La responsable du service jeunesse au centre socio culturel du quartier Neuhof à Strasbourg, Jamila Haddoum, revient sur les violences urbaines qui ont émaillé la nuit du Nouvel An alors que le préfet du Bas-Rhin menace de sanctions les parents des jeunes impliqués.
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00:00Comme annoncé au moment du Nouvel An, le préfet du Bas-Rhin Sébastien Serlavis pour les familles des jeunes impliqués dans les violences urbaines.
00:07« Je compte sur votre engagement pour que ces agissements ne se reproduisent plus à l'avenir »,
00:13c'est ce qu'écrit Jacques Witowski dans une lettre envoyée aux parents concernés
00:17pour leur rappeler leur responsabilité dans les actes de leurs enfants mineurs.
00:21Les familles étrangères sont convoquées en ce moment en préfecture.
00:24Les parents français sont eux encouragés à solliciter l'aide des services sociaux.
00:30Alors mettre la pression sur les parents, est-ce vraiment la solution pour mettre fin à ces violences urbaines ?
00:35Vous réagissez 0388 25 15 15.
00:38Bonjour Djamila Haddoum, vous êtes la responsable du service jeunesse pour les 11-25 ans au centre socioculturel du Neuf-Astrasbourg.
00:47Qu'est-ce qu'on ressent ? Vous devez avoir une idée quand on est papa, quand on est maman
00:51et qu'on reçoit une telle lettre du préfet à la lecture de cette lettre après la Saint-Sylvestre.
00:57Alors qu'est-ce qu'on ressent ? Je vous avoue je ne l'ai pas eu cette lettre.
01:01Par contre j'ai un petit peu regardé sur les réseaux ce qui se dit et effectivement les parents sont un peu dépités
01:08parce qu'ils ont l'impression que toute leur éducation est remise en jeu sur une seule soirée.
01:13Et en connaissance de cause, là où je peux me positionner, c'est que les adolescents, qu'on soit dans l'espace rural ou urbain,
01:23la problématique est la même, c'est que quand on a 17 ans et qu'on fait croire à nos parents qu'on est juste devant le bloc,
01:30enfin qu'il ne se passe rien, le parent fait confiance bien entendu.
01:34Finalement c'est une bonne solution de mettre un petit peu la pression sur les parents
01:39où vous pensez qu'ils n'arrivent tout simplement pas à même s'imaginer que leurs enfants sont en train de faire de tels agissements.
01:46Alors est-ce que c'est la bonne solution ? Je ne sais pas.
01:49Ce qui est sûr c'est qu'il y a de la prévention à faire en amont puisque cette lettre est venue après.
01:55Moi je sais par exemple que très peu de personnes étaient au courant qu'il y avait un couvre-feu.
02:00Moi-même j'ai été mise au courant parce que j'assiste aux réunions de préparation de fin d'année
02:06et de ma direction qui nous donne cette information.
02:09Donc on a fait notre travail nous sur le terrain mais on n'a pu informer que les personnes qui fréquentent le centre.
02:16Par contre je pense que l'info à ce niveau-là c'est possible qu'elle soit mal passée
02:20puisque 100% des personnes ne savaient même pas avec qui j'ai changé en tout cas qu'il y avait un couvre-feu.
02:26Il était effectivement interdit pour les mineurs de moins de 16 ans de circuler seul le soir du Nouvel An.
02:32On va accueillir Francis qui nous appelle. De où d'ailleurs Francis ? Soyez le bienvenu.
02:36Bonjour je vous appelle de Strasbourg.
02:38Bonjour Francis, soyez le bienvenu.
02:41Vous souhaitez donc réagir à cette lettre envoyée par le préfet
02:44aux parents dont les enfants étaient interpellés le soir du Nouvel An.
02:47C'est une bonne chose pour vous cette lettre ?
02:49Non je pense que c'est une mauvaise chose et puis surtout qu'elle n'aborde pas le problème de fond.
02:54Alors je comprends, le préfet vient d'arriver, il montre les muscles
02:58mais dans la société il y a des droits et des devoirs pour tous les citoyens.
03:02Alors le préfet rappelle les devoirs et il a raison, il faut se comporter correctement
03:07mais il oublie volontairement les droits.
03:09Emploi, logement, discrimination à l'emploi. Pourquoi ?
03:13La plupart des parents qui certains ont des situations qui sont français,
03:17n'est-ce pas qu'on appelle avec pudeur minorité visible,
03:20mais qui sont des citoyens de seconde classe dans leur propre pays,
03:23ils n'ont pas accès à l'emploi et donc financièrement ils ne peuvent pas être des exemples pour leurs enfants.
03:29Et enfin je terminerai, la différence de traitement entre des parents français et des parents étrangers,
03:34le préfet se place en dehors du droit dans cette distinction des traitements des nationaux et les non-nationaux.
03:40Donc cet insouciance ne passera pas les recours.
03:43Donc c'était ma contribution.
03:45Merci beaucoup pour cette contribution Francis.
03:47Le préfet dit effectivement ne pas s'interdire de s'intéresser à certaines situations locatives dans ses quartiers.
03:54Je reviens à vous Jamila Haddoum, vous étiez dans les rues de Strasbourg le soir du Nouvel An,
04:00vous avez assisté à certaines violences urbaines, ça vous étonne plus finalement, c'est un peu comme ça chaque année ?
04:06Ça fait plus de 16 ans qu'on occupe le territoire sur le quartier du Neof en tant que travailleur social
04:14et effectivement ça ne me choque plus mais je peux quand même constater qu'il y a de moins en moins de violences
04:20et de moins en moins de groupes, rien que sur le travail qui est fait par les différentes associations.
04:25On va vers le mieux ?
04:26On va complètement, moi je connais très bien le territoire et comme dit,
04:31on évite, au lieu d'avoir une trentaine de jeunes, peut-être qu'ils en aient plus qu'une dizaine
04:35et une fois de plus, il ne faut pas généraliser parce qu'il y a 24 600 habitants sur le territoire du Neof
04:41et tout le monde n'a pas participé à ces violences.
04:44Et je reviens juste sur les parents, le soir même, il y a une maman qui était de passage au service pour nous faire un petit coucou
04:52et je lui demande où est son fils et elle me répond qu'il était avec son copain en train de jouer à la play,
04:57qu'elle a autorisé, au moins il n'était pas dehors.
04:59Et au final, moi son fils, je l'ai vu, donc je lui dis t'appelles ton fils maintenant et tu lui dis que t'es au centre avec moi.
05:04Et il était dans les rues.
05:05Je pars encore sur cette confiance-là où les parents font confiance à leurs enfants
05:09parce que pour eux, leurs enfants ne mettent pas la cagoule, les gants et vont aller se mettre en danger, bien entendu.
05:14Qu'est-ce que vous mettez en place justement au centre socio-culturel du Neof ?
05:17Vous disiez que vos actions permettaient d'aller vers le mieux, on l'espère encore mieux ces prochaines années
05:23mais vous organisez notamment des petites fêtes, c'est ça ?
05:25Pour que les jeunes puissent se rassembler dans un cadre plus serein ?
05:29Alors complètement, on ouvre le service, il y a une collation, il y a des jeux,
05:35on fait de la prévention bien avant Nouvel An et une fois que c'est fermé,
05:40on a fermé par exemple pour 21h30, on avait une camionnette et on tournait dans les rues du quartier
05:45et on a à peu près une dizaine de jeunes, on a ramené chez eux à la maison
05:49et les parents étaient par la fenêtre dans des états parce que les jeunes ne décrochaient pas le téléphone.
05:54C'est pour remettre on va dire l'église au milieu du village et dire que les parents sont très inquiets pour leurs enfants
06:00et ils ne les négligent pas du tout, c'est juste qu'ils leur font confiance.
06:03Le préfet Dubarin qui met donc la pression aux parents, aux parents dont les enfants ont fait des bêtises
06:09le soir du Nouvel An, Cédric, bonjour !
06:12Bonjour Cédric !
06:13Bonjour Hubert, bonjour Richard Zaz, bonne année !
06:15A vous également Cédric, vous souhaitez nous dire quoi ce matin ?
06:20Est-ce que déjà la lettre du préfet est une bonne chose selon vous de mettre les parents devant leurs responsabilités comme ça ?
06:25Alors moi je trouve que c'est une très bonne chose, je veux dire à un moment il faut mettre les parents devant le faital complice,
06:30c'est leurs enfants, c'est pas les enfants de je sais pas qui, ça part d'une question d'éducation déjà.
06:35Si on part maintenant chez nos amis suisses qui est à 180 km de Strasbourg,
06:41je veux dire là-bas le principe il est là-bas depuis des décennies,
06:45si les enfants font des bêtises sur la rue, les parents sont convoqués
06:48ou les enfants sont ramenés avec la police à la maison
06:51et les parents reçoivent des amendes et doivent payer les conséquences.
06:54Cédric, vous entendez ce que dit Jamila Haddoum ce matin ?
06:58Les parents finalement n'ont aucune connaissance de ce que font leurs enfants finalement,
07:04ce sont des agissements qui sont faits complètement dans leur dos, ça vous condamne quand même ?
07:09Alors moi j'entends très bien, oui c'est condamnable, je suis désolé.
07:12Moi mes parents quand j'étais jeune, j'avais aussi des copains,
07:15j'ai habité aussi la région de Strasbourg étant petit,
07:18ils savaient exactement où on était, qu'est-ce qu'on faisait,
07:21il y a des traceurs sur les téléphones qui pouvaient être posés actuellement,
07:24ce qu'on n'avait pas à l'époque.
07:26J'avais pas intérêt à rentrer et dire que j'avais fait une bêtise,
07:30que j'étais à la police, parce que c'était peut-être notre éducation plus sévère.
07:35Mais moi je pense que ça déjà les pétards quand c'est interdit, on n'en fait pas.
07:39Moi j'habite à Blottheim ici, on n'a pas eu de problème de pétards ou de machins.
07:43Après je peux comprendre, j'ai eu des problèmes de quartier,
07:46mais pour moi non, c'est pas excusable, c'est une question d'éducation.
07:49Quand on veut des enfants, on les éduque.
07:51Merci Cédric. Jamila Haddoum, vous n'êtes pas du tout d'accord avec notre auditeur.
07:55Alors il y a le discours et il y a la réalité,
07:57moi ça fait 16 ans que je travaille avec cette tranche d'âge,
08:00et effectivement quand on parle c'est plus facile à dire qu'à faire.
08:05Et non, arrivé à un moment, à 17 ans, moi-même qui suis avec cette tranche d'âge,
08:10je pense qu'arrivé à 17 ans, mon fils, je ne vais peut-être pas lui mettre un traceur, non.
08:15Je vais partir sur de la confiance, l'aider à être autonome.
08:18Donc c'est un peu plus compliqué quand les choses sont faites derrière le dos.
08:23Je pense que tout le monde l'a déjà fait un petit peu à l'envers.
08:26Quelle est la motivation de ces jeunes qui en viennent à incendier des voitures,
08:30à prendre les forces de l'ordre à partie ?
08:32Est-ce qu'ils ont une revendication derrière ?
08:34Ils s'amusent, c'est un passe-temps ou c'est pour faire comme les copains,
08:37on participe à l'effet de groupe ?
08:39Alors je vais peut-être choquer, mais ça existe depuis des décennies dans le quartier du Neuf.
08:44Et ailleurs, je ne parle que sur le territoire que je connais.
08:46J'étais toute petite, brûler des voitures et avoir cette provocation avec la police,
08:52que je ne trouve pas normale, qu'on soit bien d'accord, ne date pas d'aujourd'hui.
08:56Et du coup j'ai l'impression que ça devient une tradition.
08:59Et en plus les réseaux sociaux qui rajoutent une couche, ça ne s'arrête pas.
09:03Mais je peux quand même dire qu'à l'époque ça commençait un mois avant, une semaine avant.
09:08Là on est sur la veille, le jour même.
09:10A mon niveau je peux dire qu'il y a une amélioration, sachant que je suis une fille du Neuf.
09:15On espère évidemment que ça ira encore avec moins de débordements
09:20pour ces prochaines célébrations de la Saint-Sylvester.
09:23En tout cas les associations font tout pour.
09:26On l'a bien entendu, vous êtes la responsable du service jeunesse 11-25 ans au centre socio-culturel du Neuf.
09:32Merci d'avoir accepté ce matin l'invitation d'ici Alsace.
09:34Merci de m'avoir invitée.