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Le bilan du passage dévastateur du cyclone Chido « n'est pas encore établi », a déclaré François Bayrou, interrogé à l'Assemblée. « Une vingtaine de morts », ainsi que 200 blessés graves et 1 500 autres « en urgence relative » ont été constatés à Mayotte, a avancé le nouveau premier ministre. Mais le bilan risque d'être plus lourd, les bidonvilles, densément peuplés de personnes en situation irrégulière, ont été entièrement détruits. Mayotte compte officiellement 320 000 habitants mais on estime qu'il y a 100 000 à 200 000 sans-papiers. Fahad Idaroussi Tsimanda, géographe mahorais est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 17 décembre 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Bonjour Fahad Hidaroussi et Tsimanda, merci beaucoup de prendre la parole sur RTL.
00:08Vous êtes géographe installé à Mayotte. Quelle est la situation ce soir ?
00:13La situation n'a pas vraiment évolué depuis samedi.
00:19C'est toujours un spectacle désolant.
00:22Le territoire est défiguré, plein de cases à terre,
00:25les arbres ont perdu leurs branches, du coup pas de récolte cette année.
00:30A-t-on enfin des chiffres sérieux sur le nombre de victimes ou des évaluations ?
00:35S'agissant du nombre de victimes, j'ai cru entendre qu'il serait à l'heure actuelle environ 2000 personnes.
00:43Environ 2000 personnes, notamment une centaine sur petits terres.
00:47Mais bon, c'est quand même des chiffres à prendre avec du recul.
00:51Parce que selon la préfecture, il faudrait attendre d'ici quelques semaines pour avoir peut-être le bilan officiel.
00:57Oui, un bilan officiel et définitif, mais on commence à parler de 2000 victimes, je vous ai bien compris.
01:02Effectivement, j'ai entendu aujourd'hui dans une conversation de comptoir entre amis
01:08qui m'avaient dit que selon une personne qui travaille au CHM, au centre hospitalier de Mayotte,
01:13le nombre de victimes serait évalué à environ 2000.
01:17C'est très impressionnant, évidemment, et on a bien compris que ces chiffres ne sont pas définitifs.
01:22Une crise sanitaire majeure est-elle en cours ?
01:25Une crise sanitaire après une telle catastrophe est inévitable.
01:29Parce qu'il faut savoir que Mayotte traverse depuis plusieurs années une crise de l'eau.
01:34Donc les habitants ont du mal à s'approvisionner.
01:38Il faut savoir que depuis samedi, il y a plusieurs villages qui sont coupés de l'eau.
01:42Donc où est-ce qu'allons-nous trouver de l'eau ?
01:45Nous allons certainement devoir aller prendre de l'eau dans des puits, dans des rivières,
01:50et souvent ces eaux-là sont polluées, et voilà, problème sanitaire certainement après.
01:54En plus, les questions de transport qui, par définition, dans une île qui vient de connaître un pareil drame,
01:59sont compliquées, voire parfois inaccessibles.
02:02Effectivement, nous sommes sur un territoire insulaire.
02:05Il faut savoir que l'aéroport, à l'heure actuelle, n'est plus fonctionnel.
02:10Les vols commerciaux ont été interrompus.
02:13Juste les vols d'urgence avec les militaires qui peuvent atterrir sur l'île.
02:18Mais s'agissant des circulations intérieures à l'île,
02:22c'est plutôt le problème de carburant qui pose problème actuel.
02:26Il faut savoir que les services de l'État, l'ADAL et quelques services communaux
02:30ont déblayé depuis dimanche les différents axes routiers de l'île.
02:36On parle bien d'une île de 320 000 habitants très largement dévastée,
02:40j'allais vous dire entièrement dévastée, ou en tout cas entièrement touchée.
02:43Effectivement, il faut savoir que du nord au sud, en passant par le Chapieux,
02:47le territoire est complètement défiguré, comme je vous l'ai dit tout à l'heure.
02:51Tous les arbres, les gros arbres sont quasi à terre.
02:54Les branches ont été arrachées, les feuilles parties.
02:58Plein de tôles qui jonchent le paysage de Kaouine.
03:03J'ai l'impression que vous me décrivez un désert.
03:05Effectivement, c'est le cas.
03:07Les images qui ont pu être diffusées par les gendarmes
03:10témoignent de ce paysage désertique.
03:13C'est vraiment le chaos total.
03:15Vous nous confirmez que le plus grand bidonville de France a été rayé de la carte.
03:19Je suis désolé d'employer un terme pareil,
03:21mais ça semble rendre compte de la situation.
03:24Effectivement, parce qu'hier et avant-hier,
03:26j'ai pu aller dans ces lieux-là et m'entretenir avec quelques personnes.
03:30J'ai pu constater de mes propres yeux que le bidonville a été complètement rasé.
03:36Mais la population s'est quand même mobilisée depuis hier
03:39à aller chercher des tôles et à reconstruire de plus belles.
03:44Quelle est la situation concernant l'accès à l'eau potable et à la nourriture ?
03:49Concernant l'accès à l'eau potable,
03:51en tout cas dans le secteur où je viens, dans le nord-ouest,
03:54l'accès à l'eau potable n'est pas encore à l'ordre du jour.
03:58Il faudrait apparemment...
03:59J'ai pu m'entretenir avec un agent qui travaille à la CAE.
04:02C'est la société qui s'occupe des eaux ici à Mayotte.
04:05Il faudrait régler le problème de l'électricité
04:08parce que l'électricité et l'eau vont de terre.
04:11Parce que pour faire fonctionner les pompes, il faut de l'électricité.
04:14Donc à l'heure actuelle, nous n'avons pas d'eau
04:16et nous nous contentons juste des précipitations.
04:19L'île aurait de nombreux bidonvilles.
04:23J'imagine que les migrants, par définition illégaux, sont les premières victimes, non ?
04:28Effectivement.
04:29Parce que comme les images l'attestent,
04:32c'est les casentoles, la quasi-totalité,
04:35on va dire 99% des casentoles qui ont été vraiment littéralement rasées.
04:40Et il faut savoir que l'essentiel des bidonvilles
04:43est occupé par une population migrante venue essentiellement des comores.
04:49On va dire 99% des personnes qui habitent dans les bidonvilles
04:53viennent des comores.
04:56L'île a affronté des rafales jusqu'à 220 km heure, vous nous le confirmez ?
05:00220, 226, 230.
05:03Certains endroits, certainement 250.
05:06Mais rien ne résiste à ça, rien ?
05:08Rien ne résiste à un tel vent.
05:11Comme attestent des gros manguiers qui sont à terre.
05:15Il y a eu même des grues aux portes de Longoni,
05:17des grues qui servent de décharger les conteneurs.
05:20Les grues sont à terre.
05:22Donc voilà, un tel vent qui est quand même extrêmement violent
05:26pour les infrastructures et pour les enjeux, pour les biens que nous possédons.
05:30Vous aurez bien compris que je ne me permets aucun jugement là-dedans,
05:33mais est-ce qu'il y a un problème de manque de culture du risque,
05:37non pas spécifique bien entendu à la région,
05:40mais qui concerne tout simplement tous les Français
05:44qui à un moment ou à un autre sont confrontés à ce genre de violences naturelles ?
05:49D'accord. En fait, il faut savoir que le risque zéro n'existe pas.
05:53Donc le dernier cyclone qui a vraiment impacté l'île, c'était en 1984.
05:59Et le cyclone, on va dire, du même calibre que celui-ci, c'était en 1930.
06:04Du coup, depuis toutes ces années-là,
06:06un événement de tel emploi ne s'est jamais produit sur l'île,
06:10ce qui a fait que la conscience, la culture, la connaissance des risques s'est endormie.
06:16Ce qui fait que les personnes ont quand même sous-estimé l'ampleur de ce phénomène.
06:23Je voyais des commentaires de vos confrères qui semblaient dire
06:26qu'il y avait aussi sans doute à Mayotte une tendance à se sentir protégé
06:30par la barrière naturelle que représente Madagascar.
06:33Effectivement. Du coup, les cyclones dans cette région se forment d'Est en Ouest,
06:39ce qui fait que Madagascar sert d'une relative protection vis-à-vis de Mayotte.
06:45Donc, les cyclones, avant d'arriver sur l'île, butent sur Madagascar.
06:48Du coup, ils perdent en énergie.
06:50Et depuis toutes ces années-là, il faut savoir qu'il y a eu deux cyclones
06:54qui étaient à deux doigts de passer sur l'île de Mayotte,
06:56mais qui ont été déviés de sa trajectoire.
06:59C'était en 2018 et 2019, notamment le cyclone Belna et le cyclone Quenette,
07:04qui étaient quand même des cyclones avec des portes rafales.
07:09Donc, depuis toutes ces années-là, en fait,
07:12Madagascar, qui nous sert de protection, a fait que notre conscience
07:15vis-à-vis des risques s'est endormie.
07:17Bien sûr. Vous géographe, vous aviez déjà vu ça ?
07:20Personnellement, non.
07:23Jamais je n'ai expérimenté un tel événement. Jamais, jamais.
07:27Qu'avez-vous ressenti ?
07:29C'était de la tristesse. C'était impressionnant.
07:33Après, moi, je m'y attendais parce que lors de notre mission Evactu
07:38entre 2018 et 2021, j'ai eu une conversation avec Frédéric Léon,
07:45qui est professeur à l'Université Paul-Valéry Montpellier III,
07:48qui me disait qu'un jour ou l'autre, si Mayotte venait à expérimenter
07:52un tel événement, un cyclone en l'occurrence,
07:55c'était vraiment catastrophique, compte tenu des éléments
08:00que l'île dispose, un ensemble d'artifices
08:04qui peuvent à tout moment exploser.
08:06C'était quand même prévisible.
08:08Merci infiniment d'avoir pris la parole et de nous donner tous ces détails
08:12dans ces circonstances qui sont certainement extrêmement difficiles.
08:15Fad, Idaroussi, Tsimanda, géographe, vous interveniez depuis Mayotte.
08:19Merci beaucoup de nous avoir donné toutes ces informations.
08:21Il est 18h51. Dans un instant, nous allons retrouver Marc-Antoine Lebray.

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