Engagement, foi, convictions : le personnel hospitalier consacre une majorité de sa vie à sa profession. Face à un manques de ressources et un abandon des Services Publics par l'État, leurs métiers sont la cause d'une profonde souffrance.
Thomas Lilti, médecin généraliste, réalisateur et scénariste d'"Hippocrate", témoigne de sa fascination pour le corps hospitalier et, à travers sa série, illustre le quotidien, reflet de la réalité, de jeunes soignants.
La saison 3 de la série Hippocrate est dispo sur MyCanal.
Thomas Lilti, médecin généraliste, réalisateur et scénariste d'"Hippocrate", témoigne de sa fascination pour le corps hospitalier et, à travers sa série, illustre le quotidien, reflet de la réalité, de jeunes soignants.
La saison 3 de la série Hippocrate est dispo sur MyCanal.
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00:00Les soignants, ce qui les pousse à travailler à l'hôpital,
00:02c'est leur engagement, leur foi, leur conviction.
00:05Le problème, c'est que quand l'outil de travail est si abîmé que ça,
00:07le métier devient tellement difficile qu'il provoque profondément une souffrance.
00:11Je suis Thomas Lilti, je suis réalisateur, scénariste et créateur de la série Hippocrate.
00:17Et j'ai la particularité dans mon parcours d'avoir fait des études de médecine
00:21et d'être devenu docteur en médecine et médecin généraliste en particulier.
00:25J'essaie de raconter ce métier de soignant à l'hôpital
00:27parce que j'ai une fascination, une passion pour les médecins hospitaliers.
00:30Mais si ils me demandent où sont les médecins ?
00:32Tu leur dis que c'est toi le médecin.
00:33Attends, mais s'il y a une pathologie, je peux pas prendre en charge, je fais comment ?
00:36T'appelles le 15.
00:37Parfois, quand on a 22-23 ans et qu'on se retrouve seul dans les couloirs d'un hôpital la nuit
00:41à aller faire des certificats de décès ou avoir un patient qui décompense,
00:44qu'on appelle la réanimation, qui met 10 minutes, un quart d'heure, 20 minutes à arriver
00:48parce qu'ils sont sur autre chose tout simplement,
00:50et bien c'est des moments de grande angoisse et ça j'avais envie de le retranscrire.
00:53Déjà parce que je voulais qu'Hippocrate soit une série sur la jeunesse,
00:55montrer des jeunes qui sont investis et surtout tournés vers les autres.
00:58Donc ça trahit un petit peu la réalité à travers certaines situations
01:02qui vont être poussées à l'extrême.
01:04Et en même temps, au bout du compte, ça raconte quand même profondément
01:07quelque chose de l'hôpital, des difficultés que rencontrent les soignants,
01:10des difficultés donc que rencontrent les malades, d'une forme de violence,
01:13d'une forme de société, du service public qui s'abîme.
01:16Il y a énormément de choses qu'on retrouve dans la série
01:19qui sont des choses auxquelles sont confrontées les soignants de façon permanente.
01:22La saison 3 par exemple, qui évoque la problématique de la place et notamment du tri,
01:28et la question de savoir qui on prend en charge en priorité,
01:30qui on va hospitaliser ou qui on va rentrer chez, à domicile,
01:34ça c'est dur, c'est violent.
01:36Au cœur de la saison 2, il y a une patiente qui est oubliée dans une pièce,
01:39on oublie de la prendre en charge, c'est des choses qui existent,
01:41et certainement la chose la plus marquée dans Hippocrate saison 3
01:45et que parfois on peut me reprocher, dire « ah là là, il a poussé le bouchon un peu loin »,
01:49c'est l'ouverture d'un service clandestin finalement,
01:51donc d'une forme de désobéissance,
01:53et bien ça c'est une chose qu'on a pu voir encore très récemment dans l'actualité.
01:56Tous les jours, il y a des nouveaux cas entre un patient de 90 ans qu'on a refusé d'hospitaliser,
02:01une femme enceinte qui vient d'accoucher sur un parking,
02:04qu'on nous dira toujours « c'est des cas un petit peu extrêmes, c'est un peu de l'ordre du fait divers »,
02:08mais on voit bien que c'est de moins en moins de l'ordre du fait divers.
02:10Il ne faut pas se tromper de débat, l'hôpital public français reste un outil incroyable.
02:15Il y a une médecine de pointe incroyable,
02:17il y a des médecins et des soignants en général qui sont de très haut niveau.
02:20La difficulté, c'est que le service public, comme tous les services publics en France, se sont abîmés.
02:25Ceux pour qui j'ai vraiment beaucoup d'empathie, ce sont les soignants.
02:28Quand on va travailler à l'hôpital, on n'y va pas pour la reconnaissance salariale,
02:32on n'y va pas pour le confort de vie matériel,
02:35on y va parce que profondément on a la foi, on a la vocation,
02:38on pense que c'est notre devoir de travailler à l'hôpital.
02:41Et aujourd'hui en fait, ça ne suffit plus.
02:43On a longtemps pensé que le service public hospitalier tenait sur la bonne volonté
02:49des hommes et des femmes qui travaillaient.
02:51Aujourd'hui, ça s'est inversé et c'est pour ça qu'il y a un grand déficit de personnel.
02:56Il y a des services entiers, on n'arrive plus à embaucher.
03:00C'est la faute de politique qui dure depuis des décennies en fait.
03:05J'ai fait mes études de médecine dans les années 90, début 2000,
03:08et j'ai vu déjà à cette époque-là se transformer l'hôpital.
03:11L'apparition par exemple de la problématique du temps d'occupation des lits.
03:15Cette idée qu'il fallait que les gens restent le moins longtemps possible à l'hôpital
03:19parce qu'il fallait essayer de créer cette rentabilité de l'hôpital,
03:23que ça ne coûte pas trop cher, etc.
03:24Mais en fait, l'hôpital, il n'est qu'un reflet de l'ensemble de la société.
03:28Pourquoi aujourd'hui les urgences, elles n'arrivent pas à prendre en charge
03:31l'afflux massif de malades ?
03:33C'est aussi parce qu'il y a une pénurie de médecins dans le privé.
03:35Quand l'hôpital public permet une prise en charge gratuite,
03:39en tout cas sans avance de frais,
03:40et qu'il y a une population paupérisée de plus en plus importante,
03:43ces gens vont avoir tendance à se tourner vers l'hôpital.
03:45Donc ce n'est pas uniquement parce que l'hôpital va mal
03:48qu'il n'arrive pas à prendre en charge.
03:49C'est souvent parce que la société dans l'ensemble va mal.
03:51Moi, j'ai beaucoup posé la question de « est-ce qu'on peut soigner tout le monde ? »
03:54Je pense qu'une des questions qui va se poser demain,
03:57c'est « est-ce qu'on doit soigner tout le monde ? »
03:59Et ça, c'est un peu dystopique évidemment.
04:02C'est une société qui fait extrêmement peur.
04:04C'est la question la plus terrible parce que c'est une question éthique.
04:06Ça va à l'encontre même du serment d'Hippocrate.
04:08Si rien n'est fait, ça va être le challenge de demain
04:11qui est absolument irrespirable.
04:13Qu'est-ce qu'on veut pour la société ?
04:15Est-ce que la santé, ça doit coûter cher ?