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00:00– De retour dans votre émission Ongle de vue, en compagnie de Catherine Marceline.
00:08– Alors dans cette partie Catherine Marceline,
00:11on va revenir sur votre carrière d'avocate,
00:13une profession que vous avez exercée pendant 27 ans.
00:17Vous êtes, on l'a dit, la fille de Maître Daniel Marceline,
00:20ténor du barreau de Fort-de-France, figure emblématique,
00:23et puis vous nous avez aussi parlé de ce parrain et de cette marraine,
00:27deux avocats également, eux, très en vue.
00:31Est-ce que vous avez voulu au départ devenir avocate pour leur ressembler ?
00:35– Pas du tout, au contraire, je ne voulais pas l'être.
00:38Et puis, donc j'ai commencé les études d'économie,
00:40je voulais être tout de suite dans l'économie et la gestion,
00:44voilà, c'était ce que je voulais faire,
00:46je voulais être chef d'entreprise par la suite.
00:48Et en fait, à un moment donné, je me retrouve à faire du droit,
00:52à la fac, c'était à Dauphine, du droit des obligations,
00:55et c'est pour moi une révélation,
00:57la logique du droit des obligations est une découverte,
01:01et je me dis, mais non, mais il faut que je fasse du droit en fait.
01:03Et je me suis dit, oui, j'ai toujours dit que je ne serais pas avocate,
01:06mais pourquoi pas, pourquoi ne pas changer d'avis ?
01:08– Finalement, est-ce que vous ne vous êtes pas dit après coup
01:10que vous avez été quand même conditionnée pour exercer ce métier ?
01:13– Non, je n'ai pas été conditionnée, non, vraiment,
01:16parce qu'en fait, j'aurais pu le penser, mais mes amis proches m'ont dit,
01:20mais en réalité, c'était à peu près évident que tu deviendrais avocate
01:23parce que tu te consacrais vraiment beaucoup à la défense des copains
01:27dans les conseils de classe, ou même en dehors des conseils de classe,
01:30dès qu'il y avait une difficulté avec l'homme-prof principal,
01:35le chef d'établissement, c'était toujours moi qu'on envoyait
01:38en chef de délégation pour négocier, et voilà,
01:41donc pour eux, c'était évident qu'à un moment donné,
01:43je défendrais comme je l'avais fait pendant mes classes.
01:47– Et votre mère, elle espérait que vous soyez avocate comme elle ?
01:49– Alors, quand je lui ai parlé de ça pour la première fois,
01:53elle m'a dit, ok, très bien, sans me dire quoi que ce soit,
01:57et après, elle m'a indiqué que, évidemment, ça lui faisait très plaisir,
01:59mais qu'elle avait toujours veillé à ne pas m'influencer là-dessus,
02:02mais c'est vrai que je reconnais aussi, parce que ma reine,
02:06Marie-Alice André-Jacoulay, mon parrain Charles-Henri Michaud et ma mère
02:09avaient souvent beaucoup de discussions à la maison sur leurs dossiers,
02:12sur les causes qu'ils défendaient,
02:14et c'était extrêmement inspirant de les entendre,
02:17donc je pense que ça a été autant de graines semées quelque part
02:20chez la petite fille que j'étais, et qu'un jour,
02:22évidemment, ça a fleuri, mais je n'ai jamais été forcée
02:26ou je n'ai jamais senti qu'il fallait que j'aille dans cette voie-là, au contraire.
02:29– Et on ne vous a jamais dit, au contraire, n'embrasse pas ce métier,
02:33c'est trop compliqué, on a… – Non, pas du tout, pas du tout.
02:36– Donc presque trois décennies, du coup, à porter la robe noire,
02:39qu'est-ce que vous avez préféré dans ce métier, et qu'est-ce que vous avez détesté ?
02:45– Alors, ce que j'ai préféré, c'est la défense de personnes
02:53qui ne peuvent pas parler, qui ne peuvent pas se défendre,
02:55donc que ce soit en cours d'assises, que ce soit dans un divorce,
03:00que ce soit devant le tribunal pour enfants,
03:02j'aimais beaucoup intervenir devant le tribunal pour enfants
03:04parce que je trouvais que notre jeunesse est une jeunesse
03:07pour laquelle il y aurait tellement de choses à faire,
03:09et qu'on ne fait pas, ou en tout cas qu'on ne fait pas comme il faudrait,
03:13on met beaucoup de moyens parfois alors qu'il suffirait de peu de moyens
03:15mais mis dans le bon sens pour que les choses soient différentes pour cette jeunesse,
03:19donc j'ai beaucoup aimé les défendre, j'ai beaucoup aimé ça,
03:23et j'ai beaucoup aimé aussi le fait de pouvoir aider certaines femmes
03:27à trouver la force de parler, de sortir de relations toxiques, de dire non,
03:34de pouvoir aller chercher leur libération au fur et à mesure.
03:40Ce que j'ai détesté, c'est, alors je sais que je ne vais pas me faire des amis
03:45quand je vais dire ça, mais bon, c'est le fait que certains de mes confrères
03:52ne jouent pas la carte de l'apaisement et recherchent le conflit pour le conflit
03:55parce que c'est une façon pour eux de se positionner,
03:59il y en a qui sont parfaitement convaincus de la nécessité de négocier,
04:03d'être dans la défense, dans l'intérêt de son client,
04:06et puis il y en a d'autres qui parfois oublient cela et se positionnent eux d'abord,
04:11et je trouve ça dommage, et puis il y a aussi malheureusement des conflits beaucoup avec,
04:19on n'en parle pas parce que ce n'est pas politiquement correct, avec des magistrats,
04:23parce que moi quand je suis rentrée au Barreau,
04:26il y avait encore une collaboration vraiment franche, ouverte et constructive,
04:35elle existe toujours mais elle est moins systématique,
04:37on est dans des oppositions parfois qui n'ont pas lieu d'être,
04:43parce que finalement ce qui nous intéresse c'est le justiciable en fait,
04:47donc parfois il y a eu des oppositions avec certains magistrats
04:50qui étaient des questions de personnes, et c'est dommage, voilà.
04:55Donc j'ai ce regret-là, mais c'est très minoritaire,
04:59le souvenir global que j'en garde c'est des confrères qui se battent au quotidien,
05:03et pour qui c'est difficile, j'ai vraiment beaucoup de sympathie et d'amitié pour eux,
05:09parce qu'ils font un métier très difficile, ingrat,
05:12et que beaucoup d'eux, comme beaucoup de magistrats, sont aussi en burn-out,
05:17j'ai vécu le burn-out, donc je sais ce que c'est,
05:20donc oui il y en a quelques-uns qui ont dysfonctionné dans leur façon de faire,
05:23mais globalement je pense beaucoup à eux parce que c'est un métier difficile.
05:26– Vous diriez quand même que l'état de la justice française s'est dégradé
05:30au cours de ces 30 dernières années, vous avez exercé ?
05:32– Oui, clairement, les choses se sont dégradées,
05:34et aujourd'hui si la justice française tient, c'est parce qu'il y a des humains derrière,
05:39il y a des magistrats qui vont travailler au-delà des heures,
05:44des greffiers qui vont travailler au-delà des heures,
05:46on parle beaucoup des magistrats mais pas assez des greffiers,
05:49parce qu'on a des confrères qui vont parfois aller au-delà
05:52de ce que la mission d'un avocat contient,
05:55on est beaucoup, nous sommes beaucoup à soutenir psychologiquement des clients,
05:59à faire un travail d'explication de texte d'une décision,
06:02parce qu'il faut rendre des décisions,
06:03parfois il n'y a pas trop d'explications dans la décision,
06:07c'est nous qui, au final, sommes les derniers maillons de la chaîne judiciaire,
06:12donc on doit beaucoup expliquer les décisions aux clients qui ne les comprennent pas,
06:15donc c'est nous qui faisons face à leur mécontentement, à leur colère, leur haine,
06:21j'ai des confrères qui ont été agressés physiquement,
06:23donc c'est quelque chose qui est très difficile,
06:27et oui la justice s'est dégradée bien sûr, l'état de la justice, oui.
06:30– Il y a aujourd'hui pas mal de femmes avocates aux barreaux de Fort-de-France,
06:34quand vous, vous avez commencé il y a 30 ans,
06:38est-ce que la profession se féminisait déjà,
06:42et est-ce qu'hier, comme aujourd'hui, c'est un milieu,
06:46c'est une profession plutôt sexiste, ou aujourd'hui tout le monde a sa place ?
06:50– Quand j'ai prêté serment, nous étions 5 à prêter serment,
06:53dont Muriel Lournard-Legrand, notre bâtonnière actuelle,
06:56et la majorité a basculé à ce moment-là,
06:59c'est-à-dire que c'était un barreau masculin,
07:01et avec notre prestation de serment, 5 femmes,
07:03nous sommes devenues un barreau majoritairement féminin,
07:06à quelques avocats de près.
07:09Certains avocats ont eu des réflexions un peu sexistes,
07:13l'air de dire, c'était le bon vieux temps avant, maintenant c'est fini,
07:16bon voilà, des réflexions sexistes il y en a toujours,
07:21moi le sexisme que j'ai rencontré dans cette profession,
07:23elle est venue davantage des clients qui, par exemple,
07:27ont du mal à verser un honoraire équivalent à un homme ou à une femme.
07:32J'ai des confrères qui font un travail équivalent au mien,
07:35et qui sont mieux payés que moi,
07:37parce que les clients ont du mal à payer autant une femme,
07:40c'est une réalité, il faut le savoir.
07:41Donc, j'ai des confrères sexistes, oui, certainement qui ont des réflexions,
07:46mais bon, on les rappelle à l'ordre en disant,
07:48non pas ici, et puis là ça suffit, etc., très gentiment.
07:51Mais le sexisme existe encore, oui, bien sûr, on a des clients qui le sont.
07:55– Ça vous est déjà arrivé de tomber sur un client,
07:57notamment quand vous étiez avocate aux commisses d'office,
08:00qui vous a dit, clairement, je préfère être défendue par un homme ?
08:04– Alors, non, je suis tombée une fois sur un client qui m'a dit,
08:09ah non, je croyais que c'était la mère, je ne veux pas la fille.
08:12Je lui ai dit, très bien, j'ai tourné les talons et je suis partie.
08:15– Et votre maman l'a défendue ?
08:17– Pas du tout, non, j'ai eu ça une fois, oui.
08:21– Sur votre perception de ce métier d'avocate que vous avez exercé pendant 30 ans,
08:29selon vous, est-ce que tout le monde est défendable ?
08:31Est-ce que vous auriez pu défendre tout le monde ?
08:36– Alors ça, j'ai toujours été très à l'aise avec cette question,
08:40c'est le prix à payer pour la démocratie, il y a deux choses,
08:45la première, c'est que tout le monde a droit à une défense,
08:48même le plus horrible des criminels, et ensuite, c'est que oui,
08:53il peut y avoir des meurtriers, des criminels, des coupables,
08:57que l'on remet en liberté parce que le système judiciaire
09:00a fait qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves
09:01et qu'on était obligé de les relâcher.
09:04Ces deux règles-là font que nous sommes en démocratie,
09:09ces deux règles-là font que demain, vous pouvez dormir chez vous
09:13et que personne ne viendra vous chercher avec un uniforme de policier,
09:18de magistrat en disant, ce que vous avez dit là tout à l'heure
09:21nous n'a pas plu donc on vient vous chercher
09:23et puis on vous retrouve ensuite, avec un peu de chance,
09:25dans un terrain vague, égorgé.
09:28Voilà, c'est ce qui se passe dans des dictatures,
09:31c'est ce qui se passe dans des pays pas très loin de chez nous,
09:34ou précisément parce qu'on est dans un État qui n'est plus un État de droit,
09:39les personnes n'ont plus de droit et donc on peut les tuer,
09:42on peut les éliminer parce que ce sont des opposants politiques,
09:44parce que ce sont des concurrents économiques,
09:46parce que ce sont des personnes qui ne plaisent pas à une autorité.
09:49Nous sommes dans un État de droit encore,
09:52malgré certaines apparences pour certains,
09:54nous sommes encore dans un État de droit,
09:56nous sommes dans une démocratie,
09:57cette démocratie implique que tout individu,
09:59quel qu'il soit, quel que soit le crime qu'il est censé, supposé avoir commis,
10:04il a droit à une défense et de ce fait,
10:06moi j'ai toujours dit que si c'était le prix à payer pour qu'on reste en démocratie,
10:09si je devais défendre des personnes qui étaient considérées effectivement comme des monstres,
10:14je le ferais, bien sûr.
10:15– Certaines affaires vous ont peut-être quand même occasionné un cas de conscience
10:20avant de l'accepter, ça vous est déjà arrivé,
10:22soit de refuser, soit vraiment d'y réfléchir longuement.
10:25– Oui, il y en a eu un en particulier dont j'ai le souvenir,
10:28c'était un garçon, un homme de 35 ans qui vivait avec sa compagne
10:35qui avait une enfant handicapée de 11 ans et il l'avait agressée sexuellement
10:39et il me disait, en plus elle portait un handicap mental,
10:46elle était mineure, donc il y avait plusieurs circonstances aggravantes
10:50et il m'a dit, mais en fait elle est venue vers moi, c'est elle qui voulait.
10:53Et là j'ai dit, par contre là ça ne va pas être possible, donc non.
10:57Et puis on a, je dirais, retissé le fil du dossier et au bout d'un certain temps,
11:05il a accepté bien évidemment de dire que non,
11:07ce n'était pas possible qu'il fasse cette défense-là
11:08et qu'il assumerait parfaitement ce qui lui était reproché.
11:13Et il l'a assumé, il a pris sa peine.
11:16Donc là je me suis posé la question de savoir si oui ou non j'allais continuer
11:21et c'est vrai que s'il avait persisté dans sa défense qui était de dire,
11:23elle est venue vers moi et je n'en démore pas,
11:26je serais sortie du dossier pour deux raisons,
11:28d'abord parce que je ne peux pas accepter ce type de défense
11:30et ensuite puisque c'était celle qu'il souhaitait,
11:32j'avais donc un conflit avec mon client
11:34puisque je n'étais pas d'accord avec sa défense.
11:37Donc j'aurais dû partir de ce dossier-là.
11:39Donc il a revu les choses autrement et nous avons pu aller au bout de ce dossier.
11:43– Il y a toute une fascination autour de la profession d'avocat
11:48et de ce qui se passe dans les tribunaux,
11:49ça inspire le cinéma et aussi beaucoup les séries Netflix.
11:54Vous, quand vous regardez ce type de production autour des avocats du tribunal,
12:01qu'est-ce que ça vous inspire ?
12:03Est-ce qu'on est vraiment dans l'ordre de l'imaginaire du fantasme
12:06ou est-ce qu'il y a aussi de ça dans votre métier par exemple ?
12:10J'ai envie de savoir, qu'est-ce qu'on ressent quand on perd un procès ?
12:15– Alors, on peut se sentir très très mal
12:17parce que pendant un certain temps on a accompagné un client
12:21et donc on a aussi vécu au rythme émotionnel du dossier et du client
12:26donc on peut ressentir une déception terrible.
12:29Mais il faut pouvoir très vite reprendre pied.
12:32Moi j'ai certains confrères qui me disent,
12:34une fois que j'ai passé la salle d'audience,
12:36une fois que le verdict a été rendu, moi le dossier je l'ai oublié.
12:39Moi je sais qu'il me fallait à peu près une semaine pour sortir d'un verdict,
12:43donc ça dépend des uns et des autres.
12:46Mais je crois que la réalité est que c'est une profession effectivement
12:49qui fait beaucoup fantasmer parce que c'est une profession où,
12:53à un moment donné, on peut avoir l'impression,
12:55si on ne fait pas attention, d'être le maître du monde entre guillemets.
13:00Parce que quand vous avez la défense de quelqu'un entre les mains,
13:04moi je trouvais qu'à un moment donné, en termes d'adrénaline,
13:09il n'y avait pas plus fort que quand j'étais à la défense d'un meurtrier ou d'un assassin
13:14et que j'entendais, c'était la dernière à prendre la parole,
13:17j'entendais le juge, le président de la cour d'assises qui me disait
13:21« Maître, vous avez la parole pour la défense de telle personne ».
13:24Et je me lève et je sais que je vais devoir porter la défense de cet homme
13:29qui risque la perpétuité.
13:32Il faut que j'arrive à faire en sorte qu'on puisse descendre sa peine à 30 ans par exemple,
13:39ou moins éventuellement, ou pouvoir parler éventuellement de quelque chose
13:44qui pourrait être tellement prégnant qu'on arrive à un acquittement.
13:48Oui, je peux comprendre qu'on ait ce sentiment-là.
13:50Et c'est pour ça qu'il faut très vite avoir des gardes fous autour de soi.
13:55Moi, c'était ma mère.
13:57Chaque fois que j'avais une plaidoirie aux assises,
13:58ma mère venait assister à la plaidoirie.
14:00Elle était au fond de la salle et une fois que c'était fini,
14:04elle attendait que les gens soient venus me féliciter.
14:07Et elle me disait « Bon, c'est bon, on t'a félicité, tu as intégré,
14:11maintenant je vais te dire tout ce qui n'allait pas ».
14:13Et ça m'a aidée à garder les pieds sur terre, à ne pas avoir la grossette
14:16puisque je savais que oui, j'étais douée pour la plaidoirie,
14:18je savais que j'étais une bonne plaideuse.
14:20Dans notre jargon, c'est comme ça qu'on dit « Tu es un bon plaideur, une bonne plaideuse ».
14:23Mais il fallait garder les pieds sur terre parce qu'on est quoi finalement ?
14:26Un être humain, donc il faut redescendre.
14:29Et je peux comprendre qu'il y ait cette fascination avec des séries, avec des films
14:33parce qu'il y a des confrères qui donnent une telle image,
14:37une telle aura d'aisance que ça fascine.
14:40La prise de parole ça fascine, savoir parler, savoir captiver un auditoire,
14:44savoir manipuler un jury parce que c'est ça en fait,
14:48quand vous arrivez à influer sur un verdict, ça fait rêver bien sûr.
14:53Mais il faut garder les pieds sur terre.
14:55– Vous avez largement arpenté les arcades de la justice martiniquaise,
14:59cette justice que certains qualifient de justice coloniale.
15:03Quel est, vous, votre regard sur la manière dont la justice est rendue dans notre pays,
15:08dans notre territoire ?
15:09– Alors, il y a une réalité, c'est que la justice est une justice
15:16qui est avant tout rendue par des personnes, des êtres humains.
15:19Donc les êtres humains en question, ils vont y aller avec tous les présupposés,
15:24tous les préjugés qu'ils peuvent avoir.
15:27Il m'est arrivé, il nous est arrivé, devant la juridiction des affaires familiales,
15:32d'avoir des magistrats qui avaient une vision de ce que pouvait être l'homme martiniquais,
15:37qui était un homme qui essaimait des enfants, je cite à droite et à gauche,
15:41que les décisions qu'il rendait étaient des décisions qui étaient parfois un peu discutables
15:49parce qu'il y avait ces a priori sur ce que pouvait être un homme et un père martiniquais.
15:55Donc il fallait se battre parfois avec le magistrat en essayant de lui demander
16:00de déposer ses propres préjugés, ses propres convictions.
16:05Mais pour répondre à votre question, il y a des moyens de répondre
16:08comme par exemple saisir des instances supérieures.
16:12Maria-Lycendrée Jacquoulier, ma marraine, avait régulièrement l'habitude
16:15d'écrire à la chancellerie pour signaler les dysfonctionnements.
16:18Et ça fonctionnait, ça fonctionnait parce que quand la chancellerie reçoit un courrier,
16:22elle n'aime pas ça et donc on cherche à comprendre, on enquête.
16:27Et peut-être qu'aujourd'hui, certains combats qui se posent, je dirais, de façon publique,
16:37pourraient être d'abord menés avec les outils qui sont à notre disposition.
16:41C'est-à-dire qu'on est en capacité aujourd'hui de saisir des instances supérieures
16:44pour faire part de dysfonctionnements.
16:46Est-ce que vous pensez qu'il faudrait qu'il y ait plus de magistrats antillais
16:50qui siègent dans nos juridictions ?
16:52Alors la réalité, c'est que beaucoup de magistrats antillais n'ont pas envie de revenir en Martinique.
16:56Et vous savez pourquoi ils n'ont pas envie de revenir en Martinique ?
16:58Parce qu'ils ont peur de faire l'objet de pression précisément parce qu'ils sont antillais.
17:02Il faut dire les choses telles qu'elles sont.
17:04Parce qu'on a beaucoup de magistrats qui sont originaires des Antilles,
17:08qui passent le concours de la magistrature, il y en a.
17:12Mais il y en a beaucoup qui ne veulent pas revenir précisément
17:14pour ne pas devoir à un moment donné se retrouver en situation
17:17où on va discuter leur verdict ou leur jugement parce qu'ils auraient été antillais
17:22et qu'on va dire qu'ils ont favorisé peut-être une partie antillaise
17:25ou au contraire pour ne pas subir de pression dans l'exercice de leur profession.
17:30On a un certain nombre de décisions aussi qui sont discutables,
17:33mais il y a des modalités, il y a des façons de faire appel,
17:38des façons de saisir des juridictions, de saisir une cour de cassation,
17:42de saisir une cour européenne des droits de l'homme.
17:44On a aujourd'hui un certain nombre de questions qui sont posées.
17:48La France a l'obligation de respecter un certain nombre de règles internationales.
17:54On a, vous connaissez la Convention européenne des droits de l'homme,
17:58on a aujourd'hui un outil qui s'appelle la charte sociale européenne.
18:03Cette charte sociale européenne est un outil auquel les États européens ont adhéré,
18:09qu'ils ont accepté par traité.
18:12Cette charte sociale européenne s'applique sur les territoires nationaux
18:17et elle ne peut s'appliquer que dans les territoires ultramarins
18:20dépendants de ces États nationaux que si les États en question font un acte particulier.
18:27L'Espagne l'a fait, le Portugal l'a fait, les Pays-Bas l'ont fait,
18:33l'Angleterre avant l'a fait, la France ne l'a pas fait.
18:37Ce qui fait que cette charte sociale européenne ne s'applique pas
18:40dans les territoires et départements d'outre-mer, dans tous les territoires ultramarins.
18:45Or ce texte permettrait d'aborder certaines questions comme l'environnement,
18:51on pense que l'on déconne, comme l'économique, on pense la vie chère,
18:58comme la protection de populations vulnérables, on pense par exemple violence faite aux femmes.
19:03Comment expliquer aujourd'hui que nos représentants ne mettent pas l'État français
19:09devant ses responsabilités pour faire en sorte que ce texte soit applicable
19:14dans nos territoires ultramarins et permette de régler un certain nombre de questions ?
19:18– C'est sur ces mots Catherine Marceline que nous allons marquer une dernière très courte pause
19:23et dans la troisième partie de cette émission nous allons aborder votre nouvelle vie,
19:26celle de militante que vous étiez déjà mais en tout cas celle aujourd'hui d'écrivaine.
19:31A tout de suite.

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