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Dans l'affaire de la disparition de Morgane, l'adolescente retrouvée vivante à Coutances, les réseaux sociaux sont pointés du doigt. C'est sur l'un d'eux, Snapchat, qu'elle avait rencontré le jeune homme qui a été mis en examen pour enlèvement et séquestration. Comment protéger les mineurs des réseaux sociaux ? Maître Laure Boutron-Marmion, avocate spécialisée en défense des mineurs, est l'invitée pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 12 décembre 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Bonsoir Laure Boutron-Marmion, vous êtes avocate pénaliste spécialisée dans la défense des mineurs,
00:09notamment face aux réseaux sociaux. Merci beaucoup de nous rejoindre sur RTL.
00:12L'un d'entre eux, Snapchat, est donc au cœur de l'affaire de la disparition de Morgane.
00:16Cette jeune fille de 13 ans a été retrouvée saine et sauve après 15 jours de disparition.
00:20Elle se trouvait au domicile d'un homme de 21 ans rencontré sur ce réseau social très populaire chez les adolescents.
00:26Morgane était visiblement accro à ces réseaux. Leur danger pour notre jeunesse ne fait plus aucun doute à votre avis ?
00:34Disons que l'affaire de Morgane n'est que l'illustration de tout ce qui se passe aujourd'hui, malheureusement,
00:42sur nos réseaux sociaux, c'est-à-dire des jeunes qui très vite sont contactés,
00:48souvent par des majeurs, très majeurs d'ailleurs,
00:51et des personnes qu'ils n'auraient sinon jamais rencontrées, jamais vues dans la vraie vie.
00:56Ça veut dire que les réseaux sociaux ne font rien pour protéger nos adolescents ?
01:02Ça veut dire qu'aujourd'hui, les réseaux sociaux ne sont pas régulés de telle sorte qu'ils soient sécurisants pour nos jeunes.
01:11C'est un fait et c'est ce que moi, avec Algos Victima, je soulève et c'est ce que mon dépôt, mon recours judiciaire soulève.
01:19C'est au cœur de la question, si vous voulez.
01:21Mais nous avons des plateformes de réseaux sociaux qui, aujourd'hui, n'ont pas cette volonté de modérer les contenus,
01:28de réguler, de faire en sorte que leurs plateformes soient sécurisantes pour les jeunes mineurs.
01:34Justement, comment faire pour limiter les dangers quand on est parent et accessoirement inquiet ?
01:39Alors, d'abord, il est déjà utile d'être conscient.
01:44Parce qu'il faut quand même savoir qu'une grande partie des parents ignore ce qu'il se passe.
01:49Et pas par malveillance, si vous voulez, mais simplement parce que nous ne sommes pas de cette génération-là.
01:55Et donc, nous sommes bien loin d'imaginer ce qui peut se passer aujourd'hui sur les réseaux.
02:00Donc, d'abord, il y a un vrai enjeu de sensibilisation et de conscientisation des données du problème.
02:07C'est-à-dire que quand on donne un portable à un jeune et quand on lui donne accès aux réseaux sociaux,
02:12eh bien, il faut avoir conscience qu'en deçà d'un certain âge, c'est quand même des dangers qui vont être très prégnants.
02:19Ça va être du harcèlement sexuel, ça va être très vite des sollicitations par des majeurs pour des faveurs sexuelles,
02:25ça va être de la sextortion, mais ça va être aussi des contenus morbides.
02:29Donc, ça ne veut pas dire que, si vous voulez, il n'y aura pas des solutions.
02:34Mais aujourd'hui, et à l'instant T, à l'instant où on se parle,
02:38les entreprises de réseaux sociaux n'ont rien mis en place pour que ces réseaux-là soient nettoyés, si je puis dire, de ces dangers-là.
02:46On l'a appris ce soir, Maître. L'homme qui accueillit Morgane chez lui a eu un rapport sexuel avec la jeune fille de 13 ans.
02:52Ça donne une autre dimension encore à cette affaire ?
02:55Ça donne une autre dimension, ça donne une dimension malheureusement absolument implacable,
03:01qui est que cette personne-là, normalement, n'était pas censée rencontrer une jeune fille aussi mineure que Morgane,
03:10et que Morgane n'aurait certainement jamais rencontré ce monsieur-là sinon aussi.
03:15Donc oui, et aujourd'hui, c'est évidemment une infraction pénale, et c'est grave ce qui a pu se passer.
03:21Et on peut aussi noter, si vous voulez, qu'il y avait une vraie addiction de la part de cette jeune fille,
03:27puisqu'on avait un papa qui était complètement en désarroi, désemparé.
03:32Et ça, c'est ce que je vis moi tous les jours aussi avec les parents qui me contactent au cabinet,
03:36et qui ne savent plus quoi faire, parce qu'aujourd'hui, il y a aussi un fait incontestable,
03:40c'est qu'on a mis sur le dos des parents absolument tout.
03:45C'est-à-dire qu'ils doivent contrôler le portable, contrôler l'usage du portable,
03:50mais aussi gérer les dégâts de l'addiction au réseau et à l'utilisation du portable.
03:57Et donc, il est temps aujourd'hui aussi que les entreprises de réseaux sociaux prennent leur part de responsabilité.
04:02Vous avez parfaitement raison, mais ça veut dire que les parents sont impuissants,
04:05sauf à interdire pour l'instant tout téléphone ou ordinateur à leurs enfants ?
04:09Alors, ce n'est pas interdire s'y nédier, c'est prendre conscience qu'en deçà d'un certain âge,
04:17oui, il n'est pas inaudible de dire qu'avant 15 ou 16 ans,
04:21les réseaux sociaux ne sont pas anodins pour nos jeunes,
04:24et sont plutôt attentatoires à leur psyché et également à leur vie physique.
04:30Donc oui, il y a une véritable réflexion à mener,
04:33et j'ai envie de vous dire que certains États y sont déjà passés.
04:37L'Australie, par exemple.
04:38L'Australie, effectivement. L'Australie qui vient de passer une loi.
04:41Le Brésil y réfléchit, et beaucoup d'autres pays.
04:44Parce que de la même manière que le tabac, l'alcool ou la pornographie,
04:48on a, si vous voulez, établi un seuil d'âge,
04:51eh bien, je crois aussi qu'il faut entamer des réflexions.
04:54En tout cas, en tant qu'acteur de terrain, si vous voulez,
04:57en voyant les ravages et les dégâts que peuvent faire les réseaux sociaux sur des jeunes mineurs,
05:02oui, il n'est pas inintéressant de réfléchir à cette question-là,
05:06qui serait de dire qu'en deçà d'un certain âge, on ne donne pas accès aux réseaux sociaux,
05:11tant que les entreprises ne proposent pas de solution qui les sécuriserait, si vous voulez.
05:16Emmanuel Macron s'est d'ailleurs dit favorable à une restriction sur les réseaux sociaux
05:20pour les moins de 15 ans, quand on voit effectivement l'exemple de l'Australie.
05:24Ce serait possible chez nous, selon vous ?
05:27Alors, ce serait possible, mais il faut savoir que notre dynamique, elle est surtout européenne.
05:31Donc, c'est à l'échelle de l'Union européenne qu'il faut travailler cette question-là.
05:35Je crois qu'aujourd'hui, il est temps d'avoir ces discussions-là,
05:38et je crois de toute façon que tous les pays européens commencent à vraiment être à l'écoute de ce sujet-là.
05:43Donc, simplement, c'est évidemment une question de temps.
05:46Le Parlement européen est encore aujourd'hui tout frais,
05:49mais je ne doute pas que ces questions-là vont évidemment germer,
05:53parce qu'aujourd'hui, les dégâts sont malheureusement trop graves.
05:57Alors, Maître Boutron-Marmion, je rappelle que vous avez fondé au printemps dernier Algos Victima,
06:01c'est donc un collectif de sept familles qui accusent le réseau social TikTok,
06:04notamment d'encourager leurs enfants au suicide.
06:06C'est une première. Qu'espérez-vous ?
06:09Alors, ce recours judiciaire, il est double, si vous voulez, dans l'espoir des parents.
06:15C'est d'abord, en frappant fort, en déposant ce recours,
06:20c'est aussi bien sûr véhiculer une prévention,
06:25et dire à toute cette génération de parents,
06:28soyez vigilants, regardez ce qui se passe,
06:31réfléchissez avant d'offrir un portable à Noël, j'en profite.
06:35Réfléchissez, éduquez, parlez, dialoguez avec vos jeunes.
06:39Et puis, la deuxième chose, c'est évidemment, bien sûr,
06:42cette ambition judiciaire qui est de voir notre justice française
06:48reconnaître TikTok responsable de ce qui a pu se passer chez tous ces jeunes.
06:53On rappellera quand même que deux se sont suicidés,
06:56et les autres sont à plusieurs tentatives de suicide
06:59et dans des états de santé très préoccupants.
07:01Mais c'est déjà arrivé de gagner des procès face à ce type de réseau ?
07:05Vous avez des exemples ?
07:06En quelques secondes, s'il vous plaît.
07:08Il y a un précédent en Angleterre, l'affaire Molly Russell,
07:11qui effectivement a reconnu la responsabilité de Meta
07:15dans le passage à l'acte, le suicide de la petite Molly Russell.
07:18Merci infiniment, Laure Boutron-Marmion, avocate spécialiste dans la défense des mineurs.
07:23Merci d'avoir pris la parole sur notre antenne dans un instant.
07:25Marc-Antoine Lebray pour le Breaking News.
07:31Yves Kelvin.

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