1896,5% des guides de haute montagne sont des femmes,
01:01:22et sont des hommes, pardon.
01:01:24Sinon, il y avait des femmes dans vos promos respectifs
01:01:27quand vous avez passé le guide ?
01:01:28Oui, il y en avait, oui.
01:01:29Quelques-unes, j'imagine, pas beaucoup.
01:01:31Non, il n'y en a pas beaucoup,
01:01:32mais toujours, en tout cas, très surprenante, très forte.
01:01:37On en trouve certaines dans ce bouquin,
01:01:41La première ascension féminine du Mont-Blanc,
01:01:42qui démarre ce livre.
01:01:44Elle date de 1808.
01:01:45Est-ce que vous savez quelle a été la première femme au sommet ?
01:01:49Moi, je ne le savais pas non plus avant de me plonger dans le bouquin.
01:01:52Elle s'appelle Marie Paradis, voilà.
01:01:54Donc, on lui rend hommage à travers ça.
01:01:57Et puis, vous savez que c'est quand même une Française
01:01:59qui a réussi les 14 8000 en premier.
01:02:02Ça, elle est un peu plus récente dans l'actualité, Sophie Laveau,
01:02:05qu'on aura prochainement aussi dans Grand-Terre.
01:02:07Merci, en tout cas, à tous les deux d'être venus.
01:02:09Les deux cavaliers sans tête,
01:02:11super film qui retrace votre aventure au Népal.
01:02:13Et je vous souhaite plein de bonnes choses
01:02:14pour la suite de vos projets.
01:02:16Merci beaucoup.

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