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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Stéphanie Demuru.
00:05Et nous sommes avec nos deux débatteurs de la deuxième heure,
00:10Georges Fenech, ancien magistrat, Alexandre Malafaille, fondateur du think-tank Synopia.
00:15Vous avez certainement observé les débuts du gouvernement Bayrou sur le terrain aujourd'hui à Mayotte.
00:21Georges Fenech, on avait des invités tout à l'heure, et notamment le gestionnaire de l'aéroport de Mayotte
00:27qui estimait que François Bayrou était plutôt dans la bonne tonalité cet après-midi. Est-ce que c'est votre avis aussi ?
00:33Oui, j'ai suivi comme beaucoup l'intervention de François Bayrou, bien entouré de plusieurs ministres.
00:41Il avait un ton qu'on peut qualifier de sobre.
00:47Il n'a pas fait des annonces intempestives.
00:52Il a clairement parlé des difficultés à venir, c'est sûr.
00:57Mais en même temps, il a eu un discours que j'ai trouvé responsable et plutôt rassurant pour les Mahorais.
01:07En déclinant un programme pour d'abord la première nécessité, c'était un rétablissement d'électricité et de l'eau, bien sûr.
01:17Ce que j'ai noté aussi, c'est le fait qu'il interdise, ça c'est une nécessité, des constructions sauvages de briques et de broc à partir de tôles.
01:28Et ça c'est très important de reconstruire autrement, et notamment en dur, évidemment dans des zones cycloniques.
01:34Mais ça suppose de lutter efficacement contre l'immigration clandestine qui arrive des Comores,
01:41et qui d'ailleurs, on le sait, poussent à l'immigration.
01:43C'est une immigration de peuplement, puisque comme vous le savez, les Comores ne reconnaissent pas la souveraineté de la France.
01:48On va en parler, Georges Fenech, de cette question d'immigration.
01:51Je vous propose tout d'abord d'écouter, si vous le voulez bien, Georges Fenech, le Premier ministre.
01:55Une loi d'urgence sera présentée en Conseil des ministres le 3 janvier, avec une présentation au Parlement sous 15 jours.
02:02Un établissement public de refondation de Mayotte, sur le modèle de l'établissement public de Notre-Dame,
02:08avec la désignation d'une personnalité à sa tête, sera décidée le 3 janvier,
02:15donnant toute leur place aux élus, et il sera destiné à absorber l'actuel établissement foncier.
02:23Une mobilisation des fonds européens après une évaluation des dommages, évaluation qui se terminera fin janvier,
02:31avec une mission d'inspection sur place.
02:34Enfin, une loi-programme de refondation de Mayotte, préparée et conçue avec les élus de Mayotte, sera mise au point dans les 3 mois.
02:43Alexandre Mayafay, ça c'était effectivement cette conférence de presse avec les premières annonces.
02:49Georges Fenech en a cité quelques-unes, notamment la reconstruction de Mayotte, et l'interdiction d'ailleurs de reconstruire des bidonvilles.
02:56La question est, est-ce que cela est une illusoire, ou est-ce qu'on est dans le réalisme avec ces annonces cet après-midi ?
03:03On aimerait que ce soit dans le réalisme. Ce que dit le Premier ministre, pour le coup, est plutôt très cohérent.
03:10C'est un plan qui est construit de manière opérationnelle, il est bien dans son rôle d'aller là-bas pour impulser,
03:17pour envoyer un somme de messages, pour essayer de mobiliser les énergies.
03:20Après, il ne faut pas se tromper, les images que l'on voit, elles sont pour nous, elles ne sont pas pour les habitants de Mayotte.
03:24Ça c'est très clair, d'abord parce qu'il n'y en a pas beaucoup malheureusement qui vont suivre ça à la télévision ou à la radio,
03:30et deuxièmement parce que ça rassure sur la dynamique gouvernementale.
03:35Maintenant, très concrètement, en l'état de la réalité déjà de ce qui s'est reconstruit, interdire les bidonvilles,
03:40il y en a une partie qui se sont reconstruits en peu de jours, comme ils ont pu en récupérant ce qui était de briquet de broc,
03:45ce sera très long, la difficulté c'est qu'évidemment il faut se méfier de ces paroles dites magiques,
03:51où on annonce des choses et on ne les tient pas, et c'est d'autant plus difficile de les tenir à 12 000 km de la France,
03:56avec toutes les problématiques d'acheminement qui sont posées.
03:59Donc c'est vrai qu'il y a beaucoup de défiance, moi j'ai entendu un certain nombre de témoignages d'habitants
04:03sur toute une série de prises de parole des uns et des autres,
04:07réagir en défiance, parce que ce n'est pas la première fois qu'on va les voir et qu'on leur promet des choses.
04:11Vous savez, il y a encore un an, quand il y avait des inondations terribles dans les Hauts-de-France,
04:15il y a eu onze ministres et un premier ministre qui se sont déplacés, ça n'a pas empêché la deuxième crue d'arriver.
04:19Donc malheureusement, tout ça c'est des phénomènes politiques qui sont très compliqués à traduire en réalité,
04:25il faut beaucoup d'humidité, de ce point de vue-là je trouve que la tonalité est plutôt bien,
04:29parce qu'il est dans l'espèce de tonalité générale qui va bien,
04:33ensuite il faut une mobilisation de moyens qui est colossale,
04:36et après vous avez toutes les questions de sécurité qui se sont réinvitées sur le devant de la scène,
04:43et qui vont être là aussi difficiles à gérer dans la durée,
04:46parce que vous avez affaire à une population qui, pour beaucoup d'entre eux, ont faim, ont soif, ont tout perdu,
04:51donc forcément ça ne crée pas des conditions à la base qui sécurisent un territoire.
04:54Oui, il a d'ailleurs annoncé sur la sécurité l'envoi de 300 gendarmes et policiers pour assister notamment les unités locales et protéger les écoles.
05:03Georges Pénèque, vous le disiez, la question évidemment de l'immigration qui est incontournable,
05:08je vous redonne la parole et je vous propose d'écouter François Bayreau par rapport.
05:11Quiconque prétendrait qu'il n'y a pas de problème d'immigration brûlant à Mayotte serait irresponsable.
05:20À Mayotte et en Guyane, il y a des difficultés très particulières, très localisées.
05:28Il faut savoir que les obligations de quitter le territoire français, on dit qu'on en exécute 7%,
05:34ça veut dire que 93% ne sont pas exécutées, mais dans les 7%, au moins la moitié sont exécutées à Mayotte et en Guyane.
05:42Alors Georges Pénèque, vous le disiez, l'immigration évidemment, le Premier ministre est plutôt lucide,
05:48mais on attendait éventuellement l'annonce d'un projet de révision constitutionnelle sur le droit du sol,
05:53mais il ne l'a pas fait. Qu'est-ce que ça dit selon vous ?
05:56D'abord que c'est au Président de la République à convoquer le conseil constitutionnel, ce n'est pas au Premier ministre.
06:01Ensuite que pour une réforme constitutionnelle, comme vous le savez, il faut une majorité des 3-5e,
06:07nous n'avons même pas une majorité de la moitié.
06:10Donc c'est très très compliqué de faire une réforme constitutionnelle aujourd'hui compte tenu du paysage politique.
06:17Mais vous savez, le droit du sol, bien sûr qu'il faudra y arriver un jour ou l'autre à légiférer là-dessus,
06:24mais ça n'est pas à mon avis ce qui va régler définitivement la question migratoire.
06:30Pourquoi ? Parce que Mayotte, c'est le seul département de nos départements et territoires d'outre-mer
06:36qui est contesté dans la souveraineté française.
06:39Personne ne conteste que la Guyane soit française ou la Guadeloupe soit française.
06:44Là, Mayotte, c'est contesté fortement par les Comores, par l'organisation de lutte africaine,
06:51par l'ONU qui ne reconnaît pas non plus la validité de nos référendums.
06:55Et donc il y a une immigration qui est en réalité encouragée par les Comores qui veulent repeupler ce qu'ils considèrent être leur territoire.
07:03Et pendant ce temps-là, nous, on déverse beaucoup d'argent aux Comores.
07:08Donc on est dans une situation qui n'est pas une situation habituelle d'immigration habituelle.
07:13C'est une immigration qui nous est imposée par d'autres, notamment par les Comores.
07:18Je ne sais pas comment on s'en sortira.
07:19Mais il n'y a pas de moyen de pression justement sur ce pays qui reçoit des subventions de la part de la France
07:24justement pour régler ce problème de l'immigration ?
07:26Ça parait insensé, Alexandre Malafaille ?
07:28On pourrait l'imaginer, mais ce qui est extraordinaire, c'est que dans les premiers déplacements qui avaient été effectués par Emmanuel Macron,
07:33ça avait été justement d'aller à Mayotte.
07:35On avait d'ailleurs à l'époque parlé des fameux cuaça-cuaça qui sont les bateaux qui permettent de faire effectivement les traversées de migrants illégaux.
07:42On avait l'impression qu'il y avait une volonté de prendre le sujet à bras-le-corps.
07:46Mais là encore, on est sur des problématiques qui sont extrêmement complexes
07:50parce que ce trafic, on le voit bien déjà sur nos propres territoires à l'échelle européenne entre la Méditerranée et la France,
07:56entre l'Angleterre et la France, la difficulté qu'on a à contrôler,
08:00et là, pour le coup, on a mis beaucoup de moyens à contrôler ces problématiques de transit migratoire à l'échelle de l'océan Indien,
08:07à ce niveau-là de problématiques géographiques, c'est très compliqué.
08:10La seule chose qui va peut-être momentanément tarir un peu le flux migratoire, c'est l'état de Mayotte.
08:16C'est sûr que le côté appel d'air que peut représenter Mayotte,
08:19étant donné le niveau de sinistralité de l'île aujourd'hui, va peut-être un tout petit peu freiner le flux.
08:25Et peut-être qu'il faut en profiter.
08:27Mais après, sécuriser toute une côte, mettre un certain nombre de moyens matériels, humains, militaires, pour contrôler les territoires,
08:35sachant qu'après, vous avez toutes les problématiques de droit qui se posent à nous.
08:38Une fois de plus, on est dans un pays, et il faut s'en réjouir qu'il y ait l'état de droit,
08:41mais qui a beaucoup, beaucoup de fragilité quand on décide effectivement de profiter de lui.