• la semaine dernière
Jamais les prisons françaises n'ont enregistré un si grand nombre de détenus avec 80.130 personnes incarcérées pour 62.357 places au 1er novembre dernier. A Nîmes, la maison d'arrêt craque de toutes parts depuis plusieurs années. On en parle avec le secrétaire locale de l'UFAP, le syndicat des personnels pénitentiaires David DEHAY.

Category

🗞
News
Transcription
00:00La surpopulation carcérale bat un nouveau record.
00:03À Nîmes, selon les derniers chiffres, on est à 471 détenus pour 200 places.
00:09Cela fait déjà longtemps que la maison d'arrêt craque, de toute part,
00:12et on en parle ce matin avec le secrétaire local adjoint de l'UFAP,
00:15le syndicat des personnels pénitentiaires.
00:17Bonjour David Dehay.
00:18Oui, bonjour.
00:19Alors vous confirmez, on est bien à 471 détenus pour 200 places seulement ?
00:24Les chiffres du matin, c'est bien ça.
00:26Ça veut dire 267% grosso modo de surpopulation ?
00:30En tout, si on enlève le quartier de semi-liberté, on est à plus de 250%.
00:35Ça, concrètement, qu'est-ce que ça veut dire comme condition de vie
00:38pour les détenus au quotidien ?
00:40Aujourd'hui, la problématique pour les personnes détenues,
00:43c'est surtout les problèmes liés à la promiscuité,
00:47les problèmes d'hygiène, on a les punaises de lit,
00:49on a les rongeurs qui passent dans les cellules,
00:53puis les nombreuses tensions aussi.
00:55Il faut le dire, on a beaucoup d'altercations,
00:57on n'arrive pas à séparer les prévenus et les condamnés,
00:59les fumeurs, les non-fumeurs,
01:01les petits délits avec les crimes les plus importants.
01:05Donc tout ça lié sous un fond de trafic et des tensions.
01:09La tension, elle est clairement palpable au sein de la maison d'arrêt.
01:12Le 28 septembre dernier, 150 détenus avaient refusé de regagner leurs cellules
01:17pour protester contre ces conditions que vous décrivez.
01:21Est-ce que quelque chose a changé depuis ?
01:22Est-ce que la direction s'est intéressée à la situation ou pas ?
01:25Alors moi sur mes chiffres,
01:26on avait à peu près une centaine de détenus sur les cours de promenade
01:29qui ont décidé de refuser de réintégrer.
01:32C'était le 28 septembre.
01:34À la suite de ce mouvement des personnes détenues,
01:37on a eu une vague un peu de transfert
01:39et on a eu une baisse du taux de surpopulation.
01:42Aujourd'hui par contre, on se rend compte que la tendance est à la hausse
01:46avec un nombre d'entrants qui reste très important par rapport à notre structure.
01:51Donc ça ne va pas mieux finalement.
01:52Ça a été mieux quelques mois
01:54et puis au final, on se rend compte que la problématique est plus profonde que ça
01:57et qu'aujourd'hui, on va devoir faire avec ce chiffre de manière quotidienne.
02:03Il y a pas mal de croyances autour de la prison.
02:07En France, on a par exemple un de nos auditeurs
02:09sur francebeugarloser.fr, la page Facebook,
02:12qui nous dit arrêtez de faire des prisons 5 étoiles.
02:15Mais de ce que vous dites,
02:16on a quand même le sentiment qu'on en est loin de la prison 5 étoiles.
02:19Ce que je peux vous dire,
02:20c'est que sur la maison d'arrêt de Nîmes,
02:21on est très loin de ce qu'on peut voir peut-être à la télé
02:25ou de l'imagination qu'on en a.
02:28Clairement, non, ce n'est pas une prison.
02:31Quand on voit que par exemple sur une cour-civ,
02:33on a un peu plus d'une trentaine de cellules,
02:35sur une trentaine de cellules,
02:36un surveillant va s'occuper de 90 personnes détenues en moyenne.
02:40Donc ça veut dire que chaque ouverture de cellule,
02:42dans 9 mètres carrés,
02:43il y a 3 personnes qui vivent ensemble 20 heures sur 24.
02:47C'est énorme.
02:493 personnes dans 9 mètres carrés.
02:51Je ne sais pas si tout le monde arrive à imaginer,
02:53mais dans une chambre d'enfants,
02:54mettre 3 personnes qui vivent de manière quotidienne et régulière,
02:58c'est très compliqué à gérer.
02:59C'est compliqué pour les détenus et c'est compliqué,
03:01évidemment, pour vous, agent pénitentiaire.
03:03Les conséquences chez vous, c'est quoi ?
03:06Outre le danger, est-ce qu'il y en a qui craquent ?
03:08Est-ce que ça devient difficile d'aller bosser tous les jours ?
03:11La charge psychologique et la charge de travail
03:14devient très importante et trop importante
03:16pour un seul agent, pour 90 détenus.
03:19Aujourd'hui, on a des agents qui préfèrent muter
03:21dans d'autres structures
03:22plutôt que de vivre quotidiennement
03:24ce genre, les altercations, ces tensions-là aussi.
03:28Il faut dire qu'on est les premiers en ligne.
03:31Donc à chaque ouverture,
03:32le seul interlocuteur qu'ils ont,
03:34c'est le surveillant d'étage.
03:36Est-ce que vous redoutez aujourd'hui une mutinerie ?
03:40Il faut garder à l'esprit que ça reste une possibilité.
03:44Je pense que si à long terme,
03:47le problème de fonds n'est pas réglé sur ces structures,
03:50on va pouvoir le revivre très régulièrement.
03:55Justement, pour essayer de régler ce problème de fonds,
03:59le ministre de la Justice, Didier Migaud,
04:01avait parlé, il y avait un plan
04:03qui était censé être mis en place
04:04de construction de 15 000 places de prison supplémentaires
04:07d'ici 2027.
04:08Mais donc, le nouveau ministre de la Justice,
04:10puisque ça a changé,
04:11a expliqué que ça ne pourrait pas être honoré
04:13dans ces délais-là, en tout cas.
04:15Est-ce que ça vous surprend ?
04:16Est-ce que vous vous y attendiez ?
04:17Est-ce que ça vous met en colère ?
04:19Ça nous met en colère ?
04:20Non, parce que je pense que ça touche à peu près
04:22toute la fonction publique.
04:23Et puis, vu la conjoncture économique du pays,
04:26on est quand même conscients
04:28que ça va être très compliqué
04:29de mettre en place ce parc immobilier.
04:32Par contre, ce qu'on tient à dire quand même,
04:34c'est que sur l'Occitanie,
04:35on a un taux de surpopulation qui est énorme,
04:37contrairement au niveau national.
04:40Et on a très peu d'établissements pour peine.
04:42Et du coup, ça complique énormément la tâche
04:46et ça ne permet pas un lissage,
04:48au niveau national aussi,
04:49du taux de surpopulation.
04:51Est-ce qu'une nouvelle prison à Nîmes,
04:54ce serait la solution ?
04:56Est-ce que c'est un projet ?
04:57Ce serait quand ?
04:58Ce serait où ?
04:59Qu'est-ce que vous en savez, vous, aujourd'hui ?
05:01Alors, il y a quelques mois,
05:02on nous avait dit que ce projet
05:05était toujours en cours.
05:06Par contre, maintenant,
05:07vu les conjonctures,
05:08comme je disais,
05:09la coupe budgétaire,
05:11on a du mal à croire que ça va se faire.
05:14Est-ce que c'est la solution ?
05:16Je pense que c'est une solution,
05:17mais ça ne doit pas être la seule.
05:19Ce serait quoi, les autres, par exemple ?
05:21Alors, du coup,
05:22peut-être déjà repenser la prison,
05:25en profondeur.
05:26Déjà, clairement,
05:27il y a la séparation
05:29des prévenus et des condamnés.
05:31Il y a certains critères
05:32qui doivent être pris en compte
05:33et qui doivent être une priorité
05:35pour l'administration pénitentiaire.
05:37Et tant qu'on ne règle pas ce problème,
05:40rajouter le nombre de places,
05:41on sait très bien
05:42que ça va rajouter
05:43le nombre de détenus.
05:44Il y a énormément de personnes
05:45qui sont en attente
05:46d'exécution de peine.
05:47Et rajouter la place,
05:48ça veut dire juste
05:49plus d'incarcération.
05:50Mais sans les moyens humains,
05:51la problématique,
05:54elle restera pérenne.
05:55Ça ne marchera pas.
05:56Rapidement,
05:57pour finir,
05:58David Dehay,
05:59est-ce que si les conditions
06:00ne s'améliorent pas,
06:01vous envisageriez
06:02de vous mettre en grève ?
06:04Alors déjà,
06:05je pense que dès le 5 décembre,
06:07vous verrez qu'il y aura
06:09énormément de fonctionnaires
06:10qui seront devant les portes
06:12des établissements pénitentiaires
06:14déjà contre certaines réformes
06:16de l'État.
06:17Et je pense que de manière,
06:20à moyen terme,
06:21il y aura d'autres actions
06:22qui seront mises en place.
06:23Qu'on suivra sur francebleu.fr
06:25Merci beaucoup David Dehay
06:27d'avoir été notre invité ce matin.
06:29Vous êtes le secrétaire local
06:30adjoint de l'UFAP à Nîmes.
06:32Merci de nous avoir écouté
06:33sur francebleu.fr.

Recommandations