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Depuis le 2 septembre, Marion Dubreuil suit le procès "des viols de Mazan" et documente les audiences grâce à ses dessins. Elle raconte.

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Transcription
00:00Je remercie vraiment Gisèle Pellicot de nous avoir permis de documenter la place du viol en France.
00:04C'est aussi le procès de la soumission chimique, mais en fait c'est un procès à tiroir.
00:08C'est aussi du coup le procès du viol, c'est aussi le procès du viol conjugal.
00:13En fait, c'est un procès qui aborde énormément de thématiques sur la question des violences sexuelles.
00:18Je m'appelle Marion Dubreuil.
00:19J'ai couvert le procès dit des viols de Mazan depuis le 2 septembre pendant près de 4 mois
00:25pour la radio RMC en tant que journaliste et dessinatrice.
00:28C'est inédit d'avoir autant d'accusés qui sont jugés en même temps.
00:32Et donc c'est vrai que ça donnait à la salle une dimension très particulière
00:35que moi je n'avais jamais vue auparavant.
00:37Alors au début de l'audience, et c'est traditionnellement toujours comme ça
00:40quand on est dessinateur, on s'installe au pied de la cour.
00:43Elle est sur une position surélevée et nous on est juste en dessous
00:46ce qui fait qu'on est face à la salle.
00:48Et là en l'occurrence, c'était un peu inédit face aux accusés.
00:51Normalement, on a les parties civiles à gauche et puis les accusés à droite.
00:55Là, on avait des accusés à droite en effet dans les box,
00:57mais aussi face à nous sur tous les bancs qui sont normalement dévolus au public.
01:01Et à gauche, il y avait les parties civiles, donc Gisèle Pellicot,
01:04ses 3 enfants et ses belles-filles qui étaient constituées partie civile à l'audience.
01:09Ça, c'est au début parce que le but du jeu pour un dessinateur
01:13dans une audience, c'est de se faire oublier.
01:15C'est de finalement appartenir au mobilier de la salle d'audience.
01:19Et progressivement, en fait, la cour, mais aussi les accusés,
01:25mais aussi les parties civiles s'habituent à notre présence.
01:28On peut changer de place, donc j'ai pu me mettre au fond de la salle,
01:30j'ai pu me mettre à côté du box des accusés,
01:33j'ai pu me mettre parfois assez proche d'eux,
01:35assez proche de Gisèle Pellicot pour pouvoir la dessiner.
01:37C'est vrai que c'est une liberté de pouvoir accéder à plusieurs espaces dans la salle.
01:40On perçoit davantage les réactions des accusés,
01:42notamment des témoins aussi qui sont à la barre
01:44parce qu'on peut les voir en face de nous.
01:46– Quelle prise de parole t'a marquée plus que les autres ?
01:49– Il y en a plusieurs qui m'ont marquée,
01:52mais je dirais que je retiens évidemment la première prise de parole de Gisèle Pellicot
01:57quand elle se raconte pour la première fois à la première personne,
02:00quand elle dit « je » en fait.
02:01On a une femme de 71 ans qui s'exprime avec détermination, assurance
02:07et qui raconte une vie fracassée,
02:09qui a cette formule « moi que j'ai retenue »
02:11qui est « la façade paraît solide mais l'intérieur est un champ de ruines »
02:15et elle nous laisse deviner ce qu'est sa souffrance
02:19et le vertige qu'elle a ressenti quand on lui a appris en novembre 2020 au commissariat
02:24qu'elle avait été victime de viol de la part de son mari et d'une multitude d'hommes.
02:29Après, il y a d'autres prises de parole qui ont été très fortes.
02:31Il y a celle de Caroline Darrian qui a raconté sa colère.
02:34Il y a eu aussi des moments de tension sur la manière dont on juge le viol
02:37et dont on veut bien le voir.
02:46C'est Gisèle Pellicot qui se bat dès le premier jour
02:48pour que l'audience soit publique.
02:50C'est elle à nouveau qui doit se battre pour que les vidéos des viols qu'elle a subis
02:54fassent partie de l'audience publique,
02:56pour permettre aussi aux journalistes, au public,
02:59de regarder le viol en face et de pouvoir en rendre compte.
03:03En restant dans la salle avec nous,
03:05elle nous a permis de les regarder de manière analytique
03:09sans être dans une reproduction de la violence à son égard,
03:12nous aussi en tant que public et journaliste.
03:15Et ça c'est extrêmement puissant.
03:17Est-ce que ça te dit aussi du traitement des victimes de viols dans des procès pareils ?
03:22C'est sûr qu'il y a une victimisation secondaire pour les victimes de viols
03:26encore aujourd'hui dans les enceintes judiciaires.
03:29Ce n'est pas une découverte pour moi et ça restera à mon avis longtemps.
03:34Ça ne va pas se modifier d'un coup parce que les magistrats
03:37ont aussi grandi dans cette culture du viol qui imprègne nos institutions.
03:42Et du coup dans les questions, dans la manière d'interroger par exemple
03:47les hommes sur leurs besoins sexuels ou bien de conditionner
03:52finalement l'intention parfois à une érection ou non.
03:56Je pense qu'il y a aussi un exercice de la défense qui peut se faire différemment,
03:59peut-être davantage respectueux des intérêts de la partie civile.
04:03Il y a eu près de 170 médias accrédités dont 76 étrangers, c'est du jamais vu.
04:07Est-ce que toi tu t'attendais à ce que ce procès prenne un écho international ?
04:11International, non. Franchement, je n'en avais aucune idée.
04:14National, c'était une évidence.
04:16Pour moi, ça allait être quand même un des gros procès de la décennie,
04:20si ce n'est du siècle.
04:21J'espère que cette médiatisation continue,
04:24elle va faire éclore une prise de conscience collective
04:27et pas seulement du côté de celles qui sont le plus souvent victimes.
04:30Qu'est-ce que je retiens de ces quatre mois de procès ?
04:32Qu'on a pu parler du viol tous les jours en France,
04:35dans tous les médias confondus et que ça c'est extraordinaire.
04:39On a pu en parler sous l'imprisme judiciaire, avec des faits.
04:44Ce procès, on n'a pas fini d'en parler.

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