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"Il y a 503 cellules. On a 880 détenus"

Les prisons françaises n’ont jamais été autant surpeuplées. Et pourtant chaque année, le nombre de détenus augmente et leurs conditions se dégradent. On a suivi la députée PCF Elsa Faucillon qui alerte sur leurs conditions de détention lors d’une visite à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, où ici, les peines sont de maximum 2 ans.

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Transcription
00:00J'espère qu'on est dans la misère, en tout cas ici, madame.
00:02Allez-y, allez-y.
00:03Bonjour monsieur, ne vous inquiétez pas, on ne verra pas vos visages.
00:05Bonjour.
00:06Bonjour.
00:07Ici, on est à 190% de taux d'occupation.
00:09Encore, c'est pas fini.
00:11Et normalement, la règle en Europe, c'est en cellulement individuel.
00:14C'est vrai que c'est dur quand même. On est plusieurs dans une cellule.
00:16Niveau intimité, c'est pas génial.
00:18C'est pas génial, non, on est d'accord.
00:20Je ne sais jamais si on se rend compte de ce que ça peut être
00:25pour ceux qui sont à l'extérieur de se retrouver là, enfermés.
00:29Je n'ai peut-être pas la force d'accorder.
00:32On a visité la maison d'arrêt de Bois d'Arcy.
00:35Et si on a visité celle-là en particulier aujourd'hui,
00:38c'est parce qu'elle fait partie des prisons en France
00:41qui est l'une des plus surpeuplées.
00:43C'est quand même des conditions de surpopulation
00:45qui ont été jugées, notamment par la Cour européenne des droits de l'homme,
00:48comme des conditions indignes.
00:50La maison d'arrêt, le problème,
00:52enfin je parle des grosses maisons d'arrêt de la région parisienne
00:54et même des maisons d'arrêt de province,
00:56c'est qu'elles sont trop nombreuses.
00:58Il y a trop d'entre eux, il y a trop de turnover
01:00et on n'a pas le temps de les prendre en charge
01:02parce qu'on n'a pas le temps de les connaître tous.
01:04Il y a 503 places à Bois d'Arcy.
01:06Il y a 503 cellules.
01:08On a 880 détenus.
01:10Ça fait combien en taux d'occupation ?
01:12Ça fait 197 à l'heure actuelle puisqu'on a une aile qui est fermée.
01:14C'est difficile d'apporter du sens à la peine.
01:16Le sens de la peine, ce n'est pas fabriquer des monstres.
01:18C'est de leur permettre de ne plus être,
01:20enfin en tout cas d'évoluer et d'être des citoyens,
01:23de revenir des citoyens réinsérés.
01:26On a surtout des problèmes en cellules
01:29parce qu'au bout d'un moment,
01:31deux, trois, c'est...
01:33Comment dire ?
01:35Le vivre ensemble est compliqué.
01:37Donc en gros, vous êtes là à peu près 20 heures par jour
01:39dans cette cellule, c'est ça ?
01:41À trois. Et comment ça se passe à trois ?
01:51Là, on est dans une cellule de 10 mètres carrés.
01:53C'est ça ? À trois.
01:55Ils sont trois lits, ouais.
01:57Donc ici, en fait, par rapport à ce qu'est normalement la norme...
01:59Un lit. Normalement, il devrait être un lit.
02:01Il y a une loi qui a été travaillée
02:03et votée en 1875
02:07qui oblige dans les prisons françaises
02:09à ce qu'il y ait un détenu par cellule, pas plus.
02:11Tous les gouvernements successifs depuis 1875
02:13ont repoussé cette loi
02:15pour ne pas l'appliquer.
02:17Bonjour les gars.
02:19Et donc je m'intéresse à savoir
02:21ce que ça implique pour vous, ces conditions-là.
02:33Ouais, je comprends.
02:35Je vois là, vous avez mis des draps,
02:37c'est pour être un peu tranquille quand vous êtes...
02:39C'est pour être...
02:41C'est votre lit, ça ?
02:43Donc vous fermez quand vous avez...
02:45Je dis, je ne veux plus vous parler, là.
02:47En attendant d'avoir le frigo en cellule,
02:49on agrandit.
02:51Et les toilettes, elles sont ici.
02:55Niveau intimité, c'est pas...
02:57C'est pas génial, non, on est d'accord.
03:01Quand on va aux toilettes, c'est le moment vraiment intime
03:03qui fait qu'on n'a surtout pas envie
03:05qu'il y ait quelqu'un qui puisse
03:07voir, entendre, etc.
03:09C'est une vraie atteinte à la dignité,
03:11le fait que l'on soit plusieurs en cellule
03:13et que vous ne puissiez même pas avoir une porte vraiment fermée.
03:15Vous arrivez ici, bon,
03:17le problème, c'est l'hygiène, c'est de ne pas se laver tous les jours.
03:19C'est très très gênant.
03:21Combien de douches par semaine, vous m'avez dit ?
03:23Trois.
03:25C'est refait, ça ?
03:27Mais c'est nettoyé.
03:29Mais c'est l'aventure.
03:31Mais c'est du colmatage, quoi.
03:33En plus, on construit des nouvelles places
03:35qui vont se remplir et pendant ce temps-là,
03:37on a des conditions de détention
03:39dans la majorité des
03:41maisons d'arrêt qui se détériorent.
03:43Oui.
03:45Il est quand même vérifié, à certains moments,
03:47que ça ne va pas ?
03:49Non, mais on vit régulièrement.
03:51Notre système de chauffage, il est vieillot.
03:53Notre système de canalisation
03:55est aussi vieillot.
03:57Enfin, bon, bref.
03:59On manque énormément de moyens financiers
04:01pour pouvoir tout refaire.
04:03Mais il ne faut pas colmater,
04:05il faut vraiment qu'il y ait une réflexion globale
04:07sur refaire complètement la structure.
04:09On voit, y compris en condition de sécurité
04:11pour l'ensemble des gens
04:13qui sont dans la prison,
04:15le fait que les normes électriques
04:17n'existent pas, ou en tout cas
04:19qu'elles ne soient pas de bonne qualité.
04:21Les détenus n'ont pas de plaque électrique
04:23et donc ils roulent
04:25des tubes de sauce tomate
04:27qu'ils brûlent avec du feu et de l'huile
04:29pour permettre de tout simplement
04:31chauffer de l'eau.
04:33Et ça, c'est hyper dangereux pour eux
04:35comme pour les personnels.
04:37Donc on en arrive à des choses
04:39qu'au deuxième siècle ne devraient pas arriver.
04:41Plus on construit de places de prison,
04:43plus on les remplit.
04:45Et on les remplit parce que d'abord
04:47on a augmenté les peines.
04:49On a aussi un temps de justice qui est très long
04:51et qui fait qu'il y a des gens qui sont là
04:53alors qu'ils ne sont pas condamnés
04:55donc ils sont en détention provisoire
04:57et qui restent très longtemps.
04:59La prison, c'est à la fois un lieu
05:01où il y a une forme de punition
05:03pour que la personne prenne conscience
05:05de l'acte commis.
05:07Et la surpopulation, d'abord
05:09elle punit de manière dégradante
05:11et ensuite
05:13elle ne permet pas à cette surpopulation
05:15de bien réinsérer.
05:17Voir même au contraire,
05:19elle peut aggraver finalement
05:21le parcours de la personne détenue
05:23et créer des conditions de récidive.
05:25Le métier, il est difficile.
05:27Le métier, il est très difficile.
05:29Qu'est-ce que ça implique pour vous ?
05:31Le fait qu'il soit aussi nombreux dans un endroit
05:33où il ne devrait pas y avoir autant de détenus ?
05:35Au lieu d'avoir 30 détenus,
05:37j'en ai 60 sur la même grossine.
05:39Ce n'est pas pareil.
05:41De moins de détenus, ça permettrait
05:43en outre déjà de remplir
05:45nous-mêmes nos conditions de travail
05:47et de pouvoir répondre
05:49en tout cas
05:51à l'appelation pénale
05:53parce qu'on est là aussi pour ça.
05:55Le dialogue est le cœur de notre métier
05:57et avec cette surpopulation,
05:59plus on avance, moins les collègues sont capables de le faire.
06:01Vous parlez deux minutes avec quelqu'un,
06:03vous avez un retard considérable
06:05sur toute la journée.
06:07Les collègues n'ont pas le temps de le faire,
06:09donc ils n'ont pas le temps de parler,
06:11ils n'ont pas le temps de déceler les problèmes.
06:13Parfois, ils ne viennent pas nous chercher à l'heure.
06:15Par exemple, ça peut vous arriver de manquer un parloir ?
06:17C'est ça.
06:19Donc ça veut dire que quelqu'un de votre famille
06:21ou un proche se déplace,
06:23vient jusque-là et vous, vous ne pouvez pas le voir.
06:25Que ce soit un parloir familial ou un parloir vocabulaire,
06:27très souvent, les gens ici, c'est normal.
06:29Ils frappent aux portes.
06:31Ici, c'est du petit à grand.
06:33Ils sont terribles.
06:35J'ai déjà été récupéré de trois collègues
06:37qui voulaient passer à l'acte
06:39de ne plus vouloir vivre, tout simplement.
06:41Mais il faut qu'on mette les choses en place
06:43avant qu'il ne soit vraiment trop tard
06:45et que tout le monde soit détruit des deux côtés,
06:47que ce soit dans les personnes détenues qu'on pourrait essayer de sauver,
06:49comme ceux des personnels de l'administration
06:51qui sont en train de partir
06:53de plus en plus en burn-out.
06:55On a un métier merveilleux
06:57si on nous donne la possibilité de le faire.
06:59On a tout pris.
07:01En tout cas, dans des lieux qui ne peuvent plus recevoir,
07:03c'est la chose qui se mord les culs.
07:05Les personnes vont sortir.
07:07Il y aura un qui a pu être travaillé.
07:09C'est difficile de faire des projets de sortie.
07:11Au final, ça aggrave les situations personnelles.
07:13Les flammes majeures, les troubles.
07:15In situ.
07:17Comment on prépare les personnes pour la sortie ?
07:19Pour être totalement transparente avec vous,
07:21je suis pour un mécanisme de régulation carcérale,
07:23mais je pense que c'est aux politiques
07:25d'avoir le courage de le faire
07:27et qu'on ne soit pas reposé
07:29ou sur l'administration pénitentiaire ou sur la justice.
07:31Et qu'on a des choses à faire.
07:33La régulation carcérale,
07:35c'est un mécanisme qui permet
07:37de libérer de manière plus rapide
07:39certains détenus.
07:41C'est une mesure d'urgence,
07:43mais elle n'est pas pérenne.
07:45L'idée, c'est aussi qu'il y ait plus de peines alternatives.
07:47C'est de revoir l'échelle des peines,
07:49parce qu'aujourd'hui, parfois,
07:51on enferme pour des délits
07:53où il n'y a pas d'efficacité de la prison.
07:55C'est un mécanisme qui arrive plus rapidement
07:57dans la chaîne des condamnations,
07:59mais qui soit aussi bien plus encadré
08:01notamment par des agents de probation
08:03qui font un travail absolument incroyable.
08:05La prison n'est pas la reine des peines.
08:07Il y a d'autres peines.
08:09Le travail d'intérêt général
08:11est une peine intelligente.
08:13Le placement à l'extérieur,
08:15vous dormez dans un endroit,
08:17vous apprenez un travail en même temps.
08:19Il y a le bracelet électronique, bien sûr.
08:21C'est à ça qu'il faut réfléchir.
08:23C'est à d'autres façons de punir.
08:25J'en reviens toujours à cette question.
08:27Qu'attendez-vous de la peine ?
08:29Dinter disait, un homme fut-il coupable
08:31a le droit de sortir meilleur de prison.
08:33Et nous, nous avons le devoir
08:35de l'aider à sortir meilleur.

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