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00:00Par un constat, ici ce matin, les prisons débordent en France, alors pensez-vous que l'on emprisonne trop facilement ?
00:05Venez nous donner vos avis, ici Belfort-Montbéliard vous donne la parole tous les matins, vous le savez.
00:09On vous attendait maintenant, 0-3-84-22-82-82, l'invité d'ici matin, Flora.
00:15Nous recevons la procureure de la République de Belfort, bonjour Jessica Van Der Scher.
00:18Bonjour.
00:19Selon les chiffres publiés par le ministère de la Justice en fin d'année dernière,
00:23plus de 80 000 personnes étaient détenues en France pour 62 000 places.
00:27Un nouveau record, est-ce que la situation est aussi tendue dans les maisons d'arrêt de Belfort et de Montbéliard ?
00:33Oui, vous avez raison, la situation est exactement la même à Belfort et à Montbéliard.
00:37Belfort, nous avons 29 places théoriques, plus de 41 détenus, donc un taux d'occupation de 140%.
00:42Et sur Montbéliard, on frôle les 180%, ce sont des chiffres qui évoluent tous les jours.
00:47Ce qui est inquiétant aussi, c'est Vesoules.
00:48Vesoules, vous avez 9 matelas au sol, c'est-à-dire que quand on incarcère les prochains,
00:52les gens vont dormir par terre, sur un matelas, avec déjà deux autres personnes dans la cellule.
00:56Effectivement, tout cela, ça a des conséquences directes sur le quotidien des détenus.
01:00Les prisons de France ne peuvent pas refuser un détenu.
01:03Les maisons d'arrêt acceptent tous les détenus qui sont envoyés par la Justice,
01:06et ils sont obligés de leur mettre un lit, et donc des matelas au sol quand ils n'ont plus de place.
01:11Leurs effectifs n'augmentent pas en proportion, et donc ils n'ont pas le temps matériel pour s'occuper comme ils le devraient,
01:17que ce soit les surveillants, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.
01:21En termes de réinsertion, les personnes détenues ne peuvent pas non plus travailler parce qu'il n'y a pas de place,
01:26à Belfort, il n'y a pas d'atelier, c'est-à-dire qu'une personne qui est incarcérée ne peut pas travailler sur un atelier,
01:32comme c'est le cas dans certaines autres prisons.
01:34Une fois que le problème est identifié, qu'est-ce qu'on peut faire contre cette surpopulation carcérale ?
01:39C'est un problème qui est déjà endémique.
01:41Nous avons 60 000 places, nous avions 70 000 détenus en 2022, 81 000 aujourd'hui.
01:48Vous aviez un président de la République qui, dès 2017, avait indiqué que la prison ne devait pas être le seul horizon,
01:55et nous n'y arrivons pas, ça c'est le constat.
01:57Moi je dis souvent que c'est un constat d'échec aussi, parce que la prison, elle coûte cher.
02:01Il faut que vos auditeurs sachent que c'est 105 euros par jour, donc 3 milliards d'euros par an,
02:05qui sont payés par le contribuable français pour 60% de récidive.
02:09Donc vous, vous prenez les peines de substitution ?
02:11Alors je pense qu'il faut incarcérer moins pour mieux incarcérer,
02:15c'est-à-dire qu'on ne peut pas continuer à avoir des prisons surpeuplées parce qu'on ne peut pas travailler avec les personnes qui sont incarcérées.
02:21Donc il faut en envoyer moins en prison, uniquement quand c'est nécessaire,
02:25c'est-à-dire quand il y a un risque d'atteinte aux personnes, quand vous avez un meurtre, un viol,
02:29des trafiquants de stupéfiants, je n'ai aucune difficulté avec le fait d'envoyer des gens en prison,
02:33y compris sur des peines de longue durée.
02:35Par contre, quand vous avez conduit sans permis, quand vous avez volé 100 ou 150 euros,
02:39est-ce que la prison est vraiment la solution ?
02:41Et qu'est-ce que vous répondez alors à ceux qui peuvent vous juger laxistes,
02:45ou bienveillantes avec les délinquants en leur évitant la prison ? Vous répondez quoi à ça ?
02:49Je pense que le législateur a bien fait les choses, et le code pénal est très clair,
02:53la peine doit protéger la société. Envoyer quelqu'un en prison pendant 3-4 mois,
02:57c'est donner l'illusion qu'on va protéger la société parce qu'il va perdre son travail,
03:01perdre sa famille, plus de revenus à la sortie, et ses copains les plus proches,
03:05ça va être d'anciens détenus. Et donc le risque de récidive, c'est 60%,
03:09on ne protège pas la société. Si on accompagne les personnes qui sont condamnées,
03:13si on les accompagne dans des soins psychologiques, en addiction,
03:17le nombre de personnes qui commettent des infractions parce qu'ils sont alcooliques,
03:21ou parce qu'il y a un problème de stupéfiants, est très largement majoritaire.
03:25Et c'est ce problème-là qu'il faut régler.
03:27Il y a deux visions très différentes, très claires sur le sujet.
03:29La vôtre, plus d'alternatives à l'incarcération, ou alors construire plus de prisons,
03:33c'est l'avis de votre homologue à Montbéliard, le procureur Paul-Edouard Lallois.
03:37Pour lui, aménager les courtes peines, ça a ses limites. Écoutez-le.
03:41Il faut se poser la question qu'il n'est pas nécessaire aujourd'hui de créer
03:45de nouvelles places de prison, de nouveaux types d'établissements pénitentiaires,
03:47pour pouvoir incarcérer mieux, sur de plus courtes périodes,
03:51puisqu'effectivement, les personnes qui vont aujourd'hui en prison,
03:53elles partent sur des longues peines.
03:55Les établissements sont rapidement pleins.
03:57Le temps qui va être nécessaire pour qu'ils puissent être à nouveau aménageables,
04:00les sortes de prisons, ce temps est de plus en plus long.
04:02On en a un petit peu déjà parlé.
04:04Le nouveau garde d'essau, Gérald Darmanin, veut construire plus de prisons.
04:08Une réaction, Jessica van der Schaal ?
04:10Nous sommes d'accord sur un point. Il faut construire des prisons différemment.
04:14C'est ce sur quoi j'ai eu l'occasion de travailler avant d'arriver à Belfort.
04:18Depuis 2017, nous travaillons à une prison innovante,
04:21qui est inspirée de visites que nous avons faites au Danemark,
04:24en Suisse et en Allemagne, avec d'autres collègues.
04:27Ce sont des prisons qui s'appellent les prisons insert,
04:30qui ont une capacité de 200 places,
04:32et qui vont avoir des gens qui vont travailler.
04:35Les 200 personnes qui sont incarcérées vont toutes être au travail
04:38et en formation sur ces établissements.
04:40Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que ces établissements
04:42ont commencé à être pensés en 2018,
04:44ils ne sont toujours pas ouverts.
04:46Le premier va ouvrir en 2026 ou 2027,
04:49si nous avons de la chance, du côté de Arras.
04:51Il va falloir l'évaluer, construire une nouvelle prison, c'est 10 ans.
04:54Nos auditeurs ont la parole tous les matins.
04:56Bonjour, Christine.
04:58Bonjour.
04:59Vous nous appelez de Champé.
05:01On avait une question pour vous, Christine, ce matin.
05:03Est-ce qu'on emprisonne trop facilement ?
05:06Disons que la prison n'est pas adaptée à toutes les peines.
05:12C'est-à-dire que si la personne a commis un petit délit,
05:17il devrait y avoir plus de peines de probation et plus d'alternatives.
05:21Je viens d'entendre qu'il fallait 10 ans pour construire des prisons,
05:25des prisons tout adaptées, et ça prend du temps.
05:29En attendant, c'est vrai qu'on ne peut pas laisser des détenus sur des matelas,
05:34sans travailler dans une prison.
05:36Je viens d'écouter ce que disait la procureure.
05:39J'ai appris des choses.
05:41Après, pareil, il faut qu'il y ait un suivi.
05:44Je pense que quand les gens sont mis en prison pour des faibles peines,
05:48avec des délinquants plus conséquents,
05:50ils peuvent sortir et recommettre un délit dans les six mois qui suivent.
06:00C'est le serpent qui se mord la queue.
06:02Il n'y a pas suffisamment de place.
06:04Il faut 10 ans. Je n'ai pas de solution.
06:06Je pense que ce n'est pas adapté actuellement et que ça va prendre du temps.
06:12Merci beaucoup, Christine, pour votre témoignage.
06:16Jessica Van Der Scher, procureure de la République de Belfort.
06:19Quel retour en avez-vous de ces peines de substitution dont parlait Christine ?
06:24Il y a des peines de substitution qui marchent, qui marchent beaucoup à Belfort.
06:27C'est le travail d'intérêt général.
06:29Je pense qu'au-delà de la peine, la question qu'il faut se poser,
06:32c'est comment fonctionne toute la chaîne pénale.
06:35Il ne sert à rien de se focaliser sur la peine,
06:37si la garde à vue s'est mal passée, si l'interpellation s'est mal passée,
06:40si on a jugé trop rapidement, si on a à peine survolé le dossier.
06:43Ce n'est pas le cas à Belfort, mais dans des tribunaux parisiens,
06:46vous allez avoir des audiences qui vont finir à 3h, 4h du matin,
06:49où les gens auront nécessairement survolé le dossier.
06:52Il faut penser toute cette chaîne pénale et remettre l'humain au cœur de celle-ci.
06:58À Belfort, nous avons par exemple la chance d'avoir le commissariat de police
07:01qui est en face du tribunal de Belfort.
07:03Régulièrement, nous nous rendons au commissariat pendant les gardes à vue
07:06pour déjà discuter avec les personnes qui sont en garde à vue
07:10et amener cette question de la peine,
07:12et les amener à réfléchir sur ce qu'il faut qu'elles changent sur leur comportement
07:15pour sortir de la délinquance.
07:17Merci Jessica Vandercher d'être passée dans nos studios ce matin.
07:19Je rappelle que vous êtes la procureure de la République de Belfort.
07:22Bonne journée.
07:23Merci.

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