• il y a 21 heures
À 8h20, Jean-Noël Barrot, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, est l'invité du Grand Entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-08-janvier-2025-9143738

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
00:11Vos questions, 0145 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:17Jean-Noël Barraud, bonjour.
00:18Bonjour.
00:19Et bienvenue sur Inter en ce début d'année 2025, pleine d'incertitudes internationales,
00:25à Syrie, à l'Ukraine, en passant par les Etats-Unis.
00:29Vous rencontrez aujourd'hui le secrétaire d'Etat, Anthony Blinken, à quelques jours
00:33de l'investiture de Donald Trump.
00:35On va parler des enjeux américains, de la guerre commerciale qui se profile du cas
00:41Elon Musk.
00:42Mais commençons par le Proche-Orient.
00:44Il y a un mois, jour pour jour, le 8 décembre, le régime de Bachar Al-Assad s'effondrait
00:51après cinq décennies de règne Assad en Syrie.
00:55Vous vous êtes rendu récemment à Damas avec votre homologue allemande, Anna-Léna
01:01Baerbock, sous mandat de l'Union Européenne.
01:03Vous y avez rencontré le 3 janvier le nouveau dirigeant du pays, l'islamiste Ahmad Al-Sharé.
01:10Vous avez salué des échanges très constructifs et on va revenir au fond de ces échanges.
01:17Mais un mot d'abord sur la réouverture symbolique de l'ambassade de France à Damas, fermée
01:23depuis 13 ans avec la rupture de nos relations diplomatiques.
01:27Qu'avez-vous éprouvé, ressenti, en voyant à nouveau le drapeau français y flotter ?
01:33Beaucoup d'émotions, parce que lorsque nous avons quitté cette ambassade, en mars 2012,
01:40le régime criminel de Bachar Al-Assad réprimait la révolution syrienne dans le sang.
01:45Et beaucoup d'émotions parce que nous avons retrouvé sur place des Syriennes et des Syriens
01:52que malgré notre absence, nous n'avons jamais cessé de soutenir tout au long de ces années
01:57et de lire dans leurs yeux un nouvel espoir se lever.
02:01Un espoir qui certes est fragile, c'est clair, mais c'est un espoir réel.
02:06On a vu, et l'image a fait le tour du monde et des réseaux sociaux, le nouvel homme fort du régime,
02:10Ahmad Al-Sharé, refuser de serrer la main à la cheffe de la diplomatie allemande.
02:15Ça vous a choqué ?
02:16Écoutez, est-ce que j'aurais préféré qu'il serre la main d'Annalena Baerbock ?
02:20Évidemment que oui, mais ça n'était pas l'objet de notre déplacement, non.
02:24L'objet de notre déplacement, il était clair, c'était de faire entendre les attentes des Français et des Européens,
02:30et notamment en matière de sécurité.
02:31Vous allez nous dire, et on va parler des sanctions, mais qu'est-ce que ça dit qu'il refuse de serrer la main de la cheffe de la diplomatie allemande ?
02:37À nouveau, ça n'était pas l'objet de notre déplacement.
02:39D'ailleurs, Annalena Baerbock savait par avance qu'il resterait campé sur cette coutume.
02:46Ensuite, ce qui aurait été beaucoup plus problématique si je puis dire,
02:49c'est que dans nos échanges, il ne fasse aucun cas de nos attentes très fermes et très claires sur la condition des femmes.
02:56Ce qui n'a pas été le cas.
02:57Lundi, Emmanuel Macron a appelé à regarder sans naïveté le changement de régime.
03:01Vous le savez, Washington a annoncé un allègement temporaire des sanctions à l'égard de la Syrie
03:05pour ne pas entraver la fourniture de services essentiels à la population.
03:08Les nouveaux dirigeants de Damas vous demandent de lever les sanctions.
03:12Ils vous disent, vous avez fait ces sanctions contre Bachar el-Assad, sa famille, ses proches.
03:16Aujourd'hui, ils sont partis. Il faut lever les sanctions, sinon notre économie, elle va crever.
03:20Elle ne pourra pas repartir. Déjà, elle est à l'agonie.
03:22Qu'est-ce que vous lui avez répondu ?
03:24Il y a différents types de sanctions.
03:26Il y a les sanctions qui visaient Bachar el-Assad et les bourreaux de son régime.
03:30Ces sanctions-là n'ont évidemment aucune vocation à être levées.
03:33Ensuite, il y en a d'autres qui aujourd'hui entravent l'accès à l'aide humanitaire,
03:38qui empêchent, entravent le redressement du pays.
03:42Et celle-ci pourrait être levée rapidement.
03:45Il y en a d'autres, enfin, et nous en discutons avec nos partenaires européens,
03:48qui pourraient être levées, mais évidemment en fonction du rythme
03:52auquel sont prises en compte nos attentes pour la Syrie et nos attentes en matière de sécurité.
03:56Sur les femmes et sur la sécurité, vous leur avez demandé quoi, très clairement ?
03:59Très clairement, ce que nous avons demandé, c'est deux choses.
04:02La première, c'est que la transition politique qui commence en Syrie
04:06soit bien représentative de toutes les composantes de la société syrienne,
04:10et en particulier des femmes.
04:12Et je constate qu'hier, a été annoncé que le comité qui est institué
04:17pour préparer le dialogue national qui va s'ouvrir prochainement,
04:20inclura des femmes. C'était une demande express de notre part.
04:24Elle a été satisfaite.
04:25La deuxième chose, c'est que nous sommes allés pour défendre
04:29la sécurité des Françaises et des Français, la sécurité des Européens.
04:33Pour que la nouvelle Syrie ne laisse aucune place au terrorisme islamiste
04:38qui a fait tant de dégâts ces dix dernières années.
04:41Et que cette Syrie nouvelle ne laisse aucune place à la prolifération des armes chimiques.
04:46Et nous lui avons formulé une demande très claire,
04:49celle que dans les prochaines semaines, il puisse accueillir en Syrie
04:53une mission de l'organisation internationale qui s'occupe de la destruction des armes chimiques.
04:57Et il a été annoncé hier qu'une telle mission viendrait prochainement en Syrie.
05:01Vous avez rencontré Jean-Noël Barraud lors de votre voyage des patriarches chrétiens,
05:06des représentants de la société civile.
05:09La question des minorités est essentielle dans ce pays.
05:13Les chrétiens et les Kurdes craignent des actes de vengeance,
05:16de discrimination de la part du nouveau régime.
05:18Ont-ils raison d'être inquiets ?
05:20Quel est le message de la France aux chrétiens de Syrie et aux Kurdes ?
05:24Je vous remercie de rappeler ce moment qui a été très fort lors de ce déplacement.
05:30La rencontre avec les patriarches chrétiens, mais aussi avec les représentants,
05:34les représentantes de la société civile qui sont inquiets,
05:38mais qui voient aussi la possibilité, l'espoir d'une Syrie souveraine, stable et apaisée.
05:44Et c'est ce que nous voulons pour eux, c'est ce que nous voulons pour nous.
05:48Parce que si la Syrie ne se redressait pas...
05:50Il y a déjà des actes de vengeance, pour l'instant sporadiques.
05:53Les minorités, aujourd'hui les minorités chrétiennes, les Kurdes, sont angoissées.
05:59Vous avez entendu cette inquiétude ?
06:01Parce qu'on vous entend retenir l'espoir.
06:03Sans doute c'est important, mais vous entendez aussi les inquiétudes ?
06:07Si nous nous tenons aux côtés des Syriennes et des Syriens,
06:09et de ces communautés au moment où la Syrie est appelée à se redresser,
06:14c'est non seulement parce que nous le leur devons,
06:16mais c'est aussi parce que nous le devons à nous-mêmes.
06:18Si la Syrie devait sombrer, devait comme la Libye après Kadhafi,
06:22ou l'Irak après Saddam Hussein, sombrer dans l'instabilité et l'islamisme,
06:26alors ce sont tous les maux dont nous avons été les victimes qui ressurgiraient.
06:31C'est le terrorisme, c'est l'insécurité, ce sont les vagues migratoires qui ont eu tant de conséquences.
06:35Donc vous espérez que ce régime réussisse en fait ?
06:38Ce que j'espère c'est que la Syrie réussisse,
06:40parce que l'avenir de la Syrie appartient aux Syriens.
06:42Et c'est tout l'enjeu de ce dialogue national qui va s'ouvrir,
06:45et auquel chacun doit participer, toutes les communautés,
06:47et notamment les Kurdes avec lesquelles nous avons combattu sans relâche
06:51le terrorisme de Daesh en Syrie.
06:53Jean-Noël Barraud, pour que la page du régime Assad se tourne,
06:57il faut que justice soit faite, vous avez estimé
07:01qu'il n'y a pas de réconciliation et d'apaisement possible en Syrie,
07:04pas de redressement moral en Syrie, sans que justice soit faite.
07:09Pensez-vous que Bachar al-Assad sera jugé un jour par un tribunal international,
07:14ou est-ce que ça relève de la science-fiction ?
07:17C'est indispensable.
07:18Pour que la Syrie puisse se relever, sur le plan moral et même sur le plan spirituel,
07:23il faut que les crimes qui ont été commis,
07:26et je le dis après avoir vu les horreurs absolues de la prison de Sednaya,
07:31véritable abattoir humain, véritable camp d'extermination en réalité,
07:36qui vient d'ouvrir ses portes.
07:39Tout cela, c'est une blessure très profonde dans l'âme syrienne,
07:45et il faudra que justice soit faite.
07:46Et nous serons là, une nouvelle fois, aux côtés des Syriens,
07:48et cette fois-ci, sans aucune condition.
07:50Nous avons été les fers de lance de la lutte contre l'impunité.
07:52Rappelez-vous, c'est la France qui a accueilli César,
07:55ce courageux Syrien qui a documenté le premier,
07:58les crimes barbares du régime d'Assad.
08:01Aujourd'hui, nous voulons accompagner les Syriens pour que justice soit rendue.
08:05Francis vous demande sur l'application de Radio France,
08:08que pensez-vous de la première action du gouvernement syrien
08:15de construire des mosquées dans des universités ?
08:18Je le dis une nouvelle fois, nous ne faisons pas de chèque en blanche.
08:22On en parlait tout à l'heure sur les sanctions.
08:24Nous jugerons ces autorités de transition sur les actes.
08:27Aujourd'hui, nous les appelons instamment à respecter l'ensemble des communautés
08:33qui vont reconstruire ensemble l'avenir de la Syrie.
08:35Un mot sur le Liban, Jean-Yves Le Drian est attendu aujourd'hui au Liban.
08:38La France met tout son poids pour qu'il y ait un président élu demain,
08:43lors de la réunion du Parlement.
08:44Êtes-vous confiant, il y aura-t-il enfin un président élu au Liban demain ?
08:49Je le souhaite vivement.
08:50Ce sera la prolongation, si l'on peut dire, de ce que nous avons réussi,
08:54et c'était inespéré, à accomplir pour le Liban.
08:57Avec ce cessez-le-feu que la France a porté,
08:59première interruption des hostilités dans la région depuis le 7 octobre 2023.
09:04Et qui produit des effets puisque le sud du Liban, qui est contesté,
09:08qui a fait l'objet de violences entre le Hezbollah et Israël,
09:11commence à se stabiliser avec un désarmement progressif du Hezbollah
09:15et avec un retrait progressif des troupes israéliennes.
09:19Pour que tout cela continue, il faut que le Liban se dote d'un président.
09:22Vous êtes encore confiant ce matin ? C'est demain la réunion.
09:26Je l'espère vivement, mais vous savez, au Liban, c'est comme dans les autres pays,
09:30c'est comme en France, tant que les urnes ne sont pas ouvertes,
09:34on ne peut pas connaître le résultat.
09:37Nous pensons que non seulement cette élection présidentielle
09:41est un préalable à la poursuite de cette dynamique de la paix et du cessez-le-feu que j'évoquais,
09:45que c'est aussi un préalable au redressement économique et social du pays.
09:50Le président de l'Assemblée nationale libanaise, du Parlement libanais,
09:54a pris ses responsabilités en convoquant cette session du Parlement.
09:58C'est désormais au responsable politique libanais de prendre la l'heure
10:02et de se doter d'un président.
10:03Jean-Noël Barraud, parlons de l'Iran dans son discours aux ambassadeurs français.
10:07Emmanuel Macron a expliqué que l'Iran était le principal défi stratégique et sécuritaire
10:14pour la France, les Européens, toute la région et bien au-delà.
10:18L'accélération de son programme nucléaire nous amène tout près du point de rupture,
10:24a poursuivi le président avant de dénoncer l'implication de Téhéran
10:28dans la guerre de la Russie contre l'Ukraine et dans le soutien aux groupes dangereux au Moyen-Orient.
10:34Une intervention contre l'Iran est-elle souhaitable à vos yeux ?
10:38Si Israël ou les États-Unis décidaient dans les prochaines semaines d'attaquer l'Iran,
10:43la France soutiendrait-elle une opération de ce type ?
10:46D'abord, c'est important de rappeler que les activités de déstabilisation de l'Iran,
10:52son programme nucléaire, son programme balistique,
10:54sont en effet non seulement des problèmes pour la région du Proche et du Moyen-Orient,
10:59mais aussi pour nous directement.
11:01Parce qu'avec son programme balistique, l'Iran a la capacité de porter atteinte
11:06à nos intérêts en France et en Europe.
11:08Et c'est pourquoi depuis dix ans, puisque c'est il y a dix ans qu'on a conclu un accord de sécurité avec l'Iran,
11:15c'est pourquoi avec l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment,
11:18nous avons choisi d'avoir une approche par la négociation ferme avec l'Iran,
11:23qui consiste à dire que si vous repliez votre programme nucléaire,
11:29si vous cessez vos actions de déstabilisation,
11:32alors progressivement nous envisagerons de lever les sanctions que nous avons prises à votre rencontre.
11:37Oui, sauf qu'aujourd'hui les choses s'accélèrent
11:39et jamais la possibilité d'une opération militaire contre l'Iran n'a été aussi grande, vous en convenez.
11:44La France soutiendrait-elle une telle opération ?
11:47La France soutient une approche de négociation par la force, si je puis dire.
11:51C'est-à-dire une négociation par laquelle nous obtiendrons des résultats très concrets
11:58sur le programme nucléaire, sur les activités balistiques.
12:01Jean-Noël Baron, on en vient en question brûlante,
12:03dans un instant sur les Etats-Unis, sur Donald Trump et sur Elon Musk
12:07et ses dernières déclarations, on voulait évidemment vous entendre sur ça.
12:09Mais encore une question parce qu'on a entendu à 7h50 au micro de Sonia de Villers, Narghes, Mohammadi,
12:14la prix Nobel de la paix, qui était incarcérée à la prison d'Evine
12:17et qui donnait des nouvelles alarmantes de l'état de santé de l'otage française Cécile Koller,
12:22qui est détenue en Iran depuis mai 2022 avec Jacques Paris, avec son compagnon.
12:28Elle l'a dit enfermée à l'isolement et très affaiblie.
12:31Est-ce le cas ? Quelle est la situation de Cécile Koller et où en sont les négociations ?
12:36D'abord, permettez-moi de rendre hommage au courage de Narghes Mohammadi,
12:40qui continue de résister alors même qu'elle est la cible permanente du régime iranien.
12:46Ensuite, s'agissant de nos otages, j'ai dit les choses très clairement hier
12:50devant les ambassadrices et les ambassadeurs qui nous représentent partout dans le monde.
12:54Les conditions de détention par l'Iran de nos compatriotes sont inadmissibles et elles sont indignes.
13:03Elles peuvent être qualifiées en droit international comme de la torture.
13:07Et c'est la raison pour laquelle, on parlait à l'instant de négociations avec l'Iran,
13:11il n'y aura pas de négociations avec l'Iran tant que le sort de nos otages n'aura pas été traité.
13:17Et j'appelle d'ici là tous nos ressortissants, tous nos compatriotes,
13:22les françaises et les français, à ne pas se rendre en Iran tant que nous n'aurons pas avancé sur ce point.
13:27Donald Trump n'exclut pas d'envahir le Groenland. Ça vous a surpris ?
13:32Écoutez, je ne vais pas commenter les tweets de Donald Trump.
13:35C'est une conférence de presse où il a envoyé son fils au Groenland. C'est du bluff, c'est sérieux.
13:43Est-ce que, si vous m'interrogez, je pense que les Etats-Unis envahiront le Groenland ?
13:48La réponse est non.
13:49Est-ce que nous sommes entrés dans une époque qui voit le retour de la loi du plus fort ?
13:55La réponse est oui.
13:56Alors, faut-il se laisser intimider ? Faut-il se laisser gagner par l'inquiétude ?
14:02Évidemment que non. Il faut d'abord se réveiller, se renforcer dans un monde gagné par la loi du plus fort,
14:10dans le domaine militaire, dans le domaine de la compétitivité, c'est tout l'objet.
14:13Vous êtes sûr qu'ils n'envahiront pas le Groenland ? Vous avez l'air sûr.
14:16Vous l'avez bien entendu Donald Trump, Pierre.
14:17Vous avez entendu Pierre Haski tout à l'heure.
14:19La nature profonde des Etats-Unis d'Amérique, ça n'est pas d'être impérialiste.
14:25Est-ce qu'elle n'est pas en train de changer ?
14:27Je ne le crois pas.
14:28Quand il dit le canal du Panama, le golfe du Mexique, le Canada 51ème état, c'est quoi ?
14:34C'est une blague ? C'est quoi ?
14:35Je vous le dis, je considère que cette nature profonde qui est celle des Etats-Unis est tout à fait orthogonale
14:44et tout à fait contradictoire avec un impérialisme qui serait très mal ressenti par le peuple américain.
14:51Ceci étant dit, ces déclarations, elles sont conformes à cette ère du temps qui est en train de s'installer.
14:57Qu'est-ce que la France, elle dit au président américain bientôt investi qui dit
15:02« je n'exclus pas d'envahir le Groenland ce matin », qu'est-ce qu'elle dit ?
15:05Elle dit « je ne commente pas les tweets de Donald Trump ».
15:07Mais d'abord, je crois qu'il faut d'abord se parler à nous-mêmes et se dire ce que nous sommes.
15:11Nous sommes un grand pays dans un continent qui constitue le premier marché du monde
15:16et qui doit affirmer ses principes et ses valeurs.
15:18D'accord, mais aux Danois qui disent « il veut envahir notre territoire ».
15:25Effectivement, c'est un territoire, vous avez raison de le rappeler, de l'Union Européenne.
15:28C'est un territoire européen.
15:30Et donc vous attendez l'Union Européenne qu'elle réagisse fortement ?
15:33Il n'est évidemment pas question que l'Union Européenne laisse d'autres nations du monde,
15:38quelles qu'elles soient, et je dirais même à commencer par la Russie, s'en prendre à ses frontières souveraines.
15:44Nous sommes un continent fort, nous devons encore nous renforcer.
15:47Nous devons d'ailleurs nous réveiller parce que nous avons pris un certain nombre de mesures
15:52mais nous devons aller plus loin.
15:53C'est tout l'enjeu, c'est tout l'objectif que le Président de la République a donné à la diplomatie française dans son discours lundi matin.
16:00Jean-Noël Barraud, Donald Trump, revient à la Maison Blanche dans douze jours
16:05accompagné de son fidèle lieutenant Elon Musk.
16:08Musk, le patron du réseau X, qui multiplie ces derniers jours des interventions spectaculaires
16:15dans la vie politique européenne.
16:17Il attaque le Premier ministre britannique via une affaire vieille de dix ans.
16:21Il appelle à sa démission, à son emprisonnement.
16:24Il a par ailleurs qualifié le chancelier allemand Olaf Scholz de fou et d'imbécile incompétent.
16:30Il affiche son soutien au parti d'extrême droite AFD.
16:35Comment qualifiez-vous ce matin ces déclarations ?
16:38C'est tout simplement de l'ingérence ?
16:40Écoutez, on a le droit d'avoir ses opinions.
16:43Mais lorsque l'on participe à un gouvernement ou lorsqu'on aspire à y participer,
16:48ces opinions ont une valeur un peu particulière.
16:52C'est pourquoi de deux choses l'une.
16:55Soit Elon Musk, lorsqu'il intervient dans le débat public, dans certains débats électoraux européens,
17:02le fait pour faire le buzz ou pour faire de la com' et alors c'est extrêmement regrettable.
17:07Soit il le fait en assumant des alliances nouvelles avec des partis d'ultra-droite comme l'AFD en Allemagne
17:15et alors il faudra que le parti républicain américain assume de lier son destin avec celui de tel parti
17:24qui représente tout ce que le parti républicain a toujours combattu.
17:27Mais la France est la troisième sur la liste à votre avis ?
17:30Après la Grande-Bretagne, après l'Allemagne, il va venir s'ingérer dans nos processus électoraux à nous ?
17:36Vous craignez cela ?
17:38Je ne sais pas mais je ne le crains pas. Pourquoi ?
17:40Parce que s'agissant des réseaux sociaux où toutes ces manifestations se produisent,
17:46nous avons dit les choses clairement en 2022 lorsque la France présidait l'Union Européenne.
17:50Nous avons dit stop.
17:52Il n'est pas question que le débat public soit délocalisé de manière totalement dérégulée
17:58sur des grandes plateformes de réseaux sociaux détenues par des milliardaires américains ou chinois.
18:02Et il l'est pourtant, il le faut.
18:04Tout à fait.
18:05Ces règles sont entrées en vigueur il y a à peu près un an.
18:08Elles permettent à la Commission Européenne, à Bruxelles, de dire
18:11si je constate que le débat public a été perturbé,
18:15alors je peux infliger des sanctions très lourdes sur ces plateformes.
18:19Je peux même aller jusqu'au bannissement de Twitter ou de TikTok.
18:23Si ce qu'a fait le Brésil, est-ce qu'il faut bannir X ?
18:26C'est prévu dans nos lois, dans nos lois européennes.
18:28Mais est-ce qu'il faut le faire aujourd'hui ?
18:30Oui d'accord, mais quand vous voyez les tweets d'Elon Musk,
18:33c'est quand même toutes les 20 minutes un nouveau tweet politique avec des menaces.
18:36Est-ce qu'il faut bannir X ?
18:38J'ai appelé plusieurs fois la Commission Européenne à se saisir de manière beaucoup plus vigoureuse
18:42de ces outils que, démocratiquement, nous lui avons donnés pour dissuader ces comportements.
18:46Vous trouvez l'Union Européenne trop molle ?
18:48De deux choses l'une.
18:49Soit la Commission Européenne applique avec la plus grande fermeté
18:52les lois que nous sommes données pour protéger notre espace public.
18:55Soit elle ne le fait pas.
18:56Et alors il faudra qu'elle consente à rendre aux États membres de l'Union Européenne,
19:00à rendre à la France, la capacité de le faire.
19:03L'autre grand danger ?
19:05C'est vraiment une menace ce que vous dites à l'endroit de l'Union Européenne.
19:08C'est le principe de subsidiarité.
19:10Vous leur dites clairement qu'ils sont trop mous vis-à-vis des attaques d'Elon Musk et d'autres.
19:14Je leur dis que nous avons bâti l'Union Européenne sur un principe,
19:17le mot est un peu jargonneux,
19:19c'est celui de la subsidiarité.
19:21Le pouvoir est exercé là où il est le plus efficace.
19:24Si la Commission Européenne ne sait pas nous protéger
19:27contre ces menaces d'ingérence,
19:30alors il faut qu'elle rende aux États membres, il faut qu'elle rende à la France
19:32la capacité de se protéger elle-même.
19:34L'autre grande incertitude, c'est l'Ukraine et l'attitude de Trump,
19:37là encore, vis-à-vis de ce pays.
19:39Emmanuel Macron a eu cette phrase hier,
19:41les Ukrainiens ont à mener des discussions réalistes
19:44sur les questions territoriales,
19:46et eux seuls peuvent les conduire.
19:48Alors qu'est-ce que ça veut dire exactement ?
19:50Qu'Emmanuel Macron, que les Occidentaux
19:53appellent les Ukrainiens et Zelensky
19:55à renoncer au Donbass, à la Crimée,
19:58à lâcher 20% de leur territoire aux Russes et à Poutine ?
20:02C'est ça ? Traduisez-le pour nous, s'il vous plaît.
20:05Ce que nous disons et ce que le Président de la République a rappelé,
20:08c'est que si depuis bientôt trois ans,
20:10nous soutenons pleinement
20:12le combat des Ukrainiens
20:14contre l'envahisseur russe,
20:16c'est d'une part
20:18parce qu'une telle annexion par la Russie
20:21consacrerait définitivement la loi du plus fort
20:23dont on parlait à l'instant,
20:25mais d'autre part parce que c'est bien notre sécurité qui est en jeu.
20:27Le combat des Ukrainiens, c'est aussi le nôtre.
20:30Ce sont les Ukrainiens qui aujourd'hui
20:32tiennent la première ligne de défense
20:34contre la poussée de la menace.
20:37Et c'est pourquoi nous avons tant fait
20:39et c'est pourquoi nous allons continuer à le faire.
20:41Ensuite, et nous l'avons toujours dit,
20:43ce sera aux Ukrainiens
20:45de décider du moment et des conditions
20:47de l'ouverture des négociations de paix.
20:49Et dans ce moment-là aussi,
20:51nous aurons une responsabilité.
20:53Quelle sera cette responsabilité ?
20:55Les garanties de sécurité.
20:57Mais faut-il préparer les Ukrainiens
20:59et les Européens qui soutiennent les Ukrainiens
21:01à les voir concéder
21:0320% du territoire, à les voir concéder
21:05la Crimée et le Donbass ?
21:07C'est à ça qu'on prépare les Ukrainiens ?
21:09C'est une question qui appartient intégralement aux Ukrainiens.
21:11Mais nous avons une question très difficile à nous poser.
21:13La menace russe
21:15a progressé vers l'ouest
21:17depuis un certain nombre d'années.
21:19Depuis trois ans, elle a muté.
21:21Elle s'est métamorphosée
21:23en menace d'invasion
21:25à grande échelle.
21:27Elle s'est internationalisée vers l'Asie.
21:29Elle a pris des formes hybrides
21:31qui ont touché des pays européens.
21:33Ne croyons pas,
21:35quelle que soit l'issue de négociations de paix,
21:37que c'est la fin de l'histoire.
21:39Jean-Noël Barrault, on ne vous laissera pas partir
21:41sans vous poser une question sur Boalem-Sensal.
21:43Pourquoi il est toujours dans les geôles algériennes
21:45à l'heure où nous parlons ?
21:47Je suis tout à fait consterné,
21:49comme de très nombreux Français,
21:51par sa détention, par le rejet
21:53par la Cour d'appel d'Alger
21:55Nous sommes très préoccupés
21:57par les conditions de sa détention.
21:59Très préoccupés par ses conditions
22:01de santé.
22:03Et nous regrettons
22:05l'attitude qui est celle
22:07des autorités algériennes
22:09qui expriment des messages
22:11d'hostilité vis-à-vis de la France.
22:13Alors même qu'en 2022, les deux présidents,
22:15Français et Algériens, ont signé
22:17une feuille de route qui projetait
22:19notre relation vers l'avenir.
22:21Mais pour tenir une feuille de route, il faut être deux.
22:23Je suis évidemment à disposition des autorités
22:25algériennes pour avoir un dialogue franc
22:27sur le sujet, mais encore faut-il qu'elles le veuillent.
22:29Merci Jean-Noël Barraud,
22:31ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
22:33Merci d'avoir été à notre micro ce matin.

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