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Le sénateur écologiste de Paris était l'invité de franceinfo soir mercredi 20 novembre 2024.

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00:00France Info soir, l'invité, Agathe Lambret.
00:05Bonsoir Yannick Ladeau.
00:06Bonsoir.
00:07Vous êtes sénateur écologiste de Paris.
00:09Et hier, justement une fois de plus, les locaux de l'Office français de la biodiversité ont été pris pour cible par des agriculteurs.
00:16Des locaux de l'association France Nature Environnement ont également été dégradés, toujours par des agriculteurs.
00:22Vous en tant qu'écologiste, est-ce que vous vous sentez visé par cette colère ?
00:27Est-ce que vous vous dites si on en arrive là, c'est qu'on n'a pas tout bien fait ?
00:32D'abord, moi, je veux dire mon soutien, notamment aux agents publics de l'Office français de la biodiversité.
00:39Ce sont des agents publics comme des enseignants, comme des policiers, comme des infirmiers, des médecins.
00:46Et je suis sidéré qu'il n'y ait pas un seul message du gouvernement.
00:52Un seul message du Premier ministre pour dire son soutien à des agents publics qui ont été agressés.
00:59Vous trouvez d'une manière générale que les écologistes, parce qu'ils sont régulièrement pris pour cible par les agriculteurs, ne sont pas assez soutenus par l'État ?
01:06L'Office français de la biodiversité, ils ont une mission de service public.
01:10Ils défendent l'intérêt général, ils appliquent la loi et c'est essentiel.
01:15Il n'y a pas de vie sans biodiversité.
01:18Ils font leur boulot et depuis un petit moment, y compris avec la complicité de ce gouvernement et de cette majorité, ils sont montrés du doigt comme les boucs émissaires de la crise agricole.
01:28Avec la complicité du gouvernement ?
01:30Bien sûr, vous avez entendu le gouvernement défendre l'Office français de la biodiversité en permanence.
01:35Vous entendez des ministres dire « Ah mais l'ANSES qui dit la science sur la santé ou l'Office français de la biodiversité devrait être réduit, sapé dans leurs responsabilités, dans leurs compétences. »
01:50Mais quand l'ANSES dit une molécule de pesticides, ça donne le cancer.
01:55Mais la responsabilité d'un gouvernement, quand on sait l'explosion des cancers notamment liés aux pesticides, c'est d'interdire la molécule et pas de dire il faut réduire le poids de la science.
02:04Ça s'appelle du trumpisme quand on remet les faits.
02:07Et donc là, la question, ce n'est pas les agressions des écologistes, c'est l'agression d'agents publics qui malheureusement ne sont pas défendus par ce gouvernement.
02:17Et je trouve ça extrêmement grave.
02:19Après, nous sommes aux côtés des paysans.
02:20Alors justement, vous ne soutenez pas sans réserve le mouvement en tout cas ?
02:24Je ne soutiens pas les violences.
02:26Que les agriculteurs, les paysans se battent pour leurs revenus, c'est notre combat aussi.
02:32Mais reconnaissons que ce gouvernement n'arrive pas à imposer à l'agroindustrie, n'arrive pas à imposer à l'agroalimentaire le fait de payer le juste prix aux paysans.
02:44On a même des plateformes d'achat qui maintenant s'approvisionnent pour un tiers ou la moitié à l'étranger pour éviter de respecter la loi française.
02:54Et je ne vois pas le gouvernement agir.
02:55Il n'y a pas que l'agroindustrie, il n'y a pas que les grandes fermes.
02:58Il y a aussi les petits paysans, les petits agriculteurs qui étouffent sous les normes, qui se plaignent des contrôles des agents de l'Office français de la biodiversité.
03:07Madame, 400 000 fermes en France, 3000 contrôles administratifs par an.
03:15Mais vous entendez néanmoins leur souffrance.
03:20Et est-ce que vous comprenez le fait qu'ils disent on n'est pas obligé en France toujours de laver plus blanc que blanc ?
03:25Quand la France interdit un pesticide, par exemple, qui est autorisé dans le reste des pays de l'Union européenne, ça, vous trouvez ça normal ?
03:32Vous savez, on est un des pays de l'Union européenne qui utilise le plus de pesticides et en termes de quantité et en termes de nombre de pesticides.
03:44Donc cette fable que la France serait plus exemplaire, vertueuse que les autres pays européens, c'est une blague.
03:52Après, ce qu'on a toujours dit, nos écologistes, c'est que cette transition pour sortir des pesticides, elle n'est pas facile.
03:58Il faut de l'accompagnement, il faut des moyens.
04:01Et vous savez ce que ce gouvernement est en train de sacrifier dans le budget ?
04:05C'est l'accompagnement des agriculteurs qui le demandent vers cette transition.
04:10Les agriculteurs sont les premières victimes des pesticides du point de vue de la santé.
04:15Ils sont les premières victimes des inondations.
04:18Et c'est totalement irresponsable, le discours du premier ministre sur le zéro artificialisation net.
04:23Lutter contre la bétonisation, c'est justement lutter contre ce qui accélère les inondations.
04:30Les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique.
04:34Ils ont parfaitement compris que leur agriculture ne peut pas se construire, se faire contre la nature.
04:41Mais il faut les accompagner.
04:43Vous leur dites changer de modèle ?
04:45On a l'impression que c'est vous qui allez leur expliquer.
04:48Il y avait eu un sondage, c'est intéressant, un sondage chez ESA avait montré que pour seulement 26% des Français,
04:54les écologistes étaient mieux placés que les agriculteurs pour défendre l'environnement et la nature.
04:59A l'inverse, 49% des Français disaient faire plus confiance aux agriculteurs.
05:04Mais vous, vous leur dites, vous n'avez pas compris, il faut changer de modèle.
05:07Il y a plein d'agriculteurs qui ont changé de modèle.
05:10Il y a 60 000 fermes en agriculture biologique, ça marche.
05:14Vous avez une incroyable expérience de recherche dans les Deux-Sèvres.
05:19Vous avez 150 agriculteurs qui ont baissé de 50% l'utilisation des pesticides.
05:27Ils ont les mêmes rendements et comme ils achètent moins de produits phytosanitaires,
05:32ils améliorent de 20 000 euros par an leurs revenus.
05:36Voilà ce qu'on veut développer, accompagner, protéger la nature, protéger la santé
05:42et faire en sorte, point nodal du système, que les paysans aient des revenus justes.
05:49Et malheureusement, ce gouvernement met l'écologie comme bouc émissaire de la crise agricole
05:55parce qu'en réalité, il protège une toute petite partie des agriculteurs qui gagnent très bien leur vie,
06:01et ils sont en train d'abandonner tous les autres.
06:04Et vous, Yannick Jadot, en tant que sénateur, est-ce que vous voterez le texte de vos collègues sénateurs
06:08qui visent justement à réautoriser ce pesticide interdit en France,
06:12mais autorisé ailleurs dans l'Union Européenne, l'acétamipride ?
06:15Oui, mais non.
06:16Non, vous soutiendrez pas ce texte.
06:18Non, mais vous voyez, on est en train de se mobiliser beaucoup sur le Mercosur.
06:21Pourquoi on se mobilise contre le Mercosur ?
06:24Justement sur le Mercosur, ça c'est un sujet qui vous met tous d'accord.
06:26Oui, pourquoi ? Parce qu'on se dit, notre agriculture, elle est en transition
06:30et c'est nécessaire qu'elle soit en transition, je l'ai dit, en accompagnant financièrement les paysans.
06:36Mais on la protège parce qu'elle est plus vertueuse que celle du Brésil ou de l'Argentine
06:42qui utilise des antibiotiques, des hormones pour faire grossir les bêtes plus vite.
06:47Mais vous n'êtes pas un peu dans le fantasme là, Yannick Jadot ?
06:50Non, pas du tout.
06:51Je suis allé sur place, je peux vous dire que c'est comme ça que ça marche.
06:53Aller voir un abattoir au Brésil, c'est absolument catastrophique, y compris sur le bien-être animal.
06:58Et les personnels sont du travail forcé.
07:02Et donc, on a raison de protéger l'agriculture européenne contre ces exportations-là,
07:07pour ne pas avoir nos paysans disparaître et protéger notre santé.
07:10Vous disiez la même chose sur le CETA, Yannick Jadot, l'accord de libre-échange avec le Canada.
07:14Finalement, il ne s'est rien passé, non ?
07:16Non, on ne peut pas dire la même chose.
07:18On ne peut pas dire en même temps, on veut protéger notre agriculture parce qu'elle est plus vertueuse,
07:22parce qu'on ne sera jamais compétitif avec les Chinois, les Russes ou les Brésiliens.
07:27Heureusement, on paie quand même nos paysans.
07:29Et dire, on va faire baisser, on va supprimer les normes environnementales,
07:33parce qu'à ce moment-là, c'est le choix de la mondialisation.
07:35Vous ne pouvez pas protéger une agriculture en disant qu'elle est plus vertueuse
07:39et casser les normes qui la rendent vertueuse, parce qu'à ce moment-là, vous n'aurez plus aucun...
07:44Mais la Commission européenne dit que les produits importés devront respecter nos normes, Yannick Jadot.
07:48Et vous aviez dit la même chose sur le CETA, l'accord de libre-échange avec le Canada.
07:52Et finalement, il ne s'est rien passé.
07:54Il ne s'est rien passé parce qu'aujourd'hui...
07:56Et il n'y a pas eu de submersion comme certains nous le faisaient miroiter.
08:00Et les exportations ont même grandit, grossit.
08:03Oui, mais parce qu'en fait, au Canada, ils élèvent aussi aux hormones.
08:08D'accord ? Sauf que pour l'instant, leur débouché, il est nord-américain.
08:12Ils n'ont pas besoin de l'Europe.
08:13Le jour où ils voudront envoyer la viande en Europe,
08:17ils enverront aussi de la viande qui, prétendument, respectera nos normes.
08:22Mais qu'est-ce qui se passera ?
08:23Quand on prend la viande qui vient du Brésil, c'est ce qu'on appelle l'alloyau.
08:27C'est-à-dire, c'est les bons morceaux, ce que vous aimez faire en grillade.
08:30C'est sur ces morceaux-là que nos paysans, nos éleveurs font leurs revenus.
08:35Vous importez cette viande du Brésil, nos paysans disparaissent.
08:39Alors moi, je suis pour qu'il y ait un grand partenariat avec les pays du Mercosur.
08:43Mais pas avec un accord qui a été pensé dans les années 90,
08:47au moment où il n'y avait pas à ce point le dérèglement climatique,
08:50l'effondrement de la biodiversité.
08:52Faisons un partenariat avec les pays du Mercosur,
08:55qui intègrent la question climatique,
08:57qui intègrent la question des paysans chez eux comme chez nous,
09:01et qui intègrent la question de la démocratie.
09:03Vous buvez du vin ? Vous aimez le vin ?
09:04Ah oui.
09:05Parce que les viticulteurs, ils ont intérêt à cet accord.
09:07Ce ne serait pas dommage de les priver d'un marché de 280 millions d'habitants ?
09:11Oui, mais il y a du vin. On en exporte partout, déjà, du vin.
09:13Après, il faut choisir.
09:14Alors, si vous voulez qu'on choisisse les constructeurs automobiles allemands
09:18contre nos paysans, mais c'est aberrant d'arriver à des choix comme ça.
09:22Les producteurs de lait, les viticulteurs, nos industries.
09:26Ok, mais on ne va pas exporter du vin dans le monde entier.
09:30Faisons du vin de qualité, faisons du vin avec de la valeur ajoutée,
09:36qui fait qu'à un moment donné, dans le monde entier,
09:38on aime boire du vin français.
09:40Mais on ne va pas résoudre les problèmes de l'Europe,
09:42y compris en termes d'économie, en faisant des accords de libre-échange
09:46qui, y compris, abandonnent les classes populaires ici
09:49pour les exploiter de l'autre côté de la planète.
09:51On a quand même un populisme et un nationalisme qui se déroulent,
09:55qui progressent dans nos sociétés,
09:57et aussi à cause de cette mondialisation qu'ont oublié les femmes et les hommes
10:02qui en sont les victimes, parfois.
10:04Bien sûr, il y a des gens qui font beaucoup d'argent,
10:06il y a des secteurs qui en bénéficient.
10:07Dans ce contexte, Eric Jadot, le débat à l'Assemblée
10:10réclamé par l'exécutif sur le Marcosur, ça servira à quelque chose ou pas ?
10:14Tu sais, c'est toujours bien que l'Assemblée s'exprime.
10:17Vous savez, j'ai été à l'initiative d'une lettre ouverte
10:20à la présidente de la Commission européenne
10:22qui a recueilli la signature de 600 parlementaires
10:27parce qu'en fait, la France est alignée aujourd'hui contre cet accord.
10:31Mais il faut convaincre nos partenaires européens
10:34que cette mondialisation-là, c'est celle qui fait venir
10:37les extrêmes droits au pouvoir dans toute l'Europe.
10:40À un moment donné, on ne va pas simplement penser
10:42les intérêts de Volkswagen.
10:44Il faut aussi penser nos territoires.
10:46Il faut aussi penser notre souveraineté.
10:48On a eu le Covid, on a eu la guerre en Ukraine.
10:50On ne va pas continuer la même mondialisation
10:52qui nous met en difficulté.
10:54Merci Eric Jadot, sénateur écologiste de Paris,
10:56d'avoir répondu aux questions de France Info.
10:58Et merci Agathe Lambret.
10:59On se retrouve à 20h pour les informer.

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