• avant-hier
"Pendant très longtemps, on n'a pas eu de terme pour désigner le rose."

On l'associe souvent aux femmes et pourtant, cette couleur a longtemps été réservée aux hommes... Pour Brut, Pierre-William Fregonese raconte la passionnante histoire du rose.
Transcription
00:00Les cerisiers en fleurs, les fameux sakuras au japon, nous les voyons roses, alors que majoritairement les sakuras, les cerisiers en fleurs sont blancs.
00:06Le rose, ce n'est pas seulement une couleur, c'est aussi une histoire.
00:10Et une histoire qui est passionnante, je vais essayer de vous la raconter.
00:13Pendant très longtemps, on n'a pas eu de terme pour désigner le rose.
00:17En latin, en grec, il n'y avait pas vraiment un terme pour cette couleur.
00:20Le rose, à l'origine, c'est une couleur qui est très peu présente dans la nature.
00:24Les roses à l'origine, en Europe, ne sont pas roses.
00:27Elles sont rouges ou elles sont blanches.
00:29Et les roses ne sont devenues que roses vers le XVIIe et XVIIIe siècle, par les progrès de l'horticulture.
00:34Le rose, c'est aussi la couleur du cochon.
00:36Le cochon, à l'origine, n'était pas rose non plus.
00:38Il était plutôt brun, ça tendait vers le rouge.
00:41Et puis, peu à peu, avec le croisement des différentes races, avec la volonté de produire toujours plus de viande, le cochon est devenu rose.
00:49Il faut bien savoir que dans l'histoire, le rose a aussi été une couleur d'homme, et d'ailleurs surtout une couleur d'homme,
00:55tout simplement parce que c'était une variation du rouge.
00:58Le rose est devenu une couleur féminine qui est le fait qu'on a commencé à érotiser la chair.
01:03Notamment avec la peinture, dans la littérature,
01:06puisque le rose, du XIIIe au XVIe siècle en Europe, on le nomme incarnat, la couleur de la chair.
01:12Donc quand la chair devient sexualisée, cette couleur va devenir de plus en plus féminine.
01:17La thématique de Barbie est particulièrement intéressante quand on parle de rose,
01:21puisqu'à l'origine, Barbie, c'est une poupée qui est lancée en 1959 et qui n'est pas rose.
01:26Ce n'est pas sa couleur principale. Barbie devient rose.
01:29Elle devient rose au cours des années 70, notamment avec le modèle Superstar Barbie.
01:34On pense par exemple que c'était une stratégie pour plaire au foyer américain très conservateur,
01:39et pour justement solidifier cette distinction du genre entre le bleu et le rose.
01:43Le rose, c'est une couleur très particulière au Japon.
01:46C'est une couleur qui est devenue une partie de l'identité japonaise.
01:51C'est une couleur qui est intimement liée au kawaii.
01:54Le kawaii, c'est le mignon. C'est typiquement Hello Kitty, mais bien d'autres choses.
01:59Sauf que le kawaii, à l'origine, c'est une révolte féministe.
02:03Ce sont des femmes qui veulent passer du statut de femme au foyer
02:07à des femmes reconnues pour autre chose qu'être au foyer.
02:12Et peu à peu, par le rose, on va passer de la femme au foyer à la femme enfant.
02:16Le tournant le plus marquant, c'est vraiment le tournant des années 90,
02:20où là, le kawaii va devenir plus puissant que jamais.
02:23On va avoir énormément d'oeuvres, de mangas, d'animés, d'autres,
02:27qui vont justement faire de cette couleur rose une nuance très forte.
02:33Une nuance qu'in fine, on voit assez peu dans la société japonaise aujourd'hui.
02:37Quand vous regardez aujourd'hui comment on représente le Japon,
02:40quand vous regardez Instagram, quand vous regardez toutes ces photos avec des filtres roses du Japon,
02:46ce n'est pas un Japon qui existe. C'est un Japon fantasmé.
02:49C'est une manière pour les étrangers de voir le Japon,
02:51puisque le rose, c'est une couleur de la nostalgie.
02:54Et c'est une couleur qui parle à peu près tout le monde.
02:56C'est-à-dire que ce rose a un rôle de soft power.
02:59Le gouvernement japonais est tout à fait conscient que le Japon est beaucoup moins rose qu'on ne le pense.
03:06Mais il va justement essayer de promouvoir cette image du rose parce qu'elle plaît à l'étranger.
03:11Un Japon qui, même s'il n'a jamais existé, on a l'impression qu'on l'a vécu d'une certaine manière.

Recommandations