Le rappeur Soprano évoque au micro de Sonia Devillers son nouvel album 'Émancipation' et l'actualité dramatique à Mayotte, après le passage du cyclone Chido. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mardi-17-decembre-2024-9797119
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00:00Sonia Devillers, votre invitée sort un album intitulé « Émancipation ».
00:04Alors, c'est le rappeur qui échappe à tous les clichés, qui fédère tous les styles,
00:08toutes les musiques, toutes les générations, tous les milieux sociaux, celui qui a cassé
00:11le premier les barrières entre le rap et la pop-musique, le rappeur-chanteur qui remplit
00:15des stades vertigineusement grands.
00:18Est-il pour autant un rappeur tout lisse et tout gentil ? Écoutez donc cet album qui
00:23mélange des tubes lumineux et des textes plus dark, plus politiques, soprano.
00:28Soyez le bienvenu sur France Inter.
00:29Merci beaucoup.
00:30Vous êtes d'abord, on va en parler, un enfant des Comores, un enfant des Comores qui a grandi
00:36à Marseille.
00:37Vos parents d'ailleurs sont retournés vivre aux Comores où l'on décrète aujourd'hui
00:40un deuil national.
00:41Tant les Comoriens qui vivent à Mayotte et qui sont potentiellement victimes du cyclone
00:46sont nombreux à Marseille où vous vivez.
00:49Plusieurs associations comoriennes se mobilisent depuis hier.
00:53Depuis hier, on reçoit plein d'associations qui commencent à partager des cagnottes et
00:58un peu à alerter ou à essayer d'appeler les familles qui sont à Mayotte.
01:03Il y en a plein qui n'ont pas de nouvelles jusqu'à maintenant.
01:06Je pense que dans la journée, on va avoir un peu plus de nouvelles et je pense que ce
01:11qui se passe là-bas est tellement horrible que c'est important de mettre de la lumière
01:15parce qu'il y a vraiment beaucoup de familles qui sont totalement perdues.
01:20Hier, on entendait qu'il y avait des gens qui marchaient pendant des heures pour trouver
01:25une bouteille d'eau parce que leur maison est partie.
01:29Ils voyaient des corps dans la rue.
01:31C'est un sujet quand même qui est vraiment touchant.
01:35Et quand vous dites « envoyer de la lumière », je me suis demandé si aux Comoriens
01:39et aux Mahorais, vous disiez ça ?
01:41Oui, quoi qu'il arrive, ça va aller.
01:43Il y a beaucoup de croyants donc il faut rester positif, il faut rester positif, il
01:48faut rester positif à fond.
01:49C'est un hommage à votre père, cette chanson ?
01:51Quoi qu'il arrive, ça va aller, oui, parce que mon père, il est mort il y a quelques
01:57années.
01:58Il est décédé pendant le Covid.
01:59Au Comore.
02:00Du Covid.
02:01Alors là, au Comore, je suis parti l'enterrer là-bas et c'est vrai que sa phrase habituelle
02:06c'était « ça va aller », « ça va aller ». Il portait le monde sur les épaules
02:09et tout le temps il souriait et me disait « ça va aller », « ça va aller », « ça
02:11va aller ». Et quand on fait des réunions de famille, c'est ce que je dis dans cette
02:15chanson.
02:17Je repense à lui quand il y a la mélancolie, on voit de la nostalgie parce qu'il y a
02:20toujours un oncle, un cousin, un père qui n'est pas là, ou une tante, ou une mère
02:23qui n'est pas là et on se rappelle de ces phrases-là que nos anciens disaient.
02:27Alors il y a plein de tonalités différentes dans cet album soprano, il y a aussi des
02:30textes assez sombres, il y a aussi un regard assez noir sur notre société, mais pas qu'eux.
02:35On va commencer par ce qu'il y a de plus tubesque, je dirais, c'est Ghost Rider.
02:46Ça, c'est ultra efficace.
02:54Ah ben ça c'est vraiment pour les concerts.
02:55C'est un morceau que j'ai imaginé quand je l'ai enregistré, les couplets on chuchote,
03:00on dit au public de se baisser et arrivé au refrain, tout le monde saute et commence
03:04à bouger un peu.
03:05C'est vraiment pour les concerts.
03:07Alors quand je dis qu'il y a aussi un regard assez noir sur notre société, il y a aussi
03:12Gamberge d'Ancien, chanson magnifique, chanson, voyez à quel point je suis vieille, son dirait
03:18mes enfants.
03:19Son magnifique.
03:20Quand je vois le monde, ma douleur est un délébile.
03:23L'ancien c'est vous, soprano, à 45 ans.
03:25En 45 ans, on a une réflexion un peu arrêtée sur plein de choses et c'est vrai qu'on fait
03:30partie.
03:31Tout à l'heure j'écoutais les chroniques, j'étais mort de rire parce qu'il y a beaucoup
03:34de choses où je suis d'accord avec eux, c'est qu'on est un peu…
03:37C'est là où on se dit que vous avez vieilli.
03:39C'est ça.
03:40Parce que quand tu parles avec les plus jeunes, on leur parle de Bayrou, ils vont faire…
03:45Moi, quand je l'ai vu et lui, j'étais là, j'ai fait « Pour de bon ? »
03:49J'ai dit « Ah ouais, la patience, ça marche quand même ! »
03:51Mais dans la première partie de l'album, il y avait déjà un son qui s'appelait
03:56« Allez tous vous faire trois petits points ».
03:59Je vous cite Sopra « Impitoyable est le monde où nous vivons, même Chetan est dépassé
04:04par notre manque d'humanité.
04:05Je vois de la haine partout, toujours autant de divisions, ma tête est fatiguée.
04:08»
04:09Ça veut dire quoi ?
04:10Ça veut dire à quoi bon écrire ?
04:11À quoi bon se laver ?
04:12À quoi bon raper ?
04:13À quoi bon chanter ?
04:14Il faut continuer à le faire.
04:15Mais c'est vrai qu'après, aujourd'hui, ça fait presque 30 ans que je fais de la
04:19musique où je dénonce plein de choses, j'ai l'impression que ça empire, on est encore
04:23plus déchiré qu'avant.
04:24Et c'est vraiment quelque chose qui me pèse, on le sent dans mes derniers albums.
04:29Ça me pèse parce que je vois mes enfants grandir au milieu de tout ça.
04:33Aujourd'hui, ce qui fait cliquer sur les réseaux sociaux ou sur Internet, ce n'est
04:37que de la négativité, tout ce qui est de la bienveillance, on dirait que ce n'est
04:41pas à la mode.
04:42Et je me dis oui, mais si on veut avoir un monde meilleur, il va falloir nourrir les
04:47générations qui arrivent avec de la bienveillance, pas avec de la déchirure tout le temps.
04:51Ils vont grandir en s'habituant, en voyant que de la déchirure.
04:55Et le morceau le plus percutant de cet album, il s'appelle « Balles sur mesure ». Là,
05:00vous êtes en bande organisée.
05:01Il y a une pousse partout ici, il y a encore des champs de coton et des champs nazis.
05:05Les droits de l'homme souffrent, ils demandent le Tamazi.
05:07L'homme nu ferme les yeux alors que les massacres font plus de vues que Squeezie.
05:12H dans la vessie, je contemple le récif, pas les mêmes gens, toujours les mêmes récits
05:17agressifs.
05:18Plein d'anges qui passent, étouffés par les cris de singes du Civitas.
05:21Tant qu'on a le cashprice, des tits y passent, tous les civils se passent.
05:24J'aurais toujours moins de mention de Binaz, Kays, la double peine, Gamberge, je les vois
05:28faire.
05:29Tout ça me freine, tout ça me freine, dans ce truc, je me sens comme un négro adopté
05:36par les Le Pen.
05:37Un négro adopté par les Le Pen ?
05:38C'est un petit jeune qui s'appelle Hashim, qui m'accompagne sur le morceau.
05:42Quand il a écrit cette phrase, on était au studio, on ne savait pas, j'ai dit « Oh
05:46là là ! ».
05:47Mais ça veut dire quoi, Sopra ? Ça veut dire qu'on peut être le rappeur qui évite
05:52les punchlines, les provoque, l'agressivité, les clash et que ça n'empêche pas de dire
05:55des choses ?
05:56Moi, j'ai toujours dit des choses.
05:57J'ai toujours dit des choses, mais j'essaye de mettre de la lumière en étant positif.
06:01C'est important de savoir la réalité.
06:05Il y a idéal et réalité, je le dis souvent, mais il faut être dans la réalité.
06:08Il se passe des choses et si tu veux changer les choses, il faut que tu te confrontes à
06:12la réalité.
06:13Et c'est comme ça que tu vas changer les choses, je pense, en étant positif mais en
06:18regardant droit dans les yeux.
06:19Parce que cet album, il s'appelle « Émancipation », donc il y a des titres qui racontent différentes
06:24formes d'émancipation.
06:25Il y a un titre sur l'emprise, par exemple.
06:26Qui est très important, oui.
06:27Qui parle dans ce titre ? Une femme ou un homme ? Je me suis posé la question.
06:31C'est une très très bonne question.
06:32Ça peut être une femme.
06:33Beaucoup de gens, j'ai vu sur les réseaux, il y a beaucoup de gens qui ont récupéré
06:36cette chanson, beaucoup de femmes qui ont récupéré cette chanson et qui ont envoyé
06:39un message subliminal pour leur conjoint.
06:42Mais c'est vrai que ça peut être tout le monde.
06:44Comme je disais, dès qu'on écoute le premier couplet, on peut dire que c'est un petit frère
06:48qui parle à son grand frère ou une fille qui parle à sa mère.
06:52« T'as utilisé mon hypersensibilité pour me contrôler à force de me rabaisser.
06:56Je n'ai même plus d'identité.
06:57J'étouffe, j'étouffe. »
06:58C'est hyper bien écrit.
06:59Parce qu'en fait, Sopra, il y a votre voix qui fait que vous êtes le soprano du rap.
07:04Il y a votre plume.
07:05Mais il y a aussi ce phrasé très singulier.
07:08On en a parlé hier soir avec Alina Fanoukoué qui vous suit depuis toujours.
07:12Elle, elle vous entend comme Marseillais.
07:14Dans la clarté de ce que vous dites, elle entend votre accent.
07:17Moi, je ne l'entends pas.
07:18L'accent ?
07:19L'accent.
07:20Souvent, on me le dit qu'on entend mon accent quand même.
07:22C'est vrai que quand je commence à raper, j'essaye d'être le plus intelligible possible
07:29pour que les gens puissent comprendre ce que je dis.
07:31Il y a quelque chose de limpide.
07:32C'est important pour moi que c'est clair.
07:34Après, il y a des morceaux où quand même c'est dans le groove, dans la mélodie.
07:40Donc, j'essaye de mettre une vibe.
07:41Mais je pense que le texte, il est trop important.
07:44Je suis de la génération IAM.
07:45Le texte, il est important.
07:47Solar, c'est important.
07:48Après, ce ne sont pas les mêmes mots, les mêmes punchlines, les mêmes images qu'à
07:51l'époque.
07:52Parce qu'aujourd'hui, c'est une autre époque.
07:53Mais je trouve que c'est important.
07:54Et justement, au printemps dernier, quand vous avez été choisi comme dernier porteur
07:57du flambeau olympique sur le sol marseillais que vous avez chanté pour l'arrivée de
08:02la flamme devant 250 000 personnes, vous vous êtes dit « ça y est, ça y est ». C'est-à-dire
08:07que le rap, c'est devenu la musique qui représente la France.
08:10Le rap, c'est devenu la musique qui rassemble.
08:12Oui.
08:13Aujourd'hui, ce qui est bien, c'est que dans le rap, il y a plein de styles.
08:17Les gens qui veulent écouter du texte, peut-être engagés, vont le trouver.
08:20Ceux qui ne veulent que danser, ils vont le trouver.
08:22Ceux qui veulent écouter pour leurs enfants, ils vont le trouver.
08:24Ceux qui veulent écouter quelque chose de très poétique, il y a ça.
08:27Ceux qui veulent écouter quelque chose de très politique…
08:29Mais le décompte du 31 décembre au château de Chantilly, animé par Nico sur TF1, c'est
08:33Sopra qui va chanter.
08:34Ah oui, là, on va lancer le décompte à Chantilly pour le jour de l'un.
08:39Et ça, c'est magnifique de pouvoir faire ça et de faire la fête tous ensemble et
08:44dire « bonne année, bonne santé à tout le monde ».
08:47Merci Sopra.
08:48Merci.
08:49Vous allez regarder l'année prochaine en concert jusqu'à la fin de l'année,
08:52mais alors partout, partout, partout en France ! Vous allez regarder les dates, elles sont
08:56tellement nombreuses que vous allez battre le record de Dorothée !
08:58Ah merci ! Il faut être fort pour ça !
09:02Merci Sonia, il est 7h58.