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00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe en 9h30, 11h avec Thomas Hill et deux merveilles de la nature qui
00:05nous ont rejoints dans ce studio, Héloïse Goua pour les séries. Salut, ça devient un peu redondant les compliments là.
00:10Et puis Olivier Benkemoun. Ça c'est bien la première fois. Merveilles de la nature. Le monde animal est là.
00:18Et moi je suis un déchets recyclé. J'y viens parce que c'est un bonheur d'accueillir un écrivain avec qui j'ai passé une partie de mes vacances de Noël.
00:28Alors on n'était pas ensemble autour du sapin, mais vous m'avez gentiment envoyé votre livre dédicacé.
00:32Bon vous n'êtes pas foulé pour la dédicace à Thomas Hill, amicalement vôtre.
00:37Mais là où c'est original, c'est que figurez-vous que je l'ai lu ce livre Frédéric Beigbeder.
00:44Ça c'est original.
00:44J'ai parlé des journalistes, il n'y en a pas tant que ça.
00:46Il y a très peu.
00:47Finalement, merci d'être avec nous ce matin Frédéric. Ce livre vous l'avez titré Un homme seul et cet homme seul c'est votre père Jean-Michel Beigbeder
00:55qui est décédé il y a un an et demi.
00:57Un homme seul qui avait pourtant une famille, qui avait deux garçons, qui avait une grande carrière.
01:04Un homme seul mais très entouré, c'est ça le contrat ?
01:07Oui, il faut bien trouver un titre.
01:10Je pense que derrière ce titre c'est une génération d'individualistes.
01:14C'est une idéologie de penser qu'on est seul au monde contre tous et que le monde est un combat comme ça.
01:24Et à l'époque, puisque lui est né en 1938, après la guerre, c'était la guerre froide, il y avait vraiment deux idées qui s'affrontaient dans le monde.
01:33Ça devient très sérieux, pardon.
01:35Le communisme et l'individualisme.
01:37Il y avait une idée collectiviste et une autre qui était individualiste.
01:39Et lui a travaillé toute sa vie pour les grands patrons.
01:43Vous pensez que c'est une génération qui est encore plus individualiste qu'aujourd'hui ?
01:49On peut l'être ?
01:51Non, parce que la technologie aujourd'hui augmente la solitude, l'isolement, l'égoïsme et le narcissisme.
01:57Donc non, je pense que c'est encore plus le cas aujourd'hui.
02:01C'est vrai que c'est un homme qui s'intéressait surtout à l'argent, à la bouffe, aux femmes.
02:07C'est en ça qu'il avait ce côté très individualiste.
02:11Pour mieux le comprendre, vous allez fouiller dans son enfance.
02:13Une enfance volée, ses parents l'envoient à 8 ans dans un pensionnat militaire et religieux à Sorez, dans le Tarn.
02:19Vous décrivez un endroit abominable, où votre père a connu le froid, les privations, les châtiments corporels.
02:27Vous êtes même rendu dans ce lieu vous-même, Frédéric, avec votre fils.
02:31C'est un endroit très beau, très ancien.
02:33C'est une abbaye extraordinaire avec une chapelle.
02:37Mais en même temps, on voit dans la pierre que les élèves ont gravé leurs noms avec des dates d'entrée et de sortie, comme dans une prison.
02:47En fait, ça ressemble à une prison.
02:49Quand on visite les dortoirs, c'est des dortoirs très longs, fermés à clé de l'extérieur.
02:53Les enfants étaient enfermés à partir de 19h jusqu'à 5h du matin.
02:59Et à 5h du matin, réveil, dans le froid, avec tout de suite la prière.
03:03Et voilà, ils n'avaient absolument pas le droit de parler.
03:07S'ils bavardaient, ils se faisaient taper dessus.
03:11Et les prêtres disaient, les chartreux ne parlent pas de toute leur vie.
03:17Alors, évidemment, si on doit se comparer à ça...
03:21Il va rester combien de temps dans cet endroit ?
03:25Il y rentre à l'âge de 8 ans, c'est ça ?
03:27Oui, à 8 ans, et j'ai une lettre à sa mère, que j'ai reproduite dans le livre,
03:31où il dit, non mais ça va, j'ai pas froid, maman, parce que je suis à 50 centimètres du poil.
03:37Ce genre de choses...
03:39C'est très surprenant de se dire que beaucoup de nos parents étaient élevés comme ça.
03:45Parce que c'était fréquent à l'époque, notamment dans la haute bourgeoisie,
03:48d'envoyer comme ça, de se débarrasser de ses enfants.
03:50Oui, et ça explique beaucoup pourquoi, ensuite, après la guerre,
03:54et quand ils ont grandi, ils ont voulu voyager, consommer, être libérés.
04:00Manger beaucoup, vous le dites aussi dans votre livre.
04:02Oui, il avait toujours faim, il avait toujours froid,
04:04il mettait beaucoup de couches de vêtements.
04:06Et puis après, la libération sexuelle aussi, la consommation,
04:11tout ça est né d'un désir de revanche, peut-être, de ces hommes-là.
04:16Et d'ailleurs, dénoncer ces pratiques, dénoncer ce que votre père et bien d'autres enfants ont subi,
04:20c'est aussi l'occasion pour vous d'écrire, qu'on ne me dise plus que je suis un auteur réactionnaire,
04:24je hais le monde d'avant.
04:26Oui, c'est vrai.
04:28Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas autopsier le monde présent
04:32et chercher ce qu'on peut améliorer, bien sûr.
04:36Mais revenir dans un monde où les parents exilent leurs enfants dans des prisons,
04:42alors pourquoi faire des enfants ?
04:45C'est vrai que mon père était très surpris de me voir m'occuper de mes enfants,
04:50et je pense que nous, la génération X, nous sommes les premiers à nous occuper de nos enfants.
04:58Ça n'existait pas.
05:00C'est aussi le portrait d'un homme, Frédéric Beigbeder, qui a été important, votre père,
05:05un homme important et qui ne l'est plus.
05:07Un homme d'affaires, créateur du métier de chasseur de têtes, même s'il n'aimait pas ce titre-là,
05:12un membre de la Jet Set avec de nombreuses propriétés,
05:15qui termine sa vie tout seul, sans un sou, la braguette ouverte.
05:20C'est dur d'ailleurs d'écrire ça sur son père.
05:23Beaucoup d'auditeurs qui ont des parents malades savent qu'à un moment, il y a un peu de laissé-aller à la fin.
05:31Paul Auster dit que la braguette ouverte est le début de la fin.
05:35Mais voilà, on y viendra tous.
05:38Mais c'est très dur d'écrire ça sur son père. Vous avez hésité à dire tout ça ?
05:45J'ai écrit un livre sur le deuil paternel, il y en a beaucoup en ce moment,
05:51d'ailleurs il ne faut pas qu'il y en ait trop parce que ça commence à bien faire.
05:54C'est comme si la littérature contemporaine était une compétition de traumatisme et de victimisation.
06:01Mais j'ai essayé de le faire avec humour.
06:04Vers la fin, il me demande de lui laver les cheveux.
06:08Je lui lave les cheveux, il trouve qu'il n'y a pas assez de mousse.
06:11Il me dit que c'est de la teinture, je vais me teindre les cheveux en verre, etc.
06:15Donc en fait on s'amusait quand même.
06:17Mais c'est vrai que c'est difficile le départ de quelqu'un qui vous a donné la vie.
06:22Un homme seul, c'est le titre que vous donnez à ce livre édité.
06:25Chez Grasset, on va continuer à en parler tout au long de cette émission.
06:28Et puis on va parler série aussi, je sais que vous aimez ça Frédéric.

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