Battue par les hommes de sa vie durant plus de vingt ans, Nathalie se reconstruit depuis seulement quatre ans. Et, petit à petit, elle commence à mettre des mots sur ses souffrances, les raisons qui l'ont poussées à se taire et celles qui lui permettent aujourd'hui de parler et de témoigner.
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00:00Je suis issue d'une famille dysfonctionnelle, mon père était en souffrance et ma mère
00:08essayait de le sauver et mon père l'abattait régulièrement.
00:12Nous, on était acteurs de cette situation et on subissait aussi de la maltraitance.
00:19Et pour moi, j'ai grandi toujours dans la vision que c'était normal.
00:23J'ai régulièrement consulté le milieu psychiatrique, je me considérais comme quelqu'un
00:29de folle, jusqu'au jour où j'ai grandi, j'ai eu un fils et je me suis dit mais je
00:37ne suis pas que ça, mais pourquoi je suis fracassée dans ma tête ? Pourquoi j'acceptais
00:41aussi la souffrance des autres, que je prenais tout pour moi et que je taisais aussi ce que
00:48j'avais vécu et ce que je vivais avec les hommes ? La tromperie, la trahison, la violence
00:57physique.
00:58Aujourd'hui, on en parle, je crois qu'on doit toujours continuer à en parler pour
01:04que ça n'existe plus.
01:05A passé 50 ans, je me suis dit que ma première vie, j'ai vécu comme ça, aujourd'hui, je
01:13dis non, je dis stop.
01:14Ça fait 4 ans seulement que vous avez réussi à vous en sortir ?
01:19Oui, 4 ans que j'ai conscientisé que j'avais le droit de dire stop.
01:26Je crois que j'entendais autour de moi, je voyais autour de moi des personnes qui mettaient
01:32à distance la violence d'autrui et je me suis dit tiens, c'est bizarre, ils n'acceptent
01:41pas, ils ont le droit, ils s'accordent le droit de ne pas accepter la violence des autres
01:48et je me suis dit si j'essayais moi, si je disais non et puis j'ai vu que j'avais des
01:55moments de répit, des moments de paix et que ça faisait du bien de ne pas entendre
02:03la violence ou de la subir.
02:05C'est fantastique d'avoir réussi à le faire, d'avoir réussi à dire non ?
02:07Oui.
02:08Je ne pensais pas au fait que ça devait venir de moi, je ne pensais pas que le fait de dire
02:21que ça devait venir d'eux, qu'ils devaient arrêter eux, je crois qu'ils étaient incapables.
02:28J'ai mis 16 ans, 16 ans pour essayer de garder un père pour mon fils et en fait je me suis
02:36perdue moi, je me suis ignorée.
02:38Aujourd'hui j'ai passé 50 ans et des fois je m'en veux, je suis en colère après moi
02:48parce que j'ai accepté tout ça mais en fait je me dis que j'ai été construite comme
02:54ça et j'essaye de déconstruire aujourd'hui et tous les jours c'est une bataille pour
03:03reconstruire comme moi je veux, comme moi je sens que je suis à l'aise avec ça.
03:10Je me dis que je serai libre un jour, je ne serai plus sous emprise, je dois ça à ma
03:15mère, à ma grand-mère et mon arrière grand-mère, toutes les femmes qui ont vécu aussi et qui
03:27ont eu ce qu'elles ont vécu.
03:29Je suis une lignée de femmes où je crois qu'aujourd'hui je dois libérer la parole.
03:34J'ai rencontré au CCRS des personnes qui ont accepté que je puisse avoir une boîte
03:41postale, recevoir mon courrier, j'ai eu droit, accès à un hébergement temporaire et depuis
03:49ce jour là je me suis sentie entendue, soutenue, j'avais le droit à un toit sur ma tête,
03:57à dormir au chaud, de manger à ma faim, l'accès à pouvoir me reconstruire.
04:02Aujourd'hui j'ai pardonné, j'ai pardonné, je n'ai pas excusé mais j'ai pardonné.
04:08Vous n'avez pas envie qu'ils soient jugés, qu'ils soient condamnés, vous êtes dans autre chose visiblement.
04:14Oui parce que le temps passe vite, j'ai un regard de petite fille et je me dis que tout ce qui me reste à faire,
04:22à découvrir, ce que je voudrais c'est avoir un travail dans lequel je m'épanouis et puis être une femme,
04:29devenir une femme libre et indépendante avec bienveillance pour moi-même.
04:35Je me dis que mon expérience aussi, elle peut aider d'autres personnes, c'est ce qui fait que je crois que j'ai cette force de m'en sortir.
04:43Je me dis qu'il y a d'autres filles, d'autres enfants, d'autres jeunes femmes, d'autres femmes qui vivent ça encore au quotidien.
04:51Il y en a qui en meurent, il y en a qui ont une seconde chance.
04:55Qu'est-ce que vous avez envie de leur dire ?
04:56De dire, ne pas taire.
04:59À un moment donné on peut être entendu et ça peut nous sauver la vie.