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Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationale, Edouard Chanot reçoit Fabrice Sorlin, cofondateur du Mouvement international russophile (MIR) et français expatrié à Moscou.
2025, année de la paix en Ukraine, et de la victoire militaire de Vladimir Poutine ? Des tensions se font néanmoins sentir dans l’étranger proche de la Russie, avec l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Arménie, et plus au sud en Syrie. Qui est à la manœuvre et faut-il craindre une nouvelle explosion ?

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00:00Bonsoir à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises de la
00:26prospective internationale de TVL. 2025 sera-t-elle l'année du retour de la paix en Ukraine, sera-t-elle
00:32aussi l'année de la victoire militaire de Vladimir Poutine dans ce pays ? Bien sûr, bien sûr, le
00:38conflit aura laissé des stigmates et bouleversé les équilibres mondiaux. Les imitiers risquent
00:44évidemment de perdurer et des tensions se font d'ores et déjà sentir dans l'étranger proche de la
00:49Russie, en Azerbaïdjan, en Georgie, en Arménie, en Roumanie. Alors pour savoir comment la Russie
00:55perçoit les choses et bien je reçois un français de Moscou, Fabrice Sorlin. Fabrice Sorlin, bonsoir.
01:00Bonsoir Edouard.
01:01Et merci de répondre une nouvelle fois présent à l'appel de Choc du Monde. Vous êtes confondateur
01:06du MIR, rappelons-le le MIR, le Mouvement International Russophile, MIR qui veut aussi
01:11dire Paix en Russe, rappelons-le aussi. Alors je parle de paix, de paix en Ukraine, de paix en
01:16Europe de l'Est. Est-ce prématuré ou la voyez-vous enfin, ai-je envie de dire, venir ?
01:21Quand on regarde en fait, avant de parler de paix, il faut d'abord regarder la situation sur la
01:29ligne de front. La situation sur la ligne de front est telle qu'aujourd'hui la Russie avance à peu
01:35près sur toutes les zones de cette ligne-là, il ne se passe pas une journée sans que l'armée
01:39russe prenne une localité. Elle se rapproche notamment des villes stratégiques comme Prokhorovsk
01:46et donc effectivement on entend essentiellement d'ailleurs du côté occidental, on entend de plus
01:53en plus parler de cette nécessité d'arriver à la paix, avec notamment aussi l'arrivée de Trump à
01:59la Maison Blanche dans à peu près 4-5 semaines. Mais en fait cette paix elle n'aura lieu qu'à
02:07certaines conditions évidemment. Il ne suffit pas juste de parler de paix, la Russie a toujours dit
02:13qu'elle voulait engager des négociations avec les opposants à la Russie, qui en réalité n'est pas
02:23vraiment Zelensky mais les pays occidentaux qui soutiennent Zelensky, puisque Zelensky n'aura pas
02:29son mot à dire dans les négociations. Mais par contre ça ne se fera pas à n'importe quelle
02:35condition. Et aujourd'hui ce que craint la diplomatie russe, le Kremlin etc., les dirigeants
02:41en Russie, c'est que les occidentaux réclament des négociations et un gel de la situation. Non
02:51pas pour calmer définitivement et arrêter le conflit, mais tout simplement pour laisser du
02:56temps à l'armée ukrainienne de se réarmer, de se réorganiser, de se réarmer, de pouvoir
03:04réapprovisionner les stocks en munitions etc. Et ce que vous nous dites Fabrice Sorlin, c'est
03:10une répétition, en tout cas dans le point de vue russe, du scénario des accords de Minsk à la suite
03:16du conflit civil de 2014. Exactement. La Russie avait eu le sentiment d'être flouée. Ce n'est
03:22pas un sentiment, elle l'a été. Hollande en a parlé, Merkel l'a dit aussi très clairement,
03:28ils ont signé ces accords-là juste pour gagner du temps. Et ça les Russes aujourd'hui en sont
03:33conscients, donc ils ne veulent pas que ça se reproduise une troisième fois. Trop d'efforts
03:36ont été consentis, trop de sacrifices ont été consentis par l'armée russe, par le peuple russe
03:42pour que cette guerre reparte dans 10, 15 ou 20 ans. Donc les Russes iront, comme ils l'ont dit
03:47et répété, à la fois par la voix du président, mais aussi par la voix de Lavrov et par tant
03:52d'autres responsables politiques russes. Ils iront jusqu'au bout de leurs objectifs pour faire en
03:58sorte que lorsque le conflit sera terminé, il soit terminé de façon définitive. Les conditions
04:03réclamées par Moscou sont dures. Les Russes avancent. Diplomatiquement, les lignes semblent
04:13bouger, bien évidemment beaucoup plus lentement. J'aimerais qu'on revienne sur une séquence qui est
04:17passée relativement inaperçue ici en France, sans doute parce qu'elle a eu lieu à la fin du mois
04:22décembre. Sergei Lavrov refusait le 26 décembre explicitement tout déploiement de troupes
04:27européennes, même de maintien de la paix en Ukraine, et fustigeait le manque de sérieux de
04:32la France. Et puis, Dimitri Medvedev a aussi eu des mots très durs à l'égard des États européens.
04:36Je vous propose, Fabrice Sorlin, de revenir là-dessus.
05:02Le 18 novembre dernier, au sommet du G20 de Rio, Emmanuel Macron et Sergei Lavrov avaient échangé
05:15quelques mots et politesse. Mais Moscou ne semble qu'air apprécié le double langage de l'Elysée.
05:21Dimitri Medvedev, vice-président du conseil de sécurité russe, a même plaidé le 27 septembre
05:27pour que Moscou pardonne aux pays faibles ayant subi la pression anglo-saxonne, ignore les États-Unis
05:34et punisse l'Europe par tous les moyens politiques, économiques et hybrides à sa disposition.
05:41« Nous devons soutenir tout processus destructeur en Europe, vivent les émeutiers agressifs dans ces
05:47rues historiques », a-t-il ajouté. « Gloire aux foules de migrants commettant des outrages et
05:52anéantissant haineusement les brillantes valeurs européennes. Que les faces abjectes des bureaucrates
05:58européens disparaissent dans le flot des futurs affrontements civils », a-t-il conclu.
06:03Punir l'Europe et puis soutenir tout processus destructeur en Europe, vivent les émeutiers
06:13agressifs. Ce sont des mots évidemment très durs, très brutaux de la part de Dimitri Medvedev.
06:18Punir l'Europe, qu'est-ce que cela veut dire selon vous Fabrice Sorlin ? On a quand même un peu de
06:23malaise quand on entend ces mots ici, de ce côté-ci, évidemment, j'ai envie de dire du mur.
06:27Oui et puis même c'est dur à entendre pour n'importe quel Français patriote comme moi-même,
06:32même si je suis de l'autre côté du mur, c'est effectivement difficile à entendre.
06:36Mais si on regarde bien et en détail les propos de Dimitri Medvedev, en réalité,
06:40il ne parle pas d'une punition collective à l'égard des peuples européens. Il parle d'une
06:47punition contre les bureaucrates. C'est ce qu'il dit à la fin d'ailleurs de sa déclaration et il
06:52parle des bureaucrates de l'Union Européenne, des bureaucrates de Bruxelles. Il faut bien
06:57comprendre une chose, que ce soit l'élite russe ou que ce soit les Russes au quotidien,
07:02et je peux vous assurer que j'ai eu l'occasion de discuter avec de nombreuses personnes ici,
07:06tout le monde fait la distinction en Russie entre la caste politique dirigeante et les
07:13peuples européens. Aucun Russe n'a envie de rentrer en guerre avec les Européens et je
07:18pense moi en tant que Français, en tant que Français patriote qui rentre quand même assez
07:23régulièrement en France, qui a l'occasion de discuter, je vois en fait peu de Français,
07:28même quasiment aucun, qui n'a envie d'une guerre avec la Russie. En réalité, le problème vient de
07:34la caste politique européenne, française, qui elle est belliqueuse et qui veut effectivement une
07:43guerre avec la Russie. Et lorsque Dimitri Medvedev parle et donne dans sa déclaration à ces mots
07:49assez difficiles, d'abord à un moment quand même dans sa déclaration, il parle de la brillante
07:53civilisation européenne. Mais Fabrice Sorlin, n'était-ce pas un propos ironique ? Non, en fait,
07:59lorsque Dimitri Medvedev parle de la brillante civilisation européenne, il parle de la brillante
08:03civilisation européenne passée. Les Russes sont conscients que l'histoire de l'Europe, elle n'a pas
08:08commencé ces dernières années, c'est une longue histoire, une belle histoire, une histoire d'amitié
08:13d'ailleurs entre l'Europe de l'Ouest et la Russie, pas toujours évidemment, mais il y a eu aussi des
08:19très belles pages écrites entre ces deux blocs. Et Medvedev parle de cette brillante civilisation
08:25européenne parce qu'il est conscient que les Européens ne pensent pas comme la caste politique
08:31européenne. Et du reste, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la fin de son propos, il parle
08:38explicitement de la bureaucrate européenne, dont il faut voir leur face disparaître, dit-il. Et
08:48donc en fait, lorsqu'il souhaite du malheur à l'Europe, c'est avant tout envers cette caste-là
08:53qu'il s'adresse et pas du tout envers les Européens, parce que de toute façon, ça passerait
08:57extrêmement mal même en Russie. Comme je vous l'ai dit, les Russes continuent à aimer la France,
09:03continuent à aimer l'Europe de l'Ouest, en tout cas les peuples européens.
09:06Alors le moins qu'on puisse dire, c'est que cette affaire, cette affaire ukrainienne,
09:10ce conflit, cette guerre n'a pas l'air d'être finie, même si des négociations peuvent apparaître
09:16dans les prochaines semaines, dans les prochains mois. Bien sûr, on s'est toujours dit malheureux
09:21vaincus dans l'histoire, mais la Russie n'a-t-elle pas des intérêts économiques quand même avec
09:26l'Ukraine, avec l'Europe ? Couper le transit de gaz via l'Ukraine, comme on l'a vu début janvier,
09:31c'est par exemple un manque à gagner de 5 milliards d'euros par an pour Moscou, n'est-ce pas ?
09:36Alors il y a de grandes inquiétudes, mais celles-là en font partie, n'est-ce pas ?
09:39Pas pour la Russie. 5 milliards d'euros de transit de gaz, ce n'est pas un problème fondamental pour
09:46la Russie, surtout que la Russie va réussir à compenser cette perte avec de nouveaux marchés.
09:53Le monde est vaste, la Russie n'a aujourd'hui quasiment plus besoin ou même plus besoin du tout
09:59de l'Union Européenne, avec tous les problèmes économiques qu'on y rencontre dans ce bloc,
10:07pour faire de l'argent. Aujourd'hui, la Russie s'est ouverte de plus en plus à la Chine, à l'Inde,
10:18à des pays qui comptent plus d'un milliard, un milliard deux cents, un milliard trois cents
10:23mille, trois cents millions de personnes. La Russie est aujourd'hui en train de faire du
10:27commerce avec l'Asie, avec l'Afrique, avec des pays en Amérique Latine, avec le monde entier en
10:33réalité. Donc le problème, il n'est pas pour la Russie. Je répète quand même quelque chose qu'il
10:39me semble important de bien comprendre. La Russie n'est pas pressée de terminer cette guerre.
10:43Évidemment, elle aimerait la terminer le plus vite possible et voir ses soldats rentrer à la
10:47maison le plus vite possible. Mais la Russie a très bien compris qu'aujourd'hui, la guerre
10:52qu'elle menait, ou plutôt qu'on lui mène en Ukraine, c'est l'OTAN entier qui lui mène cette
10:57guerre. Et en faisant perdurer, en continuant les combats en Ukraine tel qu'elle le fait aujourd'hui,
11:02en prenant son temps, ce n'est pas juste l'armée ukrainienne qu'elle est en train de détruire.
11:07C'est la capacité de nuire de l'OTAN que la Russie est en train de détruire, puisque ce sont
11:20les armements de l'OTAN que la Russie détruit en Ukraine. Or, la Russie a un complexe militario
11:25industriel qui fonctionne extrêmement bien, qui est capable de produire plus de munitions, plus
11:29d'armes en général, plus de chars, plus d'avions que quasiment tous les pays de l'OTAN réunis.
11:36En continuant cette guerre le plus longtemps possible, le déséquilibre entre le complexe
11:41militario industriel russe et le complexe militario industriel des pays de l'OTAN devient
11:46de plus en plus grand. Je pense aussi que c'est une stratégie profonde et intelligente de la
11:52part des dirigeants russes, c'est de se dire, comme on ne fait pas la guerre à l'Ukraine,
11:58mais que c'est l'OTAN entier qu'on a en face de nous, l'idée c'est d'affaiblir les pays de l'OTAN,
12:03au moins au niveau militairement, mais aussi au niveau économiquement. Vous venez d'en parler,
12:07Edouard, avec cette affaire du gaz russe qui n'arrive plus en Europe, c'est l'augmentation du
12:14coût de la vie, évidemment, c'est la destruction du tissu. Encore plus, des pays comme la Moldévis
12:23voient leur survie remise en cause. Exactement, et on a vu l'Allemagne,
12:31le pays le plus industrialisé d'Europe, qui est en train de déporter massivement toutes ces
12:35industries ailleurs qu'en Europe pour faire en sorte de pouvoir continuer à payer les factures
12:42parce que les factures de gaz et électricité, toutes les charges deviennent insupportables.
12:47En réalité, ce qui se passe, c'est que cette guerre-là est en train d'affaiblir l'Europe
12:51de l'Ouest plus que la Russie. Nous devons continuer à élargir la perspective,
12:56si vous le voulez bien Fabrice. De nombreuses tensions ont été remarquées ces dernières
13:00semaines dans l'étranger proche de la Russie. Il y a eu un crash d'un avion de ligne azerbaïdjanais
13:05qui a fait couler beaucoup d'encre ici en France, en Occident, puisque l'accident a
13:11lieu dans l'espace aérien russe vraisemblablement à la suite d'une erreur de tir. En Géorgie aussi,
13:16l'opposition pro-européenne conteste les résultats des élections. La pression occidentale se fait
13:22aussi sentir depuis deux ans et la loi contre les ingérences étrangères. Je vais commencer par la
13:27Géorgie Fabrice Sorlin. La Géorgie peut-elle tomber selon vous dans l'escarcelle occidentale ? Peut-on
13:32voir un nouveau Maïdan dans ce petit pays du Caucase ? Rien n'est impossible mais je pense
13:40qu'aujourd'hui la tentative de révolution de couleur initiée ces derniers mois en Géorgie a
13:45échoué, totalement échoué. Pourquoi ? Parce que le parti Rêve Géorgien est un parti qui est soutenu
13:52par l'immense majorité des Géorgiens. C'est le premier point. Donc quand vous avez un parti
13:57soutenu par la majorité de la population, c'est quand même assez compliqué de le renverser.
14:04Le deuxième point c'est que le parti Rêve Géorgien est parfaitement au courant des manigances de la
14:11part des Occidentaux pour essayer d'organiser cette révolution de couleur. Aujourd'hui,
14:17le parti Rêve Géorgien, depuis le début, a toutes les connexions qu'il faut dans les
14:24organes de sécurité géorgien, aussi bien dans l'armée que dans la police, qui sont très fidèles
14:29et qui soutiennent le parti en place. Donc à partir du moment où vous avez un parti politique qui est
14:34soutenu à la fois par le peuple, à la fois par les services de sécurité, c'est quand même compliqué
14:39d'organiser une révolution de couleur. Le troisième point c'est que les Géorgiens ne veulent pas d'une
14:45guerre contre la Russie. Ils ont déjà goûté à cette guerre contre la Russie il y a quelques années
14:54au moment de la guerre en Ossétie. Ils ne veulent pas recommencer ça. Ils savent qu'ils ont besoin
15:03de la Russie pour vivre. La Russie est le principal partenaire commercial pour la Géorgie, qui n'est
15:13pas un pays riche. Donc si jamais ils rentrent en guerre contre la Russie, ce sera une guerre à la
15:17fois économique et militaire, ils n'ont aucune chance de la gagner. Et surtout, je crois que les
15:21Géorgiens ont tous vu ce qui se passait en Ukraine, ce que l'Ukraine est devenue depuis que l'Ukraine
15:26est rentrée en guerre contre la Russie. Et je crois que personne n'a envie de suivre cet exemple-là.
15:36Moi je vois Zorabishvili, qui était la présidente, a tout tenté pour organiser ce coup d'état jusqu'au
15:46dernier moment. Et quand elle a vu qu'elle n'était pas suffisamment suivie, elle a finalement quitté
15:52le palais présidentiel, alors qu'elle avait dit encore 24 heures avant qu'elle ne le ferait pas.
15:55Elle a attendu le tout dernier moment pour voir si quelque chose allait se produire. Aujourd'hui
16:00elle est partie et je pense que la révolution de couleur a été aétouée et qu'il n'y aura pas de
16:07renversement de gouvernement en Géorgie, en tout cas pas dans un avenir proche.
16:12Alors par contre, en Roumanie, la Roumanie est évidemment aussi le théâtre d'un bras de fer
16:17entre la population francophone et la population plus occidentale. Rappelons que le premier tour
16:23de l'élection présidentielle, remporté par le candidat pro-uskaline Georges Escoux, a été tout
16:28bonnement annulé en novembre par la Cour suprême. Alors là pour le coup Fabrice Sorlin, la partie
16:33semble jouer. L'Occident semble avoir au moins remporté cette bataille.
16:36Oui, effectivement. C'est très probable qu'elle ait remporté, comme elle l'avait remporté en 2020
16:42en truquant les élections aux États-Unis contre Trump. Cette fois-ci, ça semble effectivement
16:51jouer. Le candidat sorti de nulle part, en quelque sorte, n'a pas assez de soutien, même s'il a un
16:58soutien populaire très fort. Il n'a pas assez de soutien, si vous voulez, dans les services de
17:01sécurité. Il n'a pas assez de soutien dans les ramifications politiques. Il n'est pas en place,
17:06il n'a jamais été en place, donc il ne jouit pas. En fait, il n'a pas le soutien nécessaire pour
17:15pouvoir faire quoi que ce soit. Et voilà, c'est un coup de plus de la part des démocraties
17:22occidentales qui ne veulent pas voir en Europe centrale des dirigeants, pas forcément d'ailleurs
17:30pro-russes, mais juste des dirigeants pro-paix. Il y a déjà FICO, où vous avez Orban. Ils ne
17:38veulent pas que d'autres pays tombent dans l'escarcelle des pays neutres qui soutiennent
17:45un processus de paix entre la Russie et l'OTAN. Vous soulignez les partisans, ou en tout cas les
17:52alliés de Moscou au sein de l'Union Européenne, FICO, Orban. Il ne reste que peu d'États au sein
17:57de l'Union Européenne qui apportent la voie discordante que vous souhaitez. Fabrice Sorlin,
18:02il y a une faiblesse intrinsèque au sein de l'Union Européenne. Oui, mais en fait,
18:07vous dites des alliés de la Russie. Ce n'est pas tellement vrai. FICO n'est pas un allié de la
18:11Russie. Orban n'est pas un allié de la Russie. Les propos de FICO à l'égard de Zelensky étaient
18:19particulièrement durs. Il y avait quand même des bras de fer entre l'un et l'autre. Mais en fait,
18:23ce qu'ils cherchent avant tout, c'est qu'en tant que patriotes de leur pays, c'est le bien de
18:28leur pays. Et ils savent que la guerre n'est pas ce qui est souhaitable pour leur pays. Et donc,
18:33en fait, ils ne sont pas alliés dans le sens où ils travaillent pour les intérêts russes. Ils
18:39travaillent pour les intérêts de leur propre pays. Mais ça, c'est déjà trop pour les démocraties
18:43occidentales, pour l'Occident, pour les États-Unis, pour des pays comme la France et l'Allemagne.
18:48C'est déjà trop. Eux, ce qu'ils veulent, c'est des pays belliqueux, à l'image des pays baltes,
18:53par exemple, qui, eux, ont des propos toujours très durs envers la Russie, veulent un conflit
18:59avec la Russie, alors que d'ailleurs, ils n'en ont pas les moyens. C'est tout le problème aujourd'hui.
19:06C'est qu'être neutre et juste dire, nous, ce qu'on veut, c'est essayer de rapprocher les
19:12deux parties pour obtenir la paix le plus rapidement possible. C'est déjà perçu en
19:17Occident comme étant pro-russe. Et c'est ça le problème. J'ai évoqué l'Azerbaïdjan. Pendant
19:24plusieurs mois, on a souligné le rapprochement entre Bakou et Moscou. Certains évoquaient le
19:30fait que Moscou a davantage pris position pour l'Azerbaïdjan contre l'Arménie et que l'Arménie
19:35justement est tombée dans le camp occidental à la suite du conflit du Haut-Karabakh. Le crash
19:41de l'avion azerbaïdjanais il y a deux semaines a été peut-être monté en épingle en Occident
19:47par les médias occidentaux, qui ont voulu souligner une mésentente entre Bakou et Moscou.
19:52Est-ce le cas ? Est-ce exagéré ? Fabrice Sanlon, que pensez-vous de cette affaire ? Que pensez-vous
19:57de l'avenir des relations entre Moscou et Bakou, qui, je le rappelle, est essentiel parce que le
20:04corridor nord-sud initié par Vladimir Poutine passe désormais et doit passer par l'Azerbaïdjan
20:10jusqu'à l'océan Indien ? Oui, vous l'avez très bien remarqué, en fait, ça a été monté en épingle
20:18par les médias occidentaux, par l'Occident, pour essayer de créer des dissensions entre ces deux
20:24pays, entre la Russie et l'Azerbaïdjan. Et croyez-moi, cet incident, accident tragique évidemment,
20:32ne changera rien sur les accords stratégiques et l'amitié qu'il y a entre les deux pays.
20:40Les deux pays ont besoin l'un de l'autre. Les deux pays sont des pays qui se connaissent depuis
20:45très longtemps et qui ont appartenu même à la même union pendant longtemps. Il y a énormément
20:51d'Azéries qui vivent en Russie, une très grosse minorité qui vivent en Russie. Il y a des accords
20:59économiques extrêmement forts entre les deux pays et donc cet accident tragique ne changera rien,
21:05surtout que Poutine a déjà appelé le président azerbaïdjani pour lui expliquer,
21:10pour lui d'abord apporter toutes ses condoléances. Il y a une enquête qui va être en cours et
21:17l'enquête déterminera quelles sont les responsabilités et en fonction de ça,
21:23des moyens seront pris par la Russie pour soit dédommager, si c'est elle qui est à l'origine,
21:28soit de toute façon arranger les choses. Donc je ne suis pas inquiet du tout sur le futur des
21:34relations entre les deux pays, malgré le fait qu'il y ait eu cet accident.
21:38Passons plus au sud, vers la Méditerranée, vers la Syrie. La chute de Bachar el-Assad était,
21:46selon certains, synonyme de défaite pour la Russie. Mais le 29 décembre dernier,
21:52le nouveau maître du pays, l'ancien djihadiste Ahmed al-Shara, qui s'appelait Al-Jolani,
21:56a déclaré, je le cite, la Russie est un pays important, il existe des intérêts stratégiques
22:01profonds entre la Russie et la Syrie. Tout l'armement syrien est d'origine russe et de
22:06nombreuses centrales électriques sont gérées par des acteurs, par des experts russes. Nous ne
22:11voulons pas que la Russie quitte la Syrie de la manière dont certains le souhaiteraient.
22:15Moscou semble cette fois avoir gagné la bataille, en tout cas de la préchute de Bachar el-Assad,
22:25en Syrie. Comment a-t-elle pu le faire, selon vous, Fabrice Sorlin ?
22:29Elle a pu le faire de façon très simple. En fait, la diplomatie russe est respectée à travers le
22:33monde entier. Si vous sortez de l'Occident du monde, qui est en train de s'isoler du reste du
22:39monde, la diplomatie russe est respectée dans le monde entier et discute avec tout le monde. Elle
22:44discute même avec tous les groupes, que ce soit en Afrique, que ce soit en Syrie ou dans tous les
22:51pays un peu compliqués où vous avez différents acteurs qui font la guerre les uns contre les
22:57autres. La diplomatie russe a cette capacité de discuter avec tous les acteurs. Elle a remporté
23:05cette manche-là, en tout cas en Syrie, non pas après la chute de Bachar, mais déjà bien avant.
23:10Parce qu'avant déjà la chute de Bachar, elle discutait avec l'opposition. Elle avait les
23:16moyens de discuter avec l'opposition syrienne. En ayant tissé ces liens-là et en ayant la
23:23réputation d'être un pays qui tient ses promesses, qui est un pays sérieux, qui fait ce qu'elle dit
23:31et qui dit ce qu'elle fait, la Russie aujourd'hui va très probablement réussir à maintenir ses
23:37bases, ses deux bases en Syrie, grâce à son excellente réputation et à sa capacité à
23:43discuter avec tout le monde, avec tous les acteurs. C'est ça la vraie diplomatie. C'est le rôle de la
23:49diplomatie. C'est ce que malheureusement l'Europe a oublié. Aujourd'hui la diplomatie française,
23:55en tout cas, mais européenne, on pourrait dire d'une façon plus générale, est une diplomatie
24:00qui est au service d'une politique belliqueuse. La diplomatie est là pour essayer d'éviter la
24:08guerre. Les Russes ont cette capacité, ont maintenu ce savoir-faire diplomatique de pouvoir
24:15discuter avec tout le monde. Cette manche, encore une fois, elle a été remportée depuis
24:20bien longtemps, depuis des années, parce que la Russie a discuté depuis très longtemps avec
24:26l'opposition syrienne. On a le sentiment, quand on évoque toutes ces zones plus ou moins de tensions
24:33basses, moyennes ou même intenses, qu'il y a une sorte d'encerclement de la Russie qui continue
24:39de perdurer. Est-ce que vous ressentez aussi en Russie, est-ce exagéré, n'est-ce pas simplement,
24:46un peu de harcèlement ? Et puis nous l'avons évoqué avec les propos de Dmitry Medvedev un
24:51peu plus tôt dans l'émission, mais la Russie riposte aussi. D'ailleurs l'Ukraine est à certains
24:56égards une riposte, si ce n'est une offensive, une invasion, selon les dirigeants de l'Union
25:02européenne, on sent que le conflit latent entre l'Occident et la Russie continue de s'intensifier
25:09et que l'Ukraine ne sera clairement pas la fin. Oui, c'est effectivement le ressenti qu'on peut
25:15avoir, mais je pense que ce n'est pas juste un ressenti, il suffit de regarder la carte
25:19aujourd'hui et de voir les bases américaines, les bases de l'OTAN, se rapprocher de plus en plus de
25:26la Russie. Il y a une volonté effectivement de contenir la Russie, de l'encercler, évidemment
25:33c'est un vœu pieux, ça n'arrivera pas, c'est impossible d'encercler un pays aussi grand que
25:36la Russie, surtout que la Russie a beaucoup d'atouts dans sa manche. Aujourd'hui au niveau
25:43diplomatique elle est sur à peu près tous les fronts, on l'a vu avec le sommet à Kazan des
25:50BRICS au mois d'octobre dernier, on voit que la Russie est en train de tisser des accords de
25:58partenariat avec énormément de pays à travers le monde, que ce soit des accords de partenariat
26:04stratégique comme avec l'Iran, des accords militaires comme avec la Corée du Nord, des
26:11accords économiques avec la Chine, avec l'Inde ou encore des accords de coopération militaire avec
26:17plus de 40 pays en Afrique. En fait c'est impossible de la contenir, mais c'est le
26:25projet d'une partie de l'État profond américain, qui date de l'après-guerre froide, de maintenir
26:36une pression autour de la Russie pour éviter que la Russie ne devienne ce qu'elle est devenue par
26:43malheur pour eux, c'est-à-dire une véritable puissance. Ce qu'ils auraient aimé c'est la
26:47maintenir dans cet état de faiblesse dans lequel elle a été après la guerre froide. Mais aujourd'hui,
26:56force est de constater que ce projet a échoué. Alors le projet a échoué, mais je vais quand même
27:02jouer l'avocat du diable Fabrice Sorlin, le conflit en Ukraine a poussé aussi les frontières de l'OTAN
27:09plus proches encore de la Russie. La Suède et la Finlande ont rejoint l'alliance atlantique. Désormais
27:14l'OTAN est encore plus aux portes de la Russie. N'est-ce pas là un revers et un revers et non des
27:21moindres pour Vladimir Poutine ? Ce n'est pas un revers au niveau stratégique parce que le fait
27:28que ces pays-là aient rejoint l'OTAN, il y a toujours les mesures et les contre-mesures qui
27:36peuvent être prises. Maintenant, de par le fait que ces pays aient rejoint l'OTAN, et bien la mer
27:46baltique est devenue une mer nucléarisée. C'est-à-dire que la Russie va envoyer ou a déjà
27:55probablement envoyé des patrouilleurs, des sous-marins atomiques qui vont patrouiller H24,
28:03les eaux de ces mers-là, pour protéger le flanc nord de la Russie en cas d'agression.
28:10Si vous voulez, cette mesure qui a été prise par la Russie va complètement annihiler le fait que
28:18ces pays aient rejoint l'OTAN, puisqu'on va à nouveau se retrouver avec, si vous voulez,
28:23deux pays ou en tout cas des vecteurs nucléaires à cet endroit-là qui vont s'annuler et faire en
28:31sorte que de toute façon personne n'osera envoyer quoi que ce soit à l'un ou à l'autre parce que
28:35c'est la destruction assurée des deux camps. Donc selon vous, une neutralisation du problème si je
28:42vous suis bien. Nous n'avons pas encore évoqué le facteur déterminant des relations internationales
28:50pour les prochaines années, à savoir le 20 janvier prochain, la prise de fonction de Donald Trump au
28:56sein du Brunval. Il sera d'ailleurs conseillé par Mike Walsh qui souhaite réorienter la stratégie
29:02américaine de l'Ukraine, surtout vers la Chine, qualifiée de menace existentielle. Alors à vrai
29:08dire, l'ennemi ces prochaines années pour Washington ne sera-t-il pas plutôt Pékin et non Moscou ?
29:14Très probablement oui. De toute façon, c'est le tropisme des Républicains de s'en prendre plus à
29:20la Chine qu'à la Russie, alors que c'est le tropisme des démocrates d'avoir plutôt la Russie en ligne
29:27de mire plus que la Chine. Donc ce que vous dites est tout à fait vrai. Il est très probable que
29:36dorénavant, après l'arrivée de Trump au bureau Oval, la politique internationale américaine soit
29:43plutôt dirigée contre la Chine plus que contre la Russie. Plus contre la Russie, eh bien ce sera
29:50le mot de la fin. Fabrice Sorlin, merci beaucoup. Je rappelle que vous êtes cofondateur du MIR,
29:55le Mouvement International Russophile, et surtout que vous êtes l'un de nos correspondants à Moscou.
30:01Fabrice Sorlin, merci beaucoup. Merci Edouard.

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