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"Me retrouver à la table de Francis Ford Coppola, je n'arrive pas à rendre ça réel. Tout ça est encore un songe."
Comment il choisit ses acteurs, l'amour, le cinéma populaire... Gilles Lellouche, en sélection officielle à #Cannes2024 avec "L'amour ouf", discute avec Augustin Trapenard.
Transcription
00:00On est bon, on est bon. Être en compétition au festival de Cannes aux côtés de Francis
00:05Ford Coppola, David Cronenberg. C'est fou, c'est fou. Qu'est-ce que c'est que cette
00:09histoire ? C'est vrai ? Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Vous avez dit quoi ? En fait,
00:13vous savez, Francis Ford Coppola, moi je pense que l'amour ouvre sur les clames du gentiment,
00:20de Outsiders, de Rusty James. Ce sont des films qui ont bercé ma jeunesse. Donc Francis Ford
00:25Coppola, pour moi, c'est le réalisateur. Donc, me retrouver à sa table, je n'arrive pas à rendre
00:33ça réel. Tout ça est encore un songe. Mais c'est très, très flatteur. Quand j'ai eu les résultats
00:43de la sélection, quand j'ai su que j'étais en compétition, c'était la joie absolue. Maintenant
00:45que je suis confronté au réel, j'éprouve la peur, le vrai traque. Un sentiment d'imposition
00:52aussi parfois. Toujours. Mais je pense que c'est un peu commun à tous mes petits camarades. On est
01:00tous un peu dans ce syndrome-là. Je ne crois pas qu'on puisse s'en dégager. Et j'espère pas,
01:05en fait. Est-ce que vous diriez que ce film, peut-être, c'est votre film le plus personnel,
01:08le plus intime ? Oui, définitivement. En même temps, je n'en ai pas fait 12. Mais celui-là,
01:13oui, c'est sûr. Moi, ce qui m'a marqué, c'est surtout ce personnage qui a du mal à exprimer
01:17des choses, qui a du mal à se confier. D'ailleurs, il le dit à un moment donné, même à plusieurs
01:20reprises. C'est vous, ça ? Pas vraiment. Pas vraiment, parce que moi, j'aime beaucoup. Pour
01:26le coup, j'aime les mots et j'aime parler. Donc, pas vraiment. Non. Pour répondre honnêtement à
01:32vos questions, oui. Réussir à mettre des mots sur un sentiment amoureux, un sentiment profond,
01:37l'impudeur me fait peur. Oui. L'amour ou vous y croyez ou pas ? Absolument, oui. Ah oui,
01:44oui. Sans aucun cynisme, encore une fois. Ah oui, sans aucun cynisme, oui, oui. Oui,
01:47je crois absolument fondamentalement en ça, oui. D'ailleurs, le titre raconte un peu ça.
01:51Oui. L'absence de tout le monde. En plus, c'est un titre que je n'aimais pas,
01:53puisque ce n'est jamais un titre que j'ai vraiment aimé. Et à force, je trouvais que ça sonnait
01:58bien. Mais ce n'est pas un titre que je trouvais beau, que je trouvais vulgaire. Mais en fait,
02:04j'aime bien ce mélange de beau et de lait. C'est comme les paysages au Dunkerque,
02:08quoi. Cette usine métallurgique avec ses dunes et ce sable devant. C'est le beau qui côtoie le
02:12lait, le lait qui côtoie le beau. C'est l'amour. Est-ce que c'est vulgaire parfois de parler d'amour
02:16dans la tête de certaines personnes? Ouais, non, c'est l'impudeur qui est vulgaire,
02:20c'est pas l'amour. On se parie d'un cinéma populaire que vous défendez depuis toujours
02:23en tant qu'acteur, en tant que réalisateur aussi, qui est aussi à l'origine de ce que c'est que le
02:27cinéma, un art populaire. On a pu vous le reprocher, ça, Gilles Lelouch?
02:30Ouais, souvent, mais ce n'est pas mon problème, en fait. De toute façon, ce n'est pas une
02:34réflexion que j'ai parce que je suis comme ça. C'est-à-dire que ma cinéphilie vient du
02:40vidéoclub. J'ai appris le cinéma en regardant des cassettes vidéo le mercredi chez moi. C'était
02:47du cinéma d'horreur. C'était Mad Max. Elle est dans tous les sens, en fait. Donc, moi,
02:51j'aime tous les cinémas. À un moment dans le film, sans rien révéler de la scène,
02:56mais pour moi, c'est une scène très importante. Il y a un poster de Belmondo et votre héros,
03:00il doit le regarder dans les yeux. Et j'ai l'impression que Belmondo, il est partout dans
03:03votre cinéma. Je ne sais pas, mais en tout cas, j'ai eu la chance de le rencontrer,
03:07de le côtoyer. C'était un homme tellement gentil et tellement sympathique. Mais oui,
03:11c'est un petit clin d'œil. Je ne sais pas s'il est partout dans mon cinéma, mais je me
03:15je ne me réfère pas du tout à Belmondo. Moi, en tant qu'artiste, je me réfère à Belmondo en tant
03:22qu'enfant. Qu'est ce qui vous plaisait dans votre regard d'enfant? C'était quand on regardait
03:28La Zéza, c'était un peu le papa idéal. Quand on voyait l'homme de Rio, c'était la jeunesse
03:34flamboyante. Il y avait quelque chose qui donnait envie de vivre plus encore. Vous êtes aussi un
03:38acteur, Gilles Lelouch, effectivement, et il y a chez vous un sens du casting et de la direction
03:42d'acteurs. Qu'est ce que vous recherchez vous chez un acteur? Quand je casse un acteur,
03:46ce qui m'intéresse, c'est qu'il fasse de ma vérité la sienne. Et c'est ça qui m'intéresse le plus.
03:50Une disponibilité, en fait? Oui, non, mais une traduction fidèle, mais biaisée de ce que moi,
03:56j'ai envisagé. Par exemple? Karim Leclou. Par exemple, Karim Leclou dans le rôle du père.
04:01C'est a priori, pas pour lui, mais en fait, c'est pour lui. C'est intéressant,
04:07c'est qu'il y a des acteurs qui reviennent. Je pense tout de suite à Benoît Poulevard,
04:10qui était aussi dans Le Grand Bain. Qu'est ce que vous trouvez chez lui?
04:12Il me bouleverse, il me bouleverse quand il est drôle, il me bouleverse quand il est triste,
04:16quand il chante, quand il bouleverse, quand il chante. Mais d'aventure, d'aventure.
04:20Et qu'il ose dire il faut que je protège ma voix. Mais quelle voix? Mais non, je suis absolument,
04:26je suis absolument fan et reconnaissant de Benoît pour des raisons qui ne sont pas en plus.
04:32Ça tient à quoi chez lui précisément en tant qu'acteur?
04:35Je ne sais pas, c'est cette flamboyance écorchée, cette espèce de timidité explosive
04:42qui me touche énormément parce que je vois tout à fait qui il est.
04:47Adèle Hexar Copoulos, François Syville, d'autres jeunes acteurs. C'est comme si
04:51vous faisiez confiance aussi à une autre génération. Comment vous la regardez,
04:54cette génération? Moi, je suis, en fait, après Le Grand Bain,
04:57qui était quand même un film qui parlait de ma génération, qui était quand même un film,
05:00pas de vieux, mais en tout cas de quadra quinquage. J'avais envie de faire un film
05:04sur la jeunesse. J'avais envie de faire un film sur les adolescents. Je trouve qu'on a de moins en
05:09moins de films pour pour les adolescents aussi. Alors que dans mon époque, à mon époque,
05:13pardon, il y avait des films de John Hughes. Il y avait des films très stylés, très
05:18cinématographiques, mais en même temps, la dérision. Mais en même temps, il y avait
05:22quelque chose comme ça qui prenait les jeunes au sérieux. J'avais envie de faire un film pour
05:26les jeunes en les prenant au sérieux et j'avais envie de travailler avec cette génération,
05:31notamment Adèle, qui me bouleverse évidemment. François, avec qui j'avais travaillé sur Bac Nord
05:37et j'avais vu le potentiel de l'acteur qu'il était. Adèle aussi sur Bac Nord d'ailleurs.
05:41Adèle aussi, je l'ai moins côtoyé, mais oui, j'avais envie de travailler avec Vincent Lacosse,
05:45dont je trouve la trajectoire formidable. Je suis avec attention tous ces gens. Et puis,
05:52j'avais envie aussi de découvrir des jeunes. Il faut les aimer les acteurs pour les diriger.
05:56Oui, il faut les aimer. Oui, bien sûr. Évidemment.
05:59Ça vous est arrivé de vous planter ?
06:01En les dirigeant ?
06:02Oui.
06:03Oui. Oui. Oui. Oui. Mais encore une fois, c'est quand je les amène trop vers quelque chose qui
06:11est presque trop immédiat. Quand je les amène dans mon cliché à moi, alors c'est une erreur.
06:18Et quand vous dites, quand je les amène, vous leur parlez ? Vous leur dites quelque chose ?
06:21Tout le temps.
06:21Vous leur dites quoi ?
06:23Ça dépend. Ça dépend. Ça dépend. Mais je vais leur parler à l'oreille. Jamais devant tout le
06:30monde. Jamais. Alors tu fais, c'est une intrusion de diriger quelqu'un. Ça peut être très violent.
06:36Alors il faut le faire avec beaucoup de douceur. En tout cas, moi, je sais qu'il faut être bien
06:41éduqué quand on dirige des acteurs. Il faut prendre soin d'eux. C'est un état qui les amène
06:46dans une grande, grande fébrilité, une grande fragilité. Et au même titre que j'applaudis mes
06:50acteurs le premier jour de tournage pour les accueillir en disant, voilà, vous savez,
06:55quand on arrive sur un plateau, il y a 80 personnes, on regarde tout le monde, on check,
06:58on est là. Elle, elle n'aime pas. Lui, il ne peut pas me lairer. On est dans une espèce d'état
07:02paranoïaque total. Alors quand tout le monde vous applaudit, vous êtes bienvenus. Vous êtes
07:07bienvenus à la table.
07:08Pourquoi vous ne jouez pas dans les films que vous réalisez ?
07:09C'est deux métiers très différents. Très différents. Et je prends beaucoup de plaisir
07:13à diriger les autres. À me soustraire aussi à ma propre image. Et vraiment,
07:19j'adore cadrer, j'adore trouver mes cartes, j'adore. C'est deux métiers très différents.
07:24Mais parce que j'ai appris le métier de réalisation à travers les clips dans les années 90. Et je
07:29jouais pas dans mes clips, forcément. Donc pour moi, c'est deux choses totalement,
07:32deux métiers très différents.
07:34Ça veut dire que vous vous orientez plus vers la réalisation aujourd'hui. Vous jouerez moins.
07:38Probablement.
07:39À regret ?
07:40Ah non, pas du tout.

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