François Ruffin, député Picardie Debout! de la Somme, était l’invité du Face-à-Face de ce mercredi 27 novembre sur BFMTV et RMC. Il a notamment été interrogé sur l'accord avec le Mercosur, le vote du budget de Michel Barnier et la possibilité d'un 49.3.
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00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour François Ruffin, merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions.
00:15Vous êtes député de la Somme. Est-ce qu'il vaut mieux un budget avec lequel vous n'êtes pas d'accord ou pas de budget du tout ?
00:22On va dire d'abord sur le fond sur quoi on n'est pas d'accord. On n'est pas d'accord pour des taxes sur l'électricité,
00:27on n'est pas d'accord pour des taxes sur les malades, on n'est pas d'accord pour des taxes sur les collectivités,
00:31on n'est pas d'accord pour des taxes sur les retraités parce que voilà comment se fait le budget.
00:35Je rappelle la cause de tout ça quand même, c'est qu'on a eu pendant des années les Mozart de la finance et en vérité avec Bruno Le Maire,
00:41le pire économiste de France, qui nous met dans un mur budgétaire devant nous et qu'il y a un choix,
00:48là il y a un choix du gouvernement Barnier de dire que c'est sur les petits qu'on va aller à nouveau chercher ça.
00:53Donc il y a un profond désaccord sur le fond. Je rappelle ce qu'est la justice fiscale normalement,
00:57c'est que les petits doivent payer petits et que les gros doivent payer gros.
01:00François Ressin, vous dites exactement la même chose que l'ORN, mais pile.
01:04Ce qui serait bien, c'est que le Rassemblement national soit cohérent à ce moment-là quand on est dans l'hémicycle
01:09et quand sont proposées des taxes sur les dividendes des actionnaires, par exemple, qu'ils les votent.
01:12Il est donc logique que vous votiez ensemble la censure ?
01:16On va y venir, mais vous savez, on est dans un pays où, vous connaissez mon attachement au travail,
01:22on est dans un pays où le travail est plus taxé que le capital.
01:26Se demander simplement à ce que le capital soit au moins taxé autant que le travail,
01:32ça paraît simplement de l'ordre du bon sens et de la justice.
01:35Moi l'argument du bon sens, j'ai de plus en plus de mal à l'entendre parce que vous avez tous cet argument à la bouche,
01:40d'où que vous veniez et de quelques bords politiques que ce soit.
01:44Est-ce que vous considérez, Madame de Malherme, que c'est du bon sens quand même,
01:47je vous réponds à la question, que c'est du bon sens quand même que dans notre pays, le travail...
01:50Et il y a un autre mot que vous dites tous, c'est le mot justice.
01:53Vous dites tous que c'est de la justice fiscale, mais vous y mettez un contenu différent.
01:57C'est pourquoi on va rentrer dans le détail de ce budget et effectivement, vous parliez de l'électricité,
02:02vous parliez de la question des taxes, on va parler aussi du bonus écolo,
02:05on va parler aussi des emplois qui sont menacés.
02:07Sophie Bunay de la CGT parle de 200 000 emplois qui sont menacés dans les toutes prochaines semaines.
02:12Je recevais le patron de la CPME ce matin qui disait à peu près la même chose,
02:15mais là, pour le coup, pour les emplois des petites entreprises.
02:18Bref, la situation sur le front social est délicate.
02:21Je vous repose la question dans ce contexte-là.
02:24J'ai bien compris que vous n'étiez pas du tout d'accord avec ce budget et on va y revenir,
02:27mais est-ce que pas de budget du tout ?
02:29Est-ce que la tempête qu'annonce le Premier ministre, le chaos, en quelque sorte, c'est souhaitable ?
02:33Ce n'est pas vrai.
02:34D'abord, dire que ce n'est pas vrai, il ne va pas y avoir un shutdown comme aux États-Unis
02:37où d'un seul coup, les fonctionnaires ne seront pas payés,
02:40où il n'y aura plus d'argent pour les entreprises,
02:42où il n'y aura plus de primes d'activité, par exemple, pour les menages.
02:45Ça, ce n'est pas vrai.
02:45Le budget va continuer à se poursuivre.
02:47Il ne va pas y avoir un arrêt de l'économie du pays.
02:50Il dramatise ?
02:51Évidemment qu'il dramatise.
02:52Il dramatise pour sauver son siège.
02:54Bon, je veux dire, ça va vous paraître bizarre, mais un mot de sympathie pour Michel Barnier.
02:58Ça va vous paraître peut-être étrange, mais moi, quand je l'entends dans l'hémicycle,
03:02j'ai quelqu'un qui est calme face à nous et quelqu'un qui n'agit pas avec mépris.
03:09On a entendu de l'arrogance pendant des années de la part des macronistes,
03:12mais même quand ils n'en avaient plus les moyens,
03:14même quand ils étaient en majorité très relative dans l'hémicycle,
03:17en vérité en minorité, ils continuaient à arborer la même arrogance.
03:21Avec Michel Barnier, il y a de fait un changement de ton qu'on peut apprécier.
03:25Maintenant…
03:25Vous le pensez de bonne, au moins de bonne composition et de bonne volonté ?
03:31Je vous dis ce que je pense de positif dans le ton,
03:35la manière qu'il a de vouloir s'adresser à l'Assemblée au moins et sans doute au pays.
03:41Maintenant, je vous dis un gros souci, c'est qu'il faut qu'il y ait du compromis.
03:46Or, on voit bien, c'est un homme de droite et qui se tourne vers plus à droite que lui.
03:51Qui, pour avoir…
03:53Vincent, le plus à droite que lui, n'est pas content,
03:55estime justement qu'il ne s'est pas suffisamment tourné vers eux.
03:58Même physiquement, quand vous le regardez dans l'Assemblée,
04:00il est tout le temps tourné vers la droite et en vérité vers l'extrême droite.
04:04Et hier encore, ça déclarasse…
04:06C'est à eux qu'il s'adresse.
04:06Mais c'est à eux qu'il s'adresse.
04:07Et c'est pour eux qu'il fait un budget.
04:09Et il sait que si ça peut passer, c'est grâce à eux.
04:12J'ai envie de dire, ça devrait vous arranger,
04:14parce que notamment l'une des demandes du RN,
04:17c'est de ne pas remettre les taxes sur l'électricité.
04:21Et donc, ça faisait partie…
04:22Je crois même que c'est la première chose que vous avez donnée dans votre liste.
04:25Oui, mais ce que je vous dis, c'est que si on veut avancer,
04:28compte tenu de ce qu'est la composition de l'Assemblée,
04:30à mon avis, qui reflète un pays profondément divisé.
04:33Profondément divisé en trois blocs.
04:35Ça veut dire que le chef du gouvernement,
04:38quand il vient dans l'hémicycle et quand il propose des choses pour le pays,
04:41il doit chercher pas seulement à regarder vers sa droite et l'extrême droite,
04:44mais à se demander comment il peut rassembler plus largement.
04:47Or, cet effort-là n'a pas été fait.
04:49Qu'aurait-il dû dire ou faire qui aurait pu éventuellement vous convaincre
04:53ou vous faire douter de voter la censure ?
04:57Vous savez que dans le cours du budget, de la partie recette du budget,
05:01il y a un certain nombre de mesures qui ont été adoptées
05:03sur les super-profits, sur la taxe, sur les dividendes.
05:05Je pense qu'il y avait moyen de ne pas rejeter tout ça en bloc
05:09et de se dire, bon, il y a une partie, que vous l'appréciez ou pas,
05:12de bon sens là-dedans.
05:14J'en ai marre de ce mot « bon sens ».
05:16Non, mais vous le dites tous, c'est comme le mot « système ».
05:18Ce serait toujours la faute du système.
05:20J'espère qu'on dit tous le mot « démocratie »,
05:22j'espère qu'on dit tous le mot « travail ».
05:23Je pense qu'en revanche, ce qu'on y met derrière n'est pas du tout la même chose.
05:26Pareil pour le bon sens, je vais vous dire.
05:28Je vous vois tous passer là et vous me dites tous
05:30que vous êtes les garants du bon sens.
05:31En tout cas, je pense qu'il y a une part de ça.
05:33Vous savez, il y a des moments où, appelons ça le sens commun,
05:38les gens sont heurtés par des décisions qui sont prises
05:42et n'en comprennent pas la raison.
05:43Donc profondément, il y a des moments, si vous regardez là,
05:47peut-être qu'on en parlera, mais l'accord sur le Mercosur.
05:49Bien sûr qu'on va en parler.
05:50Hier, la ministre de l'Agriculture a promis, mordicus,
05:55que la France s'opposerait de toutes ses forces à cet accord.
05:58Elle l'a dit devant vous, ça ne vous a pas convaincu ?
06:01En tout cas, moi, j'ai donné ma voix pour qu'il y ait une voix plus forte,
06:05pour que le président ait une voix plus forte en Europe,
06:08qu'il aille chercher des alliances.
06:09On voit que la Pologne vient de dire son hostilité au traité sur le Mercosur
06:13et que, pour de bon, on dise non.
06:17Donc ça, c'est clair.
06:17Maintenant, évidemment, qu'est-ce qui se passe ?
06:20Et je pense que c'est le sujet de fond, vous savez, madame de Malherbe.
06:22Je pense que l'instabilité qu'on connaît dans le pays,
06:25l'instabilité politique et l'instabilité économique,
06:27elle est liée, pour l'essentiel, au grand déménagement du monde
06:31qu'on a mis en œuvre depuis 40 ans.
06:32Et là, qui rencontre...
06:34Donc les deux questions sont liées pour vous.
06:35La question du Mercosur et donc d'une sorte d'alliance de libre-échange mondial
06:40et la question du budget en France et des difficultés sociales,
06:43des difficultés des agriculteurs.
06:44Je ne vais pas vous faire un lien immédiat,
06:46mais ce que je vois, c'est en fait, qu'est-ce qui se passe ?
06:48Depuis 40 ans, on met en place un grand déménagement du monde.
06:51Ça s'appelle les accords de Marrakech, ça s'est appelé les accords du GATT,
06:54c'est l'Organisation mondiale du commerce.
06:55Et maintenant, ce sont des traités bilatéraux,
06:57tantôt avec le Canada, tantôt avec le Mercosur,
07:00tantôt avec la Nouvelle-Zélande.
07:01Vous prenez la Nouvelle-Zélande, par exemple.
07:03On a décidé d'avoir un accord sur les moutons,
07:05pour faire venir des moutons de Nouvelle-Zélande,
07:08comme si on n'avait pas de moutons ici.
07:09Qu'est-ce qui s'est produit dans les années qui ont suivi ?
07:12Ça a été la disparition d'un tiers des éleveurs
07:14et de la moitié de notre production.
07:15Mais ma Picardie, non pas sur le terrain agricole,
07:19mais sur le terrain industriel, a vécu la même chose.
07:21Encore une fois, Michelin, vous regardez c'est quoi ?
07:23On nous dit que c'est une invasion de pneus asiatiques.
07:26Pourquoi ? Parce que c'est évidemment beaucoup moins cher
07:28de produire en Chine ou en Asie aujourd'hui
07:30que de produire à Clermont-Ferrand ou en Bretagne des pneus.
07:33Mais que vous dit le consommateur ?
07:35Que vous dit le Français ?
07:37S'il a le choix entre acheter un pneu qui lui coûte moins cher
07:39et un pneu qui lui coûte plus cher ?
07:40Aujourd'hui, il va prendre le pneu qui coûte moins cher.
07:43A-t-il les moyens aujourd'hui de payer son pneu plus cher ?
07:47Je pense qu'entre le consommateur et le travailleur,
07:51il y a quelque chose au-dessus qui est le citoyen.
07:54Et c'est le citoyen qui peut départager et décider
07:57s'il veut donner plus de poids à son caddie
07:59ou plus donner plus de poids au salaire.
08:01Par ailleurs, ça n'est que très marginalement répercuté
08:04dans le prix du pneu, et vous le savez.
08:06En revanche, ce qui explose, et ça a été les dividendes de Michelin
08:10qui ont été multipliés par trois,
08:12c'est les bénéfices des sociétés du pneumatique.
08:16Pourquoi ? Parce qu'il peut y avoir une pression permanente
08:18exercée depuis 40 ans sur les salaires.
08:20Mais on se souvient déjà de Whirlpool pendant la campagne de 2012.
08:25On se souvient, vous-même, vous y étiez à Amiens,
08:28de ces conflits sociaux autour de ces...
08:31Aujourd'hui, est-ce que dans le budget tel qu'il est,
08:35vous pensez que ça va accélérer tout cela ?
08:37Ou est-ce que s'il n'y a pas de budget, ce ne sera pas pire ?
08:40On repose cette question, vous n'y répondez pas.
08:41Ça n'a malheureusement pas de conséquences sur cette grande chose-là.
08:45Donc vous dites, comme Lionel Jospin en son temps,
08:48que l'État ne peut pas tout.
08:49Non, mais ce n'est pas ça.
08:50C'est que là, il faudrait qu'on ait...
08:52De toute façon, le problème qu'on a aujourd'hui,
08:54c'est que par ces choix, par ces choix dans la durée,
08:58Emmanuel Macron a construit de l'impuissance.
09:01On a aujourd'hui un président faible, on a un Parlement faible.
09:04Du coup, on a une France faible,
09:06et en vérité, on a une Europe faible, Madame de Malherbe.
09:09Et on a une Europe faible par tant de tempêtes.
09:11Nous, nous sommes sans capitaine et sans équipage, mais...
09:15Nous, Français ?
09:15Oui, et nous avons un continent européen
09:19qui est pris entre une Russie qui mène la guerre,
09:23autoritaire, et des États-Unis qui vont mettre en place des barrières.
09:29Et enfin, la Chine, si on pose des questions économiques,
09:33si on parle des questions sociales,
09:34est une grande donnée dans ce problème.
09:35Mais si je vous écoute, l'attitude d'un Donald Trump
09:38qui va renforcer encore ses barrières,
09:39notamment économiques, pour plus de protectionnisme,
09:41est en réalité la démarche à suivre.
09:43En tout cas, je pense qu'il nous faut aujourd'hui des protections.
09:46Il nous faut de la régulation.
09:47On ne peut pas faire le choix de la mondialisation
09:49et de s'ouvrir à tout vent.
09:51C'est une folie pour l'Europe aujourd'hui.
09:52Vous savez, regardez le cas d'ArcelorMittal.
09:56Pourquoi ArcelorMittal, non seulement la ferme de Nain,
09:59ferme de Reims,
10:01vous savez, c'est quand même les sites
10:02sur lesquels on a produit les anneaux des Jeux olympiques.
10:04C'est-à-dire, c'est un sentiment de fierté.
10:06Et deux mois après, on dit aux ouvriers,
10:08vous êtes licenciés.
10:10Les gars sont en train de pleurer dans les vestiaires.
10:11Voilà ce qui se passe.
10:12Mais Arcelor fait le choix de ne plus décarboner
10:17ces grosses usines.
10:18Et là, on va parler de milliers d'emplois,
10:19peut-être de 10 000 emplois sur Dunkerque et Fos-sur-Mer.
10:23C'est-à-dire de ne plus faire une transition
10:26du charbon vers l'électricité.
10:27Pourquoi ?
10:28Parce que d'une part, on n'a pas régulé
10:29le marché de l'électricité.
10:31On a un prix de l'énergie qui a bondi,
10:33et y compris parce qu'on a lié notre prix
10:34d'électricité français auprès du marché européen,
10:37ce qui est une folie.
10:38Mais parce qu'aussi, ArcelorMittal sait que
10:41c'est moins cher pour lui d'aller produire en Chine,
10:43d'aller produire en Asie, en Inde surtout,
10:45d'aller produire aux États-Unis ou d'aller produire au Brésil.
10:48Donc, et ArcelorMittal, c'est là qu'on a un changement
10:51dans la question du protectionnisme.
10:52Parce que jusqu'à maintenant, on avait moins un côté ouvrier
10:55qui disait « il nous faut une protection »,
10:57sinon évidemment nos usines partent en Chine,
10:59en Slovaquie, en Roumanie, en Pologne.
11:01Et vous aviez les grands industriels
11:02qui voulaient au fond laisser les portes ouvertes
11:04et le laisser faire parce que ça leur rapportait,
11:07parce que ça leur a rapporté des bénéfices.
11:09Et aujourd'hui, la grande donne qui change,
11:11c'est que vous avez ArcelorMittal qui dit
11:13« il nous faut des protections en Europe ».
11:14Voilà. Et il nous faut, nous aussi, se protéger,
11:18sinon il n'y a plus de raison de produire de l'acier ici.
11:20Et si on laisse faire le marché...
11:21Donc là, pour le coup, vous dites
11:23« faisons ce qu'ArcelorMittal aussi veut »,
11:24c'est-à-dire, en effet, c'est notre bon sens à tous dans ce cas-là.
11:29À tous, je ne sais pas.
11:29Vous savez, la question du libre-échange
11:32ou la question de protection
11:34est toujours une question qui, évidemment,
11:37est un affrontement de puissance.
11:39C'est dire non à la Chine.
11:40Moi, je n'ai toujours pas compris pourquoi,
11:41quand Emmanuel Macron s'est rendu en Chine,
11:42il n'y a eu aucune question sur les protections commerciales,
11:46sur qu'est-ce qu'on allait mettre en œuvre sur le masque,
11:48par exemple, le masque.
11:49Enfin, on a donné des centaines de millions d'euros
11:52pour des dizaines de millions,
11:54plus exactement pour des usines de masques en France.
11:56Et à la fin, ça a été 99% d'importations chinoises.
11:58Ça n'a pas de sens.
11:59Il n'y a eu aucune discussion autour de ça.
12:01Donc, le protectionnisme ou le libre-échange,
12:03c'est toujours une question d'affrontement de puissance.
12:05Mais c'est autre chose.
12:06C'est à l'intérieur d'un même pays,
12:08vous avez des intérêts qui sont des intérêts divergents.
12:10Les actionnaires, ils ont tout intérêt,
12:12les financiers, les banques ont tout intérêt
12:15à maintenir cette liberté de circulation
12:18des capitaux et des marchandises.
12:19La grande distribution, elle a tout intérêt
12:21à pouvoir continuer à les chercher le plus loin possible,
12:24les produits les moins chers.
12:26– Je voudrais quand même revenir sur deux sites
12:28que vous avez évoqués, François Ruffin.
12:29Outre les deux sites dont ArcelorMittal a déjà annoncé
12:34qu'ils allaient fermer, vous avez évoqué, me semble-t-il,
12:37à la fois Dunkerque et Fosse-sur-Mer.
12:39Est-ce que vous nous dites ce matin
12:41que les turbulences sont déjà là
12:43et que ces deux sites-là sont au bord de fermer ?
12:46Ça n'est pas encore officiel ?
12:47– Non, Madame de Malherbe, je ne veux pas, moi,
12:50être un agitateur de peur de cette manière-là.
12:53– Vous avez donné ces deux noms.
12:54– Oui, mais je sonne l'alerte.
12:56Je sonne l'alerte, qu'est-ce qu'il y a ?
12:58Pour continuer à produire de l'acier en Europe,
13:01il faut qu'il soit moyens émetteurs de carbone.
13:04Parce que nous, on se pose des soucis sur le charbon,
13:07et c'est aujourd'hui produit à base de charbon.
13:09Et donc, Arcelor avait dit,
13:11je fais un grand plan d'investissement
13:13pour décarboner ma production d'acier,
13:16il y aura 1,7 milliard d'euros à mettre sur la table,
13:19l'État en met 850 millions, j'en mets 850 millions.
13:22Et là, Arcelor vient dire,
13:23je ne mets plus les 850 millions d'euros.
13:24– Ce qui donc aura la conséquence, d'après vous,
13:26et effectivement, on le comprend bien,
13:28vous tirez le fil, et la conséquence sera donc pour ces deux sites.
13:31Je voulais juste qu'on puisse préciser ça.
13:32François Ruffin, votez avec le RN,
13:34ça ne vous dérange pas sur cette censure ?
13:36– D'abord, dire que nous votons les motions de censure de manière constante.
13:39La question est, pourquoi le RN change d'attitude ?
13:43Est-ce qu'il change d'attitude par souci d'intérêt des Français ?
13:47Soudain éclairé ?
13:48Parce qu'en effet, il y a cette taxe sur l'électricité,
13:50parce que les rentretés vont payer,
13:52parce que les collectivités sont prélevées,
13:54ou bien parce qu'il y a des soucis judiciaires en cours,
13:58et que ça produit un changement de stratégie.
14:00Ça, c'est à interroger du côté du RN.
14:02Maintenant, de manière constante, on ne peut pas s'attendre
14:04à ce qu'un gouvernement qui vient de la droite,
14:07qui se tourne vers l'extrême droite de manière constante,
14:09qui ne retient rien des mesures pourtant votées
14:12à l'Assemblée nationale par la gauche,
14:14on ne peut pas s'attendre à ce qu'on fasse autre chose que de censurer.
14:16– Vous reprochez à Michel Barnier de s'adresser,
14:19y compris physiquement, en tournant son corps
14:21systématiquement vers la droite et l'extrême droite,
14:23lorsqu'il est dans l'hémicycle, et vous-même,
14:26vous avez malgré tout besoin du RN pour faire tomber ce gouvernement.
14:31Le RN, il fera ce qu'il doit faire en son âme et conscience,
14:33il fera ce qu'il doit faire à chaque moment.
14:38Lui, c'est son problème, ce n'est pas mon problème.
14:40C'est son problème de voir ce qu'il veut…
14:43Et vous savez, le nombre de choses qui passent dans l'hémicycle,
14:46ou ça passe par une alliance démacroniste avec le RN,
14:49vous voulez les pointer les unes auprès des autres ?
14:52C'est tous les jours, d'accord ?
14:53C'est tous les jours que ça se produit.
14:54Et on ne parle pas là d'alliance objective.
14:56– François Ruffin, quoi derrière ?
14:57Est-ce qu'il faut qu'Emmanuel Macron tire les conséquences et qu'il démissionne ?
15:01Est-ce qu'il faut un gouvernement technique ?
15:02C'est ce que certains à gauche demandent,
15:04comme le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane.
15:07Est-ce qu'il faut imaginer même une nouvelle coalition ?
15:10On a l'impression que quelqu'un comme Boris Vallaud commence à l'évoquer,
15:13Boris Vallaud du Parti Socialiste,
15:14l'idée d'une sorte de coalition qui irait jusqu'à une partie du Parti Socialiste.
15:18Vous faites partie, vous François Ruffin,
15:19de ceux qui ont rompu avec la France Insoumise.
15:22Est-ce que vous dites au Parti Socialiste ou à certains au Parti Socialiste
15:25qui commencent à l'évoquer ou à douter de leur alliance avec la FI,
15:28faites comme moi, rompez ?
15:31– D'abord, le gouvernement technique, pour moi, ça n'existe pas, d'accord ?
15:35Ça n'existe pas un gouvernement technique.
15:37Un gouvernement technique prend des décisions politiques.
15:40Alors, vous avez vu le gouvernement Mario Monti en Italie,
15:43dont on avait dit qu'il était un gouvernement technique.
15:45En vérité, il a pris toutes les décisions qui allaient dans le sens de l'ordre libéral.
15:49Qu'est-ce que ça a produit derrière ?
15:51Ça a produit une montée de l'extrême droite.
15:53– Donc pas de gouvernement technique ?
15:55– Il nous faut des gouvernements politiques.
15:57Il faut des gouvernements qui fassent de la politique et qui…
16:00– Est-ce que vous vous dites une partie des anciens macronistes, le Parti Socialiste ?
16:05Vous, est-ce que vous pourriez, ensemble, vous mettre d'accord ?
16:08– Je pense que c'est pas… On ne prend pas le sujet comme ça.
16:10– Alors on le prend comment ?
16:11– Je vous le dis, d'abord, on va dire qu'on est dans un gros bazar.
16:14On ne va pas se la raconter.
16:15– Non mais ça, on le dit depuis le début.
16:17– On le dit au moins depuis une décision, Madame de Malherbe.
16:19On ne dit pas depuis le début.
16:21On dit depuis une décision d'un homme, tout seul,
16:24qui décide, le 9 juin au soir, de venir dissoudre l'Assemblée.
16:28Et, dit-il, de dégoupiller une grenade dans les pattes du parti.
16:32Mais en fait, il l'a dégoupillé dans les pattes de la démocratie
16:35et dans les pattes du pays.
16:36Et depuis ce temps-là, oui, on est dans le chaos.
16:39Emmanuel Macron, après avoir installé le chaos budgétaire,
16:42installe maintenant un chaos politique dans le pays.
16:44– François Ruffin, je vous repose ma question très clairement.
16:46Vous avez rompu avec la France Insoumise.
16:47On sait d'ailleurs que ça a été souvent dans la douleur
16:50et que depuis, ils ne vous en font pas beaucoup de cadeaux.
16:54François Ruffin, on sait qu'une partie du Parti Socialiste,
16:56des membres du Parti Socialiste, hésitent ces derniers temps,
16:59notamment autour de la question de la suppression de l'apologie de terrorisme,
17:04ce genre de points qui ont fait que la rupture est en train d'être consommée.
17:08Qu'est-ce que vous leur dites ?
17:10– Moi, je parle au pays.
17:11Je viens vous parler là.
17:13Je parle à vos auditeurs.
17:14Je ne parle pas…
17:15Si je parlais à Boris Vallaud, je parlais à Boris Vallaud.
17:18Non, quel est le problème ?
17:21Il nous faut aujourd'hui…
17:23On avait déjà dit qu'il nous fallait des majorités par projet.
17:26Vous voyez ?
17:26Si jamais on vient dire qu'il faut relever les impôts sur le capital
17:30pour qu'au moins, il soit taxé à l'égal du travail,
17:32c'est se chercher une majorité à l'Assemblée sur ce projet-là.
17:35Moi, je pense qu'aujourd'hui, il nous faut…
17:36Mais je le disais déjà, il y a trois mois.
17:38Il faut un gouvernement qui s'engage, un Premier ministre qui s'engage
17:41à ne pas passer par 49-3, de manière à responsabiliser l'Assemblée.
17:45– Mais là, s'il ne faisait pas le 49-3, il n'y a pas de budget.
17:47– Mais si, parce qu'il doit négocier.
17:50Là, du coup, le 49-3 fait qu'il n'a pas à négocier.
17:53Il peut avoir son buste tourné vers la droite et l'extrême droite.
17:55– Mais s'il négocie avec vous, vous allez dire en vote pour,
17:57mais les autres vont dire non.
17:58Vous l'avez dit vous-même, c'est divisé en trois.
18:00C'est trop facile, c'est théorique.
18:02– Non, non, je pense qu'il y a le chemin, Mme de Malherbe.
18:04Il y avait le chemin déjà dans la majorité, enfin dans l'Assemblée précédente.
18:09C'est pour ça que cette dissolution était complètement improvisée et absurde.
18:13Mais il y a encore le moyen aujourd'hui de chercher des compromis.
18:17Ça ne veut pas dire qu'on sera d'accord sur tout.
18:19Mais je pense qu'il y a le moyen de chercher des…
18:20– Il n'est pas encore possible, à vos yeux en tout cas,
18:21c'est ce que vous espérez, qu'il n'y ait pas de 49-3
18:23et qu'il y ait une négociation, une discussion tous ensemble.
18:26– Ça serait un souhait, oui, que normalement il ne devrait pas y avoir de 49-3.
18:29Vous savez, c'est un outil qu'on devrait retirer.
18:32Pour moi, l'outil du 49-3, de la décision de passage en force
18:39contre les souhaits de l'Assemblée,
18:41c'est un outil qu'on devrait retirer de mon point de vue.
18:44C'est un outil de passage en force et qui est mal vécu.
18:46Qui est mal vécu, regardez, la situation qu'on vit,
18:49pour moi, elle est consécutive à la crise sur les retraites.
18:52Il va y avoir demain une proposition de loi de la France insoumise.
18:55– De suppression de la réforme des retraites,
18:57les deux dernières réformes des retraites d'ailleurs.
19:00– On a eu affaire là à une mesure antisociale, on le sait.
19:03Vous savez, j'étais chez Auchan puisqu'il y a là aussi des licenciements
19:07et c'est une agent de rayon qui m'explique comment ça y est,
19:11elle a 62 ans, elle a le dos broyé,
19:14elle a mis des produits de lessive dans les rayons tout le temps
19:17et pourtant, elle doit se taper 13 mois de plus.
19:19– Vous voterez cette suppression de la réforme des retraites ?
19:21Il y aura aussi dans la niche, pardon François Ruffin,
19:23mais c'est important, il y aura aussi dans la niche,
19:25ce dont on parle depuis une semaine aussi,
19:26vos confrères LFI ont mis également la suppression
19:29du délit d'apologie du terrorisme.
19:30Est-ce que ce point-là, vous le voterez ?
19:32– D'une part, dire que sur les retraites,
19:36il y aura tellement d'amendements déposés par les macronistes
19:40qu'avec une obstruction durant toute la journée,
19:45que nous n'arriverons même pas au vote à la fin de la journée,
19:47je veux dire quelque chose là-dessus,
19:49c'est que normalement, quand on subit des échecs électoraux,
19:52quand en plus on emmène la France dans le mur budgétaire,
19:55il faut avoir un retour critique sur soi-même,
19:57qu'est-ce qu'on a fait qui ne va pas ?
19:58– Vous prédisez donc que demain, ils obstruent le travail parlementaire ?
20:03– Il va y avoir plus de 1000 amendements déposés.
20:04– Et je vous repose la question, est-ce que vous voterez
20:07la suppression du délit d'apologie du terrorisme ?
20:09– D'abord, il ne me semble pas que ce soit à l'ordre du jour.
20:10– Est-ce que vous voteriez la suppression du délit d'apologie du terrorisme ?
20:14– Parlons-en sérieusement, au-delà du vote, madame de Malherbe,
20:17il y a un souci, je vais vous dire mon accord,
20:21une partie d'accord sur le fond et mon désaccord profond sur la forme,
20:24il y a un souci avec les dérives de l'usage du délit d'apologie de terrorisme.
20:32Le juge antiterroriste Marc Trévidique l'a dit…
20:35– Lui-même qui était favorable initialement, défavorable aujourd'hui à cause des dérives.
20:38– Défenseur des droits de l'homme l'a dit, l'ONU l'a dit…
20:40– Et moi, ce matin, c'est François Ruffin.
20:42– Et François Ruffin, il vous dit la même chose,
20:43il vous dit qu'il y a un certain nombre de cas,
20:45et on peut penser au ségétiste du Nord qui a été condamné à un an de prison
20:51pour apologie du terrorisme, donc il y a un souci sur le fond.
20:56Maintenant, sur la forme, on est là sur un sujet extrêmement sensible,
21:00madame de Malherbe, quand on parle de terrorisme dans notre pays,
21:03on parle des journalistes de Charlie Hebdo,
21:06on parle des enfants et des soldats tués par Mohamed Merah,
21:09on parle des spectateurs du Bataclan,
21:13on parle de drames qui sont très profondément ancrés dans le pays.
21:16Donc quand on touche à un sujet comme celui-là, on le fait avec tact,
21:21on le fait avec intelligence, on le fait en responsabilité.
21:24Ça veut dire quoi ?
21:25Ça veut dire qu'on ne fait pas du touchous dans son coin, d'accord ?
21:28– C'est ce que vous reprochez à LFI.
21:31– Sur quoi ?
21:32– J'ai compris, mais c'est la fin de cette interview, François Ruffin.
21:35Il s'agit de s'adresser d'abord aux victimes du terrorisme,
21:37en en discutant avec elles, et non pas en les tenant de côté,
21:41en discutant avec un certain nombre d'associations, en discutant…
21:45– Qui aujourd'hui sont pour certaines bouleversées, effectivement,
21:47par ce dépôt de la part de vos anciens confrères, en tout cas de LFI.
21:51Merci François Ruffin d'avoir répondu à mes questions ce matin,
21:54député de la Somme.