Le journaliste de CNews qui a réalisé un reportage dans la cité Pablo Picasso à Nanterre témoigne dans "Morandini Live": "J’ai été obligé d’avoir une escorte policière pour pouvoir quitter la cité en sécurité" - VIDEO
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00:00On va parler de violences à Nanterre et là, alors c'est beaucoup moins léger, c'est ce qui s'est passé dans la cité Pablo Picasso et vous allez voir un document
00:06puisque CNews a pu rentrer dans cette cité Pablo Picasso à Nanterre. C'est une cité où les habitants sont obligés d'affronter une violence quotidienne, pour preuve,
00:16dans la nuit de lundi à mardi, quatre personnes ont sorti un fusil et des couteaux et sont passées à l'action des nombreux trois victimes, dont deux graves.
00:23C'est un reporter de CNews, Fabrice Elsner, qui a pu rentrer dans cette cité. Il sera en direct avec nous. Dans un instant, il va nous raconter ce qu'il a vu et vous allez voir que ce qu'il va nous décrire en direct est assez hallucinant.
00:34Tout d'abord, regardez son enquête et son reportage sur place.
00:3818 heures ce lundi, la police pénètre dans cet immeuble de la cité sensible Pablo Picasso de Nanterre. Deux hommes sont interpellés.
00:47Lundi soir, à cet endroit précisément, un règlement de compte sur fond de trafic de drogue a fait trois blessés, dont un grave à l'arme blanche.
00:55Ici, la loi du silence règne.
01:02Quelques rares habitants du quartier qui acceptent de nous parler décrivent un point de deal très actif et surtout extrêmement dangereux.
01:17Dans tous les immeubles, on les appelle des guetteurs. Ils guettent.
01:22Effectivement, quelques heures plus tôt, sans la police, impossible pour nous d'approcher ce hall d'immeuble.
01:27Le numéro 17, protégé par de nombreux guetteurs, positionnés à plusieurs centaines de mètres à la ronde, les riverains sont terrorisés.
01:35Bien sûr, on a peur. Parce qu'on sait que c'est des enfants, c'est dangereux, tu ne fais pas sortir un ADES.
01:41La police indique pourtant venir ici au moins une fois par semaine, mais rien ne semble effrayer ces trafiquants, prêts à tout pour défendre leur point de deal.
01:49Cinq personnes, suspectées d'être en lien avec le règlement de compte de lundi, ont été interpellées.
01:54Alors, on est avec Fabrice Elsner, qui est journaliste à CNews et qui a pu rentrer dans cette cistée.
01:59Bonjour Fabrice, merci d'être avec nous. Je précise, on ne va pas voir votre visage pour votre sécurité, parce que c'est vrai que le fait de faire des sujets comme ça, ce n'est pas simple du tout.
02:08Expliquez-moi un peu quelle ambiance vous avez trouvé dans cette cité, et ce qui vous a choqué en parvenant à rentrer dans cette cité, Pablo Picasso.
02:15Bonjour Jean-Marc. Pour tout vous dire, l'ambiance, elle est très vite décrite.
02:21C'est-à-dire qu'on arrive à proximité de la cité, et simplement pour s'approcher, on aperçoit très rapidement des hommes un peu partout autour de la cité, qui sont très clairement des guetteurs.
02:37Donc même en étant à pied, si vous voulez, moi j'ai garé ma voiture assez loin, j'ai garé ma voiture à 500 mètres de l'entrée de l'immeuble où il y avait eu un règlement de compte lundi soir.
02:50Et en approchant à pied, si vous voulez, vous les observez, et surtout eux vous observent.
02:54C'est comme une espèce de château fort où il y aurait des gardiens un petit peu partout, et ces gens sont postés à plein d'endroits pour pouvoir voir la police arriver, ou même des gens qui ne sont simplement pas de la cité.
03:08Et donc ils connaissent tout le monde, ils savent qui est qui, et à un moment donné, j'interview quelqu'un à 300 mètres de la tour, et cette personne me dit « je ne peux pas vous parler parce qu'on nous observe ».
03:24En ce moment même, on nous observe, et moi, de là où j'étais, je ne voyais pas.
03:27Et effectivement, un petit peu après, j'ai pu constater qu'il y avait des tas de gens qui étaient en train de nous regarder, mais un petit peu plus loin, et personne ne se sent libre.
03:37Alors je ne parle même pas de parler à un journaliste, mais simplement de vivre au quotidien à cet endroit-là, c'est compliqué, parce que les gens sont complètement sous la férule de ces lietteurs.
03:47Et Fabrice, je suppose que les gens que vous avez rencontrés finalement n'ont qu'une envie, c'est quitter ces lieux, c'est essayer de partir de cette cité, même si c'est compliqué, c'est impossible.
03:56Mais quand vous décrivez cette ambiance qui est à la fois lourde, pesante, sous le contrôle de ces dealers, je pense qu'ils n'ont qu'une envie, c'est partir.
04:03Oui, mais c'est souvent pas évident pour eux, pour des tas de raisons qui leur appartiennent.
04:10Mais le souci, j'ai envie de dire, c'est même quitter la cité, est-ce que c'est vraiment la solution pour ces gens ?
04:17Est-ce que ce n'est pas plutôt aux gens, aux types ou aux gateurs, etc., de partir ?
04:21J'ai l'impression que si vous voulez, on a presque inversé.
04:24Quand vous posez cette question, c'est ça qui fait presque peur, c'est-à-dire que ce n'est pas à ces gens de partir.
04:29Moi, j'ai plutôt envie de dire que ces gens devraient rester le plus longtemps possible et retrouver la cité qu'ils avaient avant.
04:36Parce que j'ai même interviewé quelqu'un qui m'a dit qu'il était là depuis très longtemps, depuis 30 ans, il habitait là.
04:41Et il me disait qu'il y a quelques années, c'était même l'endroit où sont les gateurs actuellement.
04:45Le 17, c'était la meilleure, entre guillemets, la meilleure tour, l'endroit le plus sympa du quartier, le lieu où c'était le mieux pour vivre.
04:57Et c'est devenu un véritable enfer pour les gens.
04:59Sincèrement, devant mes yeux, j'ai vu des gens passer entre des dealers pour pouvoir rentrer chez eux avec des sacs de commissions.
05:08Moi, je les observais, je ne pouvais pas les filmer.
05:10Et je n'ai pu filmer qu'à partir du moment, en gros, le lieu où il y a eu le règlement de compte, j'ai pu filmer cet endroit-là.
05:17Simplement parce que j'ai eu de la chance qu'à ce moment-là, il y avait une descente de police qui m'a permis de faire des images dans le haut de l'immeuble.
05:27Mais Fabrice, ce que vous décrivez, au fond, j'ai l'impression que c'est un peu un état dans l'état.
05:32C'est-à-dire qu'en fait, il y a les règles, mais qui ne sont pas les règles de la République.
05:35Ce sont des règles qui sont imposées par les dealers qui tiennent ce quartier-là.
05:40Clairement. Et avec, si vous voulez, ce qui se passe, c'est qu'il y a un silence organisé par ces guetteurs pour les gens.
05:51C'est-à-dire que je pense que même sans se parler, les gens n'osent pas se révolter.
05:56Même entre eux, je ne suis pas sûr qu'ils en parlent.
05:59Parce qu'ils ont tous peur qu'il y ait un informateur sur un guetteur ou sur un dealer autour de la tour ou autour des autres tours qui se trouvent dans les barrages.
06:10Ce que j'ai pu constater, il y a un moment donné, je parle à une dame.
06:14Et il y a une autre dame, mais si vous voulez, c'est des gens de 60 ans qui portent des courses qui reviennent du supermarché à côté.
06:21C'est des gens du quotidien, si vous voulez.
06:24Cette femme nous parle et il y a une autre dame qui dit « Venez, venez, ne lui parlez pas, ne lui parlez pas. Nous, on vit ici. Nous, on doit rester. »
06:32Le journaliste qui rentre chez lui.
06:34Et cette dame, elle a absolument complètement raison.
06:36En leur parlant, je les mettais en danger parce qu'évidemment, on était sous les yeux de ces guetteurs.
06:45Et pour tout vous dire, pour repartir, la police qui était en train d'intervenir, c'était vraiment le pire hasard.
06:51Moi, je suis arrivé, ils étaient là.
06:53Et donc, un des policiers m'a dit « Mais vous ne pouvez pas repartir comme ça. Là, vous êtes identifiés comme étant avec nous. »
06:59Donc, l'inspecteur de police qui était là m'a dit « Je vous mets une escorte pour que vous ressortiez de l'endroit sans vous faire embêter. »
07:08Et effectivement, en ressortant, j'avais deux policiers derrière moi.
07:11Et on a pu percevoir des petites pierres, des trucs, des projectiles qui ont été envoyés dans notre direction.
07:20On n'a pas été touchés, mais c'est pour vous donner un terme d'ambiance.
07:24C'est-à-dire qu'il y a une intervention de police.
07:26Et cette intervention de police, elle est vue par des guetteurs qui eux-mêmes ne se sentent pas inquiétés,
07:31qui sont à 50-60 mètres des policiers et qui se permettent encore d'envoyer des projectiles sur quelqu'un qui ressort de cet endroit-là.
07:39Donc, effectivement, c'est un lieu où les droits des citoyens sont complètement erronés. Il n'y en a plus.
07:48– Merci beaucoup Fabrice, c'était passionnant, passionnant de vous avoir et de connaître les coulisses du reportage
07:52parce que j'ai envie de dire qu'on en a quasiment plus appris avec vous, avec ce que vous nous racontez
07:57sur la vérité, sur le quotidien que n'importe quel témoignage. Merci beaucoup Fabrice.