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Lundi 25 novembre 2024, SMART TECH reçoit Jean-Paul Smets (PDG, Rapid.Space) , Ophélie Coelho (chercheuse indépendante, spécialiste de la géopolitique du numérique) , Nicolas Guérin (Président, Fédération Française des Télécoms) et Stéfane Fermigier (Co-fondateur et co-président, CNLL)

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00:00Bonjour à tous, depuis l'Autriche une pétition est apparue et tout l'écosystème Open Source français s'est mobilisé autour d'elle.
00:16Il s'agit d'appeler à développer un Linux européen.
00:19Alors on verra de quoi il s'agit exactement, quelle est la faisabilité d'un tel projet, quels seraient éventuellement les avantages.
00:26Ce sera notre grand sujet aujourd'hui à la une de Smartech.
00:28On restera dans ce monde du libre aussi pour découvrir avec un focus spécifique tout ce qui se passe autour du monde militaire et de la défense dans le libre, le logiciel et le matériel.
00:38Mais d'abord je vous propose qu'on s'intéresse aux recommandations de la Fédération française des télécoms pour la stratégie européenne.
00:45C'est tout de suite dans Smartech.
00:47La Fédération française des télécoms propose, recommande certaines actions à mettre en place pour la stratégie numérique de l'Europe.
00:59On en parle tout de suite avec Nicolas Guérin. Bonjour.
01:01Je rappelle que vous êtes le président de la FF Télécom.
01:04Alors quelles sont les principales recommandations que vous faites pour cette Europe ?
01:09Alors déjà il faut comprendre que ces recommandations s'appuient sur trois documents.
01:12Un livre blanc édité par Thierry Breton, un rapport de Enrico Letta et un rapport de Mario Draghi qui recommande de revoir le cadre réglementaire en Europe des télécommunications,
01:22de renforcer un marché unique et puis de favoriser les investissements.
01:25500 milliards d'investissements ont été réalisés ces dernières années en Europe dans le secteur des télécoms dont 114 milliards d'euros en France.
01:33Singulièrement il reste 200 milliards d'euros à investir.
01:36Et donc notre première recommandation c'est de permettre effectivement que ces investissements soient reconnus et qu'ils permettent aux opérateurs d'atteindre un équilibre économique satisfaisant.
01:46Et pour ça il y a plusieurs choses à mettre en oeuvre.
01:49D'abord il faut rééquilibrer les relations entre les différents acteurs du numérique.
01:54Aujourd'hui vous avez des opérateurs qui investissent, qui emploient, qui font énormément d'efforts en faveur de l'environnement.
02:00Et puis vous avez des acteurs de services, des grandes plateformes qui utilisent les réseaux mais sans payer l'usage de ces réseaux.
02:06Sans payer donc, sans compenser entre guillemets une partie des investissements qui sont réalisés par les opérateurs.
02:11Donc la première chose qu'on demande c'est un rééquilibrage effectivement du secteur.
02:15Et je pense qu'on est soutenu par le rapport Draghi et par le rapport Letta.
02:18Un rééquilibrage qui impose à ces acteurs de contribuer aux investissements qui sont nécessaires.
02:23Et c'est d'autant plus important.
02:25Pour l'instant on n'a pas vu du tout de signe de décision alors que ça fait quand même des années qu'on en parle de ce partage des coûts sur les infrastructures notamment en Europe.
02:33Alors vous avez raison, le temps européen est malheureusement un peu long.
02:36Là on a une nouvelle commission qui arrive et on met beaucoup d'espoir dans cette nouvelle commission pour que justement elle fasse bouger.
02:41On ne demande pas forcément une législation qui impose une contribution.
02:45Ce qu'on veut c'est un cadre qui nous permette de discuter avec les grandes plateformes.
02:49Et si on n'arrive pas à discuter, un système d'arbitrage, de règlements différents qui permettrait effectivement de fixer la rémunération au juste niveau.
02:57Donc c'est vraiment ce premier objectif qu'on a, c'est aider, aider, rééquilibrer et reconnaître la valeur des investissements que font les opérateurs partout en Europe et singulièrement en France.
03:08Je vous redis 114 milliards mis en disant dans les réseaux en France.
03:11Juste pour rester sur cette proposition, pardon de vous couper, mais il y a eu d'énormes investissements, vous l'avez dit, en particulier en France du fait du plan France Strait au débit.
03:21On arrive à la fin, alors il reste des difficultés, des complexités dont on a parlé ici aussi.
03:26Mais disons que ces investissements vont vraiment s'alléger dans les années à venir.
03:31Oui, ils vont s'alléger.
03:32Est-ce que c'est encore pertinent d'appeler justement à soutenir cet investissement dans les infrastructures alors qu'on est à la fin du plan France Strait au débit ?
03:39Alors, les investissements sont de différentes natures.
03:41Vous avez effectivement la pose de la fibre, le raccordement des foyers.
03:44Donc ça, on est en train de terminer le plan.
03:46On a un magnifique plan avec 92% de couverture en matière de fibre du territoire français, ce qui est unique en Europe.
03:52Donc cette partie-là, elle est faite.
03:54Il reste effectivement des investissements à faire.
03:56Souvent le reste à faire est le plus cher aussi.
03:58Ce sont les derniers mètres à faire et notamment il y a un certain nombre d'investissements, de travaux à faire dans les domaines privés.
04:03Il y a un dispositif qui est prévu en France qui est inscrit au PLF, puisqu'on parle beaucoup de PLF en ce moment.
04:08Qui est inscrit au PLF et qui affecte 16 millions d'euros effectivement à l'aide à nos concitoyens pour faire ces derniers mètres.
04:16Mais ce n'est pas comparable quand même avec les 10 ans d'investissement précédents ?
04:18Ce n'est pas du tout comparable avec les 10 ans d'investissement.
04:20Mais vous avez aussi, chaque année, les débits utilisés à cause de ces services nécessitent des investissements.
04:27Il faut en permanence améliorer vos réseaux, qu'ils soient mobiles ou fixes, pour permettre d'absorber les nouveaux usages.
04:33Vous avez quelque chose qu'on appelle l'IA qui arrive et qui va générer énormément de trafic.
04:39Quand vous vous amusez aujourd'hui à utiliser certains services d'IA sur votre mobile en posant une question X, Y, Z,
04:45tout le monde dit que ça va consommer énormément d'électricité.
04:47Mais ça va consommer aussi énormément de bandes passantes et ça, il va falloir l'absorber.
04:51Est-ce qu'il est normal que l'écosystème de l'IA aujourd'hui ne contribue pas, demain, aux investissements qui vont être nécessaires dans les réseaux,
04:59pour leur permettre de continuer à proposer leurs services ?
05:02Sans réseau de télécommunication, pas d'intelligence artificielle, pas d'Internet, pas de plateforme, pas de contenu, pas de télévision.
05:10Donc ce qu'on dit, et je le redis avec force, c'est que tout le monde doit contribuer, on doit répartir la charge.
05:16Pour nous, il n'est pas question que ce soit le consommateur qui paye au final.
05:19On pourrait augmenter les prix à l'infini, mais on a une chance en France, c'est d'avoir les prix les plus bas d'Europe.
05:24Qu'est-ce qu'on veut ? Que ces gens qui ont des modèles économiques florissants contribuent raisonnablement.
05:31On parle de faire cher, c'est équitable, on leur demande une contribution équitable, ou alors on continue à mettre en danger l'économie des opérateurs,
05:41ou pire, on augmente les tarifs de manière sensible pour que le consommateur paye.
05:46Le choix de l'AFFT est assez clair, tout le monde doit contribuer, et les grands acteurs de l'Internet, d'aujourd'hui et de demain, doivent aussi contribuer.
05:55Je vous laisse terminer, mais très rapidement, sur les autres recommandations.
05:58Alors il y en a énormément, il y a des recommandations principales, je vais y aller très très vite.
06:02Mais ce qu'on souhaite aussi, c'est une simplification des règles du jeu.
06:06La réglementation de télécommunications a été instaurée dans les années 90 pour faire face à des sorties de monopoles.
06:11Aujourd'hui, on a des systèmes très concurrentiels, donc on souhaite qu'il y ait une simplification des règles.
06:16Supprimer des règles ? Il y a des règles inutiles aujourd'hui ?
06:19Oui, il y a des règles inutiles, c'est supprimer les règles et appliquer les mêmes règles à tous.
06:23Aujourd'hui, si vous regardez l'infrastructure et les services, les règles ne sont pas les mêmes.
06:26Prenons un exemple très concret, vous avez un service Internet qui vous géolocalise.
06:30Ce n'est pas la même réglementation qui s'applique à ce service et à l'opérateur qui, lui, géocalise ses clients via le réseau.
06:38Ce qu'on demande, c'est juste aussi une équité, les mêmes règles du jeu pour tous.
06:42Simplification aussi, supprimer les règles qui ne servent à rien.
06:45Il y a un certain nombre de règles dont on peut se demander si elles sont utiles, ne pas les complexifier.
06:51Là, on a en ce moment un débat sur un projet de loi simplification où on demande à ce que, par exemple,
06:57des choses aussi basiques que les permis de construire, les durées de permis de construire pour les infrastructures ne soient pas rallongées.
07:02Ce genre de choses qui peuvent paraître assez élémentaires, assez simples et qui sont très importantes pour les opérateurs, c'est simplifier leur vie.
07:11La dernière recommandation qu'on fait, qui est plutôt française pour dire les choses, mais je le dis ici aussi, c'est la fiscalité.
07:19Aujourd'hui, vous avez une fiscalité en France qui est sectorielle, comme on dit.
07:23Cela veut dire qu'elle ne s'applique qu'aux opérateurs de télécommunications.
07:25Elle représente 1,5 milliard d'euros prélevés sur les opérateurs par an.
07:30Alors, on est conscient, la situation budgétaire des collectivités de l'Etat ne permettra pas de supprimer cette fiscalité.
07:37Mais ce qu'on demande à minima, c'est qu'elle n'augmente pas de manière exponentielle.
07:40Et peut-être une réallocation ? C'est ce que j'entends beaucoup dans le secteur.
07:43Exactement, vous avez raison, c'est une réallocation.
07:46Pas forcément aux opérateurs, mais au moins nos concitoyens, au moins aux communes qui ont le plus besoin de besoins numériques.
07:52Merci beaucoup Nicolas Guérin, je sais que vous en avez encore plein sous le pied.
07:56Je vous réinviterai, on continuera cette conversation, puisque de toute façon, on attend encore des décisions, bien évidemment.
08:01Je rappelle que vous êtes le président de la Fédération française des télécoms.
08:06C'est l'heure de notre débat, on va parler open source avec un grand projet,
08:09en tout cas une grande pétition qui demande un grand projet européen à ce niveau.
08:16Une pétition a été lancée par un anonyme autrichien et qui a été largement reprise par l'écosystème open source en France.
08:24Il réclame le déploiement d'un système d'exploitation UE Linux, ce serait son nom,
08:29dans les administrations publiques de tous les Etats membres.
08:32Pour en parler, Ophélie Collot est avec nous, bonjour.
08:34Vous êtes chercheuse indépendante, spécialiste en géopolitique du numérique.
08:38A côté de vous, Stéphane Fermiger, bonjour Stéphane.
08:41Bonjour.
08:42Fondateur, PDG d'Abiliane et co-président du Conseil national du logiciel libre.
08:46Alors, combien de signataires pour cette pétition à ce jour ?
08:51A ma connaissance, on en est autour de 2000.
08:53Oui.
08:54Moi, je pense que ce n'est pas le nombre de signatures qui va représenter l'impact réel de cette initiative.
09:03L'important, c'est qu'on en parle.
09:05On est aujourd'hui ici pour en parler.
09:08C'est des idées qui sont sur la table depuis plus de 20 ans maintenant.
09:12Il y a eu des initiatives dans le monde, en Europe, en France.
09:16Certaines ont échoué, beaucoup ont réussi.
09:19Et je pense que cette personne a eu la bonne idée de mettre un sujet sur la table
09:26et de mettre aussi un cadre qui est le cadre européen.
09:30Si on part en souveraineté numérique, le cadre français est un petit peu limité.
09:36Il y a des sujets qui, certainement, doivent rester franco-français.
09:40Mais il paraît à peu près certain que, pour nous, une partie des enjeux ont leur cadre naturel en Europe
09:48et dans le cadre d'une coopération qui pourrait d'ailleurs être une coopération franco-allemande
09:53puisque les Allemands ont des projets intéressants dans ce domaine.
09:56On va en parler plus en détail.
09:58J'imagine, Stéphane, que vous l'avez signée, cette métition ?
10:01Comme beaucoup d'autres.
10:02Ophélie, également, vous l'avez dit sur les réseaux sociaux.
10:05Oui.
10:06Pour quelles raisons ?
10:07C'est important.
10:08C'est vrai que ce n'est pas une idée nouvelle.
10:09Mais justement, si on le répète aussi souvent depuis 20 ans, c'est parce que c'est vraiment un élément important
10:15et c'est le bon moment pour le faire.
10:17Parce qu'on est dans un contexte technologique, certes, mais géopolitique,
10:21qui fait que ces éléments-là, les socles technologiques, ont une importance considérable.
10:28Il faut prendre en considération ces éléments-là.
10:31Donc, on est dans un contexte favorable, en fait, pour faire aboutir enfin...
10:35Pour convaincre.
10:36Pour convaincre, en tout cas.
10:38Sensibiliser.
10:39Absolument.
10:40Plus que sensibiliser, je pense que là, on a les arguments vraiment pour convaincre
10:43parce que je pense que, que ce soit dans la sphère politique ou médiatique,
10:46il y a quand même une prise de conscience que là, on a réellement, par les dépendances technologiques,
10:51certains risques de dépendances aussi politiques et géopolitiques,
10:56avec des rapports de force qui sont réels.
10:59Et je pense qu'ils étaient présents, déjà, mais ils n'étaient pas forcément visibles, en fait.
11:04Et donc, le fait que les politiques et que les médias prennent ce sujet, en parlent,
11:10ça peut, en effet, plutôt que sensibiliser, ça peut convaincre.
11:14Et c'est là la grande différence avec l'avant.
11:17Alors, ce serait quoi ce UE Linux, exactement ?
11:20L'idée, c'est de développer un système d'exploitation qui serait vraiment souverain à l'Europe.
11:25Ça ressemblerait à quoi ? Ça partirait de quelle base ?
11:28Alors, la pétition donne des détails...
11:31Enfin, donne relativement peu de détails, mais je pense qu'en ayant réfléchi à ces sujets
11:37et, encore une fois, en regardant l'expérience d'initiatives similaires,
11:43l'idée, je pense que ce n'est certainement pas de développer une nouvelle distribution Linux.
11:50Pourtant, il lui donne un nom spécifique.
11:52Oui, alors, pour moi, ça serait en partie une question de branding.
11:56Le fait d'avoir un objet identifié, un objet technique,
12:00qu'ensuite, on va pouvoir présenter sur les plateaux télé, dans les médias, etc.
12:05Voir pratiquement l'équivalent d'un ruban à couper.
12:08On sait que les politiciens aiment bien les inaugurations, les discours, etc.
12:14C'est un sujet, mais après, il y a des enjeux techniques.
12:18Donc, on ne recommence pas une nouvelle distribution Linux, mais il faudra peut-être un peu la customiser, j'imagine.
12:22Voilà, on est par contre dans la notion d'adaptation de distribution Linux.
12:27Ce sont des objets très, très riches, qui ouvrent un champ des possibles absolument énorme.
12:34Mais, au contraire, dans le cadre de l'administration,
12:38bien sûr, avec 27 pays, on a certainement des besoins qui sont assez divers.
12:45On a aussi certainement de nombreux métiers dans l'administration qui vont aussi avoir des besoins divers.
12:51Mais il y a déjà eu des études, que ce soit en France ou en Allemagne, qu'on pourrait citer,
12:56qui donnent les grands axes.
12:58Il y a une dizaine de grandes catégories de logiciels
13:01qu'il faut être capable de faire tourner sur un poste de travail, Linux ou autre.
13:06Et donc, bien sûr, navigation Web en premier,
13:09puisqu'on accède à la majorité des applications aujourd'hui par le Web,
13:12la communication, un certain nombre d'applicatifs métiers pour lesquels on va utiliser le navigateur Web.
13:19Mais ça veut dire qu'il y aurait une sorte de labellisation conforme aux réglementations, par exemple, européennes ?
13:26C'est ça dont on aurait besoin aujourd'hui ?
13:28Alors, c'est un petit peu différent.
13:30Bon, le nom, peu importe, c'est vraiment juste plus l'idée du marketing.
13:36Techniquement, on sait comment faire.
13:38Donc, les choses existent déjà.
13:40Après, il y a plusieurs scénarios possibles, mais techniquement, ce n'est pas le souci.
13:43Maintenant, le fait d'avoir des plateformes, des OS open source,
13:48d'avoir des environnements, des systèmes d'exploitation mobile ou ordinateur open source,
13:53ça permet en effet d'avoir le contrôle sur l'architecture du produit technique, de l'objet technique.
13:59Et donc, évidemment, ça facilite aussi derrière l'appréhension par le juridique.
14:04Aujourd'hui, ce qui se passe en Europe, c'est qu'on agit un peu comme les clients d'un SAV.
14:10On va toquer à la porte des grandes plateformes dont on est les clients, consommateurs,
14:14et on espère qu'ils vont nous écouter.
14:16Et puis, quand on n'est pas d'accord, éventuellement, on leur tape sur les doigts, on leur donne une amende.
14:20Mais on n'a pas du tout la maîtrise de l'architecture des produits.
14:23Et donc, du coup, on n'est pas content de la manière dont sont conçus les médias sociaux,
14:27de la manière dont ils polarisent, par exemple, sur le champ politique.
14:31On n'a pas non plus le contrôle sur les flux de données, où vont nos données,
14:35comment elles sont utilisées en seconde instance, etc.
14:38Tout ça, en fait, est invisibilisé.
14:40Et le juridique ne peut qu'agir comme le client face à un SAV.
14:46Donc, en ayant la maîtrise sur le technique, sur la plateforme,
14:50et ça, on sait faire en Europe, c'est ça qui est assez magique.
14:53On n'en parle pas assez, mais on sait faire.
14:55Et bien, en fait, on peut réellement orienter aussi l'objet technique
14:59pour qu'il corresponde à ce qu'on veut et qu'il corresponde à nos valeurs, à nos valeurs européennes.
15:03C'est ça, la troisième voie européenne.
15:05Parce qu'il y a quand même des logiciels qui sont cités, LibreOffice, Nextcloud,
15:09puis EOS, pour que tout le monde comprenne bien, de la fondation Murena.
15:15Donc, il y a des logiciels qui sont cités.
15:18Qu'est-ce qu'on ferait à partir de ces briques logicielles ?
15:20On les assemble ? On s'en empare de quelle façon ?
15:23Comment ça devient un projet presque de marché unique ?
15:26Alors, ce sont des logiciels qui ont probablement été cités
15:30parce qu'ils sont d'origine européenne.
15:32Je pense que ça n'est pas les seuls.
15:34Et il n'y avait pas forcément besoin de citer nommément tel ou tel logiciel.
15:39Il est clair qu'il y a un foisonnement d'offres européennes
15:43et qu'il faut les mettre en avant et qu'il faut les développer.
15:46Et ensuite, il faut les intégrer.
15:49Un tel projet aura certainement comme effet de mettre un coup de projecteur sur cette offre.
15:56Après, effectivement, d'un point de vue technique, il y a deux approches.
16:01C'est-à-dire que soit les administrations concernées font un cahier des charges
16:05ou en tout cas commencent à élaborer une feuille de route.
16:08Et puis ensuite, des éditeurs, des communautés de développeurs, etc.
16:12On essaie de travailler tous ensemble pour implémenter ces idées.
16:16Et finalement, peut-être même pas arriver à une seule distribution,
16:19mais plusieurs distributions qui seraient toutes labellisées EU-Linux.
16:24Ce serait comme répondre à un appel d'offres, finalement, des administrations européennes ?
16:27Oui. Après, dans tous les domaines, il y a une expression de besoin.
16:31Si on ne parle pas des besoins, si on ne parle pas aussi des contraintes de l'administration,
16:37ça va être difficile de faire un projet qui réponde réellement aux attentes.
16:43Moi, ce que je voulais préciser, c'est qu'en France,
16:45on a déjà l'article 16 de la loi République numérique de 2016,
16:49qui a déjà maintenant 8 ans, qui parle de maîtrise,
16:52c'est le mot qu'a utilisé Ophélie, d'indépendance et de pérennité des systèmes d'information.
16:58Les administrations françaises ont l'obligation de garantir la maîtrise,
17:03l'indépendance et la pérennité de leurs systèmes d'information.
17:06En Europe, on a une stratégie logiciel libre 2020-2023.
17:11Alors là, il y a une petite interrogation 2024-2027.
17:15Pour l'instant, le document n'est pas écrit,
17:17mais on peut espérer qu'on soit toujours sur la lancée de la stratégie 2020-2023.
17:22On sait que les institutions, qu'elles soient françaises, européennes, allemandes
17:26et dans d'autres pays, s'intéressent de très près à ces sujets,
17:30mais pour l'instant, à part des collectivités territoriales,
17:35personne n'a encore mis la pièce dans le jukebox.
17:37Les administrations travaillent sur leur propre logiciel libre d'ailleurs.
17:40Tout à fait, mais pas sur le poste de travail.
17:42Puisque là, aujourd'hui, c'est vraiment de ça qu'on parle.
17:45Alors justement, pourquoi jusqu'ici, tous ces projets que vous évoquez ont capoté ?
17:51Alors pour moi, je pense qu'il manque vraiment d'une approche plus ambitieuse.
17:55Je pense qu'il faut mettre les petits plats dans les grands.
17:57C'est-à-dire qu'on a vraiment la nécessité de bâtir un plan de transition technologique,
18:03à mon sens, qui manque aujourd'hui de chef d'orchestre.
18:07Ce chef d'orchestre, aujourd'hui, dans la pétition, ce serait le chef d'orchestre européen.
18:10Mais avec ce chef d'orchestre européen, il faut évidemment qu'au niveau national,
18:14ça prenne le relais et que ce soit en cohérence.
18:16Et ensuite, il faut travailler, bien sûr, avec tous les acteurs techniques,
18:20que ce soit les communautés open source, ceux du logiciel libre,
18:24et les PME, bien sûr, le tissu économique.
18:27Et pour ça, en fait, je pense qu'il faut aussi...
18:29Là, pour l'instant, la pétition, c'est beaucoup sur l'administration.
18:32C'est une première étape, mais ça peut être aussi un piège de s'enfermer là-dedans.
18:36Parce qu'on sait très bien que quand on change des outils dans l'administration,
18:39faire de la dentelle, ça peut être aussi complexe.
18:42Donc c'est très bien de le faire.
18:43Mais ce qu'il faut faire, c'est bien faire comprendre,
18:45et pour cela, il faut communiquer là-dessus,
18:47que c'est un plan stratégique, socle pour la société.
18:49Donc l'administration, il faudrait s'attaquer aussi un petit peu
18:52au domaine de la santé, là-dessus, et de l'éducation.
18:55À partir du moment où, par exemple, on a les écoles et les universités
18:58qui bâtissent sur de l'open source,
19:00on a une habituation, en fait, aux usages sur ces logiciels-là.
19:04Ça donne, en fait, quoi, in fine ?
19:06Des utilisateurs qui ont l'habitude de ces outils,
19:08qui sont déjà acculturés.
19:10Et ça, c'est extrêmement important.
19:12Et donc, et au-delà de cela, ce qui est quand même assez incroyable,
19:16et je n'irai pas forcément trop longtemps là-dessus néanmoins,
19:19c'est qu'en Europe, on a quand même un maillage de PME
19:22qui est déjà existant.
19:23Donc bâtissons sur ce maillage de PME.
19:25Mais ils ne le feront pas tout seuls,
19:27parce que quand ils sont mis en concurrence, c'est un panier de crabes.
19:29Donc il faut, en fait, un chef d'orchestre
19:31qui travaille avec ses communautés et avec ses PME.
19:33Un chef d'orchestre politique.
19:35Politique, mais qui permette aussi de dire une chose simple.
19:38L'open source, pour autant, n'empêche pas de bâtir des modèles économiques.
19:42Ce n'est pas parce qu'on va partir sur l'open source
19:44qu'on ne peut pas vendre des solutions.
19:45Il y a déjà beaucoup de PME qui fonctionnent sur des solutions open source.
19:48Par contre, la contrepartie, et je finis là-dessus,
19:50c'est qu'il faut aussi repenser au modèle de contribution à l'open source.
19:53Que ces entreprises utilisatrices,
19:55qui vont vendre de l'open source derrière,
19:57soient aussi des contributeurs.
19:58Et pour ça, c'est aussi aux politiques
20:00de bâtir aussi une stratégie sur la contribution à l'open source.
20:03Et d'ailleurs, dans la pétition, on évoque
20:05toutes les opportunités économiques aussi
20:07que ça représenterait d'avoir ce projet.
20:11Alors tout à fait, moi je ne peux être que d'accord
20:13avec ce que vient de dire Ophélie
20:15sur l'importance du tissu économique.
20:17Il y a des études économiques nombreuses,
20:19dont certaines que nous avons réalisées
20:22ou co-réalisées au CNLL,
20:25mais également des études qui viennent de la Commission européenne
20:27qui montrent un impact absolument énorme.
20:29En termes d'emploi ?
20:31En termes d'emploi, en termes de création de valeur.
20:33On parle de 10% du marché européen de l'informatique
20:37qui est le marché du logiciel libre.
20:41On parle de 95% des logiciels aujourd'hui
20:44qui contiennent du logiciel libre.
20:46Je voudrais réagir sur un point,
20:48c'est sur le fait que tous les projets jusqu'à aujourd'hui
20:50auraient été des échecs.
20:52Ça n'est pas du tout le cas.
20:54Parce qu'on n'a pas vu un grand projet européen jusqu'ici.
20:56Non, mais à différents niveaux,
20:58il y a des success stories indéniables.
21:00En France, on a la gendarmerie nationale
21:02qui depuis 20 ans,
21:04donc ce n'est pas un projet tout récent
21:06ou qui va et qui vient,
21:09100 000 utilisateurs, 100 000 gendarmes
21:12qui utilisent du bureau Linux
21:15et des logiciels libres.
21:19On a aussi les expériences de pays un peu totalitaires
21:22malheureusement, mais qui pour s'affranchir
21:24de la domination américaine
21:26ont développé leurs propres outils,
21:28leurs propres distributions.
21:30On parle de la Russie, de la Chine
21:32ou même de l'Inde,
21:34qui est largement en tête en termes d'utilisation.
21:36On a beaucoup parlé de l'exemple de la ville de Munich
21:39qui au début a été un succès
21:41et puis à un moment, ça s'est arrêté tout d'un coup
21:43sans qu'on comprenne bien pourquoi.
21:45Si on creuse un peu, on comprend que Microsoft
21:47à l'époque n'a vraiment pas voulu
21:49que ça réussisse
21:51et a tout fait pour que le maire décide
21:54avec peut-être des échanges
21:56un peu de bon service
21:58de revenir à la situation antérieure.
22:00Mais il y a le Land
22:02de Schleswig-Holstein
22:05c'est toujours un peu difficile à prononcer
22:07qui a annoncé cette année
22:09et qui a lancé déjà depuis plusieurs années
22:11le passage de tous les fonctionnaires
22:13de cet état du nord de l'Allemagne
22:15sous Linux
22:17avec un plan qu'on peut lire
22:19et qui est très détaillé
22:21et qui pourrait servir d'aspiration
22:23Pour l'instant, cette pétition
22:25est lancée par un anonyme
22:27qui a donné juste ses initiales
22:29qui vient d'Autriche, dont on ne sait pas grand chose.
22:31Peut-être qu'il y aurait une nécessité
22:33de se l'emparer
22:35Je ne sais pas
22:37Est-ce que vous envisagez
22:39de reprendre cette pétition ?
22:41Nous, on l'a mis sur la table
22:43au sein du Conseil logiciel libre
22:45de l'ADINUM
22:47dont on fait partie
22:49l'ADINUM qui reste
22:51un organe
22:53d'animation
22:55de la communauté du logiciel libre
22:57dans l'administration française
22:59donc c'est déjà un sujet
23:01après
23:03on va le relayer au niveau européen
23:05donc au niveau du CNLL
23:07ou de l'appel
23:09on est partant pour aider
23:11et pour contribuer à cette initiative
23:13On va suivre ça ensemble
23:15Juste très rapidement, Ophélie
23:17est-ce que le contexte international géopolitique
23:19peut être favorable
23:21pour une décision de cette sorte
23:23en Europe ?
23:25Ce ne sont pas les voix européennes
23:27qu'on entend au niveau de la Commission
23:29On n'a pas le moment d'agir là-dessus
23:31parce qu'on est dans un contexte géopolitique tendu
23:33qui ne nous laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre
23:35En Europe, on manque
23:37d'arguments de négociation
23:39une forme d'indépendance numérique
23:41bâtir cette indépendance numérique
23:43sur des secteurs socles
23:45peut nous permettre de faire
23:47levier de négociation
23:49reprendre une position au-dessus
23:51d'une certaine manière
23:53et pour ça, il faut bâtir
23:55et penser les choses à moyen long terme
23:57Merci à Stéphane Fermiger de nous avoir éclairé
23:59sur cette pétition et peut-être demain
24:01ce projet qui se concrétisera
24:03On continue sur le logiciel libre
24:13C'est l'heure de notre rendez-vous avec le Monde du Libre
24:15et Jean-Paul Smets, le PDG de Rapid Space
24:17Bonjour Jean-Paul
24:19On va s'intéresser au logiciel libre dans le domaine militaire
24:21Est-ce qu'il y en a beaucoup ?
24:23Il y en a depuis l'origine de l'Internet
24:25puisque le réseau ARPANET
24:27c'est le premier réseau qui a mis en oeuvre TCPIP
24:29pour le ministère de la Défense américain
24:31et puis récemment on a eu STUXNET
24:33un virus dont le code source a été
24:35publié sous forme de logiciel libre
24:37en 2011
24:39et il a été publié après une attaque
24:41sur des centrifugeuses d'enrichissement d'uranium
24:43en Iran
24:45Pourquoi publier un virus militaire
24:47qui risque de détruire des infrastructures
24:49avoir des conséquences sur la vie humaine
24:51Pourquoi faire proliférer un virus dangereux ?
24:53C'est ma question
24:55Parce qu'en fait
24:57si on ne le fait pas proliférer
24:59il y a des gens qui sauront le refabriquer
25:01ou savent que c'est possible de le refaire
25:03donc on va le refaire et personne ne saura comment s'en protéger
25:05tandis que si on le fait proliférer
25:07tout le monde va savoir comment ce virus attaque certaines machines
25:09et ça va donc apprendre à l'humanité
25:11à se protéger de ce type de virus
25:13et donc c'est la décision qui a été prise
25:15Est-ce que le libre militaire
25:17est utilisé par exemple en Ukraine
25:19alors qu'on vient de dépasser les milieux de conflit ?
25:21Alors oui
25:23quand ils ont besoin d'un battle management system
25:25c'est ce qui sert à coordonner les troupes
25:27les avions, les drones
25:29bien visés au bon endroit depuis une tablette
25:31en fait ils ont construit leur propre logiciel
25:33qui s'appelle Cropiva
25:35et qui a permis de réduire considérablement
25:37le temps entre le moment où on trouve la cible
25:39et le moment où on la traite
25:41et j'ai aussi découvert en Autriche
25:43c'est quelque chose d'assez incroyable
25:45c'est un BMS, donc le même genre de logiciel
25:47complètement libre
25:49qui peut servir à la fois aux armées
25:51ou aux pompiers pour lutter en cas d'incendie
25:53Donc complètement libre, 100% ?
25:55Oui, moi ça me posait une question
25:57est-ce que c'est bien ou pas
25:59de faire du logiciel libre militaire
26:01est-ce qu'on va aider des gens à s'entretuer ou pas
26:03et là c'est complètement libre
26:05ce genre de logiciel, d'habitude en France
26:07c'est Atos qui vend ça avec SICS
26:09ou Leonardo ou Elbit en Israël
26:11donc généralement ce sont des très gros logiciels
26:13très chers, compliqués à intégrer
26:15parce que les armées ont toutes des systèmes informatiques
26:17différentes, des standards différents
26:19donc un petit état généralement
26:21aura beaucoup de mal à acheter
26:23ce type de logiciel à un prix raisonnable
26:25ça va mettre du temps
26:27et là ce qu'on voit c'est qu'avec un logiciel de BMS
26:29libre, n'importe quel petit pays
26:31peut acheter quelque chose finalement plus innovant
26:33moins lourd que les standards OTAN
26:35ou SGI ou ce genre de choses
26:37et donc on voit que finalement un petit pays va se retrouver
26:39un peu au même niveau qu'un grand pays
26:41en termes d'organisation de sa défense
26:43Et est-ce qu'on sait qui est précisément derrière
26:45cette solution, ce logiciel
26:47et s'il y a un modèle économique ?
26:49Alors il y a Harry Viperfurt qui est un ancien
26:51du ministère de la Défense fédéral
26:53autrichien et ensuite le logiciel est en licence
26:55AGPL, ça veut dire que théoriquement
26:57l'ennemi qui s'y connecterait
26:59pourrait télécharger les extensions secrètes
27:01donc bien entendu on va prendre
27:03une autre licence pour
27:05garder secrètes les extensions
27:07et donc ça, ça crée un bon modèle économique
27:09Des sources de revenus, ok
27:11Existe-t-il aussi
27:13du matériel militaire libre ?
27:15Alors c'est quelque chose qui
27:17dans le sens de l'histoire
27:19ça fait à peu près 10 ans que l'agence de défense européenne
27:21cherche à mettre en commun
27:23les achats militaires en Europe
27:25pour éviter que tout le monde aille acheter en gros
27:27aux Etats-Unis son truc dans son coin
27:29donc on essaye de faire une DGA européenne qui fait des achats communs
27:31et le 14 novembre, pour la première fois
27:33300 millions ont été mis sur la table
27:35pour acheter en commun des missiles
27:37des munitions et des véhicules
27:39donc c'est le sens de l'histoire
27:41mais souvent dans les programmes européens
27:43ce qui se passe c'est que les industries nationales
27:45veulent pas en fait céder une partie
27:47de leur propriété intellectuelle à une autre
27:49donc les projets ont tendance à échouer dans des discussions
27:51interminables
27:53et donc l'idée c'est que certains
27:55composants en fait dans un système de défense
27:57qu'on peut dire des sous-systèmes comme par exemple
27:59la communication 5G ou le serveur de Edge
28:01ou par exemple un matélescopique
28:03un autopilote de drone, tout ça
28:05c'est très générique
28:07et ça peut être disponible sous forme de matériel libre
28:09conçu en commun
28:11mais ensuite potentiellement produit localement
28:13par les industries nationales
28:15avec lesquelles on rentrera pas en conflit
28:17et en plus en allant dans cette voie
28:19de mettre en commun du matériel libre
28:21conçu en commun, on favorise aussi
28:23l'interopérabilité entre les armées
28:25Très bien, donc finalement
28:27Jean-Paul vous militez
28:29pour le logiciel et le matériel libre dans le militaire
28:31Voilà, par la force des choses
28:33Ok, merci beaucoup
28:35pour ces découvertes
28:37Je rappelle que vous êtes le PDG de Rapid Space
28:39et merci à tous de nous avoir suivis
28:41on a beaucoup parlé open source aujourd'hui
28:43dans Smartech, on a aussi parlé télécom
28:45je vous dis à très bientôt pour de nouvelles discussions sur la tech