Invité ce samedi de "On n'arrête pas l'éco", le président du groupe de grande distribution E. Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, estime qu'il "ne faut pas signer" l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur.
On n'arrête pas l'éco (09h10 - 16 Novembre 2024 - Michel-Edouard Leclerc)
On n'arrête pas l'éco (09h10 - 16 Novembre 2024 - Michel-Edouard Leclerc)
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00:00Michel-Edouard Leclerc est dans le studio 521, bonjour et bienvenue !
00:04Bonjour 521 et les auditeurs !
00:07La bosse de l'inflation est derrière nous, on a encore eu le chiffre de l'INSEE qu'il a confirmé hier.
00:12Michel-Edouard Leclerc, c'est bientôt Noël.
00:14Est-ce que les français retrouvent le goût de consommer qu'ils avaient perdu ces derniers mois ?
00:18Le goût c'est trop tôt. Ils sont stressés, les débats politiques, les espèces de vaudevilles au Parlement,
00:24la dramaturgie du budget, tout ça, ça ne pousse pas.
00:28Vous avez vu, on a un des taux d'épargne les plus élevés d'Europe, peut-être le deuxième avec les Italiens,
00:33donc ça ne lâche pas complètement la consommation, mais quand même, elle tient son rang.
00:37Elle est d'une autre nature, elle est plus prudente, les arbitrages sont familiaux,
00:41on s'occupe moins d'équiper la maison parce qu'on l'a fait beaucoup pendant le Covid.
00:46On a acheté peut-être trois écrans pendant le Covid, on a refait des bureaux,
00:50et pas simplement pour les étudiants, chacun a fait son bureau.
00:54La consommation, les derniers chiffres, c'est plutôt bon.
01:00Après, c'est très inégal selon les secteurs.
01:03Il y a des secteurs qui sont arbitrés à la baisse, le textile, même le bricolage, récemment.
01:09Il faudrait voir la tendance depuis 2019, parce que le bricolage, ça s'était beaucoup développé pendant le Covid,
01:15pendant le confinement, donc il faut faire des tendances longues.
01:19Si on regarde du côté de l'alimentaire, fin septembre vous avez dit
01:23« Aucun fournisseur ne continue d'acheter au prix fort, il nous faut aller chercher des baisses de prix auprès des multinationales ».
01:30Là, les négociations commerciales vont commencer dans 15 jours.
01:33À qui vous voulez demander des baisses de prix exactement ?
01:36À toutes les multinationales.
01:38J'ai pas oublié l'espèce d'inertie de ce que j'appelle le parti de l'inflation,
01:43industriel et même politique, très transpartisan.
01:47Ils n'ont pas vu l'inflation quand on a demandé des commissions d'enquête,
01:51en disant « Mais est-ce que c'est vraiment des augmentations de coûts ? »
01:54Il n'y a pas eu précipitation.
01:56Et vous avez bien vu qu'il y a eu des super profits,
01:59on a vu des marges très élevées, même dans l'agroalimentaire.
02:03Donc je vais aller chercher pour les consommateurs français,
02:06mes collègues, mes collaborateurs vont aller chercher pour les consommateurs français des baisses,
02:10parce qu'on a une réduction de l'inflation,
02:13mais on sort d'une période où il y a eu 21% d'inflation sur l'alimentaire.
02:18Donc on a envie de se faire plaisir, de faire plaisir à nos clients.
02:22Mais c'est qui alors ? C'est quoi ?
02:24C'est Nutella ? A trop fait de gras ?
02:26Et on doit lui demander des baisses ?
02:29Est-ce que c'est les fabricants de B&M ?
02:32On a une liste.
02:33Mais quel produit ?
02:35Je négocie et j'ai des concurrents qui sont bons.
02:38Donc Intermarché, System U, Carrefour.
02:42Vous voyez, le fait d'avoir été leader dans cette lutte contre l'inflation
02:46fait que nos concurrents, je suis sur le service public, je fais attention avec les marques,
02:50mais nos concurrents ont soif aussi de retrouver la confiance de leurs consommateurs.
02:57Carrefour, qui était très loin de nous, remet un peu de billes dans ses magasins, plus de commercial.
03:02On parle toujours des malheurs d'Auchan ou de Casino,
03:04mais sur le front de la consommation, il y a quand même six ou sept enseignes généralistes
03:09qui essayent de faire baisser les prix.
03:12Et on va aller les chercher.
03:14Mais qu'est-ce qui doit baisser, dites-nous ?
03:16Non, non, non, je ne peux pas vous dire parce que d'abord ils savent.
03:19Est-ce que les signaux qu'on vous envoie, parce qu'il y a déjà des signaux,
03:22est-ce qu'ils viennent avec des demandes d'augmentation de tarifs ?
03:25Oui, tout le monde vient avec des demandes d'augmentation, mais ça c'est la négo.
03:28Ou est-ce que ça s'est calmé ?
03:30Oui, oui, ce n'est pas aussi important.
03:32Mais tout le monde a prétexte d'augmenter.
03:34Ah, on nous met des augmentations sur la fiscalité,
03:37c'est même pas voté encore au budget,
03:39donc on les anticipe pour 2025.
03:42Hausse des cours des matières premières, ils n'ont peut-être pas acheté,
03:45mais on prend prétexte de la hausse des cours pour dire que les tarifs seront à hausse.
03:49Alors, la seule chose que je peux vous dire,
03:51c'est que nous allons négocier durement à l'échelle de l'économie mondiale,
03:56avec les grands multinationales.
03:59Par contre, nous respecterons, et j'insiste à le dire à la veille des manifestations agricoles,
04:03nous respecterons la loi française, la loi EGalim,
04:07c'est-à-dire que tout ce que prévoit la loi,
04:11c'est-à-dire l'espèce de bouclier qui protège la matière première agricole,
04:15qui protège la manière dont le paysan est payé, dont l'agriculteur est payé,
04:20ça nous ne le négocierons pas.
04:22C'est-à-dire qu'on ne va pas rentrer dans la technique,
04:25mais nous respecterons ce processus.
04:30Est-ce que ça veut dire que lorsque, par exemple, Thierry Cotillard, le patron d'Intermarché,
04:35dit « alors maintenant il y avait un non-sens, on pouvait signer avec des industriels,
04:39alors que le producteur, le paysan, lui, il n'avait pas encore conclu d'accord,
04:43donc on ne va plus faire ça, il faudra d'abord qu'il y ait un accord avec le producteur,
04:46puis on fera la négo commerciale avec l'industriel »,
04:50est-ce que vous, le distributeur, c'est ça que vous êtes en train de dire ?
04:52Oui, ce que dit Thierry, c'est qu'on s'est mis tous d'accord,
04:55tous les distributeurs de la Fédération du Commerce et de la Distribution,
04:58pour partir là-dessus. Je ne sais pas jusqu'où le cadre légal va nous autoriser,
05:02jusqu'au dernier moment, à tenir cette ligne,
05:05mais en fait, ce que nous faisons sur les marques de distributeurs, marche bien.
05:09Là, par exemple, je me suis fait faire une petite note ce matin sur le lait,
05:13Leclerc commercialise une marque repère pour le lait de distribution,
05:18et la marque EcoPlus, c'est 230 millions de litres de lait,
05:21donc ce sont des contrats tripartites, c'est-à-dire qu'il y a à la fois
05:26les producteurs et les groupements de producteurs,
05:28les industriels qui nous font les briques de lait,
05:31qui font le lait vitaminé, qui font des laits spécialisés, etc.
05:35Et nous-mêmes, l'agriculteur voit le prix,
05:40ou peut voir à travers sa coopérative ou son groupement,
05:42le prix qui lui sera payé en 2025,
05:45et l'industriel ne peut pas nous raconter des cracks
05:48sur ce qu'il a payé à l'agriculteur.
05:52C'est ce qu'on voudrait sur toutes les grandes marques,
05:54on voudrait que ce marché soit transparent,
05:56que le premier contrat, celui qui est en amont,
05:59celui qui fait que l'industriel achète d'abord sa matière première à l'agriculteur,
06:02soit signé avant qu'il ne vienne nous voir,
06:05comme ça on sait le seuil en dessous duquel on ne descendra pas.
06:09Et qu'est-ce que vous pouvez faire d'autre, Michel-Édouard Leclerc,
06:11pour les agriculteurs français ?
06:12Je reviens à Thierry Cotillat,
06:13lui il dit je vais mettre plus de produits locaux dans mes rayons,
06:17et j'ai appris qu'il n'y a que 2% des rayons alimentaires
06:22de la grande distribution qui sont constitués de produits locaux,
06:25c'est-à-dire à moins de 100 kilomètres.
06:27Non, ça ce chiffre, je ne sais pas d'où vous l'avez,
06:30non non, nous avons,
06:32alors pardon, ça fait très pub,
06:34mais on a 18 000 contrats de ce qu'on appelle les alliances locales,
06:37ça fait vivre énormément,
06:40ce sont tous les éleveurs, les petits producteurs de miel,
06:44je dis petits, les producteurs,
06:46100 kilomètres autour d'un magasin,
06:49sont quasiment référencés sans négociation,
06:51ils sont dans nos magasins comme si on était une place de marché,
06:54nous avons nos propres marques, nos régions du talent,
06:57ça correspond chez Carrefour à Reflet de France par exemple,
07:00pour citer d'autres,
07:01on est des régionaux, on est des régionaux.
07:03Vous me dites que vous faites beaucoup,
07:05mais quand même je me souviens aussi qu'il y a quelques mois,
07:07les Leclerc ont été ciblés en priorité par les agriculteurs.
07:10Oui oui, mais c'est de la politique ça.
07:12C'était de la politique ?
07:13Oui oui, on est…
07:15Vous leur dites quoi cette fois alors ?
07:17Là on est à la veille d'une nouvelle mobilisation,
07:19vous dites quoi aux agriculteurs ?
07:20Mais nous nous sommes d'accord avec M. Rousseau de la FNSEA,
07:23sur l'ineptie de l'accord Mercosur par exemple,
07:27c'est évident, j'ai apporté avec moi le libre-opinion
07:33signé par les 600 parlementaires français
07:36sur l'ineptie du volet agricole de l'accord Mercosur.
07:41Il ne faudrait pas le signer ?
07:42Non, il ne faut pas le signer,
07:44parce que dedans on fait le contraire de la COP21,
07:48on laisse venir des produits qui ne respectent pas nos normes,
07:52et donc comme le disent les GIA,
07:55il n'y a pas de close-miroir,
07:57et en plus l'Europe n'est pas outillée pour contrôler
08:00que ce soit respecté.
08:02Ce sont des traités qui sont obsolètes aujourd'hui,
08:06ça a commencé à être négocié il y a 15 ans,
08:08ça ne tient pas compte des avancées en matière écologique,
08:11sur la déforestation, etc.
08:13Je suis d'accord qu'il faut essayer de vendre des bagnoles
08:15et ne pas laisser l'Amérique latine aux Chinois pour vendre leurs voitures,
08:19mais il ne faut pas sacrifier notre production nationale,
08:23notre souveraineté alimentaire, d'autant que ça se négocie ça.
08:26Michel-Édouard Leclerc, vous parlez d'ineptie,
08:28alors je vais vous emmener peut-être sur le terrain du budget,
08:30parce que vous avez dit qu'il y a une dramaturgie.
08:33En France, on a une idée dans le budget,
08:35les sénateurs veulent reprendre l'idée de la taxe soda et la lourdir.
08:38Bonne ou mauvaise idée ?
08:39Alors là, je trouve que c'est un mélange,
08:43un mélange que les Français ne peuvent pas comprendre et même ne pas accepter.
08:47C'est-à-dire, si on nous dit, on découvre comme ça,
08:51il y a un trou, urgence, on ne parle que de ça,
08:55il faut aller chercher du pognon chez les riches,
08:57dans les entreprises, un peu partout, dans les strates de l'État.
09:01Si c'est ça le sujet, il ne convient pas de nous faire le coup que c'est pour la santé.
09:06Taxe sur le sucre, taxe sur le soda, taxe sur le chocolat...
09:10Mais ça marche, c'est pendant les taxes comportementales.
09:13Par exemple, quand on augmente le paquet de cigarettes, les Français fument moins.
09:17Les Français méritent que sur l'obésité,
09:19on ait un autre débat que simplement un débat sur la fiscalité.
09:22La taxe punitive, l'écologie punitive, la taxe moralisatrice, on n'en veut pas.
09:29Bon, alors on doit quand même trouver de l'argent.
09:31Par contre, les Français ne sont pas idiots.
09:33Si on aborde un problème de santé,
09:36on regarde tous les biais par lesquels on peut lutter contre l'obésité.
09:39Ça va depuis le Nutri-Score jusqu'à l'éducation.
09:42Il faut le rendre obligatoire le Nutri-Score.
09:44Oui, moi je soutiens le Nutri-Score.
09:46On a été la première enseigne, ou peut-être Casino au départ,
09:49en tout cas une des premières enseignes à adopter le Nutri-Score.
09:52Et on se battra au niveau européen.
09:54J'ai vu qu'Alexandre Bompard de Carrefour aussi, il va fort.
09:58Moi j'adore quand mes collègues, mes concurrents,
10:02on prend ensemble un sujet, ça ne peut être que plus fort.
10:05Michel-Édouard Leclerc, il faut quand même trouver de l'argent.
10:08Qu'est-ce qu'on peut demander aux entreprises ?
10:10Est-ce que par exemple, pour cette surtaxe sur l'impôt sur les sociétés,
10:13Leclerc est concerné ?
10:14Alors je sais que c'est un groupement indépendant.
10:16Est-ce qu'il faut aller chercher de l'argent ?
10:17Votre voisin tout à l'heure a posé la bonne question.
10:19On va chercher de l'argent pourquoi ?
10:20C'est Ludovic Chubrand qui est toujours avec nous.
10:22Ludovic, j'avais oublié son prénom.
10:23En quelques secondes, dernière question.
10:26Qu'est-ce qu'on peut demander aux entreprises ?
10:28Est-ce qu'il faut demander aux entreprises ?
10:29S'il y a des trous dans la gestion de l'État,
10:31on bouche les trous avant de demander de l'argent à qui que ce soit.
10:33Ça ne sert à rien de remettre de l'eau dans un seau percé.
10:35Deuxième chose, oui, il faut beaucoup d'argent.
10:38Et d'ailleurs, arrêtons d'être hypocrite,
10:40il faut beaucoup d'argent, pas pour boucher les trous,
10:42mais on parle au niveau européen de 800 milliards par an pour le plan Drahi,
10:46pour assurer la transition énergétique, la décarbonation,
10:50pour faire passer de notre société...
10:52Est-ce qu'il faut garder les aides aux entreprises, Michel-Edouard Leclerc ?
10:55Est-ce que vous êtes d'accord ?
10:56Il faut les éplucher.
10:57Et on a le temps.
10:58Je veux dire, cette espèce d'urgence, c'est une manière de ne pas prendre le temps.
11:02L'urgence est politique, parce que le gouvernement,
11:05il ne sait pas s'il saute ou s'il ne saute pas,
11:07donc il a instauré une dramatisation et il instaure cette urgence.
11:10Il y aura le 49-3, ça va arranger tout le monde.
11:13Comme ça, personne ne sera responsable de la manière dont ce sera fait.
11:17Mais après, il faut remettre les dossiers à plat.
11:19Il y a eu 143 milliards d'aides aux entreprises.
11:22C'est Aurélie Trouvé qui dit ces chiffres.
11:26Il faut les mettre à plat pour regarder si on les continue,
11:28si on les conditionne ou si les entreprises les remboursent.
11:31Pareil, les surinvestissements de l'État, ça ne sert à rien de faire de l'anti-État.
11:35Il faut regarder ce qui marche et ce qui ne marche pas.
11:38Michel-Edouard Leclerc, merci d'avoir accepté l'invitation d'On n'arrête pas l'écho.